vendredi 2 mars 2018

Tribune de la Dre Muriel Salmona pour l’Humanité « Faut-il légiférer sur l’âge du consentement sexuel ? »


Tribune pour l’Humanité  :
« Faut-il légiférer sur l’âge du consentement sexuel ? »




Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
Auteure du Livre noir des violences sexuelles (2013) et de Violences sexuelles : 40 questions-réponses incontournables (2015) chez Dunod, et d’un Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels avec un ensemble de 8 mesures présentées le 20 octobre 2017 à Marlène Schiappa.



Pour protéger efficacement les enfants, il est indispensable que le code pénal fixe pour les mineurs un seuil d’âge en dessous duquel toute atteinte sexuelle commise par un adulte est une agression sexuelle ou un viol, avec une présomption irréfragable d’absence de consentement. Nous demandons que cet âge soit de 15 ans (et de 18 ans en cas d’inceste, d’adulte ayant autorité ou si le mineur est vulnérable).

Les enfants sont les principales victimes de violences sexuelles, 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans, et 56 % des viols et des tentatives de viols ont été subis avant 18 ans, 40% avant 15 ans (Enquête Virage, 2016). Elles sont commises dans 94% des cas par des proches et dans plus de 50% des cas par des membres de la famille, surtout sur les filles et les enfants les plus vulnérables (IVSEA, 2015). 

Leurs conséquences psychotraumatiques sur la santé mentale et physique et sur la vie des enfants sont très lourdes à long terme, et en font un problème majeur de santé publique : 50% d’entre eux feront des tentatives de suicides, des dépressions à répétition, et auront des conduites addictives, 70% subiront à nouveau des violences sexuelles tout au long de leur vie (IVSEA, 2015).

Or la justice échoue à protéger ces enfants. Moins de 9% des viols font l’objet de plaintes, 70% de ces plaintes sont classées sans suite, 20% sont correctionnalisées en agressions sexuelles ou en atteintes sexuelles comme pour Sarah, et seules 10% des plaintes aboutissent à une condamnation en cour d’assises. Cette impunité met en danger tous les enfants (ONDRP , Le Goaziou, 2016).

Trop souvent la recherche des éléments destinés à caractériser viols et agressions sexuelles (violence, menace, contrainte et surprise) revient à une recherche du consentement de l’enfant. Cela porte atteinte à sa dignité et méconnaît son immaturité, sa vulnérabilité et sa dépendance face au monde adulte, ainsi que la gravité des traumatismes sexuels et de leurs conséquences psychotraumatiques : en effet la sidération traumatique paralyse l’enfant et l’empêche de réagir, et la dissociation traumatique, mécanisme de sauvegarde mis en place par le cerveau qui déconnecte et anesthésie émotionnellement l’enfant, le rend incapable d’exprimer sa volonté et de s’opposer,  ces éléments étant interprétés à tort comme un consentement.

Avant 15 ans, l’âge devrait caractériser en lui-même le viol et l’agression sexuelle, les enfants n’ont pas le discernement ni les capacités pour s’opposer à une instrumentalisation par un adulte, ni un développement psycho-affectif et émotionnel qui permette d’être confronté sans dommage à une sexualité adulte qui fera effraction dans leur monde mental, leur identité et leur corps d’enfant ; ils ne peuvent pas avoir un consentement libre et éclairé sur ce qu’ils vont vivre et sur les conséquences que cela aura sur leur santé et leur avenir.

La littérature scientifique internationale qualifie de précoces les actes sexuels avant 15 ans et a démontré qu’ils sont un facteur de grande vulnérabilité pour l’enfant : 
  • ils sont fortement reliés à des violences sexuelles subies antérieurement et aux conduites sexuelles à risque dissociantes qui en sont une conséquence psychotraumatique fréquente (Dalhe, 2010)
  • ils sont un facteur de risque pour la santé mentale et physique de l’enfant, avec des risques de grossesse précoce et d’infections sexuellement transmissibles, des risque accrus de conduites addictives et à risque, de mauvaise estime de soi, et de violences sexuelles réitérées (Lowry, 2017). 

Ce n’est pas aux enfants de se protéger des adultes, mais aux adultes de mettre tout en œuvre pour les protéger, il est urgent de légiférer.

À lire pour en savoir plus mon article argumenté et référencé :







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