mercredi 18 mai 2011

VIOLENCES SEXUELLES COMMISES SUR DES MINEURS par Muriel Salmona

Article de Muriel Salmona publié en aout 2010 sur le site memoiretraumatique.org

http://memoiretraumatique.org/memoire-traumatique-et-violences/violences-sexuelles.html


1) Des agresseurs au long cours

Les violences sexuelles commises sur les enfants (il faut éviter de parler d'abus sexuels, terme qui peut sous-entendre qu'un acte sexuel serait possible s'il n'était pas abusif) font partie des violences les plus impensables et les plus insensées, elles peuvent être commises sur des enfants très jeunes, voire même des bébés. En cela elles génèrent chez les agresseurs (qu'il vaut mieux nommer pédocriminels plutôt que pédophiles) des stress encore plus extrêmes puisqu'il s'agit de violences inouïes, et des disjonctions encore plus violentes, avec des quantités très importantes de drogues dissociantes sécrétées par le cerveau, et donc des addictions sévères à ces violences. Ces prédateurs deviennent des toxicomanes à la pédocriminalité, avec une dépendance à cette violence extrême qu'ils recherchent en permanence, mettant en œuvre des stratégies et des scénarios très élaborés pour piéger leurs victimes. Le plus souvent ils agressent toute leur vie de nombreux enfants, avec une longue carrière de criminels ; ils peuvent commencer tôt à l'adolescence, puis continuer dans le cadre de leur famille (leurs enfants, leurs neveux et nièces), dans le cadre de leur travail (qu'ils peuvent choisir en fonction de la possibilité qu'il offre de côtoyer de près des enfants : enseignants, éducateurs, entraîneurs sportifs, professionnels du soin, etc.), ou de la possibilité de faire des voyages professionnels dans des pays où ils pourront accéder facilement à des enfants en situation de grande vulnérabilité ou prostitués, puis dans le cadre de leur fonction de grands-parents. Parallèlement ce sont aussi fréquemment des producteurs et des consommateurs de pédopornographie (photos, vidéo par l'intermédiaire des sites internet) et de prostitution enfantine.
Il est donc essentiel de tout faire pour arrêter le plus tôt possible ces agresseurs, de les confronter à la loi et de les traiter avant qu'ils ne deviennent de redoutables prédateurs. Pour cela il faut les identifier et surtout repérer les victimes et les prendre en charge aussitôt. De plus, il est très rare qu'une victime d'un agresseur soit la seule a avoir subi des violences sexuelles, que ce soit dans une famille, dans une institution ou autre, il est alors essentiel de chercher d'autres victimes potentielles et de protéger les autres enfants.

2) Des enfants trahis


Les enfants face aux adultes sont dans une grande situation de vulnérabilité et d'assujettissement, du fait de leur dépendance affective, physique et matérielle totale, de leur impuissance, de leur immaturité psychique, physiologique et neurologique, de leur manque d'expérience et de leur manque de connaissance particulièrement dans le domaine de la sexualité, et de leur situation d'être en construction et en devenir. Les violences sexuelle commises envers les enfants par un adulte de la famille ou par un adulte ayant autorité constituent de ce fait, en plus de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique, un grave abus de confiance et de pouvoir de la part d'adultes. Elles génèrent chez l'enfant un sentiment de trahison qui entraînera même à l'âge adulte une absence de confiance vis à vis du monde, avec la sensation de ne pas y appartenir et de s'y sentir complètement étranger. Cette absence de confiance s'accompagnera souvent d'une peur vis à vis de toute relation intime avec autrui. Les enfants victimes de violences sexuelles sur leur lieu de vie vivent dans un climat de grande insécurité et de terreur, toute leur énergie passe dans la mise en place de stratégies de survie et de défense.

3) Des conséquences psychotraumatiques catastrophiques


Ces violences sont très souvent répétées et durent parfois de nombreuses années (inceste), avec l'obligation de rester en contact avec l'agresseur. Elles ont des conséquences psychotraumatiques dramatiques, les violences sexuelles répétées sont de plus en plus traumatisantes et aboutissent à l'installation d'une mémoire traumatique qui génère une souffrance intolérable. L'enfant, s'il n'est pas protégé, pris en charge et soigné, n'a pas d'autre possibilité pour survivre que de mettre en place des stratégies de défense qui passent par un état dissociatif permanent, avec une une anesthésie émotionnelle et une dépersonnalisation. Du fait de cet état permanent, les violences paraissent irréelles, comme si elles n'avaient pas vraiment existé. Et ces stratégies de survie sont souvent responsables, après la fin des violences, de longues périodes d'amnésie psychogène, les souvenirs pouvant revenir longtemps après, à l'âge adulte, à l'occasion d'un lien, d'une autre agression, d'une rencontre amoureuse, d'une naissance, d'un enfant qui atteint l'âge auquel les violences ont commencé, d'un deuil, d'une intervention chirurgicale, etc.

4) La pédocriminalité, la traite des enfants et la pédopornographie sur internet


Selon un récent rapport du Conseil des droits de l’homme de l'ONU (septembre 2009) cité sur le site de l'association Innocence en danger, http://innocenceendanger.org, il y aurait plus de 600000 sites pédopornographiques sur internet, et 4 millions de sites proposant des photos de mineurs. 1 enfant sur 5 aujourd'hui a été sollicité sexuellement sur internet. Et 40 % des 11-17 ans ont été au moins une fois confrontés à des informations ou à des images choquantes ou traumatisantes sur internet (DIF 2007). En Europe, la France est le 2e consommateur de pédopornographie sur Internet après l’Allemagne, et c’est le 4e dans le monde (OCRVP-Office central de répression des violences aux personnes, juin 2008). En juin 2007, 4.465 signalements de sites pédo-pornographiques ont été faits à OCLCTIC (Office central de lutte contre la Criminalité liée aux technologies de l’information et le communication).
Cependant 60% des rencontres malencontreuses avec des pédocriminels ne sont pas signalées car les gens n’osent pas dénoncer ou ne savent pas à qui ni où s’adresser.
Une campagne nationale d’information a été lancée en 2008 pour informer le grand public et faire connaître la Plateforme de signalement de la police ; mais le site de protection des mineurs du ministère de la Justice pour lutter contre la pédophilie, https://www.internet-mineurs.gouv.fr, renvoie maintenant sur un site du ministère de l'Intérieur,https://www.internet-signalement.gouv.fr, qui permet de signaler des sites pédocriminels mais n'aborde plus directement les dangers de la pédocriminalité. La mobilisation des pouvoirs publics est notoirement insuffisante pour lutter contre la traite sexuelle des enfants, le tourisme sexuel et la pédocriminalité sur internet. Bien que des arrestations d'utilisateurs de sites pédopornographiques soient régulièrement et médiatiquement annoncées, les enfants piégés dans cette activité criminelle ne bénéficient pas d'une recherche active pour les identifier et les retrouver, alors que ces enfants sont en très grand danger et qu'il faudrait tout faire pour les retrouver et les soigner. Le journaliste Serge Garde a réalisé un documentaire très détaillé, dans lequel j'ai été interviewée, sur le «fichier de la honte», le fichier de Zandwoort, un CD ROM pédopornographique de 8000 photos, pour dénoncer le traitement policier et judiciaire qui en a été fait : http://www.13emerue.fr/webtv/les-faits-karl-zero/les-faits-karl-zero-le-fichier-de-la-honte.htm

5) Les mutilations sexuelles féminines


Elles font également partie des violences sexuelles commises sur les mineurs. Ce sont toutes les interventions pratiquées sur les organes génitaux féminins sans raison médicale. Actuellement, entre 130 et 140 millions de fillettes et de femmes ont subi une mutilation sexuelle et, chaque année, deux millions de fillettes dans le monde sont encore soumises à cette pratique catastrophique pour leur santé physique et psychique, avec des conséquences très importante sur leur sexualité future et leur avenir obstétrical. En France, 30 000 femmes et fillettes sont excisées et 20 000 ont un risque de l'être. Les mutilations sont le plus souvent pratiquées sur des fillettes.
Les mutilations sexuelles féminines sont l'excision (type I et II) qui est une ablation totale ou partielle du clitoris (type I) et des petites lèvres (type II), la plus fréquente en France, Afrique de l'Ouest et Egypte, et l'infibulation (type III) qui est une ablation du clitoris et de la totalité des petites et grandes lèvres, avec suture des berges de la vulve et rétrécissement de l'orifice vaginal (la vulve devient une cicatrice très dure qu'il faudra inciser lors du mariage, des accouchements) pratiquée surtout en Afrique de l'Est. Si la mutilation est commise sur un mineur de moins de 15 ans, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur, il s’agit d’un crime* qui peut-être puni de 20 ans de réclusion criminelle, une action en justice pouvant être engagée jusqu’à 20 ans après la majorité de la victime. La loi française s'applique aussi quand la mutilation est commise à l'étranger, l'auteur, qu'il soit français ou étranger, pourra être poursuivi en France à condition que la victime soit française ou qu'elle réside habituellement en France.
Pour plus d'informations, consulter le site du GAMS


Dr Muriel Salmona

Psychiatre - Psychotraumatologue

Responsable de l'Antenne 92 de l'Institut de Victimologie

Présidente de l'Association

Mémoire Traumatique et Victimologie

drmsalmona@gmail.com

www.memoiretraumatique.org

article publié en aout 2010 sur le site memoiretraumatique.org

POUR EN SAVOIR PLUS :http://memoiretraumatique.org/memoire-traumatique-et-violences/violences-sexuelles.html



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