TRADUCTION par Jean-Pierre Salmona de
l'article du magazine féministe allemand EMMA du 21/08/2015 :
Il n'y a pas que les Femen, présentes à la manifestation en face du siège allemand d'Amesty à Berlin, qui regrettent qu' "Amnesty soit devenue une organisation de défense des droits des hommes". Depuis que l' "Organisation de défense des droits humains" a voté pour la décriminalisation des clients et des proxénètes, les manifestations de protestations se multiplient. Et que fait le Conseil des femmes allemand ?
Il y a eu de gros remous après qu'Amnesty International a déclaré le 11 août vouloir à l'avenir une "décriminalisation et une libéralisation de la prostitution". "Négligence maximum" dit la Fédération des policiers allemands, de la décision de l'assemblée des délégués à Dublin ; "la zone des lumières rouges est en raison de sa facilité à engranger des gains un aimant permanent pour l'organisation du crime et le terrain d'activité des grands criminels".
Sr. Lea Ackerman dont l'organisation Solwodi a tous les jours affaire aux victimes de ces grands criminels est également sidérée : "la décision d'Amnesty International est inconcevable", explique-t-elle. "Comment une organisation internationale qui lutte pour les droits humains et la justice peut-elle appeler à la décriminalisation d'un marché rapportant des milliards du fait de la traite de femmes et d'enfants ?" Et l'organisation des droits des femmes Terre des femmes explique, ce qui devrait aussi être compris d'Amnesty, mais ce n'est pas évident : "notre but est une société sans prostitution !"
Avec ce vote à Dublin, "l'organisation des droits humains" s'est clairement exprimée contre le "modèle nordique" qui en effet décriminalise les femmes et les hommes prostitué-e-s mais qui considère que l'achat de sexe est une violation de la dignité humaine, et qui par conséquent punit le "client". Le Parlement Européen et le Conseil de l'Europe ont reconnu au printemps 2014, après un examen approfondi, que le modèle nordique est la meilleure façon de freiner la demande de marchandisation des femmes, et ainsi de combattre la pauvreté, la prostitution et la traite.
D'autre part le rapport européen n'approuve en rien modèle allemand. "Au lieu de la légalisation, qui a entraîné un désastre aux Pays-Bas est en Allemagne, nous avons besoin d'une approche nuancée qui punisse les hommes qui traitent le corps des femmes comme une marchandise, sans punir ceux qui sont tombés dans le travail du sexe" a expliqué après le vote l'eurodéputée britannique Mary Honeyball, qui a écrit le rapport.
Amnesty cependant continuera à user de son influence pour que les clients prostitueurs restent impunis - c'est à dire ceux qui créent la demande et par conséquent alimentent la traite des êtres humains, mais aussi les propriétaires de maisons closes et les proxénètes. Car ces "organisateurs", comme il est dit dans un document de stratégie sur la prostitution, "simplifient le travail du sexe, en fournissant information et assistance". Comment peut-on arriver à une formulation aussi stupéfiante, c'est désormais clair. L"organisation des droits de l'homme" a été systématiquement minée par le lobby pro-prostitution depuis des années.
Or les protestations pleuvent - nationales et internationales. Nous regrettons que les proxénètes, les propriétaires de maisons closes et autres profiteurs et exploiteurs de l'industrie du sexe aient réussi à infiltrer une grande organisation comme Amnesty, pour l'instrumentaliser à leurs fins", disent les Femen. Une organisation internationale pour les droits humains digne de ce nom devrait avant tout se préoccuper des dommages physiques et psychologiques que subissent les personnes du fait de l'industrie du sexe, personnes qui sont exploitées et n'ont ni voix à faire entendre ni lobby.
"AI ignore l'effet dévastateur d'une industrie du sexe libéralisée, dont il a été démontré qu'elle augmente la traite et les violences sexuelles. AI s'est positionnée contre les personnes les plus vulnérables du monde et fait un pacte avec les agresseurs: les protagonistes d'une industrie du sexe criminelle qui rapporte des milliards de dollars" dit Ingeborg Kraus. L'initiatrice de l'appel "Traumathérapeutes contre la prostitution" avait lancé une pétition contre Amnesty avant le vote de Dublin.
Sa collègue Muriel Salmona, psychiatre et psychotraumatologue à Paris, voit avec la décision d'Amnesty une similitude avec le monde décrit par Orwell dans "1984" : "l'exploitation et la domination c'est la liberté, les exploiteurs ce sont vos protecteurs, le viol tarifé c'est un travail…" écrit-elle.
Ceux qui ont survécu après des années passées dans l'industrie du sexe et ont uni leurs forces se disent horrifiés : "nous savons d'expérience que l'industrie du sexe est un système d'exploitation dommageable et déshumanisant qui ne devrait JAMAIS être décriminalisé", expliquent les Survivants de la Prostitution-Appel aux Lumières (SPACE). "Nous pouvons à peine le croire, Amnesty international, un modèle reconnu, donne un laissez-passer aux proxénètes et aux clients. En faisant cela vous manquez de respect à vos propre principes concernant les droits humains."
Finalement, explique le Lobby Européen des Femmes, organisation chapeautant plus de 2000 organisations membres et initiatrice de la campagne "Pour une Europe sans prostitution" : cette décision porte un coup irréparable à la crédibilité d'Amnesty quant à "l'égalité des sexes".
Seul le Conseil des femmes Allemand soutient un autre point de vue : "il ne peut que trouver bienvenue" la décision d'Amnesty, car "dans son noyau la position d'Amnesty coïncide avec la notre".
Désormais trois questions se posent :
1. Est ce que le Conseil des femmes allemandes a lu un tant soit peu le communiqué d'Amnesty.
2. Est ce que l'association de Berlin parle réellement au nom de ses 57 organisations membres
3. Quelle relation a-t-elle réellement avec le lobby pro-prostitution.
En tout cas, le Conseil des Femmes allemandes, qui a un "rôle consultatif spécial" aux Nations-Unies, n'a certainement pas lu la résolution de l'ONU de 1949 combattant la traite des êtres humains. En effet, les Nations-Unis y déclare sans ambiguïté : "la prostitution et les dommages qui découlent de la traite des êtres humains sont incompatibles avec la dignité et la valeur de l'être humain"
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