mardi 25 août 2015

Traduction de l'article du magazine féministe allemand EMMA du 21 août 2015 : Prostitution : larges manifestations contre Amnesty



TRADUCTION par Jean-Pierre Salmona de
l'article du magazine féministe allemand EMMA du 21/08/2015 :







Il n'y a pas que les Femen, présentes à la manifestation en face du siège allemand d'Amesty à Berlin, qui regrettent qu' "Amnesty soit devenue une organisation de défense des droits des hommes". Depuis que l' "Organisation de défense des droits humains" a voté pour la décriminalisation des clients et des proxénètes, les manifestations de protestations se multiplient. Et que fait le Conseil des femmes allemand ?

Il y a eu de gros remous après qu'Amnesty International a déclaré le 11 août vouloir à l'avenir une "décriminalisation et une libéralisation de la prostitution". "Négligence maximum" dit la Fédération des policiers allemands, de la décision de l'assemblée des délégués à Dublin ; "la zone des lumières rouges est en raison de sa facilité à engranger des gains un aimant permanent pour l'organisation du crime et le terrain d'activité des grands criminels".

Sr. Lea Ackerman dont l'organisation Solwodi a tous les jours affaire aux victimes  de ces grands criminels est également sidérée : "la décision d'Amnesty International est inconcevable", explique-t-elle. "Comment une organisation internationale qui lutte pour les droits humains et la justice peut-elle appeler à la décriminalisation d'un marché rapportant des milliards du fait de la traite de femmes et d'enfants ?" Et l'organisation des droits des femmes Terre des femmes explique, ce qui devrait aussi être compris d'Amnesty, mais ce n'est pas évident : "notre but est une société sans prostitution !"

Avec ce vote à Dublin, "l'organisation des droits humains" s'est clairement exprimée contre le "modèle nordique" qui en effet décriminalise les femmes et les hommes prostitué-e-s mais qui considère que l'achat de sexe est une violation de la dignité humaine, et qui par conséquent punit le "client". Le Parlement Européen et le Conseil de l'Europe ont reconnu au printemps 2014, après un examen approfondi, que le modèle nordique est la meilleure façon de freiner la demande de marchandisation des femmes, et ainsi de combattre la pauvreté, la prostitution et la traite.

D'autre part le rapport européen n'approuve en rien modèle allemand. "Au lieu de la légalisation, qui a entraîné un désastre aux Pays-Bas est en Allemagne, nous avons besoin d'une approche nuancée qui punisse les hommes qui traitent le corps des femmes comme une marchandise, sans punir ceux qui sont tombés dans le travail du sexe" a expliqué après le vote l'eurodéputée britannique Mary Honeyball, qui a écrit le rapport.

Amnesty cependant continuera à user de son influence pour que les clients prostitueurs restent impunis - c'est à dire ceux qui créent la demande et par conséquent alimentent la traite des êtres humains, mais aussi les propriétaires de maisons closes et les proxénètes. Car ces "organisateurs", comme il est dit dans un document de stratégie sur la prostitution, "simplifient le travail du sexe, en fournissant information et assistance". Comment peut-on arriver à une formulation aussi stupéfiante, c'est désormais clair. L"organisation des droits de l'homme" a été systématiquement minée par le lobby pro-prostitution depuis des années.

Or les protestations pleuvent - nationales et internationales. Nous regrettons que les proxénètes, les propriétaires de maisons closes et autres profiteurs et exploiteurs de l'industrie du sexe aient réussi à infiltrer une grande organisation comme Amnesty, pour l'instrumentaliser à leurs fins", disent les Femen. Une organisation internationale pour les droits humains digne de ce nom devrait avant tout se préoccuper des dommages physiques et psychologiques que subissent les personnes du fait de l'industrie du sexe, personnes qui sont exploitées et n'ont ni voix à faire entendre ni lobby.

 "AI ignore l'effet dévastateur d'une industrie du sexe libéralisée, dont il a été démontré qu'elle augmente la traite et les violences sexuelles. AI s'est positionnée contre les personnes les plus vulnérables du monde et fait un pacte avec les agresseurs: les protagonistes d'une industrie du sexe criminelle qui rapporte des milliards de dollars" dit Ingeborg Kraus. L'initiatrice de l'appel "Traumathérapeutes contre la prostitution" avait lancé une pétition contre Amnesty avant le vote de Dublin.

Sa collègue Muriel Salmona, psychiatre et psychotraumatologue à Paris, voit avec la décision d'Amnesty une similitude avec le monde décrit par Orwell dans "1984" : "l'exploitation et la domination c'est la liberté, les exploiteurs ce sont vos protecteurs, le viol tarifé c'est un travail…" écrit-elle.

Ceux qui ont survécu après des années passées dans l'industrie du sexe et ont uni leurs forces se disent horrifiés : "nous savons d'expérience que l'industrie du sexe est un système d'exploitation dommageable et déshumanisant qui ne devrait JAMAIS être décriminalisé", expliquent les Survivants de la Prostitution-Appel aux Lumières (SPACE). "Nous pouvons à peine le croire, Amnesty international, un modèle reconnu, donne un laissez-passer aux proxénètes et aux clients. En faisant cela vous manquez de respect à vos propre principes concernant les droits humains."

Finalement, explique le Lobby Européen des Femmes, organisation chapeautant plus de 2000 organisations membres et initiatrice de la campagne "Pour une Europe sans prostitution" : cette décision porte un coup irréparable à la crédibilité d'Amnesty quant à "l'égalité des sexes". 

Seul le Conseil des femmes Allemand soutient un autre point de vue : "il ne peut que trouver bienvenue" la décision d'Amnesty, car "dans son noyau la position d'Amnesty coïncide avec la notre".

Désormais trois questions se posent :
1. Est ce que le Conseil des femmes allemandes a lu un tant soit peu le communiqué d'Amnesty.
2. Est ce que l'association de Berlin parle réellement au nom de ses 57 organisations membres
3. Quelle relation a-t-elle réellement avec le lobby pro-prostitution.

En tout cas, le Conseil des Femmes allemandes, qui a un "rôle consultatif spécial" aux Nations-Unies, n'a certainement pas lu la résolution de l'ONU de 1949 combattant la traite des êtres humains. En effet, les Nations-Unis y déclare sans ambiguïté : "la prostitution et les dommages qui découlent de la traite des êtres humains sont incompatibles avec la dignité et la valeur de l'être humain"

vendredi 14 août 2015

Nouvel article sur Le Plus de l'Obs de la Dre Muriel Salmona : Plaintes pour viol : les victimes continuent de se taire. Des solutions existent 14 août 2015












LE PLUS. En cinq ans, le nombre de viols dénoncés aux autorités a augmenté de 18% en France, selon "Le Figaro". Comment analyser ces chiffres ? Pour Muriel Salmona, psychiatre, deux éléments expliqueraient cette augmentation : les victimes parlent probablement davantage et le nombre de viols par an est plus important. Explications.





Muriel Salmonapsychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie ,

Édité par  Anaïs Chabalier  Auteur parrainé par Elsa Vigoureux

Publié le 14 août 2015









Quand on sait que ces chiffres de plaintes pour viol de l’ONDRP (l’Observatoire national des réponses pénales) relayés par "Le Figaro" ne sont qu’une infime partie de l’ensemble des viols commis chaque année en France, il est difficile d’en tirer des conclusions.

Est-ce parce qu’il y a plus de viols depuis 2010 ? Est-ce parce qu’il y a davantage de victimes qui arrivent à porter plainte, parce qu’on en parle plus ? La deuxième hypothèse est plus probable, mais on n’en sait rien…

1 à 2% des violeurs seraient condamnés

En revanche, ce que nous savons avec certitude, c’est que le nombre de viols par an est beaucoup plus important, au moins 10 fois plus. De même, nous savons que l’abandon des victimes est la norme, et que l’impunité de ces crimes règne en maître : 1 à 2% des violeurs seulement seraient condamnés.

L’ONDRP nous dit que seuls 10% des viols font l’objet de plainte. Mais ce pourcentage est calculé à partir du rapport entre les chiffres de viols déclarés aux autorités et ceux établis par les enquêtes de victimation Cadre de Vie et Sécurité de l’INSEE (interroger des gens échantillonnés de façon à représenter la population d'un pays sur les infractions dont ils ont été victimes).

Les chiffres les plus récents de ces enquêtes faisaient état en 2012 de 86.000 femmes violées par an et 16.000 hommes, soit 102.000 personnes victimes de viol chaque année. Ce chiffre mis en perspective avec les 10.762 plaintes pour viols en 2010 donne effectivement un pourcentage d’environ 10%.

Les mineurs ne sont pas comptabilisés

Mais si les plaintes prennent en compte toutes les personnes, il n’en est pas de même pour les enquêtes, qui ne prennent en considération que les adultes de 18 à 75 ans, résidant en France métropolitaine.

Les autres, les moins de 18 ans, qui sont les principales victimes de viol (que ce soit pour les plaintes : 55%, ou sur la vie entière : 59% des femmes et 67% des hommes ayant subi des viols ou des tentatives de viol les ont subis avant l’âge de 18 ans), les résidents des DOM-COM (où d’après les chiffres de plaintes on compte trois à quatre fois plus de viols), les personnes en institution et les sans-toit ne sont pas comptabilisées.

Si nous prenons en compte le pourcentage le plus bas de 55% de viols subis en tant que mineurs (chiffre donné par les plaintes), il y aurait, en plus des 102.000 viols sur des adultes, au moins 125.000 sur des mineurs (chiffre le plus bas), soit 227.000 viols (sans compter ceux commis dans les DOM-COM, sur les plus de 75 ans et sur les personnes en institution, en foyer et ceux sans toit).

Si "trente-trois viols sont déclarés chaque jour en France, soit un toutes les quarante minutes en moyenne", ce sont au moins 622 viols qui sont commis par jour, lorsqu’on tient compte des victimes mineures, soit un peu plus d’un viol toutes les deux minutes et demi en moyenne.

Si l’on rapporte ce chiffre global de 227.000 viols par an, chiffre qui reste très sous-estimé, à celui des 12.768 personnes qui ont porté plainte pour viol en 2014, il apparaît que ce sont 5,6% de viols seulement qui sont dénoncés aux autorités. Bien moins que le pourcentage habituel de moins de 10%, régulièrement avancé.

Les victimes de viols moins enclines à porter plainte

La future enquête nationale sur les violences, intitulée VIRAGE (Violences et rapports de genre), prévoit d’inclure les collectivités territoriales d’Outre-Mer. Elle se propose en revanche de n’étudier qu’un échantillon représentatif âgé de 20 à 69 ans : encore une fois ni les mineurs, ni les personnes les plus âgées, ni les plus marginalisées ne seront interrogées.

Ce sont donc de 90 à plus de 94% des viols qui ne feront pas l’objet d’enquêtes, ni de poursuites.

Les droits des victimes à être protégées et à obtenir justice ne sont pas respectés. Dans l’enquête nationale de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015), soutenue par l’UNICEF France, 83% des victimes de viols rapportent n’avoir jamais été protégées, ni reconnues.

Il a été démontré que les victimes de violences sexuelles sont moins enclines à porter plainte que les victimes de n’importe quel autre crime ou délit [1].

Ces violences sont souvent commises par des proches

Pourquoi la majorité des victimes renoncent-elles à porter plainte ?

Avant tout, rappelons que les violences sexuelles ont lieu dans tous les milieux, à tous les âges et ne concernent pas uniquement les femmes "attractives" selon le canon de la séduction.

Rappelons que les personnes les plus vulnérables : les enfants et les femmes handicapées subissent bien plus de violences sexuelles ; que ce sont des proches qui en très grande majorité commettent ces violences et dans 50 % des cas une personne de la famille pour les enfants et un conjoint ou un partenaire pour les adultes, le plus souvent au domicile de la victime…

Et que 81% des premières violences sexuelles sont subies avant 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant six ans (enquête IVSEA, 2015).

Des conséquences psychotraumatiques graves

Rappelons également que les violences sexuelles ont le triste privilège d'être les violences qui ont les conséquences psychotraumatiques les plus graves, avec un risque de développer un état de stress post-traumatique chronique associé à des troubles dissociatifs très élevés chez plus de 80% des victimes de viol (Breslau, 1991), voire 100% quand il s’agit d’enfants et d’inceste (Lindberg, 1985).

Les conséquences psychotraumatiques peuvent s'installer pendant des années, des dizaines d'années, voire toute la vie.

On retrouve un impact sur la santé mentale pour 95% des victimes, et sur la santé physique pour 70% d’entre elles, avec une souffrance psychique importante pour plus de la moitié d’entre elles (IVSEA, 2015).

Les violences subies dans l’enfance sont le déterminant majeur de la santé des victimes 50 ans après, si rien n’est fait pour les protéger et les soigner [2].

Pour les victimes, il est difficile de parler

Ces réalités permettent de comprendre qu’il est beaucoup plus difficile de parler pour une victime.

Quand elle est toute petite et n’a pas la possibilité de comprendre, ni de dire ce qui s’est passé ; et quand elle est dépendante de l’agresseur et sous son autorité, ce qui est le cas des enfants et des personnes vulnérables, en situation de grand handicap, des patients face aux soignants…

De même, il est beaucoup plus difficile de parler quand on vit avec l’agresseur ou qu’on le côtoie quotidiennement.

"Les agresseurs sont des proches pour plus de 80% des victimes adultes, et plus de 90% des victimes mineures", et quand on est victime de viols conjugaux, qu’on n’est pas informé sur la loi et qu’on pense être obligé de se soumettre au "devoir conjugal" (cela explique pourquoi les victimes de viol conjugal ne sont que 2% à porter plainte).

Rester en contact avec l’agresseur, c’est être sous son emprise

Rester en contact avec l’agresseur, pour la victime, c’est être sous son emprise, sous ses menaces, c’est subir ses manipulations, c’est également subir la loi du silence à l’œuvre dans les familles, les entreprises ou les institutions.

Rester en contact, c’est également être en danger et être traumatisé en permanence avec la mise en place de stratégies de survie neurobiologiques qui entraînent un état dissociatif avec une anesthésie émotionnelle et sensorielle, la victime se retrouvant déconnectée, en mode automatique, avec une pseudo-tolérance et indifférence à ce qui lui arrive, dans un sentiment d’irréalité, qui rend toute analyse de sa situation et toute démarche impossible.

D’autant plus que cet état dissociatif entraîne de fréquentes amnésies traumatiques qui peuvent durer des années, celles-ci se levant quand la victime n’est plus exposée à l’agresseur ou à des violences, quand elle est enfin protégée [3].

Les victimes ont peur de ne pas être crues

Les victimes traumatisées sont également aux prises avec une mémoire traumatique qui leur fait revivre de façon non contrôlée les violences, la terreur et la détresse, et les mises en scène et les phrases assassines des agresseurs.

Cela explique pourquoi, même si elles ne sont plus en contact avec l’agresseur, il leur est si difficile de parler des violences qu’elles ont subies sans avoir des attaques de panique et sans être envahies par les propos culpabilisants et méprisants des agresseurs ("c’est de ta faute", "tu l’as bien cherché", "tu l’as voulu", "personne te croira ou te viendra en aide car tu vaux rien", etc.) [4].

Enfin, les victimes ont peur de ne pas être crues et d’être mises en cause, souvent à juste titre malheureusement, car beaucoup de personnes et de professionnels censés les aider et les prendre en charge sont contaminées par des stéréotypes catastrophiques qui font que la victime est fréquemment soupçonnée de mentir, d’être responsable de ce qui lui est arrivé, d’avoir été consentante, c’est ce qu’on appelle la culture du viol.

Informer sur la réalité des violences sexuelles 

Que faut-il faire ?

Pour sortir du déni, de la loi du silence et de l’impunité, pour lutter contre l’abandon où sont laissées les victimes, pour qu’elles soient enfin protégées et qu’elles puissent accéder à des soins et à une justice, il faut :

- ne plus tolérer les violences sexuelles quelles qu’elles soient et mettre en place des procédures judiciaires adaptées et respectueuses des droits des victimes et de leur protection ;

- informer sur la réalité des violences sexuelles et sur leurs conséquences psychotraumatiques, faire de la prévention dès la maternelle ;

- lutter contre les inégalités, les discriminations et les stéréotypes ;

- former tous les professionnels prenant en charge les victimes ;

- mettre en place une offre de soin adaptée et accessible à toutes les victimes ;

- il est impératif de protéger les victimes et pour cela d’aller vers elles pour les identifier, et non d’attendre qu’elles viennent parler, pour cela il faut rechercher auprès de toutes les personnes si elles ont subi ou si elles subissent des violences sexuelles en leur posant régulièrement la question.


[1] Chen Y., "Wommen’s reporting of sexual and physical assault to the police in the national violence against women survey" in Violence against Women, vol 16, n°3, 2010, p 262-279

[2] L’enquête nationale de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015), soutenue par l’UNICEF France a été menée auprès de plus de 1200 victimes de violences sexuelles, le rapport dont Laure Salmona est l’auteure, est téléchargeable sur http://stopaudeni.com et http://www.memoiretraumatique.org

[3] "Le livre noir des violences sexuelles", Muriel Salmona, éditions Dunod, 2013.

[4] Ibid


mercredi 12 août 2015

AMNESTY INTERNATIONAL VOTE UNE RÉSOLUTION EN FAVEUR DE LA DÉPÉNALISATION DE LA PROSTITUTION Quels sont ses arguments pour cette prise de position choquante ? Article de Muriel Salmona


AMNESTY INTERNATIONAL 
VOTE UNE RÉSOLUTION EN FAVEUR DE LA DÉPÉNALISATION DE LA PROSTITUTION
Quels sont ses arguments pour cette prise de position choquante ?

Traduction en anglais de cet article téléchargeable ICI 

http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/AMNESTY-INTERNATIONAL-VOTE-FOR-A-RESOLUTION-OF-LEGALISATION-PROSTITUTION.pdf

Août 2015
Dre Muriel SALMONA
Présidente de l’Association 


Ce 11 aout 2015 à Dublin, dans le cadre de la mise en place de grandes orientations stratégiques, les 500 délégués du conseil international d’Amnesty International ont voté une résolution prônant la décriminalisation du système prostitueur (personnes prostituées, clients et proxénètes) pour protéger celles et ceux qu’Amnesty appelle « les travailleuses ou les travailleurs du sexe », tout en excluant de cette décriminalisation les systèmes coercitifs, la prostitution des enfants et la traite des êtres humains.

Cette résolution élaborée après près de deux ans de consultations et d’âpres oppositions au sein même d’Amnesty, et venant de nombreuses organisations et d’associations qu’elles soient abolitionnistes, féministes et/ou de lutte contre les violences, de politiques, de personnalités, de professionnels du soin et de survivantes de la prostitution, etc. De nombreuses pétitions et lettres ouvertes ont circulé et ont récolté un grand nombre de signatures, telles que celles de la CEDAW, de Prostitutionresearch de Melissa Farley, qui a lancé un appel avec 153 signatures de chercheuses, de chercheurs et d’universitaires (dont la mienne) de 19 pays, etc..

Amnesty prône la libéralisation et la légalisation de la prostitution… et en fait la promotion…


Quel paradoxe pour une ONG qui lutte pour les droits des personnes et contre la torture, de militer pour que les femmes les plus vulnérables soient exposées à des violences sexuelles qui font partie avec la torture des violences les plus traumatisantes !

Au nom de la défense des personnes prostituées contre la discrimination et les violences d’Etat (harcèlements et brutalités policières) Amnesty prône la légalisation de la prostitution et du système prostitueur, et livre sans état d’âme les personnes les plus vulnérables qui soient (femmes traumatisées depuis l’enfance, abandonnées par tous, en très grande précarité, racisées) aux mains des marchands du sexe et de leurs clients. Amnesty, comme nous allons le voir, ne se contente pas de passer sous silence la violence de ce qu’est la prostitution en elle-même et de l’atteinte aux droits, à la dignité et à l’intégrité physique et psychique des personnes (violence des passes répétées, réification des personnes, mises en scène d’humiliation et de soumission), elle est dans le déni de la violence des clients et des proxénètes et du marché du sexe, des risques quotidien d’être torturées, séquestrées, tuées, et de disparition. À tel point, que dans sa résolution, elle nie l’impact psychotraumatique de la prostitution sur les personnes prostituées, elle nie les violences sexuelles que les personnes prostituées ont subi avant l’entrée dans la prostitution dans l’enfance qui en font les cibles privilégiées des prostitueurs. Amnesty en un mot, fait la promotion du système prostitueur, pour en faire une activité marchande comme une autre, un travail comme un autre, avec les mêmes arguments mystificateurs des pro-prostitution !

Alors que la position prônant la légalisation de la prostitution est remise de plus en plus en cause, et que la prostitution est de plus en plus reconnue comme une violence faites aux femme tant au niveau international qu’européen…Alors que des pays emboîtent le pas de la Suède pour pénaliser le client et ainsi décourager la demande, que de plus en plus de personnalités en Allemagne et aux Pays-Bas (pays ayant légalisé la prostitution depuis plus de 10 ans) remettent en cause celle légalisation (Manifeste des psychotraumatologues lancé par Ingeborg Kraus, lettre à Angela Merckel) en reconnaissant l’augmentation très importante du nombre de personnes prostituées, de la traite et du crime organisé, et la gravité des psychotraumatismes chez les personnes prostituées, et en constatant que la raison arguée de départ pour mettre en place cette légalisation, qui était de garantir une meilleure protection et plus de droits aux personnes prostituées en leur permettant de régulariser leur activité, à échoué. Le nombre de personnes prostituées étrangères en très grande vulnérabilité dans ces pays ne fait qu’augmenter, le marché du sexe est florissant et exponentiel avec des demandes de «services sexuels» de plus en plus fortes et extrêmes et la mise en place d’un marché du sexe avec des promotions…. 

AI devient complice d’hommes voulant conserver le privilège exhorbitant d’accès aux corps de femmes réduites à une marchandise selon leur envie, qu'ils nomment par abus de langage : sexualité, travail du sexe, prostitution librement consentie, dans une confusion intentionnellement entretenue entre sexualité et prédation. La liberté serait pour ces hommes, une valeur supérieure, liberté de faire ce que bon leur semble dans le cadre de "leur vie sexuelle", liberté des femmes de vendre leur corps le temps d’une passe. Et contraindre cette liberté serait alors une oppression ou un retour à des valeurs réactionnaires. Avec ce raisonnement, ils se permettent de taxer toutes les personnes qui s'élèvent pour dénoncer ces violences, de moralisatrices, discriminantes et stigmatisantes envers les personnes prostituées. Or la liberté de chacun est soumise à des limites, elle s'arrête là où commence la liberté et les droits d'autrui. Le droit, y compris le droit international des droits humains, prévoit des restrictions de droits et surtout de libertés. Il en est ainsi de la Convention européenne des Droits humains. La liberté n'a de sens que dans un monde juste où l'égalité de droits de chacun est respectée. La liberté suppose le respect de la loi et elle doit être la liberté de tous, des forts aussi bien que de ceux qui sont en position de vulnérabilité : liberté, loi et égalité sont indissociablement liées. Si tel n'est pas le cas on aboutit comme le fait remarquer Karl Marx « à la liberté du renard libre dans le poulailler libre… ». Et nous pouvons reprendre la phrase célèbre de Lacordaire « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. ».
Le consentement d’une personne à se prostituer est encadré par les droits de la personne. Ce n’est pas parce qu’une personne accepte de renoncer à ses droits au bénéfice d’une autre personne que cette dernière peut être dédouanée, elle reste entièrement responsable du respect de la dignité et de l’intégrité physique et psychique d’autrui. Pour pousser l’exemple, ce n’est pas parce qu’une personne accepte d’être torturée, mutilée, mise en esclavage, tuée, découpée en morceaux, privée de ses yeux, que quiconque peut en profiter pour la mutiler, l’esclavagiser, la tuer, la découper en morceaux, la priver de ses yeux, fut-ce pour prétendument la sortir d’une situation de grande précarité. Ces actes n’en restent pas moins des crimes punis par la loi, et le fait de rétribuer financièrement la personne pour ce faire n’y change rien, au contraire, le corps est inaliénable et ne peut s’acheter. 


Le choc est de taille !

Comment et pourquoi une organisation de défense des droits humains peut-elle prôner une totale libéralisation d’un système de domination extrêmement lucratif, sexiste et raciste, qui exploite sexuellement et porte atteinte à la dignité et à l’intégrité physique et sexuelle des personnes les plus vulnérables et les plus discriminées dans le monde pour que des hommes puissent payer pour avoir accès à leurs corps, à leur intimité, et les utiliser comme objets sexuels pour en jouir, s’amuser, les dominer, les soumettre, les humilier, voire les torturer sexuellement.

Amnesty pourrait nous rétorquer que dans sa résolution, elle prend soin de préciser qu’il faut avant tout protéger les personnes prostituées, et dépénaliser leur activité dans les pays où celle-ci est illégale (ce qui n’est pas le cas dans les pays abolitionnistes comme la France), et criminaliser le trafic d’êtres humains en vue de la traite à des fins sexuelles, ainsi que la prostitution des enfants, ce à quoi nous adhérons bien sûr. Mais il n’y a ni aucune piste pour les combattre, et rien n’est précisé pour informer sur la réalité de la traite et de la prostitution infantile, sur l’âge d’entrée en prostitution qui pour plus de la moitié des personnes prostituées se fait avant 18 ans, et sur ce qui se passe dans les pays qui ont légalisé la prostitution. AI se garde bien de ne donner aucun chiffre sur ces réalités criminelles, ni sur le pourcentage réel de personnes prostituées qui seraient dites «libres», consentantes et exerçant sans aucune coercition, pour la protection desquelles cette proposition a été élaborée…,, De plus, à aucun moment, on ne trouve une analyse du système de domination masculine, ni la prise en compte que les personnes prostituées sont très majoritairement (à 95%) des femmes, et que les clients sont quasiment que des hommes…

Pour Amnesty la prostitution devrait être un travail comme un autre… 

Que propose AI : de faire de la prostitution un travail et des personnes prostituées des «travailleuses de sexe» (terme répété jusqu’à la nausée tout au long de la résolution) avec des problématiques inhérentes au droit du travail dont elles doivent bénéficier en termes de condition «équitables et satisfaisantes» de travail : «de normes et sécurité au travail». Un travail pour les plus de 18 ans… et quid de la formation, des droits au chômage versus des propositions de travail que pourraient faire les organismes administratifs gérant les chômeurs ? Le proxénétisme est présenté comme «l’organisation générale du travail du sexe». La prostitution comme un des rares travail qui offre des sources de bénéfices à des personnes discriminées dans l’emploi, comme les personnes transgenres, «un travail de convenance personnelle» qui «offre une flexibilité et un contrôle sur les heures de travail ou un taux de rémunération plus élevé que les autres options» de travail (sic !!!!) : quelle chance ce serait d’être prostituée si on arrêtait de considérer que c’est une activité criminelle et de vouloir pénaliser ces pauvres proxénètes qui ne demandent qu’à protéger leurs «travailleuses» et ces pauvres clients qui leur permettent de s’enrichir… AI le concède cela peut être un moyen de survie immédiat en raison de l’extrême pauvreté et de l’exclusion sociale. Et quid des 85% à 95% personnes prostituées qui voudraient sortir de la situation prostitutionnelle.

Pour Amnesty la prostitution ne porte pas atteinte au droits des personnes, c’est le fait de la criminaliser qui est une atteinte à leurs droits et une discrimination…


Le raisonnement que développe AI, est que, si prostituées subissent des violences de la part des acteurs étatiques et «les autres», c’est par discrimination, stigmatisation, et manque de reconnaissance de leur statut de travailleuses sexuelles. C’est cette non reconnaissance qui les exposent à des persécutions, il suffirait d’arrêter de stigmatiser cette «profession», de la légaliser, et d’offrir des garanties en terme de droit du travail pour que les personnes prostituées soient protégées des violences… Et que cette violence est aggravée par les lois criminelles qui les obligent à travailler cachées et donc bien plus exposées aux pires violences. La loi compromet donc les droits des personnes.

Le fait que la prostitution bafoue les droits à l'égalité, à la sécurité, et à la santé des personnes en situation prostitutionnelle est escamoté par Amnesty…

Notre expérience et notre expertise en tant que professionnels de la santé prenant en charge des personnes étant ou ayant été en situation prostitutionnelle depuis plus de 20 ans ainsi que les nombreuses études médicales internationales sur l'impact sur la santé de la prostitution montrent que la prostitution est non seulement une atteinte à la dignité des personnes et une discrimination sexiste, mais elle est une atteinte à aux droits de vivre en sécurité (sans subir de violence) des personnes en situation prostitutionnelle, une atteinte à leurs droits à la santé et à un accès à des soins adaptés par des professionnels formé et compétents (la prostitution représente une perte de chance importante en matière de santé). 


La violence inhérente à la prostitution, violence exercée par les clients, est passée sous silence par Amnesty…


Il est à noter qu’AI se garde bien de nommer les violences que subissent les personnes prostituées à part celles d’Etat (expulsions, violences policières) et qu’elle les lie à de la discrimination et à la stigmatisantion. À aucun moment on ne voit les mots viols, agressions sexuelles, violences physiques, psychologiques et verbales, tentatives de meurtre, violences que les personnes prostituées subissent lors des situations prostitutionnelles si fréquement, ni on ne pointe les principaux et de loin agresseurs, les clients suivis des proxénètes: 

Pour rappel 70% à 95% subissent des violences physiques pendant la situation prostitutionnelle, 60% à 75% ont été violées pendant la situation prostitutionnelle (Melissa Farley, 2003). Même Médecins du Monde qui demande également la légalisation de la prostitution en France ne fait plus cette impasse, l’association a fait une enquête en 2012 auprès des personnes prostituées chinoises que l’association suit, celles-ci ont été 83% a avoir subi des violences depuis leur arrivée en France : 63% ont subi des retraits de préservatifs non consentis, 55% ont subi des violences physiques, 38% des viols, 25% des séquestrations et 17% des menaces de mort, ces violences émanaient essentiellement des clients.

Une étude prospective aux USA sur 33 ans de 1969 femmes (John J. Potterat, 2003) a montré que pendant la situation prostitutionnelle les personnes prostituées ont un taux de mortalité bien plus important que la population générale (femmes de même âge, mêmes origines) 459/100 000 contre 5,9/100 000 (x78) avec une moyenne d’âge de décès à 34 ans. Les causes de mortalité sont l’homicide, la prise de drogues, les accidents, l’alcool, la situation prostitutionnelle est l'activité la plus à risque de mort par homicides (clients, proxénètes) avec 204/100 000, le métier le plus dangereux aux USA étant à 29 homicides /100 000 pour les hommes et 4 homicides/100 000 pour les femmes).

La violence des clients est remplacée par une intentionnalité qui serait bonne pour la victime puisque les personnes en situations prostitutionnelles s'enrichissent grâce à eux et tout cela n'est pas si grave puisque c'est leur choix. Or cette violence est telle, et traumatisante à tel point, que seule des personnes ayant déjà subi des violences surtout sexuelles et dans l’enfance, et présentant un état de dissociation traumatique peuvent «supporter» parce qu’elles sont anesthésiées physiquement et émotionnellement et «formatées» à «supporter» le pire sans avoir le droit de se plaindre, ni de se défendre depuis leur enfance. 


Les traumatismes psychiques que présentent les personnes prostituées sont un stéréotype pour Amnesty !…

Que dit AI à propos de toutes les études scientifiques internationales en psychotraumatologie qui ont montré le fort pourcentage de personnes prostituées présentant des états de stress post-traumatiques et de dissociation péri-traumatique : il n’en cite aucune, ne donne aucun résultat  et en toute indécence déclare que c’est «un stéréotype fréquent» ! Que c’est «nuisible et démoralisant pour les travailleurs du sexe» (sic) que cela augmente la discrimination qu’ils subissent ! 

Et voilà, en substance, le discours d’Amnesty International, tel que l’ont peut le résumer à la lumière du texte de la résolution : ne croyez pas toutes ces personnes prétendument bien attentionnées, féministes, qui veulent votre bien malgré vous et qui vous empêche d’exercer librement la profession que vous avez choisie, ce n’est pas vrai que ce «travail» portera préjudice à votre santé psychique, ce qui vous porte préjudice c’est qu’on vous empêche de l’exercer dans de bonne conditions en pénalisant clients et vos proxénètes et en le stigmatisant. Ce sont ces personnes qui disent vouloir vous protéger qui vous exposent aux pires violences…

Nous sommes plongés dans le monde totalitaire que décrit Orwell dans 1984 :

«L’exploitation et la domination c’est la liberté ; les exploiteurs ce sont vos protecteurs ; les abolitionnistes sont des criminelles ; la loi c’est le crime ; le viol tarifé c’est un travail ; être traumatisée et dissociée c’est un gage de bonne santé ; etc., etc.»

Or pour les personnes prostituées les traumatismes sont majeurs.

Pourtant 68% des personnes prostituées présentent des troubles psychotrauumatiques (état de stress post traumatique) dans une étude de Melissa Farley en 2003 sur 854 personnes prostituées dans 9 pays, dans une autre étude plus de 70% des personnes prostituées présentaient des symptômes de dissociation traumatique.
Ces traumatismes sont dus aux violences répétées que subissent les personnes prostituées (et les troubles psychotraumatiques sont des réponses normales liées à la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde face au stress extrême et aux atteintes cardiologiques et neurologiques provoquées par les violences). Ces violences sont omniprésentes : violence de la situation prostitutionnelle elle-même, violences pendant la situation prostitutionnelle auxquelles sont exposées les personnes prostituées, violences précédant l'entrée en situation prostitutionnelle.
Les violences sexuelles, de toutes les violences, sont celles qui entraînent les conséquences les plus graves sur la santé. Elles sont équivalentes aux tortures, et elles entraînent les troubles psychotraumatiques les plus lourds et les plus chroniques si aucun soin n'est dispensé. C’est la mise en scène d'un véritable meurtre psychique, avec des conséquences traumatiques psychologiques, neurobiologiques et psychiatriques importantes comme j l’ai décrit dans mon ouvrage : Le livre noir des violences sexuelles, paru chez Dunod en 2013 .
Ces conséquences psychotraumatiques sont utilisées par le système prostitueur pour exercer un esclavage et une soumission des personnes en situation prostitutionnelle. La violence est utilisée par les clients « prostituteurs » pour alimenter un sentiment de toute puissance grâce à l'anesthésie émotionnelle procurée, en aucun cas il ne s'agit de désir sexuel, c'est une érotisation de la violence pour obtenir comme nous allons le voir un shoot qui est un ersatz d'orgasme (le cerveau face à la violence libère pour se protéger des neuro-transmetteurs morphine et kétamine-like qui vont produire brutalement une anesthésie émotionnelle). Cette anesthésie émotionnelle leur sera très utile pour exercer toutes sortes d’autres violences de manière bien plus efficace. Tout est entremêlé dans un cycle de violences bien huilé.
Le fil rouge qui permet de comprendre tous ces phénomènes, c'est la mémoire traumatique des violences, mémoire qui fait revivre les violences à l'identique (flash-backs, réminiscences, cauchemars) et qui, en l'absence de soin, subsiste pendant des années, voire toute une vie. Cette mémoire traumatique est le symptôme central des troubles psychotraumatiques qui s'installent après toutes les violences répétées que subissent les personnes prostituées. Ces troubles psychotraumatiques sont des réponses normales liées à la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde pour faire face aux violences, et au stress extrême qu'elles induisent, stress extrême pouvant être responsable d'atteintes cardiologiques et neurologiques. 
La prostitution, répétons-le est traumatisante pour les personnes en situations prostitutionnelles, elle entraîne de lourdes conséquences sur leur santé physique, psychique et sexuelles, les obligeant faute de soins appropriés à devoir composer avec une mémoire traumatique qui leur fait revivre toutes les situations les plus traumatisantes et à recourir à des mécanismes de défense et des stratégies de survie anesthésiants coûteux entraînant des processus de dissociation et de décorporalisation : dissociation psychique entre la personnalité prostituée et la personnalité "privée" de la personne prostituée,  dissociation physique avec des troubles de la sensibilité corporelle et sensorielle: hypoesthésie, anesthésie, seuil de tolérance à la douleur élevé.
La mémoire traumatique et la dissociation traumatique qui s’installent chez les victimes sont des mécanismes de sauvegarde neurobiologique exceptionnels. Ces mécanisme font non seulement disjoncter le circuit émotionnel mais également celui de la mémoire en isolant la structure à l’origine de la réponse émotionnelle et sensorielle, l’amygdale cérébrale. Celle-ci est à la fois isolée du cortex ce qui entraîne une déconnection de la victime avec ses perceptions sensorielles et algiques, et ses émotions, et de l’hippocampe, structure cérébrale dont la fonction est d’être un système d’exploitation très sophistiqué permettant l’intégration de la mémoire émotionnelle et sensorielle indifférenciée en mémoire autobiographique et le repérage temporo-spatial.

Une victime dissociée face à des violences extrêmes va donc se retrouver comme détachée, anesthésiée émotionnellement, avec un sentiment de vide, d’irréalité et de dépersonnalisation, comme si elle était étrangère aux événements, elle pourra même sourire de façon automatique et discordante, voire même rire, déconnectée de son corps qui lui semble un corps étranger, un corps mort, insensible (Trinquart, 2002). 

L’absence de réaction, d’émotions et de douleurs ressenties est pratique pour tous les acteurs du système prostitutionnels, elle va permettre aux clients d’exercer les pires humiliations et violences sexuelles sans entrave émotionnelle, la personne prostituée pourra rester docile et souriante… Cette dissociation est très dangereuse pour les personnes prostituées, elle leur fait supporter l’intolérable, et elle aggrave l’absence totale d’empathie des clients.


Les violences sexuelles subies dans l’enfance, l’âge précoce d’entrée dans la prostitution, la consommation d’alcool et de drogue : des mythes pour Amnesty…

Et quand aux violences sexuelles et aux maltraitances physiques et négligences subies dans l’enfance par les personnes prostituées, les études sur l’âge précoce d’entrée dans la prostitution, et la proportion de personnes prostituées qui s’alcoolisent ou se droguent rapportées par de nombreuses études scientifiques internationales, AI les balaie d’un revers de la main, et affirme qu’elles ne concernent pas la grande majorité des personnes prostituées, en ne citant aucun chiffre, et pour le prouver se réfère à quelques études sociologiques sans en donner le contenu.


  • en 1978 aux États Unis à San Francisco, une étude montre que 80% des personnes prostituées enquêtées ont été victimes de violences sexuelles : 37% d’incestes, 33% de violences sexuelles, 60% de viols
  • en 1981 aux États Unis une étude sur 200 des personnes prostituées montre que 60% avaient été maltraitées sexuellement à un âge moyen de 10 ans
  • en 1986 aux États Unis une étude montre que 60 à 65% des personnes prostituées étudiées ont subi des violences sexuelles dans l'enfance
  • en 2003 une étude de Mélissa Farley (dans 9 pays et 854 personnes prostituées) : 63% avec en moyenne 4 auteurs pour chaque enfant), la majorité des situations prostitutionnelles débutent avant 18 ans (moyenne 13-14 ans)
  • en 2008 une étude australienne montre que 75% des personnes prostituées ont subi des violences sexuelles avant 16 ans
  • en mars 2010 le CFCV collectif féministe contre le viol montre dans une étude faite sur les 187 appels de personnes prostituées reçus à la permanence viols femmes-informations de 1998 à fin 2007 que 100% ont été agressées sexuellement avant d’avoir été exposées à la prostitution. 402 agresseurs ont été dénombrés soi une moyenne de 2,15 agresseurs par victime


Ces chiffres impressionnants montrent que l'entrée en situation prostitutionnelle est une conséquence fréquente de violences subies dans l'enfance, et plus particulièrement de violences sexuelles, ces violences presque jamais reconnues (avec des victimes qui sont abandonnées à leur sort sans protection, ni prise en charge, aux prises avec une loi du silence) sont à l'origine d'atteinte à leur dignité (le ou les agresseurs leur signifiant que leur corps ne leur appartient pas, qu'ils ont le pouvoir de les nier, et de les réduire à des objets sexuels que l'on peut torturer pour son plaisir), de fugues et de départ précoces pour fuir le milieu familial maltraitant (situations à risque et de précarité qui les mettront en danger) et d'importants troubles psychotraumatiques avec une mémoire traumatique des violences qui va les coloniser ensuite transformant leur vie en enfer en leur faisant revivre les terreurs et les souffrances des agressions sexuelles, les mises en scène pornographiques de/des agresseur-s, leurs propos orduriers et dégradants, ainsi que l'état d'excitation et de jouissance perverse des agresseurs. 

Et cette mémoire traumatique fera qu'au moindre lien rappelant les violences ou lors de stress importants, leur champ psychique sera envahi par des scènes de violences sexuelles, par les phrases "assassines" prononcées par les agresseurs : "tu n'es qu'une salope, qu'une putain", "tu n'es bonne qu'à ça", "tu aimes ça", par les comportements méprisants et humiliants des agresseurs, etc. Cette colonisation par les violences et les agresseurs les rend vulnérables et peut leur fait croire qu'elles ne valent rien, qu'elles n'ont aucun droit et qu'elles "ne méritent que ça", qu'elles sont "coupables et doivent être punies", qu'elles peuvent "aimer" être dégradées sexuellement, et "en jouir", ce qui est faux bien sûr et créé de toute pièce par les agresseurs et par la mémoire traumatique des agressions (les scénarios, l'excitation, la jouissance qui les colonisent ne sont pas les leurs, mais ceux des agresseurs). Ces mises en scène des agresseurs, le plus souvent depuis leur petite enfance organisent leur honte, leur culpabilité et leur soumission aux volontés des agresseurs. Les réminiscences de violences sexuelles peuvent être prises pour des "fantasmes" de viols. Les réminiscences de propos les traitant de "putain" et celles de violences sexuelles commises par plusieurs agresseurs peuvent être prises pour des "fantasmes" de prostitution. Ce ne sont pas des productions de leur imagination, mais des intrusions provenant des violences qui contaminent leur sexualité, et qui anéantissent leur estime de soi en les remplissant de doute sur elles-mêmes.

Les proxénètes et les clients prostitueurs bénéficient des violences sexuelles et de toutes les maltraitances que subissent les enfants par l’intermédiaire des conséquences psycho-traumatiques à court, moyen et long termes, particulièrement la dissociation traumatique, qui augmente, comme nous l’avons vu, le seuil de tolérance aux situations dangereuses et à la douleur, et qui permet aux clients d’exercer des violences en toute tranquillité sans avoir à en supporter l’impact émotionnel et physique chez leurs victimes, qui peuvent continuer à sourire lors des pires situations, elles n’en sont pas moins traumatisées mais par c’est masqué la dissociation et l’anesthésie..



Avec cette résolution, le monde que nous propose Amnesty International est un monde injuste où les hommes pourront tranquillement continuer à dominer et à consommer des femmes vulnérables pour leur plaisir. 
Amnesty trahit le droit des femmes et des personnes les plus vulnérables et choisit son camp : celui de la marchandisation  du sexe, des clients prostitueurs et des proxénètes !