mercredi 11 novembre 2020

LE HARCÈLEMENT SEXUEL Introduction de l’ouvrage de la Dre Muriel SALMONA publié chez PUF en 2018 dans la collection Que sais-je ?


LE HARCÈLEMENT SEXUEL





Introduction de l’ouvrage de la 

Dre Muriel SALMONA publié chez PUF en 2019 dans la collection Que sais-je ?


Selon des directives européennes de 2002 et 2006, sur lesquelles la France n’a commencé à s’aligner qu’en 2012, le harcèlement sexuel se caractérise par un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Toujours selon ces mêmes directives, le harcèlement sexuel est contraire au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes puisque les femmes en sont victimes de manière disproportionnée, et il constitue une discrimination fondée sur le sexe mais également sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle. Il doit être interdit et faire l’objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives (Journal officiel de l’Union européenne, directive 2006/54/CE). 

Avec les agressions sexuelles et le viol, le harcèlement sexuel fait partie des violences sexuelles dont il est la forme la plus fréquente. Il s’inscrit dans un continuum de violences sexuelles que les femmes et les filles, qui en sont les principales victimes, risquent de subir et de cumuler dès leur plus jeune âge (CESE, 2014). Ces violences sexistes participent au sentiment de danger et de menaces graves pour leur intégrité que toutes les femmes ressentent à un moment de leur vie face à des hommes, dans tous les milieux et dans tous les espaces : dans leur famille, leur couple, pendant leurs études, leurs formations, leur travail, dans toutes leurs activités, leurs déplacements, dans les espaces publics et les transports en commun, en ligne dans les espaces numériques et sur les réseaux sociaux, mais également au sein d’institutions, lors de soins, etc. 


Le harcèlement sexuel est omniprésent, protéiforme, systémique et fréquemment associé à une ou plusieurs autres formes d’atteintes et de violences sexuelles, il s’exerce dans un contexte historique d’inégalité, de domination masculine et d’oppression de minorités. Aucune origine, aucun milieu socio-culturel, aucun espace de vie n’est épargné. Les victimes se recrutent partout, quel que soient leur âge, leur sexe, leur statut marital ou familial, leur état de santé ou leur handicap, et quels que soient les liens qu’elles ont avec les harceleurs. La très grande majorité des auteurs des violences sexuelles faites aux femmes et aux filles sont des hommes, dans plus de 96% des cas. De même, les hommes sont majoritairement les auteurs des violences sexuelles faites aux hommes et aux garçons, excepté dans le cadre du travail où les femmes sont majoritaires en tant qu’auteures (VIRAGE, 2017). 


Comme pour toutes les violences sexuelles, les femmes sont d’autant plus exposées au harcèlement sexuel qu’elles sont jeunes, qu’elles ont déjà été victimes de violences sexuelles, qu’elles sont vulnérables, porteuses de handicap, particulièrement mental avec 6 fois plus de risques de violences sexuelles (Dammeyer, 2018), ou neuro-développementaux avec près de 90% des femmes autistes qui ont subi une ou plusieurs violences sexuelles (Brown-Lavoie, 2014 ; Gourion, 2019), marginalisées, précarisées et discriminées par leur couleur de peau, leur aspect physique, leur religion, leur engagement politique ou leur orientation sexuelle réelle ou supposée (IVSEA, 2015 ; VIRAGE, 2017). 


Le harcèlement sexuel s’exerce également sur des hommes et des garçons, mais dans de moindres proportions, deux à cinq fois moins suivant les études et bien moins cumulé avec d’autres violences sexuelles (IVSEA, 2015 ; VIRAGE, 2017). Pour ces hommes victimes, on retrouve également qu’une proportion écrasante des harceleurs sont des hommes, avec le même contexte de rapport de force et de domination, et la même sur-représentation de victimes chez les plus jeunes, les plus handicapés, les plus vulnérables et les plus discriminés, tout particulièrement par leurs origines ou leur orientation sexuelle réelle ou supposée. 


L’ampleur et les conséquences du harcèlement sexuel en font un problème humain majeur, de société et de santé publique. En 2014, dans une enquête de victimation sur les violences faites aux femmes à l’échelle de l’Union européenne (FRA, 2014), 50% des femmes révèlent avoir été harcelées sexuellement dans leur vie depuis l’âge de 15 ans contre 10% des hommes, dans le cadre du travail pour un tiers d’entre elles, et 21% des femmes ont subi un harcèlement sexuel au cours des 12 mois précédant l’entretien. En France, l’enquête VIRAGE, réalisée par l’INED en 2015, a montré que sur année, plus d’un million de femmes et moins de 500 000 hommes âgé.e.s de 20 à 69 ans déclarent avoir subi un harcèlement sexuel, dans les espaces publics, au travail ou lors de leurs études, et une enquête du Défenseur des droits, réalisée par IFOP en 2014, montre qu’une femme sur cinq déclare avoir subi un harcèlement sexuel dans le cadre du travail.


Les harceleurs se recrutent dans tous les milieux et à tout âge, ils adhèrent à une vision inégalitaire et sexiste de la société, considérant les femmes comme des personnes de moindre valeur, inférieures, à leur disposition, et n’ayant pas les mêmes droits qu’eux. Ils ont l’intention de faire souffrir, de nuire, d’humilier et de dégrader les victimes, parfois ils revendiquent même clairement l’intention de pousser certaines victimes au suicide. Souvent ces harceleurs agissent de façon organisée à plusieurs, partageant les mêmes stéréotypes sexistes, la même misogynie, souvent le même racisme et antisémitisme, en créant des univers hostiles et insécurisants pour les femmes afin de les en exclure, d’y restreindre leur liberté et de les faire taire. Lors des études, de la formation ou du travail, le harcèlement sexuel a été identifié dans plusieurs enquêtes comme l’un des obstacles les plus répandus et les plus dommageables au succès des études, de la carrière ou à la satisfaction des femmes au travail. 


Le harcèlement sexuel attaque gravement l’estime de soi et la confiance des victimes, chez qui il a un impact psychotraumatique avec un lourd retentissement sur leur santé mentale et physique, avec des conséquences à long terme, des risques importants de dépressions, de troubles anxieux, de suicides, de troubles du sommeil et alimentaire, de conduites addictives, et de nombreuses atteintes somatiques particulièrement cardio-vasculaires. Les victimes se retrouvent souvent dans une grande solitude, avec des sentiments de honte et de culpabilité, et une altération de la vie sociale, affective et sexuelle (Campbell 2008, IVSEA, 2015, Thurston, 2019). 


Un des risques majeur du harcèlement est l’installation d’une mémoire traumatique, qui hantera les victimes pendant des mois, des années, voire des dizaines d’années. Elles revivront à l’identique avec le même stress et la même détresse les comportements et les propos injurieux, menaçants, culpabilisants, humiliants et dégradants des agresseurs, d’où un sentiment de danger et de souffrance permanent. Pour survivre à cette mémoire traumatique intolérable, les victimes traumatisées mettront en place des conduites d’évitement et de contrôle, et des conduites à risque et des mises en danger pour s’anesthésier et se dissocier (Salmona, 2013).  


  1. Une reconnaissance tardive


Le harcèlement sexuel, bien qu’il soit de plus en plus dénoncé dans le monde du travail, dans les transports en commun et dans la rue, à l’occasion de nombreux scandales et de témoignages de femmes qui en sont victimes, a été longtemps banalisé et toléré.  


Le harcèlement sexuel a été reconnu, défini et réprimé tardivement pour la première fois aux États-Unis en 1976, comme une discrimination basée sur le sexe. Et en 2019, 154 pays dans le monde disposent d’une législation réprimant le harcèlement sexuel. 


En France, sa reconnaissance s’est faite au cours d’un long chemin semé d’embûches. Ce n’est qu’en 1992 que le harcèlement sexuel a été reconnu comme un délit sexuel par le Code pénal et interdit par le Code du travail. Étape par étape, la définition de ce délit, au départ très restrictive, limitée au travail et à un cadre hiérarchique avec abus d’autorité, a été élargie à tous les autres espaces, quel que soit le lien entre la victime et le harceleur. Cette loi a été abrogée en 2012, et le scandale a été tel qu’une nouvelle loi plus sévère a été promulguée aussitôt, donnant une définition bien plus proche des directives européennes. Enfin, dans la loi sur les violences sexuelles et sexistes d’août 2018, la définition du harcèlement sexuel a été complétée afin de réprimer les propos et les comportements de nature sexiste, ainsi que les raids numériques.


La prise de conscience de l’ampleur et de la gravité de cette forme de violence sexuelle est donc récente, mais reste fragile et n’a encore que peu d’impact sur ce problème de société majeur, et sur ses conséquences sur la vie, l’insertion sociale et professionnelle, ainsi que la santé mentale et physique des personnes qui le subissent quotidiennement. 


Malgré cette prise de conscience, les chiffres des enquêtes de victimation sur les violences sexuelles  (viols, agressions sexuelles ou harcèlement sexuel) ne régressent pas, et augmentent. Les dernières études de 2018 sur le harcèlement sexuel subi par les femmes au travail, dans les espaces publics et dans les transports en commun, montrent des chiffres en hausse par rapport aux enquêtes précédentes de 2000 et 2014, avec des chiffres très inquiétants concernant le cyberharcèlement sexuel, une nouvelle forme de harcèlement sexuel en ligne en pleine expansion, 73% des femmes déclarent en avoir été victimes dans un rapport d’ONU-Femmes de 2015. 


  1. Une absence de protection et une impunité tenaces


De plus, malgré des textes de loi définissant de mieux en mieux le harcèlement sexuel, et de plus en plus répressifs, l’impunité reste quasi totale et les victimes ne sont presque jamais protégées. Les plaintes restent très rares, en deçà de 0,07% pour les faits de harcèlement sexuel. De plus, dans un contexte où depuis 10 ans, les condamnations pour violences sexuelles n’arrêtent pas de diminuer, dans des proportions importantes et préoccupantes (jusqu’à 40% de diminution pour le viol), la justice échoue à traiter ce faible nombre de plaintes pour harcèlement sexuel, puisque plus de 80% d’entre elles sont classées sans suite, et que moins de 10% d’entre elles font l’objet d’un jugement, ce qui aboutit à moins d’une centaine de condamnations par an (Infostat Justice, 2018). 


Ces victimes de violences sexuelles ne bénéficient en général d’aucune solidarité ni protection, contrairement aux agresseurs qui sont trop souvent protégés au nom de leur valeur, de leur pouvoir, de leur notoriété, de l’intérêt de l’institution ou de l’entreprise qu’ils représentent. Avec cruauté et indifférence à leurs souffrances, on demande aux victimes de prendre sur elles, de relativiser, de mieux se protéger et de faire en sorte de ne plus être agressées, ou de s’exclure si elles n’y arrivent pas. Les agresseurs, de leurs côtés, bénéficient le plus souvent de bienveillance et de compréhension, et il est rare que les violences qu’ils ont exercées entraînent pour eux le moindre coût social ou professionnel. 


Les victimes sont donc abandonnées, 83% d’entre elles rapportent n’avoir jamais été reconnues, ni protégées, et plus elles sont vulnérables, pire c’est (IVSEA, 2015). Elles sont obligées de survivre seules face aux violences, à la détresse qu’elles génèrent et à leurs conséquences sur leur vie et leur santé. Pour leur grande majorité, les conséquences psychotraumatiques des victimes ne sont pas prises en compte, ni diagnostiquées, ni soignées comme telles, ce qui est à l’origine d’une importante souffrance et d’une grave perte de chance en terme de santé, de qualité de vie et de réalisation personnelle et professionnelle (Salmona, 2018). 


Plus injuste encore, pour ces victimes de violences sexuelles, le fait de dénoncer leurs agresseurs se retourne très fréquemment contre elles. Non seulement on ne veut pas les entendre, ni les croire, ni les protéger, mais elles sont accusées de diffamation ou de délation, on leur dit qu’elles exagèrent, ou ont les rend responsables des violences qu’elles ont subies, et elles se retrouvent isolées et rejetées. Du fait du harcèlement, elles subissent des traumatismes psychiques dont les conséquences les empêchent de réagir (sidération ou dissociation traumatiques) ou les obligent à mettre en place des stratégies de survie (évitement, conduites addictives et mises en danger de soi-même), conséquences qui seront utilisées pour les mettre en cause et disqualifier leur parole. Après avoir signalé les violences, nombre d’entre elles perdent leur travail ou doivent renoncer à leurs études ou à leurs projets professionnels. Après avoir parlé les victimes sont presque toujours réduites au silence. Et ce n’est qu’au bout de longues années, lorsque les témoignages de victimes se sont accumulés qu’un scandale finit par éclater, comme avec l'affaire Weinstein dans le milieu du cinéma à Hollywood, en octobre 2017.


Que se passe-t-il ? Pourquoi nos pouvoirs publics échouent-ils à ce point dans la lutte contre ces violences, alors qu’elles sont reconnues comme des atteintes graves aux droits, à la dignité et à  l’intégrité mentale et physique des personnes qui en sont victimes, et qu’elles sont à l’origine de problèmes de santé publique, d’entrave à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, et d’une mise en péril des fondements de notre démocratie ? Nous allons le voir, les résistances sont très importantes et sont liées à une volonté de faire perdurer les privilèges d’un monde patriarcal inégalitaire, sexiste, raciste et homophobe. La violence est au cœur de ce système inégalitaire : elle lui permet de perdurer et elle l’alimente sans fin, aggravant les inégalités, en créant de nouvelles, maintenant ainsi un réservoir de victimes toujours disponibles. La violence produit de la violence, par l’intermédiaire, nous le verrons, de ses effets traumatiques. Du côté des victimes, la violence aggrave les inégalités, et en les traumatisant elle génère un état traumatique dissociatif qui les rend plus vulnérables aux violences et augmente ainsi le réservoir de victimes potentielles. Du côté des agresseurs, elle génère une mémoire traumatique qu’ils choisiront d’anesthésier en étant à nouveau violents. La violence génère de la violence dans un processus sans fin, le facteur de risque principal de subir des violences ou d’en commettre est d’en avoir déjà subi.


  1. Un tournant majeur et historique avec #MeToo ?


Ce déni et cette tolérance pourraient être battus en brèche car depuis plusieurs années le harcèlement sexuel se retrouve régulièrement à la une de l’actualité en France avec une accumulation de scandales retentissants. La dénonciation courageuse du phénomène par des femmes harcelées dans le monde politique, l’armée, médias, l’éducation, le sport, le monde médical, dans les transports publics, dans la rue, sur les réseaux sociaux, a fait prendre conscience de son ampleur choquante et du problème qu’il représente. La cruauté et l’injustice que subissent les victimes dans l’indifférence et l'abandon le plus total commencent à être mieux reconnues. Ces scandales ont été à l’origine de nombreuses actions d’associations féministes et de campagnes par les pouvoirs publics, et ont permis aux victimes de prendre la parole de s’organiser solidairement.


Et, surtout, depuis 2017, le mouvement planétaire de libération de la parole des victimes #MeToo pourrait représenter un tournant historique en leur faveur. Il a déferlé par vagues successives sur les réseaux sociaux depuis le choc de la révélation en octobre 2017 par le New York Times de nombreux faits de harcèlements sexuels mais également d’agressions sexuelles et de viols, dont se serait rendu coupable Harvey Weinstein sur un grand nombre d’actrices, ces faits ayant déjà été pour la plupart révélés mais étouffés. À la suite de ce scandale un mouvement solidaire, libérateur, spontané et de grande ampleur a rassemblé des femmes du monde entier qui sont venues dans les médias, et sur les réseaux sociaux avec les hashtag #MeToo et #Balancetonporc, témoigner du harcèlement sexuel et des autres formes de violences sexuelles qu’elles avaient subis dans le cadre de leur travail mais également dans leur famille, leur couple, dans leurs écoles, et dans toutes leurs activités quotidiennes, tout au long de leur vie. Des hommes les ont rejointes pour les soutenir, et également pour témoigner des violences qu’ils avaient eux-même subies parce qu’ils n’étaient pas dominants et ne correspondaient pas aux diktats virilistes imposés par les harceleurs.


Depuis, nous assistons médusés à une libération inédite de la parole d’innombrables femmes, se propageant dans tous les milieux et sur tous les continents, entraînant une vague d’indignation et de solidarité, et une prise de conscience brutale de l’ampleur et de la gravité des violences sexuelles et sexistes que des hommes en position dominante font subir depuis des siècles aux femmes parce qu’elles sont femmes, dès leur plus jeune âge, quel que soit leur milieu socio-culturel, en tout lieu. Un tournant historique puissant et solidaire s’amorce en faveur des victimes, porteur d’espoir et de justice.


En France, les réactions aux nombreuses dénonciations dans les milieux politique et du cinéma sont restées dans un premier temps bien plus frileuses que dans les pays anglo-saxons, n’entraînant pas ou très peu de poursuites judiciaires, ni de coût social ou politique pour les harceleurs, mais les temps changent, les nouveaux scandales suscitent de plus en plus d’indignation et de mises en cause des harceleurs. On a pu le constater début 2019 avec la ligue du LOL, où la dénonciation par des jeunes femmes féministes journalistes ou blogueuses du cyber-harcèlement moral et sexuel qu’elles avaient subi pendant plusieurs années par un groupe d’hommes journalistes influents, a abouti en quelques jours à la mise à pied de plusieurs d’entre eux par les rédactions.



  1. Un problème humain, de santé publique et de perte d’égalité des chances.


Il s’agit de justice universelle, face à une société gangrénée par les inégalités et un long passé de déni alimenté par ce que les féministes nomment la culture du viol (Renard, 2018). Cette culture du viol qui s’applique à toutes les formes de violences sexuelles, consiste à la fois à culpabiliser, humilier, discriminer et mépriser les victimes, à tolérer, minimiser voire même nier les violences, et organiser l’impunité des agresseurs en les dédouanant et en étant complice avec eux. Longtemps, la loi du silence, le déni et la culture du viol ont entravé et ralenti une prise de conscience de la gravité de ces violences et de leurs conséquences, et ont empêché la mise en place de mesures de protection, de reconnaissance, de solidarité et de prise en charge.


Nos structures éducatives, sociales, sanitaires et judiciaires ont presque totalement échoué à protéger et à prendre en charge les victimes, ainsi qu’à empêcher ces violences sexuelles de se produire à grande échelle. La gravité des conséquences des violences sexuelles n’est pas encore reconnue comme un problème majeur de santé publique et de société. Les professionnels du soin ne sont toujours pas formés et l’offre de soin est très insuffisante. La protection, la solidarité et les aides sociales ne sont pas à la hauteur. La justice est quasi absente. Les victimes de ces délits et de ces crimes sont confrontées à des injustices en cascades, et leur perte de chance en terme de santé et d’intégration sociale est énorme, d’autant qu’une prise en charge précoce et des soins appropriés éviteraient la majeure partie des conséquences des violences, ainsi que la production de nouvelles violences. Ne pas lutter contre ces violences et ne pas protéger ni prendre en charge les victimes, c’est ajouter de l’injustice à l’injustice, de l’inégalité à l’inégalité, de la violence à la violence, du malheur au malheur.


Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer et ils doivent mettre en place des décisions politiques urgentes et ambitieuses accompagnées d’efforts financiers pour lutter contre le harcèlement sexuel et toutes les autres formes de violences sexistes et sexuelles, pour lutter contre l’impunité, pour protéger les victimes respecter leurs droits et améliorer leur prise en charge, avec le soutien et l’engagement de toute la société qui ne doit plus tolérer ces violences et ces inégalités (Convention d’Istanbul, 2014). 


Signe encourageant de l’engagement de l’État français, le 25 novembre 2017, lors de la journée internationale de lutte contre les violences envers les femmes, le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, Grande Cause du Quinquennat (1). Depuis une nouvelle loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été votée le 3 août 2018, nous verrons son apport.


Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, 2019



1- L'utilisation à 3 reprises par le Président de la République Emmanuel Macron, lors de ce discours du terme délation, a beaucoup tempéré l'espoir que pouvait susciter cette Grande Cause du Quinquennat.


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