lundi 29 novembre 2021

Actualisation du Manifeste et la pétition POUR UNE IMPRESCRIPTIBILITÉ DES CRIMES SEXUELS

 



Manifeste et sa pétition

Pour une imprescriptibilté des crimes sexuels 


Actualisation 

Avec la récente affaire Hulot, la question de la prescription revient dans les débats, plus que jamais elle apparait comme injuste et cruelle pour les victimes. 



#StopPrescription  #Imprescriptibilité



À tous nos signataires (vous êtes plus de 66 700 à avoir signé la pétition) un grand merci pour votre soutien dans ce combat pour supprimer une prescription particulièrement injuste, cruelle et discriminatoire pour les victimes de crimes sexuels et de délits sexuels aggravés.


Cette prescription en assurant une impunité aux prédateurs sexuels met en danger de nombreuses personnes, en très grande majorité des filles et des femmes et des personnes vulnérables : enfants, personnes en situation de handicap.


Nous avons obtenu avec les lois Schiappa en 2018 et Billon de maigres victoires sur la prescription avec une prolongation à 30 ans après la majorité pour les seuls crimes sexuels sur mineurs (les délits sexuels aggravés restent prescrits 20 ans après la majorité) et une prescription glissante pour les crimes et délits sexuels en série sur les mineurs : le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par un acte ou une décision de procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.


Malgré notre campagne #StopPrescription, malgré l’impressionnante vague #metooinceste qui a déferlé après la parution du livre de Camille Kouchner début janvier 2021, malgré le fait le garde des Seaux Eric Dupont Moretti et le secrétaire d’État chargé à l’enfance et aux familles Adrien Taquet, à la demande du président de la République ont été chargés de nous auditionner et de présenter des pistes pour changer la loi afin d’améliorer la lutte contre l’impunité des violences sexuelles concernant la mise en place d’un seuil d’âge du non-consentement et la prescription, malgré des propositions de lois au Sénat et à l’Assemblée Nationale dont certaines ont été votées en première lecture, l’imprescriptibilité des crimes sexuels et la levée de prescription en cas d’amnésie traumatique pour obstacle majeur ont été rejetées avec toujours les mêmes arguments dont un nouveau particulièrement indécent, à savoir :


  • la difficulté de prouver l’infraction qui risquerait de ne pas permettre d’instruire les plaintes ce qui décevrait les victimes alors que pour les faits non prescrits cet argument sert déjà à classer sans suite plus de 70% des plaintes pour viols sans que la justice ne s’émeuve dans ces cas de décevoir les victimes ;

  • Le fait que l’imprescriptibilité pourrait considérée comme inconstitutionnelle, alors que la mission sur la prescription en 2017 a bien spécifié que rien ne s’opposait constitutionnellement à une suppression de la prescription ;

  • le fait que l’imprescriptibilité soit réservée aux seuls crimes contre l’humanité, nous ne voyons pas en quoi cela affaiblirait la portée de ces crimes qui ne pas définis uniquement par leur imprescriptibilité, de très nombreux pays ont rendu les crimes de guerre imprescriptibles contrairement à la France, le droit pénal anglo-saxon ne prescrit pas les crimes les plus graves, et de plus en plus de pays ont voté l’imprescriptibilité pour des crimes sexuels sur mineurs  nous ne voyons pas en quoi cela affaiblirait la portée de ces crimes ;

  • et comme dernier argument, l’argument inacceptable et fallacieux que le garde des Sceaux a avancé pour balayer l’imprescriptibilité sous prétexte que la prescription, qui acte pour les victimes la perte du droit de poursuivre leur agresseur, serait bénéfique pour les victimes en les incitant à porter plainte avant le couperet de la date de prescription

Avec la récente affaire Hulot, la question de la prescription revient dans les débats, plus que jamais elle apparait comme injuste et cruelle pour les victimes. 


Tous les témoignages de victimes montre à quel point tout s’oppose à ce qu’elles puissent dénoncer ces violences, il leur faut un temps considérable pour arriver à porter plainte. La difficulté à identifier et nommer ces violences, la dépendance, la peur de ne pas être crues d’autant plus si l’agresseur est connu et puissant, la honte et la culpabilité, les menaces et l’emprise, la gravité des traumatismes, l'amnésie traumatique présente chez 40% d'entre elles (souvent pendant des dizaines d’années) font que moins de 10% portent plainte. Il est alors souvent trop tard, les faits sont prescrits. La prescription est d’autant plus injuste que pour la très grande majorité des victimes rien n’a jamais été fait pour dépister les violences qu’elles ont subies, les secourir, les soutenir, les protéger, les soigner, les informer et leur rendre justice.


Pourtant l’enjeu est de protéger toutes les victimes de violences sexuelles, (d’autant plus quand ce sont les plus vulnérables comme les enfants et les personnes en situation de handicap), de leur rendre justice et de lutter plus efficacement contre l’impunité de ces crimes (moins de 1% des viols sont jugés en cour d’assise). Le droit international les assimile à de la torture, et oblige les états à les prévenir et à en punir les auteurs. La Cour européenne des droits de l’homme qualifie les violences sexuelles faites aux enfants d’actes cruels, dégradants et inhumains, le droit international de torture, et le Conseil de l’Europe exhorte tous les États européens à en faire une lutte prioritaire, et à rendre ces crimes imprescriptibles dans sa résolution 2330 votée le 26 juin 2020 


Cette impunité doit être combattue en se donnant les moyens politiques pour le faire, l’imprescriptibilité en est un majeur ainsi que la levée de prescription pour obstacle majeure en cas d’amnésie traumatique.

Les victimes de crimes et délits sexuels sont fréquemment atteintes d’amnésie traumatique, particulièrement dans l’enfance. Ce symptôme psychotraumatique lié à un mécanisme de sauvegarde mis en place par leur cerveau pour survivre et qui peut durer des dizaines d’années met, pendant toute la durée de cette amnésie, les victimes dans l’incapacité de dénoncer les crimes qu’elles ont subis et de poursuivre en justice leur agresseur. Quand les souvenirs reviennent et qu’elles sont enfin en état de porter plainte, il est alors souvent trop tard, les délais de prescription pouvant être dépassés. 


Si les viols ou les agressions sexuelles sont prescrits quand la victime a retrouvé ses souvenirs et a pu enfin produire un récit cohérent de ce qu’elle a vécu pour pouvoir porter plainte, l’amnésie traumatique devrait être reconnue comme un obstacle majeur suspendant la prescription pour permettre à la victime d’exercer ses droits à d déclencher une action publique : Art. 9-3. « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription » (la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale,).


L’argument que l’on nous renvoie pour ne pas reconnaître l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable dans loi, repose d’après le gouvernement serait qu’il existe des controverses sur ce symptôme traumatique. 


Pourtant les amnésies traumatiques dissociations ont été très bien documentées depuis des décennies par la recherche scientifique, elles font partie des symptômes qui entrent dans la définition de l’Etat de Stress Post-Traumatique dans le DSM-5 de 2015 (dernière édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’APA, American Psychiatric Association) et la CIM 11 de 2018 (dernière édition de la classification internationale des troubles mentaux de l’OMS, Organisation mondiale de la santé). Ce sont des conséquences psychotraumatiques fréquentes des violences.

Les connaissances scientifiques sur l’amnésie traumatique doivent être prises en compte. Ne pas la reconnaître comme un obstacle insurmontable permettant de lever la prescription et justifiant l’imprescriptibilité entraîne une inégalité de traitement pour ces victimes les privant d’un accès à leur droit fondamental de réclamer justice pour les crimes sexuels qu’elles ont subis, de déclencher des poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, et d’en demander réparation.


La prescription est donc particulièrement injuste pour ces victimes de crimes sexuels présentant une amnésie traumatique qui peuvent durer 20, 30, voire plus de 40 ans, elles ne peuvent en aucun cas être tenues pour responsables de ne pas avoir porter plainte dans les délais, elles étaient en incapacité de le faire en raison des conséquences psyhotraumatiques des graves atteintes physiques et mentales qu’elles ont subies et qui les ont privées de leurs souvenirs. 


De plus, cette amnésie traumatique a été d’autant plus longue qu’elles ont été abandonnées sans protection, ni prise en charge, ni soins spécifiques, du fait des manquements de l’État à ses obligations. Enfin, ces victimes privées de leurs droits , des femmes en très grande majorité sont victimes de discrimination (puisque les violences sexuelles dans l’enfance concernent dans 80% des filles et sont commises dans plus de 90% par des hommes) : la prescription des crimes sexuels est donc discriminatoire puisqu’elle porte donc atteinte de façon disproportionnée à l’accès au droit d’accès à la justice pénale à des femmes, qui plus est mineures. L’État peut être poursuivi pour cette discrimination indirecte.


Les délais de prescription sont donc particulièrement injustes pour les victimes de violences sexuelles non seulement en raison de l’ampleur de ces graves violation des droits humains, de leur lourdes atteintes à la dignité et à l’intégrité physique et mentale des victimes, et des conséquences très lourdes à long terme sur leur santé, leur vie, ainsi que des répercussions sur leurs proches et la société toute entière, mais également en raison de leurs cratères sexistes et discriminatoires.


Plus que jamais faisons entendre nos voix pour obtenir une imprescriptibilité des crimes et délits sexuels aggravés et une levée de prescription en cas d'amnésie traumatique ! Merci de diffuser et de partager cette pétition:


POUR UNE IMPRESCRIPTIBILITÉ DES CRIMES SEXUELShttps://www.mesopinions.com/petition/justice/imprescriptibilite-crimes-sexuels/25896

 

Dre Muriel Salmona, psychiatre, psychotraumatologue

Présidente et fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie

Membre du Comité scientifique de la Chaire Internationale Mukwege

Auteure du Livre noir des violences sexuelles paru chez Dunod, 2ème édition 2018



Pour en savoir plus sur l’amnésie traumatique et sur les violences sexuelles, des articles téléchargeables sur le site de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie : https://www.memoiretraumatique.org

Manifeste de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie contre l'impunité des crimes sexuels et sa pétition à signer +++

 

lundi 22 novembre 2021

Débat Harcèlement sexuel Peut-on compter sur le droit ? L’État doit prendre ses responsabilités Tribune par Muriel Salmona publiée dans l'Humanité le 22 novembre 2022

Débat Harcèlement sexuel Peut-on compter sur le droit ?

L’État doit prendre ses responsabilités








Tribune par  Muriel Salmona

Psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie et auteure

Publiée dans l’Humanité du 22 novembre 2022 


https://www.humanite.fr/harcelement-sexuel-au-travail-peut-compter-sur-le-droit-728263?utm_source=sendinblue&utm_campaign=NEWS%20EX%20ABO%20211122&utm_medium=email


Débat organisé par la journaliste Anna Musso : « Le lieu de travail est un espace de vie qui n’échappe pas aux inégalités de genre et aux violences sexistes et sexuelles. Le cadre légal suffit-il à prévenir et protéger ? Pour répondre à cette question : Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie et autrice ; Emmanuel Daoud, Julie Bolo-Jolly, Marjolaine Vignola et Élodie Tuaillon-Hibon, avocat et avocates. »


Texte de la tribune de Muriel Salmona


Si le droit était réellement appliqué, oui les victimes de harcèlement sexuel au travail pourraient compter sur lui, mais c’est en fait loin d’être le cas. L’impunité règne, l’absence de protection et de prise en charge est presque toujours la règle pour les victimes qui subissent des injustices en cascade et des pertes de chance considérables pour leur santé, leur carrière ou leur intégration socioprofessionnelle.

Le harcèlement sexuel au travail s’exerce dans un contexte historique d’inégalité, de discriminations et de domination masculine qui s’inscrit dans un continuum de violences sexistes et sexuelles que les femmes et les filles, qui en sont les principales victimes, risquent de subir et de cumuler dès leur plus jeune âge, d’autant plus si elles sont en situation de vulnérabilité.

Il a fallu de nombreux témoignages de femmes victimes et un long combat des féministes pour que le droit français définisse en 1992 le harcèlement sexuel et le reconnaisse comme un délit puni par le Code pénal et interdit par le Code du travail. Et il a fallu attendre 2012 pour que la loi en donne une meilleure définition qui intègre certaines directives du droit européen de 2006 afin de le reconnaître comme une violation des droits humains, une atteinte à la dignité et à l’intégrité physique et mentale des personnes contraire au principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes et une discrimination fondée sur le sexe (mais également sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle) qui doit faire l’objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.

Or, l’État est très loin de remplir ses obligations à poursuivre et condamner les harceleurs ainsi qu’à empêcher ces violences de se produire à grande échelle. Les victimes qui les dénoncent ne sont que très rarement protégées, au contraire elles perdent très souvent leur emploi ou sont obligées de quitter leur formation ou de changer d’orientation. Sur moins de 0,07 % de plaintes au pénal, 80 % seront classées sans suite, les condamnations étant finalement extrêmement rares, une centaine par an ( Infostat justice, n° 160, 2018). La gravité des conséquences psychotraumatiques du harcèlement sexuel au travail n’est pas encore reconnue comme un problème majeur de santé publique et de société. Les professionnels du soin ne sont toujours pas formés et l’offre de soins est très insuffisante. La protection, la solidarité et les aides sociales ne sont pas à la hauteur du défi.

Pourtant ces dernières années, les enquêtes de victimation, les recherches scientifiques et le mouvement mondial de libération de la parole #MeToo ont révélé l’ampleur, la gravité et le caractère systémique et politique du harcèlement sexuel au travail.

Le fait que le harcèlement sexuel soit une arme très efficace de domination, de contrôle, de dissuasion et d’exclusion des femmes n’est pas pour rien dans cette faillite de l’État. C’est un moyen de préserver les privilèges patriarcaux en limitant l’émancipation des femmes et leur contribution à l’activité économique et politique. Le harcèlement participe au maintien des inégalités entre les femmes et les hommes, inégalités dont il se nourrit tout en les alimentant sans fin, et il est un facteur important de précarité pour les femmes.

Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer et ils doivent urgemment prendre des décisions politiques ambitieuses, accompagnées d’efforts financiers significatifs, s’ils entendent réellement lutter contre le harcèlement sexuel au travail et appliquer la loi. Les filles et les femmes qui en sont victimes ont besoin du soutien et de l’engagement de toute la société. De telles violences et de telles inégalités sont le fait d’un monde inégalitaire et sexiste et ne doivent plus être tolérées.


Autrice du Harcèlement sexuel, collection Que sais-je ?, PUF, 2019.



voir la présentation du livre et son introduction: https://stopauxviolences.blogspot.com/2019/04/parution-le-24-avril-2019-de-mon.htm


LIRE AUSSI  En finir avec les violences sexuelles et la domination, par Muriel Salmona juillet 2020



Un monde nouveau, auquel j’aspire, auquel je crois et pour lequel je me bats avec acharnement, c’est un monde de justice, de vérité et de solidarité, débarrassé de tout système de domination et d’exploitation ; c’est un monde sans violence ni privilège, un monde d’égalité des droits, qui respecte la dignité et l’intégrité de tous, et aussi la nature et le vivant dans son ensemble.


Nous en sommes loin, mais ce n’est pas une utopie, nous avons les connaissances et les outils intellectuels pour le penser. Il nous reste à déployer les moyens politiques pour le mettre en place, et à traquer tout ce qui s’y oppose : protéger les personnes de toute forme de violence, lutter contre les inégalités, les discriminations et leurs cortèges de privilèges, de discours haineux et mensongers, de dénis, d’injustices et d’impunité.


La violence n’est pas une fatalité mais un privilège, la démonstration d’une domination et d’un rapport de force. Pour avoir ce privilège, il faut créer de toutes pièces des inégalités et des hiérarchisations qui désignent les dominés et les exploités, il faut tordre la réalité en inversant les valeurs humaines et en essentialisant les conséquences des violences. Dans ce système cruel, être une femme ou une fille, être vulnérable parce qu’on est un enfant, une personne handicapée, âgée, malade ou déjà traumatisée par des violences, subir des discriminations, des injustices, c’est être une personne méprisable et inférieure, c’est avoir moins de droits et c’est mériter de subir violences, exploitation, exclusion et atteintes à la dignité. 


Ces violences s’exercent surtout sur des personnes vulnérables, précaires et discriminées, et leurs conséquences psychotraumatiques à long terme sur la santé et la vie des victimes ne feront qu’aggraver leur situation, et créeront de nouvelles situations d’inégalité et de risque de subir de nouvelles violences (ou d’en commettre pour celles qui choisiront d’adhérer au système dominant et aux rôles que celui-ci propose), dans un processus sans fin si rien n’est fait pour l’enrayer en protégeant et en prodiguant aides, soins et justice à ces victimes.


La faillite de nos système de protection, de justice et de santé est une perte de chance scandaleuse pour les victimes, elle alimente et conforte le système dominant. Il est de la responsabilité de tous d’en exiger la réforme.


Un tel système de domination ne repose et ne perdure que sur des falsifications grossières de la réalité, des dénis et des stéréotypes qui ne devraient résister à aucune analyse rigoureuse, mais sont assénés depuis longtemps avec de tels arguments d’autorité qu’ils ont formaté une vision déformée des victimes. Ces discours mensongers invisibilisent les violences, escamotent leurs conséquences, inversent la culpabilité, dédouanent les agresseurs, accusent les victimes d’avoir menti, provoqué ou mérité les violences, et leur reprochent des comportements liés à des conséquences psychotraumatiques normales et universelles, qui sont utilisées pour disqualifier leurs témoignages et les mettre en cause. Ces discours injustes, incohérents et inhumains ont en eux-mêmes un potentiel traumatique qui sidère toute forme de pensée. Le pouvoir traumatisant de cette propagande haineuse au service de la domination et des systèmes agresseurs en assure l’efficacité et la capacité de formater et coloniser durablement les esprits.


Il faut donc résister à cette propagande, décoloniser et éveiller les consciences, œuvrer pour la vérité et la justice, agir et remettre le monde à l’endroit en reconnaissant la réalité des violences et la gravité de leurs conséquences. Il est primordial que les psychotraumatismes et leurs mécanismes (sidération, dissociation, et mémoire traumatique) soient enfin reconnus et expliqués, que les victimes soient protégées et aient dès les premières violences accès à une prise en charge et à des soins de qualité,  avec justice et réparations à hauteur de leurs préjudices.


L’exemple des violences sexuelles faites aux enfants montre qu’il faut impérativement agir contre ce puissant système négationniste anti-victimaire. Avec notre niveau de connaissances sur leur ampleur (les enfants sont les principales victimes de violences sexuelles, 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 en subissent, dans 50% des cas avant 10 ans, dans 50% des cas par un membre de la famille, dans 90% des cas par un proche, dans plus de 90% des cas par un homme) et sur leur effroyable gravité (extrêmement traumatisantes à long terme, elles sont un facteur de risque de mort précoce), comment en sommes-nous toujours en 2020 à constater des chiffres qui ne cessent d’augmenter, avec une pédocriminalité sur le net qui explose et double sous les ans (plus de 70 millions d’images et de vidéos pédocriminelles en 2019), une impunité quasi totale, les condamnations pour viols ayant diminué de 40% en 10 ans ; seuls 4% des viols donnent lieu à  une plainte, dont 73% sont classées sans suite, une seule plainte sur 10 étant jugée en tant que telle! Pourquoi en France, malgré la demande du Conseil de l’Europe, ces crimes ne sont-ils pas imprescriptibles et un seuil d’âge de non-consentement sexuel na-t-il toujours pas été fixé (il a été enfin voté le 21 avril 2021 après la vague #MeTooInceste mais de façon incomplète) ? comment peut-on être assez cruel pour considérer qu’un enfant puisse consentir à être pénétré et exploité sexuellement parce qu’il n’a pas pu réagir ou se défendre, alors qu’il s’agit de tortures et d’atteintes graves à sa dignité et à son intégrité ? Comment accepter que la plupart des médecins ne soient toujours pas formés, que plus de 80% des enfants ne soient jamais reconnus comme victimes ni protégés, et qu’ils aient à survivre dans les pires conditions et souffrances, sans soin ni justice ?


Pour le rendre vivable, il est urgent de changer ce monde !


samedi 20 novembre 2021

Des enfants victimes de violences sexuelles gravement traumatisés qu’il est urgent de protéger et soigner Dre Muriel Salmona 2021

 Des enfants victimes de violences sexuelles gravement traumatisés qu’il est urgent de protéger et soigner

Dre Muriel Salmona

Psychiatre, psychothérapeute, Présidente de l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, novembre 2021, Paris


Les violences sexuelles subies par les enfants sont d'une ampleur considérable dans le monde entier. Elles représentent des atteintes très graves aux droits, à la sécurité, à la dignité et à l’intégrité mentale et physique de ceux qui en sont victimes. Très traumatisantes, elles ont de graves conséquences à long terme sur leur vie et leur santé, ce qui en fait un problème majeur de droits humains, de société et de santé publique qu’il est urgent de traiter.

Les violences sexuelles faites aux enfants : un fléau à combattre

Les viols n’ont rien à voir avec la sexualité, ce sont des armes massives de domination, de destruction, de soumission et de contrôle social, que ce soit en temps de paix ou de guerre. Ce sont avant tout des violences masculines, sexistes, haineuses et discriminatoires qui s’exercent dans un contexte de rapport de force, d’inégalités et de discriminations. Les enfants en sont les premières victimes et parmi eux, les filles sont les plus touchées (83 % de filles pour 17 % de garçons) ainsi que les enfants les plus vulnérables et les plus discriminés : enfants handicapés (4 à 6 fois plus victimes de violences sexuelles), enfants en grande précarité, orphelins, placés en institutions, enfants victimes de racisme (1,2)

  1. Des chiffres effrayants

Les chiffres sont effrayants : les enfants sont les principales victimes de violences sexuelles ; Selon les statistiques de Organisation mondiale de la santé (3), dans le monde, une fille sur cinq et un garçon sur 13 ont subi des violences sexuelles dans leur enfance ; en France, 81 % des violences sexuelles ont débuté avant 18 ans, 51 % avant 11 ans, 21 % avant 6 ans et 40 % des viols et tentatives de viols ont été commis avant 15 ans pour les femmes et 60 % avant 15 ans pour les hommes. On estime que chaque année près de 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols et des tentatives de viols, bien plus que les 94000 femmes et les 16 000 hommes qui en sont victimes chaque année. L’âge moyen des victimes est de 10 ans. Les agresseurs sont des hommes dans 9 cas sur 10, mineurs dans 25 à 30 % des cas. Dans la très grande majorité des cas, ils sont connus de la victime et dans la moitié des cas, ils sont membres de la famille (4). Selon l’enquête de 2020 de l’association Face à l’inceste, 10 % des Français·e·s ont subi un inceste, soit 6,7 millions de personnes La pédocriminalité sur le net explose, et selon les statistiques du réseau international INHOPE (International Association of Internet Hotlines), la France est le troisième pays du monde (et le deuxième en Europe) en nombre de sites et d’utilisateurs. Et si on y recensait 1 million de photos et de vidéos en 2014, 45 millions en 2018 et plus de 70 millions en 2019, impliquant des enfants (des filles dans 90 %) de plus en plus jeunes (3 à 13 ans dans 90 % des cas), exploités le plus souvent par des membres de leur famille (des hommes dans 99 % des cas) et subissant des actes de plus en plus barbares.

  1. Des crimes impunis

Les viols d’enfants restent en grande partie impunis, alors que depuis vingt ans, ils sont considérés en droit international et européen, en temps de paix ou de guerre, comme des crimes de premier ordre et comme des traitements cruels, inhumains et dégradants, voire comme une forme de torture. Pourtant, les états ont la responsabilité et l’obligation de les prévenir et de les punir, quel quen soit l’auteur. Or, ce sont les crimes qui bénéficient de la plus grande impunité : les victimes sont les moins reconnues, protégées et prises en charge et sont les plus maltraitées lors des procédures judiciaires.

Cette impunité est alimentée par le déni sociétal, la tolérance face à ces violences masculines et la loi du silence imposée aux victimes et ce qu’on nomme « culture du viol »., c’est à dire l’ensemble de attitudes, stéréotypes et fausses représentations qui permettent de nier et de justifier l’agression sexuelle masculine contre les femmes et les enfants. L’absence de dépistage et de protection des victimes ainsi que la méconnaissance des conséquences psychotraumatiques jouent également un très grand rôle dans ce déni. La justice échoue à traiter le très faible nombre de plaintes : alors qu’en France seuls 4 % des viols et des tentatives de viols sur mineurs font l’objet de plainte, 74 % de ces plaintes vont être classées sans suite, la moitié de celles instruites vont être déqualifiées et au total seules 10 % des plaintes seront jugées en Cour d’Assises (5). Les statistiques de la justice montrent que, depuis 10 ans, il y a 40 % de condamnations pour viols en moins( 6), ce qui est également observé dans de nombreux autres pays (Royaume Uni, Suède, Finlande…).

  1. Des enfants victimes traumatisés et trop souvent abandonnés

La plupart des enfants victimes de viols sont abandonnés, alors qu’ils devraient être considérés comme des blessés psychiques, gravement traumatisés, à prendre en charge spécifiquement. Au contraire, ils sont mis en cause et considérés comme étant à l’origine de leurs propres malheurs, leurs symptômes psychotraumatiques sont catégorisés comme des troubles de la personnalité, du comportement ou comme des maladies psychiatriques endogènes. Ils sont injustement considérés comme des personnes faibles, incapables, sans volonté, ou bien comme des personnes déficientes mentales et fréquemment traités comme des personnes hystériques, autistes, psychotiques, paranoïaques ou démentes, ce qu’ils ne sont pas. Le corps médical, encore trop peu formé aux psychotraumatismes et colonisé par de fausses représentations, fait rarement le lien entre des symptômes présentés par les enfants victimes et les violences qu’ils ont subies : 79 % des professionnels de la santé ne relient pas les violences subies dans l’enfance de leurs patients et leur état de santé. Seules 23 % des victimes de viol bénéficient d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée, en moyenne au bout de 10 ans (7). 

  1. Des soins au secours des enfants victimes

Or les symptômes psychotraumatiques sont pathognomoniques, c’est à dire qu’ils sont une preuve du traumatisme subi et de sa gravité : ils permettent de faire une « autopsie psychique détaillée de la scène de crime » en livrant de nombreux indices sur son déroulement et de corroborer les récits des victimes. L’analyse et l’identification des manifestations de la mémoire traumatique de la victime et des stratégies qu’elle met en place pour y échapper ou pour l’anesthésier, permet une mise en lien et en sens et d’identifier d’innombrables détails et éléments de compréhension concernant le crime et son contexte, la stratégie et la mise en scène de l’agresseur, ce qu’il a dit et fait et ce que la victime a subi et ressenti. 

Les violences sexuelles faites aux enfants : un traumatisme majeur équivalent à celui de la torture

L’atteinte à la dignité et à l’intégrité corporelle et sexuelle, la déshumanisation, la dégradation et la chosification de leur corps que subissent les enfants victimes de violences sexuelles est extrêmement traumatisante, d’autant plus que l’agresseur met en scène qu’il jouit avec cruauté de cette destruction et du vécu d’annihilation de sa victime, ainsi que de sa terreur et de sa détresse. Avec les violences sexuelles, le monde bascule dans un chaos transgressif inhumain.

Les violences sexuelles font partie avec les tortures des pires traumas, et la quasi-totalité des enfants victimes de viols, de 80 à 100 %, vont développer de graves troubles psychotraumatiques à court moyen et long termes, quels que soit leur âge, leur sexe, leur personnalité, leur histoire, leurs antécédents (8). 

  1. Des conséquences psychotraumatiques universelles

Ces psychotraumatismes sont une réponse universelle et normale liée à l’impact sur le cerveau des violences. Le cerveau des enfants est très vulnérable aux violences. Ces traumas ne sont pas seulement psychologiques mais aussi neurobiologiques avec des atteintes du cortex et de certaines structures cérébrales telles que l’hippocampe visibles en neuro-imagerie, ainsi que des circuits de la mémoire et de la réponse émotionnelle, avec la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde exceptionnels et très coûteux pour échapper au risque vital généré par un stress extrême lors des violences. Ceci est à l’origine d’une dissociation et d’une mémoire traumatique qui sont au cœur de toutes les conséquences psychotraumatiques sur la santé mentale et physique des victimes (9). Et ces conséquences seront d’autant plus graves que la victime est très jeune, qu’il s’agit d’un viol (donc de violences sexuelles avec pénétration ou d’actes buccogénitaux), que les abus ont été commis par un proche, que les violences sexuelles sont répétées pendant une longue période et qu’elles sont accompagnées de menaces de mort, d’actes de barbarie ou de tortures (10). Ces atteintes sont réversibles grâce à une neurogénèse et à la plasticité du cerveau si une protection et un traitement psychothérapique spécialisé sont mis en place (11).

Quand les conséquences psychotraumatiques ne sont pas diagnostiquées, ni traitées spécifiquement - ce qui est malheureusement souvent le cas - elles sont à l’origine de très graves conséquences à long terme sur la santé mentale et physique des enfants victimes ainsi que sur leur vie personnelle, affective et sexuelle, leur scolarité et leur insertion sociale et professionnelle. Elles sont de plus un risque très important de précarité et de subir à nouveau des violences ou d’en commettre (12). 

  1. De lourdes conséquences sur la santé à court, moyen et long termes

Les violences subies dans l’enfance, particulièrement quand il s’agit de violences sexuelles telles que le viol, sont le premier facteur de risque de morts précoces, de suicides, de dépressions à répétition, de troubles anxieux, de conduites addictives, de troubles alimentaires, d’obésité, de conduites à risque et de mises en danger, de risque de subir à nouveau des violences tout au long de leur vie et/ou d’en commettre. Elles sont également un facteur de risque majeur pour de nombreuses pathologies somatiques : diabète, troubles cardio-vasculaires, immunitaires, endocriniens, digestifs (colopathies, anisme), neurologiques, gynéco-obstétricaux, cancers, douleurs et fatigue chroniques, sans compter le risque d’infections sexuellement transmissibles et de grossesses sur viol (13). Elles peuvent faire perdre jusqu'à 20 ans d'espérance de vie (14). La communauté scientifique internationale et l’Organisation mondiale de la santé les reconnaissent comme un problème de santé publique majeur. Selon les enquêtes récentes de 70 à 96 % des enfants victimes déclarent à l’âge adulte un impact important sur leur santé mentale et de 50 à 70 % sur leur santé physique ; 50 % font des tentatives de suicides, 50 % des dépressions à répétition, 30 à 50 % présentent des conduites addictives (15).

Si les enfants n’ont pas d’autre choix que de survivre à des violences qui font basculer leur vie et leur rapport au monde, en revanche avec une protection et des soins précoces, il est possible de leur éviter les conséquences psychotraumatiques de ces violences (16). Même s’il est souhaitable qu’elle soit la plus précoce possible, il n’est jamais trop tard pour mettre en place cette prise en charge Il est donc essentiel de former des professionnels de santé pour identifier, protéger et prendre en charge les enfants et les adultes victimes de violences sexuelles, que ce soit au niveau des soins spécifiques et d’une expertise médico-légale. Il est également très important de proposer une offre de soins médico-psychologiques spécifiques, accessibles et gratuits, dans un cadre holistique associant également une prise en charge socio-économique, éducative et juridique.

Les mécanismes psychotraumatiques à connaître pour mieux comprendre et prendre en charge les enfants victimes

Les violences aboutissent à la constitution d’une mémoire traumatique de l’événement, symptôme central du psychotraumatisme. Cette mémoire est différente de la mémoire autobiographique normale : il s’agit d’une mémoire non intégrée et piégée dans une structure du cerveau. Les mécanismes à l’origine de cette mémoire traumatique sont assimilables à des mécanismes exceptionnels de sauvegarde qui sont déclenchés par le cerveau pour échapper au risque vital que fait courir une réponse émotionnelle extrême face à un trauma. 

A. La sidération psychique

Les violences sexuelles sont particulièrement terrorisantes et incompréhensibles, d’autant plus pour des enfants. Elles créent une effraction psychique qui provoque un état de sidération. Les victimes se retrouvent paralysées psychiquement et physiquement, pétrifiées, dans l’incapacité de réagir, de crier, de se défendre ou de fuir. Cette sidération de l’appareil psychique bloque toute représentation mentale et empêche toute possibilité de contrôler la réponse émotionnelle extrême qui a été déclenchée par une structure cérébrale sous-corticale archaïque de survie : l'amygdale cérébrale. La sidération est d’autant plus importante que l’enfant est jeune et dans l’incapacité de comprendre ce qui se passe.

L'amygdale cérébrale s'apparente à une alarme qui s'allume automatiquement lors de toute situation de menace avant même que celle-ci soit identifiée et comprise par les fonctions supérieures. Cette alarme a pour fonction d’alerter et de préparer l’organisme à répondre au danger, pour lui faire face ou le fuir. Elle peut s’activer chez le fœtus dès le 3ème trimestre de la grossesse, chez le nouveau-né dès la naissance. Elle s’active même si la victime n’a pas les capacités de comprendre intellectuellement ce qui lui arrive. C’est le danger d’une situation, l’intentionnalité de nuire d’un agresseur qui provoque l’allumage de l’amygdale cérébrale. 

En s’activant, elle alerte les fonctions supérieures, déclenche un état d’hypervigilance et une réponse émotionnelle. Elle commande la production d'hormones de stress par les surrénales : adrénaline et cortisol qui fournissent l'organisme en carburant (oxygène et glucose). Comme toute alarme, par sécurité, elle ne s'éteint pas spontanément : seul le cortex cérébral et l’hippocampe (le système d’exploitation de la mémoire, des apprentissages et du repérage temporo-spatial) peuvent la moduler ou l'éteindre grâce à des représentations mentales, une analyse et une compréhension de la situation de danger, suivies d’une prise de décision. 

  1. Une disjonction du circuit émotionnel : un mécanisme de sauvegarde mis en place par le cerveau

Lors de violences, le cortex paralysé par la sidération est dans l'incapacité de moduler l'alarme qui continue donc à hurler et à produire une grande quantité d'hormones de stress. L'organisme se retrouve en état de stress extrême, avec rapidement des taux toxiques qui représentent un risque vital cardiovasculaire (adrénaline) et neurologique (le cortisol est neurotoxique). Pour échapper à ce risque vital, comme dans un circuit électrique en survoltage qui disjoncte pour protéger les appareils branchés, le cerveau fait disjoncter le circuit émotionnel pour protéger le cœur et le cerveau à l'aide de neurotransmetteurs qui sont des drogues dures anesthésiantes et dissociantes : morphine-like et kétamine-like, des endorphines et des antagonistes des récepteurs de la N-méthyl-D-aspartate  (NDMA) (17). 

Cette disjonction, en isolant l'amygdale cérébrale, éteint la réponse émotionnelle et fait disparaître le risque vital en créant un état d'anesthésie émotionnelle et physique. Tant que le danger persiste l’amygdale reste allumée mais elle est isolée du reste du cerveau. Cette disjonction est à l'origine d'une dissociation traumatique, trouble de la conscience lié à la déconnection avec le cortex qui entraîne une sensation d'irréalité, d'étrangeté, d’absence, d'être spectateur des événements. Mais cette disjonction isole également l'amygdale cérébrale de l’hippocampe qui ne peut pas faire son travail d’intégration, d’encodage, de contextualisation et de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle des violences. Celle-ci reste piégée dans l'amygdale sans être traitée, ni transformée en mémoire autobiographique. Elle va rester hors du temps, non-consciente, à l'identique, susceptible d'envahir le champ de la conscience et de refaire vivre la scène violente de façon hallucinatoire, comme une machine à remonter le temps, avec les mêmes sensations, les mêmes odeurs, les mêmes sentiments de détresse et de terreur, les mêmes douleurs, les mêmes détails, les mêmes phrases entendues (sous la forme de flashbacks, de réminiscences, de cauchemars, d’attaques de panique…). C'est cette mémoire piégée dans l’amygdale qui n’est pas devenue autobiographique qu'on appelle la mémoire traumatique. 

La disjonction se produit d’autant plus rapidement que la sidération est importante ou que les fonctions supérieures sont désactivées ou immatures (enfants très jeunes, endormis, drogués, avec des handicaps mentaux ou sensoriels). Le traumatisme sera alors d’autant plus massif.

  1. La dissociation traumatique : des enfants devenus étrangers à eux-mêmes

La dissociation traumatique perdure chez l’enfant tant qu’il est confronté aux violences, aux agresseurs, au contexte traumatique. Elle peut durer des heures, des semaines, des mois, des années…

Pendant la dissociation, l’amygdale et la mémoire traumatique qu’elle contient est déconnectée et la victime n’aura pas accès émotionnellement, ni sensoriellement aux événements traumatiques. Cet état dissociatif anesthésie et empêche la victime de prendre la mesure des violences qu’elle subit ou qu’elle a subies. Les faits les plus graves lui semblent irréels. Suivant l’intensité de la dissociation, les violences pourront sembler perdues dans un brouillard épais, la victime pourra être alors amnésique de tout ou partie des événements traumatisants. Seules pourront rester quelques images très parcellaires, des bribes d’émotions envahissantes ou certains détails isolés (18). Cette amnésie traumatique est fréquente chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance : près de 60 % des enfants victimes de violences sexuelles présentent des amnésies partielles des faits et 40 % des amnésies totales (19). Ce phénomène d’amnésie traumatique peut perdurer de nombreuses années, voire des décennies.

La victime dissociée reste donc comme indifférente aux violences ainsi qu’à la mémoire traumatique de celles qu’elle a déjà subies. Les évènements, la terreur, la souffrance et les douleurs sont là, mais à distance, ils ne s’imposent pas émotionnellement. Les violences et les réminiscences ne sont pas ressenties émotionnellement mais elles n’en sont pas moins stressantes et traumatisantes : elles le sont même bien plus puisqu’il n’y a pas de réflexe de défense (de même, lorsqu’on pose sa main anesthésiée sur une plaque électrique, ce n’est pas parce qu’on ne ressent pas la douleur qu’elle ne sera pas gravement brûlée).

La dissociation traumatique annihile la volonté de la victime. Elle se sent perdue avec un sentiment d’étrangeté et ne se reconnaît plus. Elle est privée de ses émotions et dans l’incapacité de penser ce qu’elle subit et d’y réagir de façon adaptée. Elle se retrouve en mode automatique, avec un sentiment d’absence au monde, d’être coupée d’elle-même et de son corps (20).

Cette dissociation rend très difficile voire impossible toute opposition ou toute défense mentale et physique vis à vis de toutes les violences qui sont exercées contre elle : les paroles assassines, les coups, les humiliations ne rencontrent aucune résistance mentale ou physique. Cela rend la victime très vulnérable à l’agresseur qui peut exercer une emprise totale sur elle et coloniser son psychisme en la formatant pour qu’elle se ressente comme coupable, nulle, sans valeur, sans droit, comme un objet à sa disposition. L’agresseur peut lui faire subir tous les sévices qu’il veut exercer comme si elle était un pantin, parfois pendant de longues années. 

De plus, la dissociation fait que la victime est souvent considérée à tort comme limitée intellectuellement, inadaptée, incapable de comprendre ce qui se passe et d’y réagir. Elle sera alors d’autant plus exposée au mépris, moqueries, humiliations et maltraitances des personnes qui l’entourent et même de celles qui sont censées la protéger. Les personnes dissociées sont fréquemment perçues comme bizarres et anormales et des pathologies mentales leur sont souvent attribuées (psychose, troubles autistiques…).

  1. La mémoire traumatique : une machine infernale à remonter le temps

La mémoire traumatique est donc une mémoire émotionnelle enkystée qui n’a pas pu être intégrée ni transformée par l’hippocampe en mémoire autobiographique en raison de la disjonction de sauvegarde. Non consciente et indifférenciée, c’est une mémoire « fantôme » hypersensible, prête à « exploser » en faisant revivre à l'identique, avec le même effroi et la même détresse les événements violents, ainsi que les émotions et les sensations qui y sont rattachées, comme une machine à remonter le temps. Elle explose aussitôt qu'une situation, un affect ou une sensation rappelle les violences ou fait craindre qu'elles ne se reproduisent. Elle sera comme une bombe à retardement susceptible d'exploser souvent des mois, voire des dizaines d’années après les violences. Quand elle le fait, elle envahit tout l'espace psychique de façon incontrôlable. Elle le transforme en un terrain miné. Telle une boîte noire, elle contient de façon indifférenciée non seulement le vécu émotionnel, sensoriel et douloureux de la victime, mais également tout ce qui se rapporte aux faits de violences, à leur contexte et à l’agresseur (ses mimiques, ses mises en scène, sa violence, sa haine, son excitation, ses cris, ses paroles, son odeur, etc.) ainsi qu’aux autres victimes ou témoins s’il y en a (21).

Tant que les enfants victimes restent dissociés car toujours exposées aux violences ou aux bourreaux, cette explosion de la mémoire traumatique se produit avec des émotions et des douleurs qui sont anesthésiées : l’enfant victime semble les tolérer mais en réalité elles aggravent l’impact traumatique, et rechargent plus encore la mémoire traumatique.

Quand les victimes sortent de leur état dissociatif, la mémoire traumatique est ressentie par les victimes sans le filtre de la dissociation et cela devient intolérable. C’est ce qui arrive quand la victime est enfin sécurisée, qu’elle n’est plus en contact avec l’agresseur ou le contexte de l’agression, ou bien qu’elle est sortie de son état d’incompréhension et de confusion. Alors, la mémoire traumatique s’impose avec un tel cortège émotionnel que la gravité des violences et de leurs conséquences apparaît soudain à la victime dans toute son horreur. La victime est confrontée à un véritable tsunami d’émotions et d’images qui vont déferler en elle, dans une grande souffrance et une totale détresse. Cela peut entraîner un état de peur panique avec sentiment de mort imminente, d’agitation, d’angoisse intolérable, des douleurs atroces, avec parfois un état confusionnel. Il arrive que la victime se retrouve aux urgences médicales ou chirurgicales (elle peut même être opérée en urgence ou bien être hospitalisée en psychiatrie avec souvent un diagnostic erroné de bouffée délirante ou d’entrée dans une schizophrénie). Cet état est fréquemment accompagné d’un risque suicidaire très important, d’autant plus si la victime a été confrontée à une intentionnalité meurtrière au moment des violences. Elle revit cette intentionnalité comme si elle émanait d’elle, dans une compulsion à se tuer.

C’est à ce moment-là que les victimes sortent de leur état de pseudo-indifférence et de leur amnésie traumatique dissociative et vont enfin avoir la capacité de dénoncer les violences. La sortie d’état dissociatif peut se produire plusieurs années, voire des dizaines d’années après, les faits pouvant alors être prescrits.

À titre d’exemple, un enfant qui a subi des violences avant d’apprendre à parler pourra, dix ans après, au moment où sa mémoire traumatique se manifestera, se retrouver dans l’incapacité de parler, il ne pourra que pleurer ; un enfant qui aura été attaché ou immobilisé lors des violences, ne pourra plus bouger ; un enfant qu’on aura étranglé ou chez qui on aura provoqué une suffocation par une pénétration sexuelle orale, ne pourra plus respirer. De surcroît, comme la mémoire traumatique contient non seulement les violences subies, mais aussi tout ce qui concerne l’agresseur, ce qu’il a dit et mis en scène, l’enfant pourra se dire qu’il est mauvais, qu’il ne vaut rien, qu’il ne mérite pas de vivre. Ce mécanisme explique pourquoi les enfants se sentent coupable et honteux, ont de graves atteintes à leur estime de soi et peuvent penser qu’ils méritent d’être détruits voire même de mourir : ils sont en permanence colonisés par les agresseurs. 


Quand les enfants sont petits, avant 6-7 ans et très dissociés, privés de leurs émotions et qu’ils n’ont pas encore de représentations suffisantes de ce qui est interdit, ils peuvent lors d’un allumage de leur mémoire traumatique rejouer les scènes de violences sexuelles qui les envahissent du côté victimes comme du côté agresseur et avoir des comportements sexuels inappropriés en public, proférer des injures et des propos obscènes, avoir des passages à l’acte violents, tout casser et agresser sexuellement d’autres enfants ou des adultes. Ces troubles du comportement doivent immédiatement alerter car ils signent un trauma sexuel.

E. Les stratégies de survie des enfants traumatisés

Quand la dissociation est levée, la mémoire traumatique transforme la vie en un espace miné et c’est une véritable torture. On ne peut pas vivre avec une mémoire traumatique. Si celle-ci n’est pas soignée, l’enfant est condamné à mettre en place des stratégies de survie nécessaires mais qui seront très handicapantes et épuisantes et qui lui seront souvent reprochées. Ces stratégies de survie sont de deux sortes : d’un côté des conduites d’évitement et de contrôle accompagnées d’une hyper vigilance constante pour éviter les allumages de la mémoire traumatique, de l’autre des conduites à risque dissociantes qui seront anesthésiantes.

  1. L’hypervigilance, les conduites d’évitement et de contrôle

L’enfant, pour éviter les violences et les déclenchements effrayants de sa mémoire traumatique, met en place des conduites de contrôle et d'évitement vis-à-vis de tout ce qui est susceptible de les faire exploser, avec un contrôle de ses comportements et de son environnement, des angoisses de séparation, des comportements régressifs, un retrait intellectuel, des phobies et des troubles obsessionnels compulsifs comme des lavages répétés ou des vérifications incessantes, une intolérance au stress. Il va fréquemment se créer un petit monde sécurisé parallèle où il se sentira en sécurité et qui peut être un monde physique (comme sa chambre, entouré d’objets, de peluches ou d’animaux qui le rassure) ou mental (un monde parallèle où il se réfugie continuellement). Tout changement sera perçu comme menaçant car mettant en péril les repères mis en place et il adoptera des conduites d'hypervigilance avec une sensation de peur et de danger permanent, un état d'alerte, une hyperactivité, une irritabilité et des troubles de l'attention. Ces conduites d’évitement, de contrôle et d’hypervigilance sont épuisantes et envahissantes. Elles entraînent des troubles cognitifs qui ont souvent un impact négatif sur la scolarité et les apprentissages.

  1. Les conduites dissociantes anesthésiantes

Mais les conduites d’évitement et de contrôle sont rarement suffisantes pour empêcher tout lien et tout allumage de la mémoire traumatique. De plus, les enfants doivent s'autonomiser et s'exposent alors à ce qui leur fait le plus peur, comme être séparé d'un parent ou d'un adulte protecteur, dormir seul dans le noir, être confronté à son agresseur ou à quelqu'un qui lui ressemble, à des situations nouvelles et inconnues, etc. Leur mémoire traumatique va alors inexorablement se réactiver et c'est intolérable. Les enfants vont alors avoir recours à des conduites à risque dissociantes et anesthésiantes. 

Les enfants traumatisés expérimentent très tôt l’efficacité des conduites dissociantes pour se calmer lors d’une crise déclenchée par leur mémoire traumatique, en ayant recours à des violences exercées contre eux-même ou contre autrui, ou en consommant de l’alcool. Elles servent à provoquer à tout prix une disjonction pour éteindre de force la réponse émotionnelle et calmer ainsi l'état de tension intolérable. Elles peuvent aussi prévenir sa survenue. Cette disjonction provoquée peut se faire de deux façons, soit en provoquant un stress très élevé qui augmentera la quantité de drogues dissociantes sécrétées par l'organisme, soit en consommant des drogues dissociantes (alcool, stupéfiants, tabac à haute dose, médicaments). 

Ces conduites à risques dissociantes peuvent être des conduites auto-agressives (se frapper, se mordre, se brûler, se scarifier, tenter de se suicider), des mises en danger (conduites routières dangereuses, jeux dangereux, sports extrêmes, conduites sexuelles à risques, situations prostitutionnelles, fugues, fréquentations dangereuses), des conduites addictives (consommation d'alcool, de drogues, de médicaments, troubles alimentaires, jeux addictifs), des conduites délinquantes et violentes contre autrui, l'autre servant alors de fusible grâce à l'imposition d'un rapport de force. 

Ces conduites consistent en une recherche active voire compulsive de situations, de comportements ou d'usages de produits potentiellement dangereux à court ou à moyen termes. Le risque est recherché pour son pouvoir dissociant direct (alcool, drogues) ou par le stress extrême qu'il entraîne (jeux dangereux, scarifications) et sa capacité à déclencher la disjonction de sauvegarde qui va déconnecter les réponses émotionnelles et produire un cocktail de drogues dures (morphine et kétamine-like) et donc créer une anesthésie émotionnelle, un soulagement et un état dissociatif. Mais elles rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive et rendant les conduites dissociantes toujours plus nécessaires. Cela crée une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence. Ceci est à l'origine chez les victimes de sentiments de culpabilité et d'une grande solitude qui les rendent encore plus vulnérables. Elles peuvent entraîner un état dissociatif permanent avec la mise en place d’un détachement et d’une indifférence apparente qui les mettent en danger d’être encore moins secourues et d’être ignorées et maltraitées.

Ainsi, laisser des victimes de violences traumatisées sans soin est un facteur de risque qu’elles subissent de nouvelles violences ou qu’elles en reproduisent de proche en proche et de génération en génération, alimentant sans fin un cycle des violences.

Des soins essentiels 

Les soins sont essentiels, la mémoire traumatique doit être traitée. Il s’agit dans le cadre d’une psychothérapie intégrative et humaniste adaptée aux enfants en utilisant le jeu, de faire de la psycho-éducation, de faire des liens, de comprendre, de sortir de la sidération en démontant le système agresseur et en remettant le monde à l’endroit. Il s’agit de, petit à petit, désamorcer la mémoire traumatique, l’intégrer en mémoire autobiographique et décoloniser la victime des violences et du système agresseur. 

La prise en charge psychothérapeutique des enfants victimes doit être la plus précoce possible. Elle doit s’intégrer dans une prise en charge holistique également médicale, psycho-éducative, sociale, éducative et juridique : en protégeant et en mettant en sécurité l’enfant en priorité, en soutenant les adultes protecteurs qui l’entoure pour leur donner tous les outils pour le comprendre, l’apaiser et le sécuriser. En évaluant son état traumatique, puis en traitant le stress et la mémoire traumatique, c'est-à-dire en l'intégrant en mémoire autobiographique, elle permet de réparer les atteintes neurologiques, et de rendre inutiles les stratégies de survie. Le travail psychothérapique consiste à expliquer tous les mécanismes psychotraumatiques, puis à faire des liens en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique (perfusion de sens), ce qui va permettre de réparer et de rétablir les connexions neurologiques qui ont subi des atteintes et même d’obtenir une neurogénèse (22). Il s’agit de réparer l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences. Cela se fait en revisitant le vécu des violences, accompagné pas à pas par un démineur professionnel, avec une sécurité psychique offerte par la psychothérapie et si nécessaire par un traitement médicamenteux, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l’agresseur (23). Il s’agit de remettre le monde à l’endroit. Il faut démonter tout le système agresseur et reconstituer avec l'enfant son histoire en restaurant sa personnalité et sa dignité, en débarrassant celles-ci de tout ce qui les avait colonisées et aliénées (mises en scènes, mensonges, déni, mémoire traumatique). Pour que la personne qu'il est fondamentalement puisse à nouveau s'exprimer librement et vivre tout simplement. 

Conclusion  : il est urgent d'agir 

La prévention des violences passe avant tout par la protection et le soin des victimes. Parce qu’ils ne seront plus condamnés au silence, ni abandonnés sans protection et sans soins, ces enfants victimes pourront sortir de cet enfer auquel les condamne la mémoire traumatique des violences sexuelles subies. La compréhension des conséquences psychotraumatiques et de leurs mécanismes neurobiologiques, l’analyse thérapeutique précise et détaillée, telle une autopsie dirigée, de leur symptôme central, la mémoire traumatique, sont des outils nécessaires et performants pour rendre justice aux victimes et réparer les atteintes à leur dignité et leur intégrité en rétablissant la vérité. 

Le déni, la loi du silence et l’impunité dont bénéficient ces crimes haineux sont intolérables. Pour que le monde soit enfin plus solidaire et plus juste pour les victimes de ces crimes sexuels, pour que la vérité sur ces crimes ne soit plus niée, la reconnaissance, l’information, la prise en compte et le traitement des psychotraumatismes est un préalable nécessaire. De même, il est nécessaire que soit effective la formation de tous les professionnels susceptibles de prendre en charge, d’accompagner, de soigner les victimes, aux conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles et à leurs mécanismes, la sidération, la dissociation et la mémoire traumatiques. C’est ce qui permettra de démonter les mythes et les stéréotypes sexistes à l’origine de la mise en cause quasi-systématique de la parole des victimes et de leur culpabilisation et de restaurer ainsi leurs droits ainsi que leur dignité. 





  1. Association Mémoire Traumatique et Victimologie (MTV), « Violences sexuelles dans l’enfance », Enquête de MTV/Ipsos, 2019, Rapport téléchargeable sur le site http://www.memoiretraumatique.org.
  2. Jasper Dammeyer, « A national survey on violence and discrimination among people with disabilities », EMC Public Health, 18, 2018, p. 355. 
  3. Rapport de l’OMS, « Global Status Report on Violence Prevention », Genève, WHO, 2014, 2016. 
  4. Enquête « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » (IVSEA) de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie (MTV), Laure Salmona (auteure), Muriel Salmona (coordinatrice), 2015, rapport de 322 pages téléchargeable sur le site http://www memoiretraumatique.org ; Enquête « Violence et rapports de genre » (VIRAGE) et « Premiers résultats sur les violences sexuelles », Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elisabeth Brown, et al., INED, Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages ; Enquête Contexte de la sexualité en France (CSF) de 2006, Nathalie Bajos, Michel Bozon et l’équipe CSF, « Les violences sexuelles en France: quand la parole se libère », Population & Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques), 445, mai 2008 ; Enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) Insee de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), Rapport annuel sur la criminalité en France, 2012-2019 ; MTV/IPSOS, 2019, art. cit.
  5. Infostats Justice, Bulletins dinformation statistique du Ministère de la Justice, n° 160, 2018. 
  6. Infostats Justice, Bulletins dinformation statistique du Ministère de la Justice, n° 164, 2018.
  7. Enquête MTV/IVSEA 2015, art. cit. ; Enquête MTV/IPSOS, 2019, art. cit. 
  8. Ned Rofriguez, Susan W Ryan, Hendrika Van der Kemp, David W. Foy, « Posttraumatic stress disorder in adult female survivors of child sexual abuse: A comparison study » Journal of Consulting and Clinical Psychology, Vol. 65, Issue 1, 1997, p. 53-59. 
  9. Rebecca Campbell, « The co-occurrence of child-hood sexual abuse, adult sexual abuse, intimate partner and sexual harassment  », Journal of consulting and clinical psychology, vol. 76, n° 2, 2008, p. 194-207 ; Alexander C .McFarlane, « The long-term costs of traumatic stress: intertwined physical and psychological consequences », World Psychiatry, Vol. 9, Issue 1, 2010,  p. 3-10. 
  10. MTV/IVSEA, 2015, art. cit. 
  11. Charles B. Nemeroff, « Paradise Lost : The Neurobiological and Clinical Consequences of Child Abuse and Neglect», Neuron, Volume 89, Issue 5, 2016, p. 892- 909. 
  12. Rebecca Campbell, 2008, art. cit. ; Susan Hillis, « Global Prevalence of Past-year Violence Against Children: A Systematic Review and Minimum Estimates », Pediatrics, 137(3), 2016; MTV/IVSEA, 2015 art. cit. ; MTV/Ipsos 2019, art. cit.
  13. Vincent J Felitti, Robert F. Anda, « The Relation- ship of Adverse Childhood Experiences to Adult Health, Well-being, Social Function, and Health Care » in Ruth Lanius, Eric Vermetten, Clare Pain C. (Ed.), The Effects of Early Life Trauma on Health and Disease : the Hidden Epidemic, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 77-87. 
  14. David W. Brown, Robert F. Anda, Henning Tiemeier, H., Vincent J. Felitti, Valerie J. Edwards, Janet B. Croft et al., « Adverse Childhood Experiences and the Risk of Premature Mortality » in American Journal of Preventive Medicine, 2009, Vol. 37, Issue 5, p. 389-396. 
  15. MTV/IVSEA, 2015, art. cit. ; MTV/IPSOS 2019, art. cit.
  16. Susan Hillis, 2016, art. cit.
  17. Charles B. Nemeroff, 2016, art. cit.
  18. Muriel Salmona, « L’Amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ». In Roland Coutanceau et Carole Damiani, Victimologie. Évaluation, traitement, résilience, Paris, Dunod, 2018, p. 71-85.
  19. Onno Van der Hart et al., Le soi hanté, Paris, De Boeck, 2010. 
  20. Muriel Salmona, « La mémoire traumatique », in Marianne Kédia, Aurore Sabouraud-Seguin, LAide-mémoire en psychotraumatologie, Paris, Dunod, 3e éd., 2020.
  21. Thomas Ehling, Ellert R. S. Nijenhuis, A. P. Krikke, « Volume of discrete brain structures inflorid and recovered DID, DDNOS, and healthy controls », Presented at 20th Annual Conference of the International Society for the Study of Dissociation, Chicago, 2003, November 4.
  22. Muriel Salmona, Le livre noir des violences sexuelles, Paris, Dunod, 2e éd., 2019 ; Bessel Van der Kolk, Le Corps noublie rien : Le cerveau, lesprit et le corps dans la guérison du traumatisme, Paris, Albin Michel, 2020.