lundi 31 décembre 2012

À vous toutes et à tous, pour cette nouvelle année 2013 les meilleurs vœux de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie

Variation sur un même thème ! Pour une nouvelle année 2013 pleine d'espoir pour notre lutte
pour un monde plus juste


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Un monde d'égalité, 
de droits et de solidarité
un monde où les violences 
ne seront plus tolérées ou minimisées,
 un monde où les victimes de violences, particulièrement les victimes de violences sexuelles et de maltraitances intra-familiales  
ne seront plus abandonnées, où protection, aide, soins, justice et réparation leur seront rendus


Comment est-il possible au XXIème siècle d’en être encore là ? En mémoire de Nirbhaya et de toutes les femmes victimes de viols en Inde et dans le monde




En ce dernier jour de l’année 2012 avant de vous transmettre mes vœux pour 2013, je veux me recueillir encore avec vous devant cette bougie allumée hier soir en mémoire de Nirbhaya, cette jeune femme indienne de 23 ans décédée à la suite d’un viol collectif et d'actes de tortures et de barbarie atroces, et en soutien aux femmes victimes de viols en Inde et partout dans le monde. 


Et me demander une fois de plus comment est-il possible au XXIème siècle d’en être encore là ?… 

Comment aurais-je pu m’imaginer lors de mes 13 ans, et de la prise de conscience féministe que j'ai eu à cette époque que le monde en serait toujours là tant de temps après ?  Et malgré tous nos combats … 

Un monde où être née femme scelle votre destin et fait de vous une proie potentielle où que vous soyez, quselle que soit votre histoire, vos croyances, vos engagements, votre milieu d’origine, votre statut social, vos études, votre travail, votre personnalité, votre âge, votre aspect physique, etc… Destin effarant d’être un jour ou l'autre une proie, sous couvert de sexe, pour un homme ou un groupe d’hommes, et d’être injuriée, agressée, violée, torturée et tuée… d’être condamnée à vivre dans un monde de non-droits, un monde où le féminicide est omniprésent.

En France plus de 150 000 femmes (adultes et mineures) sont violées par an, sans compter toutes celles qui ont subi une tentatives de viol… Et au moins 1/3 des femmes seront agressées sexuellement au cours de leur vie.

Quelle femme n’a pas été traitée de putain ou de salope à un moment de sa vie ? Quelle femme n’a pas été agressée par un exhibitionniste ? Quelle femme n’a pas subi un baiser forcé, une main aux fesses ou sur un sein ? Quelle femme n’a pas eu à «céder» à des avances dans un contexte de contrainte, à «accepter» des actes sexuels qu’elle ne désirait pas et qu’elle n’était pas en mesure de refuser ? Quelle femme n’a pas entendu sous couvert de «désir» des mots de guerre comme je vais te tirer, t’empaler, te tringler, t’exploser, te défoncer… ? Quelle femme n’a pas été menacée ou eu très peur dans la rue, lors d’une soirée, à son travail, chez elle, d’être violée, d’être tuée… ?

Ce risque pèse sur toutes les femmes depuis leur petite enfance, un regard, une parole, un geste va très tôt leur faire comprendre qu’à tout moment elles peuvent être réduites à un objet sexuel convoité, pour être humiliées et consommées. Et un véritable bourrage de crâne s’opère sur elles avec des stéréotypes, une publicité sexiste et une pornographie mystificatrices et désastreuses qui véhiculent des images dégradées de la femme et hyper-violentes de la sexualité. 

Très rapidement les petites filles apprennent un exercice de haute voltige, totalement paradoxal, et impossible : d’un côté elles doivent être hypervigilantes et s’autocensurer sans cesse pour ne pas susciter convoitise et appétit de chasseur chez les hommes, à elles d’organiser leur protection, et de l’autre elles doivent correspondre en tout point à une proie et une esclave sexuelle qui aime ça, pour être une femme au service des hommes, sexy et «bonne à baiser», et ce le plus tôt possible, au risque sinon pour elles de ne pas être considérées par les hommes, et d'être laissées pour compte. C’est la double contrainte, quoiqu’elles fassent, elles seront toujours en défaut et responsables des malheurs qui leur arriveront. Leur culpabilité et leur honte sont organisées de mains de maître.


Traumatisées par ces violences sexuelles et sexistes répétées, sidérées, dissociées, elles se retrouvent dépossédées de leur sexualité qui est colonisée par la mémoire traumatique des agressions ( conséquences psychotraumatiques des violences) avec lors de chaque situation sexuelle charrie l'irruption d'une peur, d'une détresse, et d'images violentes ou des propos dégradants qui semblent indissociablement liés à sa propre sexualité. C'est ainsi que toute expérience de jouissance ultérieure peut devenir intolérable, au point de parfois de devoir y renoncer  puisque cette jouissance infectée par les violences pourrait faire croire que l'on jouit de sa propre dégradation ou de douleurs infligées. Tout cela est faux, bien sûr, mais la mémoire traumatique est difficile à décoder et peut paraître convaincante. Cela génère une image et une estime de soi catastrophique qui rend les victimes encore plus vulnérables, et qui peut être à l'origine de passages à l'acte suicidaires.

Nombreuses sont les femmes qui, ayant subi des violences sexuelles, se retrouvent donc à devoir composer avec une sexualité gravement traumatisée et infectée de symptômes psychotraumatiques non identifiés comme tels. Elles se retrouvent seules face à cette sexualité traumatisée et incompréhensible, et face à une société baignant dans le déni, qui ne fournit que des représentations sexuelles aliénantes construites à partir de symptômes psychotraumatiques : la vierge, la frigide, la femme passive, la nymphomane, la fille facile, la bombe sexuelle, la traînée, la salope, la prostituée, etc.

Et ces femmes victimes, mis à part les féministes, qui les défendent ?


Personne, ou presque, n’est là pour reconnaître la réalité de ces violences, leur gravité, les conséquences psychotraumatiques dramatiques sur la vie des femmes, personne ou presque pour les protéger, pour les prendre en charge, pour les soigner et pour leur rendre justice !!

Personne, ou si peu, n’est là pour demander des comptes à tous ces hommes violents qui considèrent le sexe comme une prédation, qui s’excitent à la haine contre les femmes, jouissent de leur terreur et de leur humiliation, et qui vont décharger sur les femmes toute leur réserve de violence et de désir de détruire, de torturer, voir de tuer.


Personne, ou presque, n'est là pour leur dire d’arrêter, que cela suffit, que c’est fini ces privilèges iniques et monstrueux de violer et d’agresser en toute impunité !

Et vous les hommes que faîtes vous ? Vous ne vous sentez pas concerné ? Vous n’avez pas honte ? 

Car, même si vous n’êtes pas tous des criminels violeurs, ni des agresseurs sexuels, ni des clients de personnes prostituées, combien êtes-vous à ne jamais  avoir eu cette mentalité de chasseur ? Combien êtes-vous à ne jamais avoir considéré sexuellement des femmes comme des proies interchangeables ? Combien êtes-vous à ne pas avoir traité une fois une femme de salope ou de putain ? Combien êtes-vous à ne jamais avoir fait pression pour obtenir un rapport sexuel, à ne jamais avoir considéré que la femme que vous "aimiez" vous appartenait ? Combien êtes-vous à ne pas être intervenu, ni à avoir pris la défense d’une femme qui subissait sous vos yeux des violences sexistes et /ou sexuelles en considérant que ce n’était pas si grave, que c’était des plaisanteries, de la drague un peu lourde ou qu’elle l’avait bien cherché ? Combien êtes-vous à ne pas vous être senti frustré et en colère face à une partenaire qui se refuse à vous, sans prendre en considération ses droits et ce qui la motive, sans réfléchir que si elle a si peu envie c’est qu’elle a des raisons et que toutes les violences qu’elle a déjà subi pèsent d’un grand poids sur sa sexualité, et qu’il faudrait plutôt que de lui en vouloir, se révolter contre toutes ces violences que subissent les femmes ? Combien êtes-vous à ne jamais avoir regardé d’images ou de films porno, sans vous préoccuper du message véhiculé et surtout sans vous préoccuper de la réalité de ces actes filmés, et du fait qu’il s’agit de vraies personnes qui subissent cela ?…

Et pour 2013 ?

Pourquoi laissez-vous les femmes à organiser toutes seules ou presque leur lutte contre ces crimes sexuels ? Pourquoi êtes-vous si peu nombreux à agir contre ces violences et à combattre tous ces stéréotypes ?

Pourquoi vous ne vous engagez pas à agir massivement pour dire NON à toutes ces violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes ? À dire qu’il n’est plus question de les tolérer, ni de les minimiser ? À dire que vous ne voulez plus de ce sexe là, colonisé par des violences et par de la haine qui est une atteinte très grave aux droits, à la sécurité, à l'intégrité et à la dignité des femmes ? À soutenir la campagne Abolition 2012 ? Pourquoi vous ne dites pas partout, sur tous les médias que cela vous fait horreur ! 


CHANGEZ VOS MENTALITÉS ! FAITES ENTENDRE VOS VOIX ! INDIGNEZ-VOUS ET DÉNONCEZ ! SIGNEZ LES PÉTITIONS ET LES CAMPAGNES ! MANIFESTEZ ! LUTTEZ SANS RÉPIT CONTRE CES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES ! INTERVENEZ AUPRÈS DES HOMMES VIOLENTS ! BOUGEZ-VOUS, QUOI !!!!!


DITES HAUT ET FORT QUE VOUS VOULEZ D’UNE AUTRE SEXUALITÉ FAITE DE RESPECT ET DE DÉSIRS PARTAGÉS, UNE SEXUALITÉ EXEMPTE DE VIOLENCES !
Ces violences sexuelles, ces féminicides sont un scandale humain indigne de sociétés démocratiques qui se prétendent égalitaires. Ils sont une question de droits fondamentaux et de justice universelle. 

Et tous ceux qui ne veulent pas renoncer à une rencontre véritable et à l'amour, et heureusement ils existent, doivent se battre pour sortir de ces schémas réducteurs et emprisonnants. Pour les femmes bien sûr, mais également pour les hommes qui pourraient y gagner beaucoup, en étant dans une vraie relation avec  leur partenaire et en récupérant une sexualité non traumatique, enfin libre, avec un plein accès à des désirs et un plaisir réciproques et partagés.



Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie

Pour en savoir plus :

Pour en savoir plus consultez le site : http://www.memoiretraumatique.org
et les articles Mémoire traumatique et conduites dissociantes paru chez Dunod en 2012 : http://www.stopauxviolences.blogspot.fr/2012/03/dernier-article-de-muriel-salmona-avec.html
les articles La nausée… et La victime c'est la coupable…
le communiqué de presse de l'association sur le verdict du procès des viols collectifs rendu par le  tribunal de Créteil, l'article En réponse aux pro-prostitution
L'article Abolir le système prostitueur c'est réaffirmer les droits humains avec Sandrine Goldschmidt, Anne Billow, Typhaine Duch, Annie Ferrand et moi-même
et le Scoop-it sur la prostitution de Fée Ministe
le manifeste et la campagne pas de justice pas de paix
Pour signer le manifeste Violences et soins : pour que les victimes de violences soient enfin protégées, pour qu'elles reçoivent des soins appropriés et pour que leurs droits soient respectés : http://www.stopauxviolences.blogspot.fr/2012/06/nous-accusons-manifeste-petition-signer.html




vendredi 28 décembre 2012

Article dans Grazia : Victimes de viols : photothérapie sur le projet de Grace Brown Unbreakakable project + interview de Muriel Salmona





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Article de Chloé Aeberhardt dans le magazine Grazia sur le projet artistique porté par une jeune Américaine Grace Brown (20 ans) :

"Unbreakable Project"



L'idée : prendre en photo des victimes de violences sexuelles tenant dans les mains une pancarte avec une citation de ce que leur a dit leur agresseur au moment des faits. 


voir son site : 



Au départ, la photographe, Grace Brown, pensait réaliser un projet confidentiel avec ses connaissances et amis victimes d'agression sexuelle. Au bout de deux semaines, sa boîte mail était inondée de centaines de messages de personnes souhaitant participer. Time Magazine a sélectionné son blog parmi les 30 à "suivre".



+ interview de Muriel Salmona

psychiatre et présidente 
de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie (memoiretraumatique.org)

‘Un retour à l’envoyeur essentiel»



Les victimes de violences sexuelles se rappellent-elles toujours des phrases assassines prononcées par leur agresseur?
Non seulement elles s'en souviennent, mais elles ont du mal à s'en débarrasser. Ces phrases s'inscrivent dans leur mémoire traumatique et reviennent en boucle au point de devenir leur propre production. Une femme à qui on dit  "Tu ne vaux rien" finit par croire que ce jugement est le sien. Cette violence psychologique est une forme de torture qui organise la culpabilité, le silence et la complicité des victimes.

Un projet artistique comme Unbreakable remplit-il un rôle thérapeutique?
Absolument. Démonter la manipulation psychologique de l'agresseur est essentiel dans le processus de reconstruction des victimes. En tant que psychiatre, mon rôle est de les aider à identifier ces phrases pour qu'elles puissent ensuite les rejeter.

Êtes-vous surprise qu'autant de victimes se portent volontaires pour être photographiées?
Non, car cela doit les soulager énormément. Unbreakable leur offre la possibilité d'un retour à l'envoyeur : par effet de miroir, elles renvoient à l'agresseur des phrases qui ne leur appartiennent pas et qui pourtant leur ont pourri la vie. Le bénéfice peut aussi être grand pour les victimes qui consultent le blog sans nécessairement se faire prendre en photo : en découvrant les phrases des autres, elles mettront peut-être le doigt sur les leurs.

interview de Chloe Aeberhardt





dimanche 2 décembre 2012

Vous avez dit droits des femmes ? En réponse aux mesures proposées par le Comité Interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012, communiqué de presse de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie


En réponse aux mesures proposées par le Comité Interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 

Communiqué de presse de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie 
Dre Muriel Salmona, psychiatre et psychotraumatologue, présidente de l'association
le 2 décembre 2012



Vous avez dit droits des femmes ? 
Et que faites-vous du droit à la santé et à l'accès à des soins spécialisés des femmes victimes de violence ?
 Et de leurs droits à une justice digne de ce nom, à une véritable protection et à des réparations ?


Rien comme toujours ! 
Le Comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 a présenté une série de 6 mesures dont une pour "Protéger les femmes contre les violences". Comme à l’accoutumée la question des soins spécialisés à offrir aux victimes de violences est passée à la trappe. 

Pourtant ce n'est pas faute d'avoir transmis tous les informations, documents, études, recherches sur ce thème depuis juin 2012 et demandé un rendez-vous, mais je n'ai eu droit à aucune réponse à mes nombreux mails de la part du ministère des Droits des femmes et à l'égalité : mon expertise, mes travaux, les études internationales, toutes les actions et la campagne Violences et soins de l'association avec de nombreux témoignages de victimes de violences ne semblent pas avoir de valeur, ni même mériter la moindre attention, pas même une réponse !

Le Comité Interministériel n'aborde pas la nécessité impérative de proposer des soins spécialisés gratuits par des professionnels formés à la psychotraumatologie et la victimologie pour toutes les victimes de violences, sans oublier les enfants témoins de ces violences, il n’aborde pas la nécessité de former en urgence des médecins à la psychotraumatologie et de mettre en place sur tout le territoire des centres de soins spécifiques.  Pire, il prévoit une mesure pour "placer la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes au cœur de la démocratie sanitaire", dans laquelle il déplore en toute incohérence, sans faire aucun lien avec les violences qui en sont presque toujours à l'origine, la fréquence des conduites à risque des plus jeunes (mise en danger, conduites addictives), les problèmes de surpoids et les troubles alimentaires, les pathologies cardio-vasculaires et les dépressions (qui sont une fois et demi à deux fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes). Il prône pour lutter contre ces problème de santé la mise en place de stratégies de prévention, de sensibilisation et d’information dès le plus jeune âge, avant l’exposition aux risques. Se demander pourquoi les femmes sont plus exposées à ces risques, ce serait trop leur demander ? Peut-être pensent-ils que les femmes sont plus sujettes à ces problèmes par nature ? De qui se moque-t-on ?

Nous rappelons que de nombreuses études scientifiques internationales, publiées depuis plusieurs années dans de grandes revue à comité de lecture, telles que celles de Felitti et Adda en 2010 (relayées par l'Organisation Mondiale de la Santé en 2010) démontrent qu'avoir subi des violences est un des déterminants principaux de l'état de santé d'une personne, et représente un des principaux facteurs de risque de présenter de nombreuses pathologies psychiatriques (troubles anxieux, dépressions, suicides, addictions, conduites à risque, troubles du sommeil, troubles alimentaires, troubles cognitifs…), cardio-vasculaires (article dans Circulation, journal de l'American Heart Association !) , pulmonaires, endocriniennes (diabète), neurologiques, maladies auto-immunes ... et de subir à nouveau des violences ou d'en commettre.

L’absence de soin aux victimes de violences est donc un véritable scandale de santé publique et représente pour elles une perte de chance de vivre en bonne santé et en sécurité. Il s'agit donc d'une grave atteinte à leurs droits. Et cette absence de protection et de soins associée à l'absence de justice et de réparation rendues aux victimes (les crimes que sont les viols font l'objet de moins de 8% de plaintes, plus de 50% sont correctionnalisés c'est à dire transformés en agressions sexuelles, et seuls 1,5 % des viols feront l'objet d'une condamnation) démontrent le peu de cas  qu'on fait des violences sexuelles et des maltraitances en général.

C'est donc une désastreuse manie que d'abandonner sans soin et sans protection les victimes de violences et de les obliger à survivre, seules, en mettant en place des stratégies d'auto-traitement de leurs troubles posttraumatiques très coûteuses et handicapantes (conduites d'évitement, de contrôle, d'hypervigilance, et conduites à risque dissociantes) que l'on ne manquera pas ensuite de déplorer (ce que fait le comité interministériel !), voire de leur reprocher en leur faisant la leçon ! 

Pourtant les violences, et plus particulièrement les violences intra-familiales et les violences sexuelles, ont un coût humain et social très lourd. Elles entraînent, en plus des coups et blessures, de lourdes conséquences sur la santé psychique et physique par l'intermédiaire de conséquences psychotraumatiques, avec des atteintes neurologiques visibles sur des IRM. Ces conséquences psychotraumatiques sont très fréquentes, présentes dans plus de 60% des cas pour les violences conjugales, dans plus de 80% des cas pour les violences sexuelles. Elles s'installent pendant des années, des dizaines d'années voire toute la vie, avec la mise en place d'une mémoire traumatique qui transforme la vie des victimes en une torture permanente si des soins ne sont pas mis en place. 

Sortir du déni, protéger et soigner les victimes de violences est donc une urgence de santé publique. Ces conséquences psychotraumatiques sont encore trop méconnues, alors que leur prise en charge est efficace. Elle doit être la plus précoce possible. En traitant la mémoire traumatique, c'est à dire en l'intégrant en mémoire autobiographique, elle permet de réparer les atteintes neurologiques, et de rendre inutiles les stratégies de survie. Il est donc essentiel de protéger les victimes de violences et d'intervenir le plus tôt possible pour leur donner des soins spécifiques, il s'agit de situations d'urgence pour éviter la mise en place de troubles psychotraumatiques sévères et chroniques qui auront de graves conséquences sur leur vie future, leur santé, leur scolarisation, leur vie professionnelle, leur socialisation, et sur le risque de perpétuation des violences. Il est nécessaire de sensibiliser et de former tous les professionnels de l'enfance, des secteurs médico-sociaux, associatifs et judiciaires sur les conséquences psychotraumatique des violences. 

La prévention des violences passe avant tout par la protection et le soin des victimes.

Dre Muriel Salmona,


Pour en savoir plus consultez le site : http://www.memoiretraumatique.org
et les articles Mémoire traumatique et conduites dissociantes paru chez Dunod en 2012 : http://www.stopauxviolences.blogspot.fr/2012/03/dernier-article-de-muriel-salmona-avec.html
et Lutter contre les violences passe avant tout par la protections des victimes    : http://blogs.mediapart.fr/blog/muriel-salmona/100711/la-violence-nest-pas-une-fatalite-et-lutter-contre-les-violences-pas

Pour signer le manifeste Violences et soins : pour que les victimes de violences soient enfin protégées, pour qu'elles reçoivent des soins appropriés et pour que leurs droits soient respectés : http://www.stopauxviolences.blogspot.fr/2012/06/nous-accusons-manifeste-petition-signer.html



Lettre d'une victime de multiples violences à Mme la ministre Najat Vallaud Belkacem le 01 décembre 2012 :


Je suis une femme, victime de multiples violences à tous les âges, enfant et adulte, 
non protégée par la société,
en errance thérapeutique pendant plus de trois décennies et donc, victime du système de santé français, entre autres et aussi.

Et pourtant, j'ai parlé et j'ai cherché de l'aide dès l'âge de 17 ans... je n'ai eu de cesse de chercher et j'ai fini par trouver les soins dont j'avais besoin... 36 années après !
Mon parcours de vie et mon parcours de soins sont une véritable catastrophe humaine ! 

Alors ce plan pourrait être bien MAIS... 
rien sur les soins, et leurs spécificités,
dont les femmes et les enfants victimes de violences ont tant besoin. 

Ainsi les femmes et les enfants victimes de violences sont condamnées:

- à l'errance thérapeutique, puisqu'on ne propose pas les soins spécialisés nécessaires,
Nous, les victimes, nous errons de psys en psy sans trouver ce dont nous avons vraiment besoin... 

- à subir encore et toujours plus de violences par et dans le système de santé lui-même
En ne proposant que des soins sur des symptômes et non sur les causes de ses symptômes. 
Nous, les victimes, nous subissons des diagnostics erronés et sommes soignés pour ce que vous n'avez pas alors que les connaissances sont là, ce sont des violences faites aux victimes ! 

- à survivre et non pas à vivre, 
Nous, les victimes, nous subissons des dommages considérables sur notre santé par manque de soins adaptés,

- à se sentir coupable d'être victime.
Nous, les victimes, on juge ce que nous sommes et comment nous sommes alors que nos comportements sont spécifiques aux victimes de violences et demandent des soins que le système de santé ne nous propose pas

- à se sentir sans droit et sans valeur.
Nous , les victimes, nous nous sentons sans droit et sans valeur puisqu'on ne nous propose pas les soins dont nous avons besoin. 

Tout cela n’est pas normal !
Ce n’est pas cela une société humaine !
Ce n’est pas cela une politique qui défend les droits des femmes et des enfants victimes de violences !

Les soins sont vitaux pour nous, enfants et femmes, victimes de violences, 
les conséquences psychotraumatiques des violences nous empêchent de vivre,

Pourquoi ne comprenez-vous pas cela ? 
Qu'est-ce qui fait que vous ne comprenez pas?

Il faudrait tout de même s'intéresser sérieusement à ce que nous vivons, nous les victimes de violences, à nos souffrances au quotidien... 

Les victimes de violences sont-elles donc condamnées à ne plus pouvoir que survivre?

Aidez-nous vraiment s'il vous plait...