- #metooinceste : un vent d’espoir pour les filles et les femmes en ce 8 mars 2021?
Cette année la journée internationale des droits des femmes s’inscrit au cœur du mouvement #metooinceste qui a brisé l’omerta sur une pédocriminalité sexuelle dont les filles sont les principales victimes, et mis à mal domination masculine, loi du silence, culture viol et propagande anti-victimaire et sexiste.
Car il ne faut pas l’oublier, les filles sont celles qui subissent le plus de violences sexuelles, et ce sont en majorité des incestes, ce « berceau des dominations » comme le nomme Dorothée Bussy. Et la plupart d’entre elles vont subir un continuum de violences sexistes et sexuelles tout au long de leur vie. Elles sont 20% à subir des grossesses lors de viols incestueux. Et elles vont être confrontées tout au long de leurs parcours à des stéréotypes sexistes et des inégalités qui vont leur porter de graves préjudices, et plus elles cumulent des facteurs de vulnérabilité et de discrimination (si elles sont en situation de handicap, racisées, exilées, précarisées…) pire cela sera.
Saccagées dès leur plus âge, elles devront survivre presque toujours seules aux violences et à leurs conséquences et se battre contre des injustices sans fin. Et pourtant malgré leurs traumatismes, ce sont elles avant tout, en héroïnes et combattantes qui se lèvent pour témoigner et réclamer un monde plus juste, plus égalitaire et solidaire qui respecte le droit des femmes, ce sont elles qui luttent au jour le jour contre toutes les violences sexistes et sexuelles et contre leur impunité et qui deviennent de magnifiques porte-voix pour toutes celles dont on a étouffé les voix.
En ce 8 mars rendons-leur hommage et saluons leur courage !
Nous avons assisté avec #metooinceste à la naissance d’un mouvement historique ! Avec 80 000 tweets en un week-end et une couverture médiatique qui pour une fois était résolument du côté des victimes et non des agresseurs, les voix des victimes d’inceste et d’autres violences sexuelles dans l’enfance ont crée une déferlante !
Ces voix ont été si puissantes et solidaires qu’elles ont ébranlé tout un système de déni, de loi du silence et de culture du viol alimenté par une propagande patriarcale anti-victimaire et sexiste qui avait été jusque là très efficace pour bâillonner et rendre illégitime les victimes, réussir à les culpabiliser, les dévaloriser, les invisibiliser et piétiner leurs droits, les privant de protection, de justice, de réparations et de soins. Ce sont ces droits qu’elles réclament aujourd’hui haut et fort !
Il était temps ! Si ce mouvement a pu prendre cette ampleur, c’est grâce aux innombrables et courageux témoignages de toutes les victimes d’inceste depuis la fin des années 70, à toutes leurs actions et celles de celles et ceux qui les soutenaient, aux associations, aux militant.e.s, aux luttes féministes qui ont été les pionnières dans ce combat, à #metoo, à tous ces ouvrages, œuvres, recherches, enquêtes, campagnes, manifestations, pétitions, plaidoyers, collages…
Les pouvoirs publics et la société toute entière sont bien obligées maintenant de déboucher leurs oreilles et d’ouvrir les yeux :
- sur l’ampleur de cette pédocriminalité : 1 fille sur 5 et un garçon sur 13, on évalue que 130 000 filles et 35 000 garçons sont, chaque année victimes de viols et de tentatives de viols, dont plus de la moitié sont victimes d’inceste. L’âge moyen des victimes est de 10 ans. Les agresseurs sont des hommes dans 9 cas sur 10, qui sont mineurs dans 25 à 30% des cas. Dans la très grande majorité des cas ils sont connus de la victime. (OMS, 2014 ; CSF, 2008 ; ONDRP 2012-2017 IVSEA, 2015 ; VIRAGE, 2017 ; MTV/IPSOS, 2019).
- sur sa gravité (des actes cruels dégradants, inhumains pour la cour européenne, des tortures pour le droit international) et ses lourdes conséquences à long terme sur la vie et la santé des victimes ;
- sur l’abandon et les injustices en cascades que subissent la très grande majorité des victimes (83%) qui doivent survivre seules aux violences et à leurs conséquences sans soins adaptés pour la plupart, avec la perte de chance que cela implique sur leur santé, la méconnaissance intentionnelle des psychotraumas font que tous les symptômes traumatiques universels que présentent les victimes sont retournés cruellement contre elles pour les décrédibiliser et les psychiatriser ;
- sur l’impunité quasi totale bien moins de 1% de l’ensemble des viols commis sur des enfants sont jugés.
La faillite de toutes les institutions de notre société patriarcale est totale. L’État a gravement manqué à ses obligations internationales d’agir pour prévenir ces violences sexuelles faites aux enfants, protéger et prendre en charge les victimes, poursuivre et punir les pédocriminels. Ce qui l’expose à être poursuivi par une juridiction pénale internationale. Nous attendons une reconnaissance de ces graves manquements et des réparations pour toutes les victimes à hauteur des préjudices subis.
Tout est à réformer, l’éducation, la protection de l’enfance, la loi, la justice, les soins et la protection sociale, c’est un immense chantier, tous les professionnels sont à former. Seul un vrai courage, une volonté politique exemplaire et des moyens humains et financiers à hauteur de cet enjeu majeur peuvent enrayer ce fléau. Nous avons toutes les solutions que nous proposons depuis de nombreuses années, reste à les mettre en action d’urgence.
Nous ne céderons pas !
Et s’il est est probable que nous obtenions enfin un seuil d’âge du non consentement à 15 ans et à 18 ans en cas d’inceste, et une prescription glissante pour les victimes de pédocriminels en série, il faut encore nous battre pour une imprescriptibilité, une levée de prescription en cas d’amnésie traumatique pour obstacle insurmontable et l’arrêt des déqualifiations. Il faut nous battre également pour un dépistage systématique, pour que les victimes soient réellement protégées, pour que les mères protectrices ne soient plus condamnées pour non présentation d’enfants, accusées d’un syndrome d’aliénation parentale qui n’a aucune validité scientifique avec le risque d’être désenfantées, pour que les pères violents n’obtiennent plus la garde des enfants, pour que toutes les victimes aient accès à des réparations, aux aides sociales dont elles ont besoin, et à des soins gratuits par des professionnels formées, pour que les soins psychologiques des conséquences de ces violences soient remboursées tout au long de la prise en charge quel que soit l’âge des victimes.
Nous ne voulons pas de ce monde injuste et cruel où les dominants nous exploitent sexuellement et nous saccagent dès notre plus jeune âge. Nous voulons d'un monde où la protection des femmes et des enfants, la solidarité, la justice et le soin ne soient pas de vains mots, un monde remis à l’endroit, un monde juste et solidaire, un monde enfin respirable. Et pour cela la lutte contre le sexisme, la domination masculine et toutes les formes de violences et de domination masculine, et celle pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes sont primordiales.
Dre Muriel SALMONA, présidente de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie
https://www.memoiretraumatique.org
1 commentaire:
Merci Muriel Salmona pour votre article, pour votre engagement. J'ai écrit quelques lignes aujurd'hui sur le sujet... sujet délicat. C'est grâce à différents témoignages et à votre engagement entre autres si j'ai réussi à écrire mon article : https://www.anneclaudethevand-photographies.com/single-post/le-petit-chaperon-rouge-sort-du-bois
Enregistrer un commentaire