jeudi 11 février 2021

Tribune collective publiée dans qLibération le 10 février 2021 VIOLENCES SEXUELLES : L’HEURE DE LA TOLÉRANCE ZÉRO A SONNÉ


 VIOLENCES SEXUELLES : 

L’HEURE DE LA TOLÉRANCE ZÉRO A SONNÉ


TRIBUNE COLLECTIVE publiée par Libération le 10 février 2010


par : Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, Corinne Leriche, enseignante et mère de Julie, Arnaud Gallais, fondateur du collectif Prévenir et Protéger, Andréa Bescond, réalisatrice, Sarah Abitbol, patineuse artistique et autrice de “Un si long silence”, Mié Kohiyama, présidente de MoiAussiAmnesie, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, ex-membre de la Parole libérée et coach, Eric Metayer, metteur en scène et réalisateur et Anne-Lucie Domange-Viscardi, fondatrice du blog «La génération qui parle»


publié le 10 février 2021 à 7h02


De #JusticePourJulie à #MeTooInceste, il est urgent de faire converger les luttes pour mieux protéger les enfants. Un collectif demande un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste, l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs et une reconnaissance de l’amnésie traumatique.



Ce mercredi, la Cour de cassation examine la demande de requalification en «viols sur mineurs» de faits d’atteinte sexuelle commis sur Julie Leriche par des pompiers quand elle avait 14 ans.

Seuls trois pompiers ont été renvoyés devant un tribunal correctionnel alors que Julie a expliqué avoir été victime de viols collectifs de la part de 20 pompiers adultes. Aujourd’hui âgée de 25 ans, Julie a subi un véritable calvaire : outre les traumatismes liés aux viols, ceux provoqués par une procédure judiciaire infiniment maltraitante qui l’ont conduite à faire plusieurs tentatives de suicide, dont l’une l’a laissée handicapée à 80 %.

Expertise, auditions à charge, cette affaire est à l’image du déni de justice et de la culture du viol que subissent de nombreuses victimes de violences sexuelles sur mineur·e·s et qui explique l’impunité majeure de ces crimes.


Trois semaines après la campagne #MeTooInceste (environ 80 000 tweets de victimes d’inceste), au cours de laquelle l’ampleur de ce fléau est apparue au grand jour, l’arrêt de la Cour de cassation sera scruté à la loupe. Personne ne peut imaginer que ses juges prennent le risque d’une décision hors-sol qui ne tiendrait pas compte de la situation de détresse et d’abandon de Julie, ainsi que de toutes les victimes de pédocriminalité et d’inceste.

Chaque année en France, 165 000 enfants sont victimes de viols ou de tentatives de viol. L’inceste concerne 6 millions de Français, soit deux enfants par classe (ce chiffre est à multiplier par deux en prenant en compte l’ensemble des victimes de violences sexuelles sur mineur·e·s). Seuls 4 % des victimes de viols sur mineur·e·s déposent plainte. Moins de 1 % de l’ensemble des viols aboutit aux assises. Plus de 74 % des viols sont classés sans suite et la moitié des viols instruits sont déqualifiés, correctionnalisés (Infostat justice 2018). Selon le Conseil de l’Europe, un enfant sur cinq est victime d’abus dans son enfance, soit 20 % de la population. Autant de futurs adultes qui auront du mal à se construire, ne réussiront pas leur vie, se suicideront ou deviendront eux-mêmes bourreaux.

Cette situation ne peut plus rester en l’état.

Les violences sexuelles sur les mineur·e·s sont aussi des violences sexistes et discriminatoires qui s’exercent dans le cadre d’une domination sur les plus vulnérables. Les filles et enfants en situation de handicap subissent quatre fois plus de violences sexuelles.

Le président de la République a lui-même reconnu l’urgence de la situation et la nécessité de mesures permettant un changement radical. Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, et le secrétaire d’Etat à l’Enfance, Adrien Taquet, ont entamé des consultations visant à étudier les possibilités de faire évoluer la législation pour mieux lutter contre l’impunité de la pédocriminalité et de l’inceste.

Associations, expert·e·s, personnalités et victimes sommes également uni·e·s dans une convergence des luttes pour mieux protéger les enfants de notre pays.

L’affaire de Julie rappelle notamment l’urgence d’instituer un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste, de rapport d’autorité et de handicap majeur avec une abrogation du délit d’atteinte sexuelle et des déqualifications, écrit la Dre Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, dans une lettre ouverte au président de la République.

Cette demande fait l’unanimité au sein des associations de protection de l’enfance et des militant·e·s. Les hashtags #Avant15AnsCestNon #LIncesteCestNon #SeuilDAge15Ans et #SeuilDAge18Ans ont récemment été partagés des milliers de fois sur Twitter. Nous nous sommes unanimement élevé·e·s contre la proposition de loi sénatoriale fixant ce seuil d’âge de non-consentement à 13 ans, tel que prôné par le Haut Conseil à l’égalité.

Nous demandons également une imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·e·s, une levée de prescription pour les crimes en série et une reconnaissance de l’amnésie traumatique comme un obstacle insurmontable suspendant la prescription.

L’affaire Olivier Duhamel a rappelé à quel point la prescription pénale favorise l’impunité des auteurs de violences sexuelles sur mineur·e·s face à des victimes traumatisées, muselées, qui mettent des années à sortir de l’amnésie et à trouver la force et la sécurité nécessaires pour déposer plainte.


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