À L’ARMÉE TOUTES LES FEMMES SONT DES SALOPES
Témoignage posté sur le site STOP AU DÉNI
Que peut dire un agresseur à sa victime quand il vit 24H/24 avec elle ? J’étais avec lui en voiture de fonction, nous nous dirigions vers la Creuse, au camp de la Courtine pour une période de quinze jours.
Il me racontait sa vie. Je connaissais toute sa vie. Il me parlait beaucoup de sa fille, il était dingue d’elle. Les paroles d’un chef, d’un adjudant. Il m’avait rendu folle. Moi, je faisais pareil, je lui racontais ma vie parfois. Mais lui parlait plus que moi. Je n’avais pas la tête à parler. J’étais anxieuse. Très anxieuse.
Il m’avait dit qu’il était en fait un enfant adopté, qu’il avait un autre nom de famille. Que sa famille d’origine était violente. Que dans sa famille c’était le seul à avoir réussi. Qu’il avait une bonne situation à l’armée. Qu’il s’est toujours payé ses voitures en rentrant de missions. Quoi comme missions ? Kosovo, Côte d’Ivoire etc… Il m’a même raconté qu’il avait fini par parler à son char, que le psychiatre militaire était passé pas loin. Tout est normal car à l’armée rien n’est normal…
Voici quelques souvenirs qui me reviennent. Dans un tout premier temps c’est cette phrase qui revient en boucle : « Quand ma femme ne veut pas c’est limite du viol » je ne savais pas comment comprendre sa phrase, j’étais en train de me rende compte qu’il s’agissait de la même chose, qu’il était en train de me violer et que je ne devais pas rester avec lui mais en tant que militaire je n’avais d’autre choix que de rester dans le camp. Je ne pouvais pas partir.
L’adjudant au camp de la Courtine voulait que je boive, j’ai accepté une fois un soir de boire une bière qu’il m’a offerte, il avait rajouté de la grenadine, à l’époque la bière me donnait envie de vomir, je n’aimais pas cette boisson. Depuis que j’étais arrivé au camp, je ne mangeais presque plus. L’adjudant m’offrait des cigarettes, des News bleues. Je fumais les cigarettes dans la voiture et lui il me parlait du cul d’untel, des seins d’untel.
Crédit photo : Istvan Benedek
L’adjudant me disait sans cesse que j’étais « sa secrétaire », je n’ai jamais eu de bureau dans ce camp, je n’ai jamais eu un téléphone ou un ordinateur. J’étais dans une autre prison et je ne pouvais surtout pas dire ce qu’il se passait avec l’adjudant à mes camarades, je n’en n’étais pas capable.
J’étais loin de penser à ça. Je ne sais plus à quoi je pensais ? Je crois que je voulais mourir. Je voulais parler au médecin mais je n’ai jamais réussi. Le médecin militaire avait perdu dans la voiture un cache de son famas, je l’avais retrouvé derrière dans la voiture.
Ma chambre, une grande chambre d’au moins quatre lits, une chambre jaune, toute jaune. Une chambre froide en septembre dans un camp militaire où l’adjudant venait m’embrasser quand je n’avais pas envie de l’embrasser. Avec ou sans la langue ? Je ne sais plus.
Il voulait que je vienne avec lui aller acheter des bières pour la popote le soir. Il voulait que j’aille en voiture avec lui à Ussel au supermarché. Moi je voulais bien faire le café pour les soldats et surtout les gradés, au moins je servais à quelque chose. Moi je voulais faire mon métier, je voulais juste être secrétaire et militaire. Je n’ai jamais pu faire ça. Mon métier.
L’adjudant venait d’allumer la voiture, une 207 blanche de service, direction Ussel. Il avait mis sa radio préférée RTL 2. L’adjudant fumait beaucoup au volant. Le premier soir au camp de la Courtine, j’ai été tranquille, l’adjudant ne m’a rien fait, il était parti à Clermont Ferrand pour refaire le stock d’essence.
Ma première nuit au camp dans ma chambre froide, j’ai quand même eu du mal à dormir. Pendant le trajet, sur la route menant au camp, l’adjudant m’a fait subir des attouchements tout en continuant à conduire. Je ne coopérais pas, j’avais peur, j’étais tétanisée, je le laissais galérer. Il a toujours réussi à me faire des attouchements dans la voiture. Aujourd’hui je ne peux plus conduire. Mes parents ne comprennent, je n’ai pas osé leur expliquer le pourquoi du comment, je leur épargne la suite.
L’adjudant sur la route entre le camp et le supermarché avait pris pour habitude de s’arrêter dans un petit chemin à l’abri des regards curieux. Il me forçait à lui faire des fellations, il disait qu’à l’armée toute les femmes sont des salopes. Une fois, quand j’avais fini de lui faire une fellation, l’adjudant est sorti du véhicule pour se masturber sous mes yeux. En rentrant dans la voiture, l’adjudant me faisait des sourires, des sourires de pervers.
Il me touchait les genoux j’avais envie de le tuer ; je pensais plus à rien, j’avais la tête loin si loin que je ne voulais qu’une seule prendre le volant de la voiture et me tuer avec lui. Je ne pensais plus. Je n’avais plus de souvenirs dans ma tête. Toute ma vie a été un combat. Je me suis toujours battue pour vivre, prématurée, j’ai passé mon enfance à l’hôpital et j’ai toujours voulu vivre mais là je n’avais plus envie de vivre. Je ne savais plus qui j’étais.
Je ne savais plus où j’étais. Je n’étais plus présente. j’avais l’impression d’être hors de mon corps. Je n’avais pas le courage de pleurer. Il faut du courage pour pleurer. Je n’avais plus de force. J’avais trop peur pour continuer à penser. Quand il partait voir les soldats en exercice. Il continuait à m’envoyer souvent des sms avec « ma puce ».
Pour l’adjudant, j’étais comme toutes les femmes à l’armée, une salope. Je n’ai jamais voulu être une salope. Je n’ai jamais voulu coucher avec lui au camp. Je n’ai jamais voulu l’embrasser. La première fois ? C’était dans son bureau au régiment en plein milieu d’après midi quand j’allais récupérer le courrier pour mon chef de section.
Pour l’adjudant, j’étais juste un objet. Il m’avait dit un jour « mais c’est juste un aller retour ! » Je venais d’avoir avec lui un rapport forcé non protégé, j’avais peur d’avoir le sida, j’avais peur de tomber enceinte. Je me sentais si mal. Je continuais à fumer. J’avais hâte de partir de ce camp. Plus je fumais au camp moins je mangeais.
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