samedi 20 février 2021

Pédocriminalité et crimes sexuels : des amnésies traumatiques fréquentes et une prescription injuste et discriminatoire StopPrescription #LevéedePrescription #metooamnésie #Imprescriptibilité

Pédocriminalité et crimes sexuels : des amnésies traumatiques fréquentes et une prescription injuste et discriminatoire

Nous réclamons une Imprescriptibilité et une levée de prescription lors d'amnésie traumatique et de crimes en série

#StopPrescription #metooamnesie 




 

Le 21 février 2021, Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’Association Mémoire traumatique et Victimologie 



Depuis l’impressionnante vague #metooinceste qui a déferlé après la parution du livre de Camille Kouchner début 2021, le garde des Seaux Eric Dupont Moretti et le secrétaire d‘État chargé de l’enfance et des familles Adrien Taquet, à la demande du président de la République, ont présenté des pistes pour changer la loi afin d’améliorer la lutte contre l’impunité des violences sexuelles. Si nous avons salué les propositions de seuils d’âge du non-consentement à 15 ans et à 18 ans en cas d’inceste (PPL d'Isabelle Santiago votée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 18 février 2021) et de prescription glissante en cas de crimes en série, nous regrettons que l’imprescriptibilité ait été rejetée et que la levée de prescription en cas d’amnésie traumatique n’ait même pas été évoquée alors que de nombreuses associations à les avoir demandées (cf notre Manifeste contre l'impunité).


Nous avons été choqué·e·s par le silence du gouvernement à propos de l’amnésie traumatique alors qu’elle concerne près de 50% des victimes d’inceste et 40% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance, et par l’argument inacceptable et fallacieux que le garde des Sceaux a avancé en prétextant que la prescription serait bénéfique pour les victimes en les incitant à porter plainte avant le couperet de la date de prescription ! Exit l’imprescriptibilité, sans aucune prise en compte de tous nos nombreux arguments et de la résolution 2330 du Conseil de l’Europe votée le 26 juin 2020 qui exhorte les États européens à supprimer la prescription pour les violences sexuelles faites aux enfants ! Tant pis pour les nombreuses victimes qui n’ont pas pu dénoncer les violences sexuelles à temps. Exit également la reconnaissance de l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable permettant de lever la prescription, sans reconnaître l’injustice faite aux victimes qui en raison d’une amnésie traumatique n’ont pu accéder à la justice pénale pour poursuivre leur agresseur (cf notre campagne Stop Prescription) 


Pourtant les connaissances scientifiques sur l’amnésie traumatique doivent être prises en compte. Ne pas la reconnaître comme un obstacle insurmontable  permettant de lever la prescription et justifiant l’imprescriptibilité entraîne une inégalité de traitement pour ces victimes les privant d’un accès à leur droit fondamental de réclamer justice pour les crimes sexuels qu’elles ont subis, de déclencher des poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, et d’en demander réparation.


Les victimes de crimes sexuels dans l’enfance sont fréquemment atteintes d’amnésie traumatique. Ce symptôme psychotraumatique qui peut durer des dizaines d’années met les victimes dans l’incapacité de dénoncer les crimes qu’elles ont subis et de poursuivre en justice leur agresseur. Quand les souvenirs reviennent et qu’elles sont enfin en état de porter plainte, il est alors souvent trop tard, les délais de prescription étant alors dépassés. 


La prescription est donc particulièrement injuste pour ces victimes qui ont une amnésie traumatique, elles ne peuvent en aucun cas être tenues pour responsables de ne pas avoir porté plainte dans les délais ; alors qu'elles n'ont pas pu le faire en raison des conséquences psychotraumatiques des graves atteintes physiques et mentales qu’elles ont subies et qui les ont privées de leurs souvenirs. De plus, cette amnésie traumatique a été d’autant plus longue qu’elles n'ont été ni protégées, ni prises en charge, ni soignées de façon appropriée du fait des manquements de l’État à ses obligations. Enfin, ces victimes privées de leurs droits, des femmes en grande majorité, sont victimes de discrimination (puisque les violences sexuelles dans l’enfance concernent dans 80% des filles et sont commises dans plus de 90% par des hommes) : la prescription des crimes sexuels est donc discriminatoire puisqu’elle porte atteinte au droit d’accès à la justice pénale de façon disproportionnée pour des femmes, qui plus est mineures au moment des faits. L’État peut être poursuivi pour cette discrimination indirecte (cf article et travaux de Benjamin Moron-Puech).


L’amnésie traumatique : de quoi s’agit-il ?


Les amnésies traumatiques complètes ou parcellaires sont un trouble de la mémoire fréquent que l’on retrouve chez les victimes de violences. De très nombreuses études cliniques ont décrit et étudié ce phénomène depuis la fin du XIXème siècle (Janet,1889), puis d’abord chez des soldats traumatisés (Myers, 1915 ; Thom, 1920, Kubie, 1943 ; Archibald, 1956), et à partir des années 1960 chez les victimes de violences sexuelles. 


Les amnésies traumatiques ont été rapportées et bien documentées par de nombreuses recherches auprès de personnes ayant vécu des expériences traumatiques, où elles ont été confrontées comme victime directe ou comme témoin ou proche (membre de la famille, ami proche) à une mort ou une menace de mort violente, à des blessures ou des menaces de blessures graves (meurtres, attentats, massacres, scènes de guerre, tortures, génocides), et à des agressions sexuelles ou des viols. 


Plus les évènements traumatiques sont graves et de nature criminelle (meurtres, tentatives de meurtres, viols), plus les victime sont jeunes, plus les amnésies traumatiques sont fréquemment retrouvées, encore plus souvent quand les violences sont perpétrées par un membre de la famille. Elles sont particulièrement fréquentes chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance.


Ces amnésies font partie des symptômes qui entrent dans la définition de l’Etat de Stress Post-Traumatique (DSM-5, 2015). Ce sont des conséquences psychotraumatiques des violences.


L’amnésie traumatique se définit donc cliniquement par l’incapacité de se souvenir en totalité ou en partie d’éléments importants d’un événement traumatisant. Cette incapacité doit être liée à des mécanismes psycho- traumatiques dissociatifs et non à d’autres facteurs comme un traumatisme crânien, la consommation d’alcool et de drogues (amnésies lacunaires), ou à des phénomènes d’oubli volontaire ou d’oubli physiologique (une étude a démontré que les personnes traumatisées ayant souffert d’amnésie traumatique ne présentaient pas plus d’oubli du trauma que celles ayant eu des souvenirs continus. Geraerts, 2006 ; McNally, 2010).


Tant que dure l’amnésie traumatique les victimes n’ont pas accès à la totalité ou à une partie des souvenirs des violences qu’elles ont subies, et cette amnésie peut durer plusieurs dizaines d’années. Les souvenirs reviennent le plus souvent de manière brutale et envahissante lors d’une situation, d’un contexte ou d’une sensation ou d'une émotion en lien avec les violences, sous la forme d’une mémoire traumatique fragmentée sensorielle, non verbale, ni contrôlée ni intégrée (flash-backs, cauchemars), faisant revivre les violences à l’identique avec la même détresse et les mêmes sensations. Constituer ces souvenirs en récit est un processus progressif qui peut prendre plusieurs années.



Le mécanisme non conscient à l’origine des amnésies traumatiques est neuro-pathologique, lié au stress extrême déclenché par le traumatisme et ses réactivations. Le cerveau pour échapper aux risque vital lié au stress extrême (risque cardio-vasculaire et neurologique) déclenche des mécanismes neurobiologiques de sauvegarde qui font disjoncter le circuit émotionnel et celui de la mémoire qui y est associé (circuit limbique), et entraînent une anesthésie émotionnelle et physique en produisant des drogues dures morphine et kétamine-like (Lanius, 2010) à l’origine d’une dissociation traumatique, avec amnésie traumatique et mémoire traumatique. Les souvenirs n’étant plus connotés émotionnellement sont perdus dans une sorte de brouillard qui les rend inaccessibles. 


Tant que la victime reste exposée à de nouvelles violences, à l’agresseur et à ses complices, le mécanismes dissociatif de sauvegarde reste enclenché et la victime continue à être amnésique. Quand elle est enfin protégée et n’est plus exposée à l’agresseur, elle sort de son état dissociatif ; à partir de ce moment tout lien avec les violences est susceptible de déclencher sa mémoire et de lui faire revivre les violences de façon consciente avec toute la charge émotionnelle qui y est liée.


Dans toutes les études internationales et nos enquêtes on retrouve que près de 4 victimes de violences sexuelles dans l’enfance ont présenté des amnésies traumatiques et 60% des amnésies parcellaires (Brière, 1993 ; Williams, 1994 ; WIndom, 1996 : IVSEA, 2015 ; MTV/Ipsos 2019). Pour plus d’1/3 de ces victimes l’amnésie a duré plus de 20 ans.


En dehors des meurtres, attentats, massacres, scènes de guerre, tortures, génocides, les violences sexuelles sont les plus grandes pourvoyeuses d’amnésie traumatique, particulièrement celles subies dans l’enfance. Ces violences sexuelles concernent en très grandes majorité des femmes (plus de 80% des filles pour les violences sexuelles dans l’enganes, et plus de 90% de femmes pour les violences sexuelles à l’âge adulte).


Les amnésies traumatiques lors de violences sexuelles dans l’enfance sont d’autant plus fréquentes que les victimes étaient très jeunes (56% quand âgées de moins de 10 ans), qu’elles ont subi des viols (47%), que les violences sexuelles étaient répétées, et que les agresseurs étaient des membres de la familles (52%) comme le montre les résultats notre enquête « violences sexuelles dans l’enfance » menée par Ipsos en 2019.

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Les amnésies traumatiques sont donc un facteur de sous-évaluation des violences sexuelles et de perte de chance pour les victimes. Elles constituent un obstacle à ce que la victime soit protégée et puisse mettre en route l’action publique, et devraient pouvoir être reconnues comme des obstacles insurmontables entraînant une suspension du délai de prescription. Elles justifient également une augmentation du délai de prescription, mais s’il n’y a pas d’imprescriptibilité ces délais seront toujours insuffisants pour permettre à toutes les victimes de pouvoir porter plainte.


Il est évident que l’amnésie traumatique dissociative représente un obstacle majeur pour que soient respectés les droits des victimes à être protégées et à porter plainte.


Les plaintes en cas d’amnésie partielle aboutissent souvent à des classement sans suite (pour rappel, 74% des plaintes pour viol sont classées sans suite, infostat Justice 2018) en raison d’un récit que les enquêteurs ne trouvent pas suffisamment cohérent. Ils interprètent les troubles dissociatifs comme des éléments mettant en cause la crédibilité de la victime, ou comme la preuve, puisque la victime dissociée semble indifférente, que les violences alléguées n’ont pas traumatisé la victime (alors que c’est l’inverse), le procureur ayant l’opportunité des plaintes.


En cas d’amnésie totale et de retours des souvenirs, les souvenirs retrouvés sont souvent considérés comme de faux souvenirs et donc de fausses allégations (alors que les fausses allégations sont très rares), partant de l’idée fausse par méconnaissance des psychotraumatismes, qu’il est impossible de ne pas se souvenir de violences aussi graves que des violences sexuelles. 


Si la victime n’a pas bénéficié d’un bon accompagnement juridique et d’une prise en charge psychothérapique de sa mémoire traumatique, le récit sera également considéré comme trop fragmentaire et incohérent pour être utilisable et la plainte sera classée sans suite.


Lors du recouvrement des souvenirs, l’explosion de la mémoire traumatique peut être telle qu’elle est prise pour une bouffée délirante ou une entrée dans une psychose et fait l’objet de lourds traitement neuroleptiques ; lors de la plainte la victime sera considérée comme psychiatrique et il existe un risque important que son récit ne soit pas considéré comme crédible et que la plainte soit classée sans suite.


De plus, les amnésies traumatiques sont responsables de plaintes tardives, considérées comme difficiles à traiter sur le plan judiciaire, se résumant à enquêter sur paroles contre paroles si l’agresseur nie les faits, ce qui entraîne fréquemment des classements sans suite. Cela ne devrait pas être le cas, les enquêtes pouvant recueillir des faisceaux d’indices graves et des preuves médico-légales concordants tout à fait suffisant pour instruire la plainte (récit détaillé, parcours scolaire et personnel de la victime, carnet de santé, troubles psychotraumatiques typiques, journal intime, photos, personnes à qui la victime a parlé, témoins, autres victimes, stratégie de l’agresseur, etc.) .


Vu le temps nécessaire aux victimes de violences sexuelles pour recouvrer leurs souvenirs, traiter leur psychotraumatisme et accéder à un récit cohérent, il est souvent trop tard, les délais de prescription sont dépassés. Actuellement les délais sont, pour les majeur·e·s, de 20 ans pour les viols et de 6 ans pour les agressions sexuelles, et pour les mineur·e·s de 30 ans après la majorité pour les viols et de 20 ans après la majorité pour les agressions sexuelles si elles sont commises sur des mineur·e·s de 15 ans et si elles sont accompagnées de circonstances aggravantes, et de 10 ans après la majorité pour les agressions sexuelles sur mineur·e·s de plus de 15 ans sans circonstance aggravante (il est toujours possible, même si les viols ou les agressions sexuelles sont prescrits, de signaler les infractions au procureur de la République, qui, si vous lui faites part de votre conviction qu’il y a d’autres victimes pour qui les faits de violences ne sont pas prescrits, ou s’il retrouve d’autres signalements concernant le même agresseur, pourra décider de déclencher une enquête).


Si les personnes ayant retrouvé des souvenirs portent plainte pour ces violences sexuelles auprès des autorités, les professionnels de la police, de la gendarmerie et de la justice doivent rechercher, comme pour des souvenirs continus, des preuves et des faisceaux d’indices pour les corroborer.

 

Si les viols ou les agressions sexuelles sont prescrits quand la victime a retrouvé ses souvenirs et a pu enfin produire un récit cohérent de ce qu’elle a vécu pour pouvoir porter plainte, l’amnésie traumatique devrait être reconnue comme un obstacle majeur suspendant la prescription pour permettre à la victime d’exercer ses droits à déclencher une action publique : Art. 9-3. « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription » (la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale,).


Les amnésies traumatiques dissociatives qui peuvent durer 10, 20, 30 et plus de 40 ans sont une des raisons majeures pour que nous réclamions une imprescriptibilité des crimes sexuels et des agressions sexuelles accompagnées de circonstances aggravantes.


Les délais de prescription sont donc particulièrement injustes pour les victimes de violences sexuelles. Ils ne prennent en compte ni l’ampleur de ces graves violation des droits humains, ni les lourdes atteintes à la dignité et à l’intégrité physique et mentale des victimes, ni les lourdes conséquences à long terme sur leur santé, ni leur caractère sexiste et discriminatoires, ni leurs répercussions sur la société toute entière.


Dre Muriel Salmona, 

psychiatre, psychotraumatologue, présidente et fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, membre du Comité scientifique de la Chaire Internationale Mukwege et auteure du Livre noir des violences sexuelles paru chez Dunod, 2ème édition 2018

drmsalmona@gmail.com

https://www.memoiretraumatique.org



À lire mon article sur les propositions « Pour mieux lutter contre l’impunité de la pédocriminalité sexuelle : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202012_Lutter_contre_impunite_pedocriminalite_sexuelle_web.pdf


Campagnes et Manifestes #StopPrescription :

  • Campagne vidéos et notre Manifeste #StopPrescription : https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2020-stop-prescription-2020.html initiée en juin 2020 par des responsables d’association, militant.e.s et personnalités engagées : Sarah Abitbol (patineuse professionnelle, autrice), Nadège Beausson-Diagne (actrice, autrice, réalisatrice), Andréa Bescond (comédienne, scénariste, réalisatrice, autrice), Arnaud Gallais cofondateur du collectif Prévenir et protéger, Mie Kohiyama présidente de Moiaussiamnésie, Marie Rabatel présidente de l’AFFA Association Francophone de Femmes Autistes, Dre Muriel Salmona, présidente de Mémoire Traumatique et Victimologie, et nous ont rejoint Vanessa Aiffe Ceccaldi (actrice), Philippe Bizot, Adélaïde Bon (comédienne, autrice), Sandrine Martins (militante féministe contre les violences sexuelles), et accompagnés de vidéos de témoignages de victimes d'amnésie traumatique suite à des violences sexuelles dans l’enfance réalisées par Guy Beauché.
  • Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels de l'association Mémoire traumatique et victimologie: https://manifestecontrelimpunite.blogspot.com avec ses 8 mesures pour lutter contre l’impunité avec 29 associations qui l’ont co-signé et sa pétition https://www.mesopinions.com/petition/justice/stop-impunite-crimes-sexuels/35266 soutenue par plus de 106 300 signataires.
  • Manifeste pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels de l'association Mémoire traumatique et victimologie:https://manifesteimprescriptibilite.blogspot.com avec 28 associations qui l’ont co-signé et sa pétition : https://www.mesopinions.com/petition/justice/imprescriptibilite-crimes-sexuels/25896 soutenue par plus de 44 300 signataires.



Pour en savoir plus sur l’amnésie traumatique :



Et au niveau juridique sur l'amnésie traumatique comme obstacle insurmontable


Pour en savoir plus sur les violences sexuelles :


  • Le psychotraumatisme du viol : des conséquences majeures à long terme sur la vie et la santé des enfants victimes Conférence introductive de Muriel Salmona pour la 2ème journée du 1er Congrès de la chaire internationale Mukwege, Le 14 novembre 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-psychotraumatisme-du-viol-chaire-Mukwege.pdf




Enquêtes et rapports :



  • Enquête AMTV/Ipsos : « Violences sexuelles dans l’enfance » Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les Français.es et le projet de loi sur les violences sexuelles concernant les muneur.e.s Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2018, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les représentations des français.es sur le viol 1 et 2  Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2016 et 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;


  • Enquête CSF, « Contexte de la sexualité en France de 2006 », Bajos N., Bozon M. et l’é- quipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés, 445, mai 2008.
  • Enquête CVS Insee-ONDRP, Cadre de vie et sécurité de l’Observatoire national de la dé- linquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France 2012 – 2017.
  • Enquête IVSEA, « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », conduite par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, 2015, Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites http://www.memoiretraumatique.org.
  • Enquête VIRAGE INED « Premiers résultats sur les violences sexuelles » : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al., Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages.
  • Infostats Justice, « Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n° 160, 2018.
  • Infostats Justice, « Les condamnations pour violences sexuelles », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n°164, 2018.
  • REDRESS, « Réparation pour viol, Utiliser la jurisprudence internationale relative au viol comme une forme de torture ou d'autres mauvais traitements », 2013., disponible à l’adresse suivante : www.redress.org
  • World Health Organization, « Global Status Report on Violence Prevention », Genève, WHO, 2014, 2016. OMS. INSPIRE : Sept stratégies pour mettre fin à la violence à l’encontre des enfants : résumé d’orientation. Genève, Suisse : OMS 2016.


jeudi 11 février 2021

Tribune collective publiée dans qLibération le 10 février 2021 VIOLENCES SEXUELLES : L’HEURE DE LA TOLÉRANCE ZÉRO A SONNÉ


 VIOLENCES SEXUELLES : 

L’HEURE DE LA TOLÉRANCE ZÉRO A SONNÉ


TRIBUNE COLLECTIVE publiée par Libération le 10 février 2010


par : Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, Corinne Leriche, enseignante et mère de Julie, Arnaud Gallais, fondateur du collectif Prévenir et Protéger, Andréa Bescond, réalisatrice, Sarah Abitbol, patineuse artistique et autrice de “Un si long silence”, Mié Kohiyama, présidente de MoiAussiAmnesie, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, ex-membre de la Parole libérée et coach, Eric Metayer, metteur en scène et réalisateur et Anne-Lucie Domange-Viscardi, fondatrice du blog «La génération qui parle»


publié le 10 février 2021 à 7h02


De #JusticePourJulie à #MeTooInceste, il est urgent de faire converger les luttes pour mieux protéger les enfants. Un collectif demande un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste, l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs et une reconnaissance de l’amnésie traumatique.



Ce mercredi, la Cour de cassation examine la demande de requalification en «viols sur mineurs» de faits d’atteinte sexuelle commis sur Julie Leriche par des pompiers quand elle avait 14 ans.

Seuls trois pompiers ont été renvoyés devant un tribunal correctionnel alors que Julie a expliqué avoir été victime de viols collectifs de la part de 20 pompiers adultes. Aujourd’hui âgée de 25 ans, Julie a subi un véritable calvaire : outre les traumatismes liés aux viols, ceux provoqués par une procédure judiciaire infiniment maltraitante qui l’ont conduite à faire plusieurs tentatives de suicide, dont l’une l’a laissée handicapée à 80 %.

Expertise, auditions à charge, cette affaire est à l’image du déni de justice et de la culture du viol que subissent de nombreuses victimes de violences sexuelles sur mineur·e·s et qui explique l’impunité majeure de ces crimes.


Trois semaines après la campagne #MeTooInceste (environ 80 000 tweets de victimes d’inceste), au cours de laquelle l’ampleur de ce fléau est apparue au grand jour, l’arrêt de la Cour de cassation sera scruté à la loupe. Personne ne peut imaginer que ses juges prennent le risque d’une décision hors-sol qui ne tiendrait pas compte de la situation de détresse et d’abandon de Julie, ainsi que de toutes les victimes de pédocriminalité et d’inceste.

Chaque année en France, 165 000 enfants sont victimes de viols ou de tentatives de viol. L’inceste concerne 6 millions de Français, soit deux enfants par classe (ce chiffre est à multiplier par deux en prenant en compte l’ensemble des victimes de violences sexuelles sur mineur·e·s). Seuls 4 % des victimes de viols sur mineur·e·s déposent plainte. Moins de 1 % de l’ensemble des viols aboutit aux assises. Plus de 74 % des viols sont classés sans suite et la moitié des viols instruits sont déqualifiés, correctionnalisés (Infostat justice 2018). Selon le Conseil de l’Europe, un enfant sur cinq est victime d’abus dans son enfance, soit 20 % de la population. Autant de futurs adultes qui auront du mal à se construire, ne réussiront pas leur vie, se suicideront ou deviendront eux-mêmes bourreaux.

Cette situation ne peut plus rester en l’état.

Les violences sexuelles sur les mineur·e·s sont aussi des violences sexistes et discriminatoires qui s’exercent dans le cadre d’une domination sur les plus vulnérables. Les filles et enfants en situation de handicap subissent quatre fois plus de violences sexuelles.

Le président de la République a lui-même reconnu l’urgence de la situation et la nécessité de mesures permettant un changement radical. Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, et le secrétaire d’Etat à l’Enfance, Adrien Taquet, ont entamé des consultations visant à étudier les possibilités de faire évoluer la législation pour mieux lutter contre l’impunité de la pédocriminalité et de l’inceste.

Associations, expert·e·s, personnalités et victimes sommes également uni·e·s dans une convergence des luttes pour mieux protéger les enfants de notre pays.

L’affaire de Julie rappelle notamment l’urgence d’instituer un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste, de rapport d’autorité et de handicap majeur avec une abrogation du délit d’atteinte sexuelle et des déqualifications, écrit la Dre Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, dans une lettre ouverte au président de la République.

Cette demande fait l’unanimité au sein des associations de protection de l’enfance et des militant·e·s. Les hashtags #Avant15AnsCestNon #LIncesteCestNon #SeuilDAge15Ans et #SeuilDAge18Ans ont récemment été partagés des milliers de fois sur Twitter. Nous nous sommes unanimement élevé·e·s contre la proposition de loi sénatoriale fixant ce seuil d’âge de non-consentement à 13 ans, tel que prôné par le Haut Conseil à l’égalité.

Nous demandons également une imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·e·s, une levée de prescription pour les crimes en série et une reconnaissance de l’amnésie traumatique comme un obstacle insurmontable suspendant la prescription.

L’affaire Olivier Duhamel a rappelé à quel point la prescription pénale favorise l’impunité des auteurs de violences sexuelles sur mineur·e·s face à des victimes traumatisées, muselées, qui mettent des années à sortir de l’amnésie et à trouver la force et la sécurité nécessaires pour déposer plainte.


mercredi 10 février 2021

Lettre en réponse au ommuniqué du 9 février 2021 du garde des Seaux; Eric Dupont-Moretti et du secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet


Lettre de la Dre Muriel Salmona en réponse au communiqué du 9 février 2021 du garde des Seaux et du secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des familles présentant les pistes qui permettront de renforcer la loi pour mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. 


Le 9 février 2021,

Messieurs les ministres, Monsieur le garde des Seaux; Eric Dupont-Moretti et Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet ,


Nous vous remercions de nous avoir si rapidement consulté.e.s et nous saluons la volonté du gouvernement de renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles et vos annonces sur les perspectives d’évolution de la loi pénale que vous souhaitez mettre en œuvre qui représentent de réelles avancées, toutefois plusieurs questions se posent.


À propos du seuil d’âge du non-consentement :


Nous sommes soulagées que le gouvernement soit comme nous le demandions depuis si longtemps : « favorable à poser un interdit clair en criminalisant tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans et en définissant un nouveau crime. Il s’agit de supprimer la notion de contrainte exercée par l’agresseur qui constitue aujourd’hui un frein. Toutefois, le Gouvernement souhaite introduire un écart d’âge de 5 ans pour ne pas criminaliser une relation adolescente consentie qui se poursuit après la majorité du partenaire plus âgé. » 


Comme vous n’évoquez que les actes de pénétrations, est-il prévu que  les autres atteintes sexuelles commises par un adulte sur un mineur de 15 ans soient considérées comme des agressions sexuelles ?


Si les auteurs sont mineurs (ce qui représente 25% de l’ensemble des agresseurs) un autre seuil d’âge du non-consentement sera-t-il mis en place sur le modèle canadien en prenant en compte un écart d’âge ? 


Et qu’en est-il des 15-18 ans en cas d’inceste ? la recherche de consentement dans ce contexte intra-familial est inenvisageable, tout comme lors d’autres contextes d’autorité  et nous demandons expressément un seuil d’âge spécifique à 18 ans pour ces situations. (Pour rappel le Conseil de l’Europe dans sa résolution 2330 votée par l’assemblée parlementaire le 26 juin 2020 exhorte les États européens à fixer un seuil d’âge du non-oonsentement à 18 ans).


Il faudra veiller, en ce qui concerne la connaissance par l'auteur de l'âge du mineur que les stéréotypes sexistes à l'égard des filles, particulièrement celles qui sont racisées, ne soient pas utilisés pour systématiquement dire qu'elles paraissaient plus âgées ce qui serait une grave discrimination pour elles et et ce qui mettrait en péril la protection de ces mineures.


Enfin, il me semble important dans le cadre de cette nouvelle infraction criminelle de garder le terme de viol auquel pourrait être ajouté un qualificatif spécifique pour la définir.


En ce qui concerne la prescription.


Nous apprécions que la prescription « échelonnée » constitue une piste d’évolution réelle sur laquelle s’engage le Gouvernement. Nous étions nombreux à demander la levée de prescription en cas de crimes en série ou prescription glissante. Pour rappel, elle avait déjà fait l’objet d’un amendement proposé par le gouvernement en juin 2018 et voté au Sénat mais qui avait disparu de façon incompréhensible en commission mixte paritaire. 


Mais nous déplorons que vous ne proposiez pas que l’amnésie traumatique soit reconnue comme obstacle insurmontable entraînant une levée de prescription. Je rappelle que cette amnésie traumatique fréquemment retrouvée chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance (dans 40% des cas dans l’ensemble des publications internationales, et pouvant aller jusque’à 60% lors de viols incestueux ayant été commis avant 10 ans et ayant été répétés) ne peux pas être imputable aux victimes. Elle n’est pas volontaire mais est dû à un mécanisme neurologique de survie mis en place par le cerveau lors de ces violences particulièrement traumatisante commises sur des enfants dont le cerveau est très vulnérable au stress et elle perdure tant que la victime reste exposée aux violences, aux agresseurs et au contexte des agression, en cas d’inceste cela peut durer des dizaines et des dizaines d’année. Il est donc injuste que les victimes qui subissent ces conséquences psychotraumatiques soient privées de leurs droits de lancer une action en justice contre leurs agresseurs (cf notre Manifeste Stop prescription).


Nous sommes interloqués et choqués que, pour ne pas retenir une imprescriptibilité des crimes sexuels que de nombreuses associations demandent depuis des années et qui est, là aussi, préconisée par le Conseil de lEurope qui toujours dans sa résolution 2330 exhorte tous les États à supprimer les délais de prescription, vous le justifiez par le fait qu’elle serait selon certaines associations utile aux victimes ! Il s’agit une fois de plus d’un discours d’inversion : le « c’est pour ton bien » servant à masquer une atteinte à des droits fondamentaux d’obtenir justice et qui efface, comme si elles n’avaient pas existé, de graves violations aux conséquences catastrophiques à très long terme sur la vie, la sécurité, la santé des victimes et de et celles de leurs proches, de leurs enfants et de la société tout entière


Pour toutes les victimes que nous représentons cela fait l’effet d’un camouflet, c’est perçu comme un grand mépris et une infantilisation ! Que l’on puisse considérer que les victimes aient besoin d’une date butoir pour porter plainte au motif que cela aurait permis à certaines de déclencher une action par peur qu’elles ne puissent plus le faire après la date de prescription ne peut en aucun cas justifier de priver de nombreuses autres victimes de leurs droits d’aller en justice et de poursuivre leur agresseur alors qu’elles sont dans l’incapacité de le faire à cette date : du fait d’une amnésie traumatique, de leurs traumatismes ou d’un état de santé mental ne leur permettant pas d’en avoir la capacité, d’une emprise toujours active du système agresseur ou de leur menaces, de sentiments de honte et de culpabilité persistants). C’est d’autant plus particulièrement injuste que leur incapacité est la résultante de la gravité des crimes subis et de la faillite de l’État à remplir ses obligations de prévenir ces violences, de les protéger, de les prendre en charge et de leur assurer des soins spécialisés par des professionnels spécialisés. 


Tenir ces propos c‘est méconnaitre que pour les victimes qui n’ont pas pu le faire à temps, tout s’est opposé à ce qu’elles puissent avoir la capacité de le faire, et que ces victimes sont le plus souvent celles qui ont subi les faits les plus graves et les plus répétées, qui ont été les plus saccagées et abandonnées, les moins secourues, aidées et soignées, qui ont subi le plus d’injustices, qui vont être celles qui vont être le plus exposées à l’extinction de leurs droits de saisir la justice.


Faire de la prescription une incitation porter plainte est particulièrement cruel et injuste. De plus c’est faire porter le poids de faire valoir leurs droits, de se protéger et de protéger d’autres victimes d’un ou de plusieurs pédocrimunels c’est faire porter le poids sur les seules épaules des seules victimes de la responsabilité de protéger la société, faxe à des crimes si graves, si dégradants, si inhumains et si destructeurs d’une partie importante de notre population et par ricochet de tout le tissu social, ll’action de la puissante publique ne doit jamais pouvoir être entravée par une prescription. Il s’agit d’une question de Justice et de respect de la dignité et des droits humains.


Nous renouvelons donc notre demande de rendre les crimes sexuels commis sur les enfants imprescriptibles (cf les 6 arguments de notre Manifeste pour l’imprescriptibilité que 28 associations ont co-signé).


Autres pistes :


Tout ce qui concerne la spécificité des violences sexuelles incestueuses ne fait pas partie des pistes abordées, nous espérons que rapidement des propositions nous seront faites qui répondront à l’attente des dizaines de milliers de victimes qui se sont manifestées lors du mouvement #metooineste auquel a réagi le Président de la République le 23 janvier 2021


Par ailleurs nous aurions souhaité que soit remis en cause la possibilité de déqualifier les viols en agressions sexuelles, que soit amélioré la recherche de preuves et de faisceaux d’indices graves et concordants en prenant en compte les conséquences psychotraumatiques que présentent les victimes (cf le travail que je mène avec le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix au niveau international) et en interdisant le recours à des stéréotypes sexistes, des fausses représentations et à des théories anti-vicimaires telles que le syndrome d’aliénation parentale et les faux-souvenirs que la recherche internationale a invalidées : les mères protectrices ne doivent plus être condamnées pour non présentation d’enfant, le principe de précaution doit primer et les citations directes suspendues.


Ces avancées concernant des modifications de la loi ne sont qu’une petite partie des réformes nécessaires pour qu’un changement radical de la société s’opère et pour que les enfants soient enfin protégés de ces actes cruels dégradants et inhumains comme les qualifie la Cour européenne.


Nous attendons que ces changements de loi soient effectifs et qu’ils s’appliquent réellement pour que la protection des enfants contre cette pédoriminalité et la lutte contre son impunité ne soit pas de vains mots  (cf notre Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels co-signé par 29 associations et ONG et ayant recueilli plus de 106 200 signataires).


Nous vous rappelons qu’en ce qui concerne la lutte contre ces graves violations des droits humains, la faillite de l’État est quasiment totale et qu’il n’a pas rempli ses obligations internationales de prévenir ces crimes et délits sexuels, d’en protéger, prendre en charge et soigner les victimes, et d’en poursuivre et punir les auteurs. 


Nous attendons donc de l’État une reconnaissance à son plus haut niveau de ces graves manquements. 


Nous attendons qu’il en rende des comptes, présente ses excuses à toutes les victimes, rende hommage à toutes celles qui en sont mortes prématurément et qu’il répare les graves injustices, pertes de chance et préjudices qu’ont subi les victimes et leurs proches.  


Et nous attendons qu’il analyse précisément toutes les causes de ces manquements et mette en place en urgence des mesures fortes et ambitieuses pour y remédier. Il serait important de réer des comission pluridisciplinaires indépendantes sur le mode nord-américain et anglais pour étudier les plaintes classées sans suite et ayant fait l’objet de non-lieux.


Ces mesures devront s’accompagner de moyens humains et financiers à hauteur de let enjeu majeur et s’acompagner de réformes de toutes les institutions : protection de l’enfance, éducation, protection sociale, santé, police et justice, ainsi que de la formation de tous les professionnels.


Nous espérons que votre réponse politique sera à la hauteur des espoirs de toutes les victimes de ces crimes et de toutes celles et ceux qui les soutiennent, qu’elle sera suffisamment courageuse et ambitieuse, qu’elle assurera une véritable protection à tous les enfants, qu’elle rendra justice, dignité et réparations à toutes les victimes et leur offrira la protection, les aides et les soins qui leur est indispensable.


Je reste à votre disposition pour prolonger cette consultation et continuer à participer à vos travaux pour renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles. et je vous remercie au nom des victimes que je représente de votre engagement à mieux lutter contre cette pédocriminalité et son impunité.


veuillez croire Messieurs les ministres, à l’expression de ma respectueuse considération,


Dre Muriel Salmona, psychiatre,

Présidente et fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie

Membre du Comité scientifique de la Chaire Internationale Mukwege



NB : Pour information voici la lettre ouverte que j’ai envoyée à Monsieur le Président de la République pour que les décisions politiques en matière de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants soient à la hauteur de l’urgence et de l’ampleur et de la gravité de ces actes cruels, dégradants et inhumains que sont ces violations majeures des droits humains : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20210206-a_Mr_le_President_de_la_Republique_MeTooInceste.pdf

samedi 6 février 2021

Lettre ouverte au Président de la République de la Dre Muriel Salmona : #metooinceste Lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants : Ne nous décevez pas !


#METOOINCESTE 

Lettre ouverte au Président de la République pour que les décisions politiques en matière de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants soient à la hauteur de l’urgence et de l’ampleur et de la gravité de ces actes cruels, dégradants et inhumains que sont ces violations majeures des droits humains

Bourg la Reine, le 6 février 2021

Monsieur Le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron,


Il vous a fallu sept jours M. le Président, pour prendre la mesure de l’ampleur historique du mouvement #metooinceste avec ses 80 000 témoignages postés le week-end du 16 et 17 janvier 2021 sur twitter, et pour que vous y réagissiez le 23 janvier par une vidéo postée sur twitter en reconnaissant l’urgence d’agir et la nécessité d’un changement radical de société. 


Vous vous êtes engagé auprès des victimes de violences sexuelles dans l’enfance à les entendre, à les protéger et à ne laisser aucun répit aux agresseurs, et donc à lutter contre l’impunité qui prévalait jusqu’à aujourd’hui. Vous avez tenu des paroles fortes  : « On est là. On vous écoute. On vous croit. Et vous ne serez plus jamais seuls ». « Ces témoignages, ces paroles, ces cris, plus personne ne peut les ignorer. Contre les violences sexuelles faites à nos enfants, c’est aujourd’hui à nous d’agir. » Et Monsieur Adrien Taquet le Secrétaire d’État à l’Enfance et aux familles a renchéri en déclarant : « Il est temps de répondre à l’urgence du changement mais également de rompre avec le déni et le silence sur lesquels notre société s’est en partie construite ».


Il en a fallu du temps et une détermination sans faille des victimes et de toutes celles et ceux qui les défendent pour que l’ampleur et la gravité de cette pédocriminalité soit enfin reconnue, et qu’en protéger tous les enfants, se porter au secours de ses victimes, les prendre en charge, leur rendre justice et lutter contre son impunité soit considéré comme une urgence et une priorité politique. 


Pourtant ce n’est pas faute, dès le début de votre mandat, de vous avoir alerté ainsi que votre gouvernement sur la réalité de ces graves violations des droits humains, le problème majeur de société et de Santé Publique qu’elles représentaient, et l’urgence d’agir : d’abord avec une lettre ouverte que je vous ai adressée en mai 2017, ensuite j’ai remis à Mme Marlène Schiappa qui était secrétaire d’État à l‘Égalité entre les femmes et les hommes, le 20 octobre 2017 un Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels et ses 10 mesures urgentes à mettre en place co-signé par 29 associations et ONG et qui a recueilli pour sa pétition de soutien Stop à l’impunité des crimes sexuels plus de 106 200 signatures à ce jour, lors du vote de la loi du 3 aout 2018 j’ai alerté sur le fait que cette loi était un fiasco en ce qui concerne la protection des enfants contre les violences sexuelles. Puis j’ai alerté M. Adrien Taquet dès qu’il a été nommé en janvier 2019, et je lui ai remis à plusieurs reprises tous les documents, enquêtes, recherches nécessaires et j’ai participé à plusieurs auditions et groupes de travail. Enfin, après vous avoir à nouveau directement alerté lors d’un échange à l’Elysée à l’occasion du 30ème anniversaire de la signature par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant le 28 janvier 2020, j’ai été reçu à votre demande le 3 mars 2020, par votre conseillère Mme Constance Benssussan à qui j’ai transmis toutes les informations et remis tous les documents nécessaires. 


Entre temps des enquêtes celles de VIRAGE, de l’ONDRP puis d’inter-stars, de Face à l’inceste ainsi que l’enquête de mon association sur les violences sexuelles dans l’enfance dont les résultats ont été rendus publics en octobre 2019, ont montré l’ampleur indiscutable de cette pédocriminalité et son aggravation. De plus, depuis 2017 le mouvement mondial #MeToo, de nombreuses actions et plaidoyers de toutes les associations et personnalités engagées luttant contre ces violences, des campagnes dont Stop Prescription et actions avec nos associations partenaires, et de nombreux témoignages, ouvrages, articles, pièces de théatres films, documentaires rendu encore plus visible ces dernières années cette pédocriminalité, jusqu’à la déflagration du livre de Camille Kouchner qui a fait voler en éclat le déni, la loi du silence et la propagande anti-victimaire si efficace jusque là pour faire disparaître les crimes et bâillonner les victimes.


La couverture médiatique du livre de Camille Kouchner La Familia grande dans lequel elle a témoigné des viols subis par son frère jumeau, a été exemplaire. Les médias se sont mis résolument mise du côté des victimes et, en donnant une large tribune à celles et eux qui se battent quotidiennement pour elles, ont offert aux victimes de cette pédocriminalité incestueuse, une légitimité et une sécurité inédite pour en témoigner et faire entendre la clameur de leurs voix avec une puissance jusque là jamais égalée : rappelons-le 80 000 tweets avec le hashtag #metooineste en 48 h et un retentissement international !

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Malgré tout ce temps perdu, nous ne pouvons que saluer votre engagement et apprécier qu’il s’accompagne de mesures immédiates de dépistage systématique en milieu solaire, de remboursement des soins psychologiques, et d’une volonté d’adapter la loi pour mieux protéger les enfants (une consultation est en cours, et j’ai été auditionnée le 26 janvier à la Chancellerie par le Garde des Seaux et le secrétaire d’État à l’enfance à qui j’ai pu présenter nos attentes et nos propositions). 


C’est un signal positif mais il s’agit de ne pas en rester là, il faut que ces paroles se traduisent en actes. Le chantier est énorme et nécessite très de nombreuses réformes et des moyens humains et financiers très importants à la hauteur de l'urgence et la gravité de ces crimes.


Mais pour opérer un changement radical, l’État ne peut pas faire l’économie de se remettre en question et de reconnaître la faillite totale de toutes ses institutions et les fautes graves dont il est responsable. 


L’État a failli à toutes ses obligations internationales, à savoir celles de prévenir ces violences, protéger et prendre en charge les victimes et punir les agresseurs. Un état des lieux de cette faillite de toutes nos institutions accompagné d’une analyse précise de ses causes est indispensable afin d’y remédier et d’en assumer la responsabilité. 


Et il va falloir rendre des comptes et réparer toutes les victimes qui ont été abandonnées, mises en danger, laissées pour compte, sans protection, sans prise en charge ni soins, sans justice ni réparation : leurs droits ont été piétinés et elles ont subi une cascades d’injustices, de lourds préjudices et une scandaleuse perte de chance en terme de santé et d’intégration sociale. Et il faudra rendre hommage à toutes ces victimes survivantes.


Beaucoup en sont mortes précocément, presque toutes en ont été lourdement traumatisées à long terme  : avoir subi des violences sexuelles dans l'enfance et ne pas avoir été protégé ni pris en charge représente le premier facteur de risque de mort précoce, de suicide et tentatives de suicide, de dépressions à répétition, de troubles alimentaires, de conduites addictives (alcool, drogues), de mises en danger, de subir à nouveau des violences, de troubles cardio-vasculaires, pulmonaires, de diabète, de troubles immunitaires, gynéco-obstétricaux, digestifs, de cancers, etc. avec également de lourdes conséquences sur la vie professionnelle, affective et sexuelle. La perte de chance est énorme ! Pourquoi en France les médecins ne sont-ils toujours pas systématiquement formés au psychotraumatisme ? Près de 80% des professionnels de santé ne font pas de liens entre les symptômes que présentent les victimes et les violences qu’elles ont subies  ! Pourquoi ne sont-ils pas former à dépister et prendre en charge ces victimes, à signaler ces violences et à soigner les traumas des victimes ? Pourquoi l’offre de soins spécialisés est-elle aussi indigente ? Pourquoi n'y a-t-il pas comme le recommande la convention d'Istanbul des centres de prises en charges pour victimes de viol ouvert 24h/24 et des centres du psychotrauma ds chaque département ou par bassin de 200 000 habitants ? Pour rappel, seuls 10 centres du psychotrauma ont été crées, au lieu des 100 prévus et 5 autres spécifiquement dédiés pour les enfants victimes verront le jour prochainement.


Comment a-t-il été possible que si peu de personnes à tout niveau proches, professionnels, institutions, se soient préoccupées du sort de ces enfants et des tortures qu’ils subissaient ? Pourquoi si peu de personnes ont eu peur pour ces enfants ? Pourtant beaucoup savaient, près de 70% des victimes ont parlé mais pour les 3/4 d’entre elles cela n’a servi à rien, seules 8% ont obtenu une protection. Non seulement ces victimes ont dû survivre seules aux violences et ensuite à leurs conséquences psychotraumatiques (sans prise en charge spécialisée, la mémoire traumatique est une torture qui fait revivre sans fin les pires moments des violences), mais on les a culpabilisées, on leur a fait honte, on les a rendu responsables de leurs malheurs et de leurs souffrances, on leur a cruellement reproché leurs symptômes, leurs stratégies de survie. On les a niées, piétinées, maltraitées, bâillonnées jusqu’à les effacer pour beaucoup d’entre elles. Comment une telle injustice, une telle inhumanité a-t-elle été possible ?


Pourquoi a-t-on toléré une telle impunité ? Pour rappel les condamnations pour viols ont diminué de 40% en 10 ans, alors qu'il y a moins de 10% de plaintes pour viols, 74% de elles-ci sont classées sans suite et sur les 26% instruites la moitié sont déqualifiées et au final, seules 10% des plaintes pour viol st jugées en cour d’assises (infostat justice 2018).


il faut réformer la protection de l’enfance, la santé, la justice, leur donner des moyens humains et financiers suffisants, il faut tout mettre en œuvre pour que les enfants soient protégés de ces violences sexuelles actuellement 1 filles sur 5 et 1 garçon sur 13 st victimes de ces violences qui sont incestueuses pour la moitié d'entre elles et subies en majorité avant 10 ans, et commises plus de 9 fois sur 10 par des hommes. C’est intolérable ! 


Il faut former tous les professionnels en contact avec les enfants et avec toutes les victimes adultes de ces violences dans l’enfance quel que soit leur âge. Il faut organiser un dépistage systématique universel et développer une culture de la protection. Il faut changez la loi, l’adapter à la spécificité des crimes sexuels sur enfants, améliorer son application en rendant les enquêtes et les instructions plus performantes avec des policiers des gendarmes et des magistrats plus nombreux et spécialement formés, en prenant en compte les preuves médico-légales basées sur les symptômes psychotraumatiques, en exigeant une formation au psychotrauma des experts, en bannissant le recours à des stéréotypes sexistes, des fausses-représentations et des théories anti-victimaires (SAP, faux-souvenirs) qui nuisent gravement aux victimes et aux mères et personnes protectrices, en créant des commissions indépendantes qui reprennent les plaintes qui n'ont pas été traitées. Nous demandons pour mieux lutter contre l’impunité de la pédoriminalité un seuil d’âge du non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas en cas d’inceste, de rapport d’autorité et de handicap majeur avec une abrogation du délit d’atteinte sexuelle et des déqualifications, une imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs et une levée de prescription pour les crimes en série (prescription glissante) et une reconnaissance de l’amnésie traumatique comme obstacle majeur. 


Il n’est pas tolérable que les procédures judiciaires soient si maltraitantes pour les victimes (notre grande enquête IVSEA de 2015 a montré qu’elles augmentaient de manière significative le risque suicidaire), il est tout aussi intolérable que leurs symptômes psychotraumatiques soient cruellement retournés contre elles pour mettre en cause leur témoignage alors que ce sont des conséquences universelles des violences (sidération, dissociation et mémoire traumatique). Il n’est pas tolérable que la loi traite les violences sexuelles faites aux enfants comme celles faites aux adultes en recherchant la violence, contrainte, menace ou surprise, ce qui implique de rechercher le consentement de l’enfant alors que celui-i ne peut pas être valide, ni libre, ni éclairé, et que des actes sexuels commis sur des enfants par un adulte avant 15 ans sont forcément des actes violents (18 ans en cas d’inceste, de rapport d’autorité, de handicap majeur). Il n’est pas tolérable que de graves atteintes à la dignité ne soient pas constitutives de violences quand bien même si celles-ci paraissent consenties.


La prévention passe par la sensibilisation et une information de qualité sur les violences, leurs conséquences, à la loi et aux obligations de protetion, de secours et de signalement et toutes les ressources disponibles, par une assistance à la parentalité, à un dépistage systématique universel auprès des enfants, mais également à tout âge. Il faut également  une éducation au respect des droits des enfants et à l‘égalité entre les femmes et les hommes, une éducation non sexiste et non discriminatoire, et une éducation sexuelle centrée sur le respect de l’intégrité et de la dignité d’autrui, de son consentement, où toute forme de violence est exclue


Il n’est pas question de nous décevoir, nous avons tant attendu. Les droits des victimes de ces crimes qui ont été tant piétinés, doivent enfin être intégralement respectés. 


Il s’agit d’une urgence, des milliers d’enfants sont à l’heure actuelle en train de subir ces crimes. Tout doit être fait pour protéger les enfants de ces actes cruels dégradants et inhumains comme les qualifie la Cour européenne. Secourir les enfants qui en sont victimes, les prendre en charge, leur offrir les soins nécessaires, leur rendre justice est un impératif humain absolu. Lutter contre l’impunité de ces crimes, poursuivre et punir les pédocriminels et de les empêcher de réitérer ces crimes est une obligation.


Pour cela, il est indispensable de faire de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants une priorité politique, comme le recommande le Conseil de l’Europe dans sa résolution 2330 du 26 juin 2020


Je vous rappelle que la résolution 2330 exhorte les États européens à supprimer les délais de prescription et instaurer un seuil d’âge du non consentement à 18 ans (pour rappel nous demandons l’imprescriptibilité des crimes sexuels, une levée de prescription pour les crimes en série et lors d’obstacle insurmontable comme l’amnésie traumatique, ainsi qu’un seuil d’âge du non consentement à 15 ans et à 18 ans en cas d’inceste, d’auteurs ayant autorité et de situations de handicap majeurs). 


Il est temps de remettre le monde à l’endroit pour nos enfants, de le rendre plus juste et moins inégalitaire : l'ampleur de ces violences sexuelles faites aux enfants, leur gravité, leurs conséquences catastrophiques sur la vie et la santé à long terme des victimes aggravent les inégalités, augmentent les situations de précarité, représentent un problème de santé publique majeur, ce sont des crimes qui ont des répercussions très graves sur les victimes, sur leurs proches, de génération en génération. 


Ces violences sexuelles faites aux enfants sont particulièrement injustes elles sont sexistes et ciblent les plus vulnérables et discriminés : les enfants les plus jeunes, les filles majoritairement, les enfants handicapés (3 à 4 fois plus de risque de subir ces violences), les enfants racines, placés, orphelins, mineurs étrangers, etc.  


Elles détruisent le tissu social, aggravent les inégalités les discriminations et les handicaps, elles entraînent pour les victimes des risques importants de se retrouver en situation de grande précarité, de marginalisation, et de situation prostitutionnelle. Laisser ces crimes impunis, abandonner les victimes, fabrique de la souffrance et des injustices sans fin et ne fait qu’aggraver la délinquance et la criminalité. Nous ne voulons de ce monde !


Le moment est historique et le monde nous regarde. Toutes les victimes leurs proches et celles et ceux qui les défendent vous demandent M. Le Président d’entendre leurs voix et leurs revendications pour que la vérité soit enfin reconnue et que tous leurs droits soient respectés


Il s’agit d’ouvrir enfin les yeux et de ne plus jamais les refermer sur ces crimes et de les reconnaître à hauteur de ce qu’ils sont : des actes inhumains d’une grande barbarie. Il s’agit de reconnaître l’intentionnalité destructrice des pédocriminels qui jouissent de terroriser des enfants, de les réduire à néant, de les déporter de leur enfance et d’en faire des objets à exploiter sexuellement, de les dégrader et de les salir, de les terroriser, de les faire basculer dans un univers où tout leurs repères disparaissent où leurs besoins les plus fondamentaux sont piétinés. 


Ces violences sexuelles commises sur les enfants sont de très graves violations des droits humains, de plus en plus assimilés à de la torture en droit international. Extrêmement destructrices et traumatisantes, elles sont à l’origine de graves atteintes à la dignité et à l'intégrité physiques et mentales des victimes qui vont avoir, si les victimes ne sont pas protégées et soignées de très lourdes conséquences à long terme sur la santé mentale et physique des victimes et sur toute leur vie. Ce sont également des violences sexistes et discriminatoires qui aggravent les inégalités et entraînent un risque important de précarité. Le fait que l'Etat ne remplisse pas ses obligations entraîne une perte de chance énorme pour les victimes et une mise en danger de tous les enfants. 


Il s’agit d’entendre les victimes et non plus seulement leurs agresseurs tout-puissants qui ont imposé un discours mystificateur et une propagande anti-victimaire très efficace pour effacer ou maquiller leurs crimes et pour bâillonner les victimes, et faire de celles qui essayaient malgré tout de dénoncer ce qu’elles avaient subi, des coupables ou des personnes n’ayant aucune valeur ni aucune légitimité. Ces discours se sont imposés grâce à l’impunité quasi-totale dont les pédocriminels ont bénéficié et ont gangréné notre société qui a développé une inconcevable tolérance vis à vis de ces crimes avec une culture du déni et du silence, et des stéréotypes sexistes et des représentations mystificatrices des victimes qui leur ont vision très négative .


La tolérance vis à vis de la pédocriminalité, son impunité, la propagande anti-victimaire dominante et sa culture du viol qui ont fait des victimes des coupables et des êtres humains ayant moins de valeur que leurs agresseurs, ont rendu notre société irrespirable, il est plus que temps de les dénoncer et de leur mener une guerre sans merci.


Les voix de toutes les victimes de pédocriminalité qu'elles aient subi des incestes ou d’autres violences sexuelles, sont devenues puissantes et elles ont balayés toutes les couches épaisses qui les recouvraient et leur imposaient le silence. Elles s'élèvent et réclament justice et la fin de l’impunité. 


L’État a l’obligation d’agir pour prévenir ces violences sexuelles faites aux enfants, protéger et prendre en charge les victimes et poursuivre et punir les auteurs. Ne pas remplir ces obligations expose l’Etat à en répondre face à une juridiction pénale internationale.


Nous espérons que votre réponse politique sera à la hauteur des espoirs de toutes les victimes de ces crimes et de toutes celles et ceux qui les soutiennent, qu’elle sera suffisamment courageuse et ambitieuse, qu’elle assurera une véritable protection à tous les enfants, qu’elle rendra justice, dignité et réparations à toutes les victimes et leur offrira la protection, les aides et les soins qui leur est indispensable.


Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de ma respectueuse considération.


Dre Muriel Salmona, psychiatre, psychotraumatologue

Présidente et fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie

Membre du Comité scientifique de la Chaire Internationale Mukwege

Auteure du Livre noir des violences sexuelles paru chez Dunod, 2ème édition 2018