mardi 24 septembre 2013

Nouvel article de Muriel Salmona sur le Tumblr "Je connais un violeur" sélectionné par Le Plus du Nouvel Obs 25/09/2013





C’est une façon de se libérer de la colonisation psychique opérée par l’agresseur pour rendre la victime coupable.

Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie ,

édité par  Daphnée Leportois   Auteur parrainé par Elsa Vigoureux le 24 septembre 2013




LE PLUS. "Je connais un violeur" est un Tumblr qui cherche à briser "l'image du violeur psychopathe vivant en marge de la société". En appelant aux témoignages, son auteur permet de rappeler que dans deux tiers des cas l'agresseur est un ami ou un proche, quelqu'un connu de la victime. Pour Muriel Salmona, psychiatre spécialisée dans la prise en charge des victimes, cette initiative est plus qu'utile.



Le Tumblr "Je connais un violeur", lancé le 30 août 2013 par Pauline, une jeune femme militante d’Osez le féminisme, propose à des victimes de témoigner anonymement en décrivant le portrait du (ou des) violeur(s) qui les a agressées : "Ils étaient nos amis, nos partenaires, des membres de notre famille ou de notre entourage. Nous connaissons des violeurs : laissez-nous vous les présenter."

C’est pour briser la loi du silence et le déni entourant les victimes de viol, et déconstruire les fausses représentations sur le viol et les violeurs (un viol avec un agresseur inconnu, issu d’un milieu social défavorisé, de nuit sur la voie publique ou dans un parking, sur une femme adulte sexuellement désirable, d’une réputation irréprochable, censée s’être débattue et avoir porté plainte aussitôt) que Pauline a mis en ligne ce Tumblr. Et c’est réussi.

Les témoignages affluent par centaines, près de 800 histoires bouleversantes qui montrent, conformément à de nombreuses études, que le viol n’est pas le fait divers exceptionnel que beaucoup préfèrent imaginer, mais une réalité de tous les jours, massive, commise essentiellement par des hommes, de tous les milieux sociaux, le plus souvent des proches, des membres de la famille, des conjoints, sur des victimes de tous les âges, essentiellement des femmes, dont beaucoup étaient des enfants lors de ces viols, et le plus souvent à leur domicile.

Et, au travers de tous ces témoignages, de tous ces portraits de violeurs, la réalité du viol se dessine, devient palpable, incontournable. 


Se reconnaître comme victime

La raison de ce succès ? Avant tout parce que l’anonymat donne à des femmes et des hommes une occasion inespérée de parler enfin, et de se reconnaître symboliquement comme victime, ce qui est réparateur.

Et c’est également une occasion unique de partager leur expérience avec d’autres victimes, de s’apercevoir qu’elles ne sont pas seules à avoir subi ces violences incompréhensibles, présentées par le violeur comme une exception arrivée par leur faute, et de découvrir que tous les autres violeurs avaient exactement les mêmes stratégies de prédation, les mêmes mises en scènes et propos culpabilisants. Ce partage est en soi déjà thérapeutique,
c'est d'ailleurs un des principe des groupes de parole de victimes.

De même, quel soulagement pour ces victimes de savoir qu’elles ne sont pas les seules à n’avoir pas pu crier, se débattre, ni dire non ; qu’elles ne sont pas les seules à en souffrir des années après, à ne pas pouvoir tourner la page, à avoir de nombreux symptômes handicapants ; qu’elles ne sont pas seules à n’avoir pas pu en parler, ni à porter plainte ; qu’elles ne sont pas seules à être confrontées à l’incrédulité de leurs entourage, à ne pas être crues, à être maltraitées, mises en cause, à avoir tout oublié pendant des années, à avoir des doutes, à se sentir abandonnée, rejetée, incomprise…

Et l’originalité et la force de ce Tumblr est de mettre le focus sur le violeur, sur son intentionnalité, sa stratégie, sa volonté destructrice, voire sa préméditation. C’est une façon de se libérer de la colonisation psychique opérée par l’agresseur pour rendre la victime coupable, d’échapper à des doutes taraudants et des interrogations sans fin, de remettre le monde à l’endroit :

"Il n’avait pas le droit de me faire ça, rien de ce que j’ai fait ou pas fait ne peut justifier ce crime, tout était mis en place pour que je ne puisse pas lui échapper, pour que je me sente en faute, responsable, c’est lui qui a tout fait pour me terroriser, me sidérer, me traumatiser durablement et me réduire au silence."

Décrypter et analyser les stratégies des agresseurs et leur mode opératoire est essentiel pour remettre du sens, sortir de la sidération, et comprendre ses réactions et ses souffrances comme des conséquences logiques de ce qu’a voulu mettre en place l’agresseur. De plus, découvrir les même mises en scène décrites par d’autres victimes avec d’autres violeurs est bien plus efficace pour dénoncer et identifier les violences et les mensonges que l’on a soi-même subis. Un dépôt de plainte peut en être facilité, quand c’est encore possible par rapport à la prescription (le délai de prescription est de 10 ans après les faits pour les majeurs et de 20 ans après la majorité pour les mineurs).

Réalité crue du viol

Et, de témoignages en témoignages, c’est toute la réalité crue du viol qui apparaît, et c’est salutaire. Certes, en 2013, tout le monde s’accorde sur le fait que subir un viol est grave et traumatisant, et qu’il représente une atteinte aux droits, à la dignité et à l’intégrité physique et psychique des victimes. (…)

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