Droit d'être soignées et protégées pour toutes les victimes de violences sexuelles !
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À l'attention : du Président de la République, des membres du Gouvernement, et des parlementaires
Auteure : Dre Muriel Salmona Présidente de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie
Pour
un accès rapide à des soins de qualité, sans frais, par des
professionnels formés, dans des centres spécifiques accessibles sur tout
le territoire, à tout moment de leur parcours.
La reconnaissance de la gravité de l'impact sur la santé des victimes de
violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte, la formation des
professionnels de santé et la création de centre de soin spécifiques
pluridisciplinaires sur tout le territoire est une urgence sanitaire et
sociale et un problème majeur de santé publique. Il est impératif d’être
solidaire de toutes les victimes de violences sexuelles et de leur
offrir des soins et une protection efficaces pour préserver leur santé
et éviter qu'elles subissent de nouvelles violences.
Actuellement les droits à la santé des victimes de violences
sexuelles ne sont pas respectés, la grande majorité d'entre elles ne
sont ni reconnues en tant que victimes traumatisées, ni informées des
conséquences psycho-traumatiques sur leur santé, ni prises en charge
spécifiquement par les professionnels de la santé, et elles ont toutes
de grandes difficultés pour accéder à des soins de qualité, aussi nous
vous demandons :
- la création immédiate de centres de soins et d’accueil en urgence
spécifiques pour toutes les victimes de violences sexuelles sur
l’ensemble du territoire dans chaque département et par bassin de 200
000 personnes (comme le recommande la Convention du Conseil de l’Europe dite Convention d’Istanbul), de sorte que des soins de qualité, sans
frais, dispensés par des professionnels formés leur soient garantis le
plus tôt possible et à tout moment de leur parcours.
- la mise en place en urgence de campagnes d’information, de formation
et de prévention sur les violences sexuelles, leur impact
psychotraumatique, leurs conséquences sur la santé mentale et physique
des victimes à court, moyen et long terme, et sur leur traitement, ainsi
que la mise en place d'un plan de lutte global contre les violences
sexuelles.
Les récentes études internationales scientifiques, celles de l'UNICEF et
de l'OMS ainsi que l’enquête : Impact des violences sexuelles de
l’enfance à l’âge adulte, menée en France par notre association Mémoire
Traumatique et Victimologie dans le cadre de sa nouvelle campagne STOP AU DENI, soutenue par l’UNICEF et diffusée le 1er mars 2015, convergent
dans le terrible constat :
- de la fréquence de ces violences subies (en France 20,4% des femmes
ont subi des violences sexuelles, 16% ont subi des viols et des
tentatives de viols dans leur vie, et c’est aussi le cas pour 5% des
hommes), avant tout par des enfants qui en sont les principales victimes
(notre enquête révèle que 81% des 1214 victimes de violences sexuelles
qui y ont participé ont subi les premières violences avant l’âge de 18
ans, 51% avant 11 ans, et 21% avant 6 ans),
- de la gravité des conséquences des violences sexuelles sur la santé
des victimes, même à long terme. Elles font partie des pires traumas et
sont à l’origine de troubles psychotraumatiques et d’atteintes
neurologiques et neuro-biologiques. Les conséquences sur la santé sont
d’autant plus graves que les victimes ont subi un viol, qu’elles avaient
moins de 11 ans, et que c’était un inceste : risque de mort précoce par
accidents, maladies et suicides, de maladies cardio-vasculaires et
respiratoires, de diabète, d'obésité, d'épilepsie, de troubles
psychiatriques, d'addictions, de troubles de l'immunité, de troubles
gynécologiques, digestifs et alimentaires, de douleurs chroniques, etc..
Avoir subi des violences dans l’enfance est le déterminant principal de
la santé 50 ans après et peut faire perdre jusqu’à 20 années
d’espérance de vie si plusieurs violences sont associées et si aucun
soin spécifique n’est prodigué.
- et de l’insuffisance de leur reconnaissance et de leur prise en charge.
Notre enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte
montre que plus de 80% des victimes ne sont pas protégées ni reconnues
et que 78% n’ont pas bénéficié d’une prise en charge d’urgence, celles
qui en ont bénéficié sont seulement 1 sur 20 à avoir reçu tous les soins
nécessaires ; et alors que 95% des victimes déclarent un réel impact
sur leur santé mentale et 43% sur leur santé physique seules 2/3 des
victimes finissent par trouver une prise en charge spécialisée, mais en
moyenne après plus de 10 ans de recherche.
Or l’absence ou le peu d’information, de formation des professionnels
de la santé, de reconnaissance, de protection, de dépistage des
victimes, et le nombre infime de centres de soins spécialisés
accessibles représentent une perte de chance inadmissible pour les
victimes de violences sexuelles, et une grave atteinte à leurs droits.
Faute d’être reconnues, protégées et soignées les victimes gravement
traumatisées se retrouvent seules à devoir développer des stratégies
hors normes pour survivre aux violences et à leur mémoire traumatique
(qui leur fait revivre sans fin les violences à l’identique) et sont
nombreuses (70%) à subir de nouvelles violences. Les stratégies de
survie (conduites d’évitement et conduites à risques dissociantes et
anesthésiantes) sont invalidantes et à l’origine de fréquentes amnésies
traumatiques (34% pour l’ensemble des répondant-e-s.
La grande majorité des victimes de violences sexuelles se retrouvent
avec un mal-être, une souffrance, et un état d’angoisse et de stress
majeurs, des idées suicidaires (42% d’entre elles font au moins une
tentative de suicide), des conduites addictives (pour 50% d’entre
elles), un sentiment d’être différente, étrangère aux autres,
déconnectée, et avec de nombreux autres symptômes mentaux et physiques
invalidants que faute d’information et de formation personne ne relie
aux violences, ni n’identifie comme des conséquences psychotraumatiques
typiques nécessitant des soins spécifiques. Les symptômes
psychotraumatiques sont fréquemment banalisés par les professionnels de
la santé, où bien étiquetés comme des déficiences ou des psychoses, et
font l’objet de traitements dissociants qui ne font qu’anesthésier la
souffrance
Pourtant des soins précoces peuvent éviter l’installation de ces
conséquences psychotraumatiques (dans les 24h), et à tout âge une prise
en charge spécialisée leur permet, en traitant leur mémoire traumatique,
de ne plus être colonisées par les violences et les agresseurs,
d’activer une réparation neurologique et d’en stopper les conséquences
sur la santé.
Il est urgent de cesser d’abandonner les victimes, de les informer, de
les soigner, et de leur permettre de comprendre que tout ce qu’elles
peuvent ressentir, leurs peurs, leurs angoisses, leur détresse, tout ce
qui est chez elles incompréhensible a un sens et ne vient pas d’elles
mais de ce qu’elles ont subi.
Nous demandons donc en urgence un plan global de lutte contre les
violences sexuelles en France et dans les DOM-COM pour que le droit de
toute les victimes de violences sexuelles à être informées, protégées,
soignées, reconnues par la justice et réparées soit respecté à tout
moment de leur parcours, avec en priorité, et comme le préconisent les
1214 victimes qui ont répondu à notre enquête :
1- la création immédiate de centres de crise et de soin spécifiques
pluridisciplinaires pour les enfants et les adultes victimes de
violences sexuelles, proposant une prise en charge et des soins de
qualité, sans frais, dispensés par des professionnels formés, et
accessibles dans chaque département et par bassin de 200 000 personnes,
comme le recommande la Convention du Conseil de l’Europe dite Convention
d’Istanbul.
2- la mise en place de campagnes nationales d’information et de
prévention sur les violences sexuelles, sur les conséquences des
violences sur la santé des victimes, sur la loi et sur les droits des
victimes à être protégées et soignées, ainsi que sur les ressources à
leur disposition et à celle de tous les proches et les professionnels
susceptibles de les protéger et de leur permettre d’accéder à la
justice, à des soins et à des aides sociales (numéros nationaux, CRIP,
sites d’information dédiés, police, gendarmerie, procureurs, UMJ et
UMPJ, centres de soins, etc.).
3- la formation de tous les professionnels susceptibles de prendre en
charge des victimes de violences sexuelles (dans les secteurs de la
santé, du social, de la police et la gendarmerie et de la justice).
4- le respect des droits des victimes à être protégées et à obtenir justice et réparations.
5- la lutte contre l’impunité des agresseurs, l’amélioration et
l’application effective des lois (imprescribilité, inscription des
crimes et délits d’inceste dans le code pénal, arrêt des
déqualifications, meilleure prise en compte de la notion de contrainte
morale), l’amélioration des procédures policières et judiciaires, ainsi
que des expertises judiciaires en prenant en compte la spécificité des
violences sexuelles et de leur impact traumatique, le risque traumatique
des procédures, la nécessité de les protéger des dangers qu’elles
courent.
6- la création d'un observatoire national sur l'impact des violences sur
la santé, et sur l’accompagnement et le soin des victimes, voué à la
conduite de programmes de recherche et de collecte de données.
Sortir du déni, protéger et soigner les victimes de violences sexuelles est une urgence humanitaire et de santé publique.
En vous remerciant de votre attention et en espérant que vous preniez en
compte nos demandes et l'urgence de la situation, recevez l'expression
de notre plus haute considération
Vous pouvez télécharger le rapport Impact des violences sexuelles de
l’enfance à l’âge adulte et sa synthèse sur les sites http://stopaudeni.com/rapport et http://memoiretraumatique.org/assets/files/doc_violences_sex/Rapport-enquete-AMTV_mars-2015_BD.pdf
Co-signataire
Mme Laure Salmona, chargée de mission de la campagne STOP AU DENI,
rapporteure de l’enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à
l’âge adulte
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