Santé des femmes victimes de violences : bien diagnostiquer pour bien prendre en charge
Le 24 novembre à la Mairie du 13ème
Intervention de la Dre Muriel SALMONA, psychiatre, Présidente et fondatrice de l’association Mémoire traumatique et victimologie
Les conséquences psychotraumatiques des violences sexistes et sexuelles sur la santé des femmes
Merci beaucoup Hélène. Je suis heureuse d’être parmi vous pour justement apporter des éléments sur ses conséquences psychotraumatiques des violences. L’association Mémoire traumatique et victimologie œuvre pour informer, améliorer la prise en charge, et lutter contre toutes les violences, et faire en sorte que la connaissance, la reconnaissance, la compréhension, l’information et la prise en charge autour des psychotraumatismes deviennent une véritable culture au service des victimes, et à leur secours, en quelque sorte.
Méconnaissance des conséquences psychotraumatiques des violences
Actuellement les psychotraumatismes sont toujours très peu connus des professionnels qui prennent en charge les victimes de violences. Cette méconnaissance fait que, souvent, les conséquences psychotraumatiques qui sont pathognomoniques (qui sont la preuve des violences), non seulement ne sont pas identifiées, recherchées, traitées, ce qui représente une perte de chances très importante, mais sont très souvent retournées contre les victimes, pour les mettre en cause, pour les invisibiliser encore plus, pour alimenter des stéréotypes et toute une culture du viol. Cela va très gravement leur nuire, avec des prises en charge inadaptées, que ce soit au niveau médical, mais aussi au niveau social ou juridique. Il est très dommageable pour les victimes que leurs symptômes psychotraumatiques ne soient pas recherchés et pris en compte alors qu’une analyse de ces symptômes pourrait servir de preuves médico-légales pour corroborer les témoignages des victimes. Bien au contraire, ils sont fréquemment mal interprétés et sont utilisés pour remettre en cause la parole des victimes.
Avec le Docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, nous œuvrons au niveau international, de toutes les instances internationales, et aussi au niveau de l’OMS, pour que les preuves médico-légales apportées par l’analyse et le décryptage des symptômes psychotraumatique soit reconnues et pour qu’il y ait une meilleure prise en charge holistique (médicale, psychologique, sociale et juridique) des victimes de violences sexuelles.
La connaissance et la reconnaissance de ces psychotraumatismes sont très importantes en termes de réparation pour ces femmes, que ce soit en termes de santé, mais aussi en termes de réparation des préjudices énormes qu’elles ont subis. Cette méconnaissance est incroyable, car cela fait des dizaines et des dizaines d’années que nous avons toutes les les connaissances qu’il faut grâce à la recherche internationale et aux travaux de tous les cliniciens auxquels j’ai participé, et que nous savons ce qu’il faut faire et comment soigner les traumas des victimes de violences. Ne pas traiter ces psychotraumatismes représente une perte de chance très importante pour les victimes de violences sexistes et sexuelles. Il s’agit d’une perte de chance à court, moyen et long terme qui concerne leur santé mentale et physique, le risque de subir de nouvelles violences et de voir se créer et/ou s’aggraver des situations de vulnérabilité, de précarité, de discriminations et de handicap. Pour rappel les violences s’exercent toujours dans le cadre d’un rapport de force et de domination sur les personnes les plus discriminées et vulnérables. Les femmes en situation de handicap subissent trois fois plus de violences sexistes ou sexuelles, et lorsqu’il s’agit d’enfants, c’est même jusqu’à cinq fois plus, quand ils présentent des handicaps mentaux. 88% des femmes autistes ont subi des violences sexuelles majoritairement avant 18 ans.
Comment définir les psychotraumatismes et leurs conséquences
Nous savons que les psychotraumatismes sont des conséquences psychiques des violences que subissent les victimes. Ils s’installent pour des années. Si les personnes sont protégées et prises en charge précocement, nous pouvons éviter les cascades de conséquences sur la santé mentale et physique et sur la vie des victimes.
Toutes ces conséquences doivent être connues, et cela permet de mieux comprendre les victimes, mieux comprendre des situations qui peuvent paraître paradoxales, des comportements qui peuvent paraître incohérents, en tout cas incompréhensibles. Cela permet, et c’est essentiel, de pouvoir bien mieux évaluer à la fois la gravité des conséquences des violences sur les personnes, la souffrance qu’elles endurent et le danger qu’elles courent.
Nous allons le voir, dans le cadre particulier des violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes dès leur plus jeune âge qu’il existe un continuum de violences, très souvent les victimes subissent des violences à répétition, sur une durée parfois très longue, depuis très longtemps. Selon une étude de l’ONU (https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures), avoir subi des violences physiques et sexuelles pour une femme dans l’enfance, cela multiplie par 16 le risque de subir des violences sexuelles et conjugales à l’âge adulte. Les psychotraumatismes sont au cœur de ce continuum de violence.
Comprendre des deux symptômes centraux du psychotraumatisme provenant du mécanisme de sauvegarde que met en place le cerveau au moment que violences que sont la mémoire traumatique avec ses réminiscences, ses flash-backs et ses cauchemars et la dissociation traumatique et son anesthésie émotionnelle, est essentiel pour pouvoir identifier toutes les conséquences et les traiter, mais aussi pour comprendre les souffrances, réactions et les comportements des victimes ainsi que les phénomènes d’emprise. Sans cette grille de compréhension, comme on l’a vu, ces symptômes sont reprochés aux femmes victimes de violences dans un retournement cruel, et ils servent à alimenter les stéréotypes sexistes et la culture du viol, les victimes sont à grand risque d’être abandonnées sans protection et d’être maltraitées.
Informer sur les psychotraumatismes et en expliquer les mécanismes permet de rendre justice aux victimes.
Les troubles psychotraumatiques sont d’autant plus graves que les victimes sont jeunes voire très jeunes (le cerveau des enfants est très vulnérable à la violence dès la naissance et lors de la vie fœtale à partir du 3ème trimestre de grossesse), que les personnes sont en situation de grande vulnérabilité et de grand handicap, que les violences ont été répétées et se sont installées dans la durée, qu’il s’agit de crimes, tentatives de meurtre, tentatives de viol, viols. Ce sont tous ces éléments qui sont à prendre en compte. Ces violences intra-familiales et conjugales répétées et qui durent souvent de nombreuses années sont à l’origine de psychotraumatismes sévères et chroniques complexes qui ont de graves conséquences à long terme sur la santé et la vie des victimes.
Il faut aussi savoir que ces troubles psychotraumatiques sont très fréquents : autour de 70 % des femmes victimes de violences conjugales et sexuelles disent avoir un impact important ou très important sur leur santé mentale, et environ 40 à 50 % sur leur santé physique. Ces troubles ne sont pas uniquement psychologiques, ils sont accompagnés d’atteintes neuro-biologiques qui peuvent être très importantes. Avec des modifications de l’architecture du cerveau, des atteintes du tissu cérébral, des atteintes au niveau des connexions dendritiques et au niveau des circuits émotionnels et de la mémoire, ainsi que d’atteintes au niveau endocrinien liées au stress, qui vont entraîner une cascade de conséquences. Toutes les atteintes cérébrales sont visibles sur IRM, elles sont réparables, le cerveau a des capacités de neurogénèse et de neuro-plasticité très importante, à condition que l’on protège les victimes et qu’on leur donne les soins nécessaires.
Tout s’organise autour de plusieurs symptômes : la sidération, la dissociation traumatique et la mémoire traumatique qui se mettent en place au moment des violences. Ces symptômes sont dûs à des mécanismes de sauvegarde exceptionnels que le cerveau met en place pour échapper à stress extrême que provoque la sidération psychique face au danger et à la terreur qu’elle provoque, avec des taux d’hormones de stress adrénaline et cortisol tellement élevés qu’ils représentent un risque vital cardiologique et neurologique pour l’organisme. Ce mécanisme s’apparente à une disjonction qui interrompt les circuit émotionnels et de la mémoire et crée une dissociation traumatique et une mémoire traumatique des violences. Tout cela se fait avec une sidération (paralysie psychique) de départ face au danger et à la terreur provoqués par les violences avec le cerveau qui est bloqué et qui ne peut pas contrôler le stress extrême. La sidération traumatique qui est un phénomène normal dû à l’intention destructrice et à la cruauté de l’agresseur est souvent reprochée aux victimes car elles n’ont pas crié, dit non, fui ou ne se sont pas défendues.
La mémoire traumatique
La mémoire traumatique est une mémoire qui n’est pas intégrée, qui n’est pas consciente, mais qui va envahir les victimes pour leur faire revivre à l’identique, comme une machine infernale à remonter le temps, les pires moments des violences et ce ces années, voire des dizaines d’années après. Dès qu’une situation, un contexte, une sensation, une odeur, un bruit, une parole, etc., leur rappelle les violences, leur mémoire traumatique se réactive et leur fait revivre les violences, lea victime ressent à nouveau les coups, la souffrance, la terreur, l’impression de mourir, la suffocation - si elles ont subi des tentatives de strangulation-, ou encore le désespoir, comme si elles étaient à nouveau dans les violences. Elles vont réentendre continuellement les paroles, les injures et les cris de l’agresseur - le fait qu’il leur dise qu’elles ne valent rien, qu’elles ne vont arriver à rien, qu’elles ne sont rien, qu’elles sont méprisables, qu’elles ne méritent pas de vivre, que tout est de leur faute – ce qui va entraîner sans cesse des sentiments de honte et de culpabilité chez la victime. Cette mémoire traumatique se met en place dès le début les violences.
La dissociation traumatique
Cette dissociation traumatique qui se met en place au moment des violences lorsque le cerveau « disjoncte » entraîne une anesthésie émotionnelle, les personnes sont alors déconnectées de ce qui se passe, de leurs émotions comme si elles étaient spectatrices des événements violents ce qui leur donne un sentiment d’irréalité. Elles sont comme des automates dans l’incapacité de pouvoir réagir, de pouvoir se défendre, de pouvoir identifier certaines situations, de pouvoir ressentir la douleur, la souffrance, la colère, la rage, la révolte qui serait nécessaire. C’est comme une hémorragie psychique importante, la victime semble supporter la douleur et accepter l’inacceptable. Cela met les victimes sous emprise directe et cela permet aux agresseurs de faire d’elles ce qu’ils veulent. Cette dissociation traumatique va durer tout le temps que la personne reste exposée au danger, à l’agresseur, au contexte. Cela explique pourquoi les victimes de violences intra-familiales ou conjugales restent avec leur agresseur et mettent très longtemps avant de pouvoir partir.
La victime va perdre sa vitalité et ses capacités. Il va lui falloir faire des efforts intellectuels énormes pour essayer, malgré tout, d’arriver à gérer les choses. La mémoire traumatique est là, dès ce moment-là, mais elle ne s’exprime pas émotionnellement. Quelqu’un de dissocié est très vulnérable, en grand danger de subir à nouveau des violences. La personne dissociée quand elle témoigne parait tellement déconnectée et absente, comme si elle était indifférente qu’elle risque fort ne pas être entendue et de ne pas être crue, car elle ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’une victime.
Elle va être aussi en grand danger d’être repérée par tout le système proxénète. C’est en effet une aubaine d’exploiter une personne dissociée, qui ne va pas réagir aux violences, qui ne va pas hurler, crier, ni se défendre.
C’est aussi quelqu’un qui ne va pas paraître en danger. Si nous n’avons pas des grilles d’évaluation très précises, si nous ne posons pas des questions, ce sont des personnes qui ne vont pas dire spontanément qu’elles sont en grand danger, qui ne vont pas parler dire qu’elles ont peur peur, où le dire de telle façon qu’on ne va pas les entendre. Ce sont des personnes qui vont susciter très peu d’empathie. Lorsque nous sommes face à quelqu’un de dissocié, nous ne ressentons pas les émotions comme nous les ressentons habituellement de manière automatique grâce à nos neurones miroirs. Rares seront les personnes qui auront peur pour elles. Il faut vraiment savoir que ces personnes sont en fait comme en état de choc. Souvent, nous considérons que « cela n’a pas l’air d’aller trop mal » alors qu’elles sont gravement traumatisées et en danger.
Et ce sont des personnes qui vont également risquer d’être maltraitées pendant les soins, elles ne vont pas savoir se défendre par rapport à la notion de consentement, elles vont se retrouver aussi en situation de soumission, avec des soins qui pourront être très douloureux, pour lesquels elles ne pourront pas réagir.
Tant que la personne est dissociée, elle est dans cette situation de vulnérabilité. Aussitôt qu’elle commence à être protégée, qu’elle peut s’extraire de la situation de violence, à ce moment-là, la dissociation disparait et elle récupère ses émotions et ses capacités émotionnelles. Elle récupère également l’expression émotionnelle de sa mémoire traumatique. Souvent, quand les personnes arrivent à fuir la situation de violence et sont enfin à l’abri et protégée, c’est à ce moment là que leur mémoire traumatique des violences s’exprime émotionnellement et qu’elles risquent d’être complètement envahies par des sentiments de terreur, de détresse et d’angoisses. C’est comme pour les enfants qui lorsqu’ils reviennent de chez leur père violent, vont très mal et sont très agités avec leur mère protectrice. C’est au moment où les femmes et les enfants sont protégés que le moindre lien qui rappelle les violence va entraîner un tsunami émotionnel et une grande souffrance, si on ne les prévient pas que c’estvnormzal en leur expliquant le fonctionnement de la mémoire traumatique elles vont avoir l’impression qu’elles vont beaucoup plus mal depuis qu’elles ont quitté leur conjoint violent. Cela va les conforter dans l’idée qu’elles sont incapables de vivre, et qu’il avait raison de dire qu’elles ne sont « pas fichues de survivre sans lui », et à ce moment elles peuvent retourner auprès de leur conjoint violent qui a le pouvoir de les anesthésier aussitôt, ou de retomber dans les griffes d’un autre agresseur. Les femmes sont dans ces situations souvent jugées sévèrement par des professionnels ou des proches qui ne connaissent pas ces mécanismes.
Il faut avoir toujours en tête cette dissociation traumatique. Si les professionnels ne la prennent pas en compte il y a un fort risque de sous-estimation de la gravité des violences subies, et de la souffrance et du danger couru par les victimes.
L’amnésie traumatique
Dernière chose, cette dissociation crée aussi ce que nous appelons une amnésie traumatique. L’anesthésie émotionnelle fait que les souvenirs ne sont pas hiérarchisés en fonction de leur impact émotionnel, tout les souvenirs sont au même niveau comme dans un brouillard. Les souvenirs traumatiques sont là mais ils n’émergent pas. Si nous ne posons pas de questions, si nous n’allons pas les chercher, nous n’aurons pas les éléments. Cette amnésie traumatique peut durer 10 ans, 20 ans, tant que la victime reste dissociée car en contact avec le système agresseur et son contexte, c’est d’autant plus le cas quand les violences sont intra-familiales et conjugales. Et ce n’est que lorsqu’elles sont enfin protégées que les souvenirs vont s’exprimer parfois de façon très violente au travers de réactivation émotionnelle de leur mémoire traumatique. Les victimes se voient reprocher : « Pourquoi parlez-vous si tard, pourquoi maintenant ? Pourquoi révélez-vous les faits maintenant ? ». Et quand elles vont enfin pouvoir dénoncer les violences qu’elles ont subi, les faits de violences peuvent être prescrits.
Cela veut dire aussi, avec cette amnésie traumatique qui est fréquemment partielle, que lorsque les victimes témoignent, il n’y a qu’une infime partie des violences qui sont rapportées. Il reste tout un « continent noir », la partie immergée de l’iceberg, qui n’est pas connu, qu’il va falloir rechercher.
Les stratégies de survies : conduites d’évitement et conduites dissociantes
Enfin, quand la mémoire traumatique est vraiment très présente émotionnellement, revivre continuellement les pires moments des violences est un enfer. Il est impossible vivre avec une mémoire traumatique, c’est une torture. Les victimes traumatisées ont alors deux stratégies de survie : soit de ne plus bouger, d'être dans l’évitement et le contrôle total pour que rien ne risque de déclencher leur mémoire traumatique, ce qui entraîne un état de peur et d’hypervigilance permanentes, cela va entraîner un énorme handicap pour les personnes victimes, avec une grande vulnérabilité au stress, ce qui va réduire de façon très importante leur champs d’action et les empêcher de vivre normalement. Mais ces conduites d’évitement et de contrôle sont souvent vouées à certains moments à l’échec , il est impossible d’être en retrait total et les victimes ne pourront pas échapper à des situations où elles seront exposées à des réactivations de leur mémoire traumatique. Une sensation, une situation de stress, une douleur, une odeur, une personne pourra rappeler les violences et leur faire revivre les choses dans toute leur horreur. À ce moment-là, les victimes découvre rapidement qu’elles peuvent mettre en place, une stratégie dissociante pour anesthésier leur mémoire traumatique, avec des conduites dissociantes telles que la consommation d’alcool ou de drogues - 30 à 50 % des victimes des violences ont recours à des conduites addictives - ou des conduites à risques : violences contre soi, scarifications, brûlures ou des mises en danger de toute sorte sur la route, dans le cadre de sport extrêmes, de jeux dangereux, de relations dangereuses et de mises en danger sexuelles, de conduites délinquantes et violentes contre autrui. Il faut savoir que si on est jamais responsable des violences qu’on a subies et de leurs conséquences psychotraumatiques, on est responsable du choix que l’on fait des stratégies de survie et si celles-ci portent atteinte à l’intégrité d’autrui dans le cas de contrôle coercitif ou de violences exercées contre autrui, ce choix montre qu’on adhère à une position dominante et inégalitaire avec une instrumentalisation d’autrui (considéré comme avant moins de valeur que soi) pour gérer sa mémoire traumatique.
Comment fonctionnent ces conduites dissociante : se mettre brutalement en situation de stress crée un stress extrême qui refait redisjoncter le cerveau comme au moment des violences, et cela permet à nouveau de se dissocier et d’être anesthésié, avec tous les risques que cela comporte. Les conduites dissociantes sont très efficaces, mais elles sont aussi très préjudiciables pour la santé des personnes et leur sécurité. Si nous protégeons des victimes de violences, il faut toujours avoir en tête que la mémoire traumatique peut devenir vraiment très présente et qu’il peut y avoir malgré tout, malgré cette protection, des recours à des conduites dissociantes. Il faut donner toutes ces explications aux victimes, car sinon, elles ont l’impression que c’est elles qui dysfonctionnent.
Elles viennent de loin, il ne faut pas l’oublier : elles ont entendu de façon répétée que c’est leur faute, qu’elles ne valent rien et ainsi elles éprouvent un sentiment de culpabilité et de honte. Elles vont voir des psychiatres qui vont faire des « diagnostics écran », parfois complètement erronés, comme par exemple des diagnostics d’état limites, border-line, de psychose maniaco-dépressive ou hallucinatoire (cela peut aller jusque-là, la mémoire traumatique étant interprétée comme des hallucinations), ou toutes sortes de symptômes et de syndromes qui ne sont pas identifiés comme des troubles psychotraumatiques. Près de 79 % des victimes qui ont subi des violences sexuelles dans l’enfance, par exemple, disent que les médecins n’ont jamais fait de lien entre des symptômes qui sont pourtant pathognomoniques, du trauma et des violences.
Pour conclure, plusieurs points importants :
1. La nécessité absolue pour tous les professionnel·les qui prennent en charge les victimes de violences sexistes et sexuelles d’être informé·es et formé·es, particulièrement les médecins et les psychiatres qui sont en première ligne (les femmes victimes de ces violences les désignent comme leur première recours). Il faut que les experts psychiatres et les psychologues soient formés aux troubles psychosomatiques, sinon, nous avons des expertises catastrophiques qui se retournent contre les victimes. Un exemple : la petite Sarah à l’hôpital de Pontoise a été vue par un expert. Cette fillette de 11 ans a subi des violences de la part d’un agresseur de 27 ans – dit en passant : c’est après cette affaire que nous avons réussi à obtenir le seuil d’âge du non-consentement. Ici l’expert a dit qu’elle n’avait aucune conséquence des viols qu’elle avait subis. Or, elle était dans un état de stress post-traumatique sévère, mais elle était totalement dissociée par le procès. Ce sont tous ces éléments qu’il faut connaître.
2. Mais aussi il convient d’informer les victimes, cela est essentiel ; cela leur change la vie, leur rend justice, restaure leur dignité et la vérité pour elles. En résumé, ce ne sont pas elles qui font n’importe quoi, qui sont folles, ce sont les violences qui entraînent des troubles psychotraumatiques qui en sont des conséquences normales et universelles.
3. Il faut mettre en place des dépistages systématiques il faut que les médecins soient capables d’identifier ces traumas, il faut des centres de soins spécialisés pour traiter ces psychotraumatismes complexes. La Convention d’Istanbul - Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique - préconise d’avoir un centre de prise en charge spécifique pour les violences sexuelles par bassin de 200 000 habitants. C’est une exigence. Il faut que ces soins soient mis en place et que ce soient bien des soins spécifiques spécialisés.
4. Le traitement est efficace, par rapport à toutes ces conséquences. Cela évite les suicides. 50 % des victimes font des tentatives de suicide. Cela évite des dépressions à répétition, des troubles alimentaires, des troubles addictifs, des souffrances extrêmes, cela évite des troubles cognitifs très importants et cela stoppe le continuum de violences. La victime peut s’en sortir. Et si elle a subi de graves graves violences (violations des droits humains) qui ont fait basculer sa vie, des souffrances terribles, il est possible qu’elle ne les revivent plus à l’identique comme un enfer sans fin. Personne ne doit voir à survivre à des conséquences psychotraumatiques sans qu’elles soient prises en charge, identifiées, expliquées et soignées, c’est une question de dignité, de justice et de droit aux soins et à la réparation.
5. Lors de l’évaluation, il faut avoir toujours en tête que la plupart des victimes sont en état de dissociation. Il faut alors poser beaucoup de questions sur ce qu’elles subissent et ce qu’elles vivent au regard des violences subies et du danger qu’elles expriment. Plus une personne est dissociée, plus elle est en danger. Et moins elle parait l’être, c’est cela qui est terrible. Il faut aller cherche les éléments.
L’association Mémoire traumatique et victimologie diffuse de nombreuses brochures pour les adultes, pour les adolescents. Nous en avons réalisé une pour les petits enfants, avec des illustrations de Claude Ponti « Quand on te fit du mal ». Vous pouvez les télécharger sur le site memoiretraumatique.org ICI ou nous les demander à l’adresse mail : memoiretraumatique@gmail.com. Nous vous les enverrons gratuitement. Merci.
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