Prostitution : Un sociologue pro travail du sexe se prend une fois de trop les pieds dans le tapin
Par le Dr Judith Trinquart, Médecin légiste, Médecin de Santé Publique, Secrétaire Générale de l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie
Cette fois ci, c’est le dérapage de trop : Lilian Mathieu s’attaque à la Proposition de loi abolitionniste déposée par le Groupe Femmes de l’Assemblée Nationale, soutenue par le PS (à partir du rapport Olivier). Dans sa tribune nauséabonde sur Rue89, datée du 08.10.2013, intitulée «Avec le PS, la préférence nationale commencera-t-elle par le tapin ? », il compare les méthodes du PS avec celles du FN, concernant le traitement des personnes prostituées d’origine étrangère dans le cadre de cette future loi.
Monsieur Mathieu est sociologue au CNRS, s’occupant plus spécialement du champ de la prostitution. Le problème est qu’il est notoirement visible qu’il ne met jamais un pied sur le terrain, se contentant de commenter les travaux et publications des abolitionnistes pour mieux les dénigrer et les discriminer et des sources de ses petits copains du STRASS, d’Act Up ainsi que de quelques publications célèbres d’autres sociologues pour alimenter son travail de sape. Les armes favorites de Lilian Mathieu, masculiniste hors pair, sont la mauvaise foi, le travestissement et la manipulation.
Une de ses contestations permanente repose sur les chiffres fournis dans les articles abolitionnistes. Avec la tribune de Rue89, « Avec le PS, la préférence national commencera-t-elle par le tapin ? », où il compare les méthodes du PS à celles du FN, Mr Mathieu s’en prend encore aux chiffres dont l’origine douteuse serait rapportée à l’activité policière. Lui, il n’en fournit jamais, de chiffres. C’est plus facile, on ne peut pas l’attaquer. Il n’est qu’à voir un de ses derniers ouvrages, « La condition prostituée ». Les notes : « Nombre de prostituées… », Répétées à l’envie. Ca veut dire quoi exactement? Des citations de personnes prostituées, sans source…Puis Mr Mathieu affirme p.192 : « …Les prostitué-e-s présentent des troubles corporels similaires à ceux des clochards ou des toxicomanes : nombre d’entre elles sont SDF ou toxicomanes ». Nombre suppose une quantité importante. SDF ou tox, les étudiantes qui se prostituent ? Les mères de familles qui font leurs fins de mois ? Les escorts de luxe ? Les filles de salons de massage ? Les nigérianes de la rue ST-Denis ? Les Chinoises du 13ème ?
Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. De deux choses l’une : ou Lilian Mathieu n’y connaît rien à son sujet, ou il est d’une mauvaise foi patentée. Dans cette tribune, il nous le prouve une fois de plus. Il s’en prend d’abord au chiffre du « 90% d’étrangères ». Bien. Mr Mathieu n’a apparemment pas du beaucoup parcourir les grandes rues de notre capitale ni des grandes cités de France. S’il l’avait fait, de nuit, cela lui aurait ouvert les yeux. La grande majorité de la prostitution de rue est composée d’étrangères, Africaines, Européennes de l’Est, et maintenant Chinoises. Le chiffre exact ? Allez, on va pas faire du pilpoul, Mr Mathieu, c’est la très grande majorité, et vous devriez venir faire des tours avec nous, les vrais associations de terrain, pour venir constater si c’est du 75, du 80 ou du 90%.
Pour une fois, il semble reconnaître que « les personnes en situation d’exercer cette « liberté de se prostituer » y sont généralement conduites par la détresse ou la contrainte ». Mais c’est ensuite pour mieux élaborer dans un deuxième temps un cafouillis inextricable où encore une fois, l’on constate que Mr Mathieu ne pose jamais un pied sur le terrain, cette fois sur le plan de l’action sociale, où de nombreuses associations, notamment celle dont je fais partie, sont en mesure de venir en aide aux personnes sans papiers, et les aider à se réinsérer socialement. Sur le plan de la discrimination, il est facile pour Mr Mathieu de crier haro sur le baudet, nous avons déjà constaté par le passé d’autres types de discriminations qu’il ne connaît visiblement pas et notamment des associations qui prenaient en charge uniquement les prostituées d’origine étrangère, au motif que celles-ci étaient victimes de la traite, alors que celles « de souche française » avaient choisi « librement » la prostitution, et donc n’avaient pas besoin d’aide !
La proposition de loi abolitionniste est une proposition de loi complète, où le travail social, médical, juridique, policier, s’articule pour fonctionner de manière complémentaire afin que les personnes prostituées soient protégées et prises en charge de la meilleure façon possible, qu’elles souhaitent quitter la prostitution ou pas. Cette proposition est calquée sur la loi suédoise, qui fonctionne maintenant depuis plus de dix ans, avec les meilleurs résultats possibles, tant sur les plans sociaux que juridiques. Elle a été suivie par la Norvège, la Finlande, Israël et maintenant l’Irlande. On constate par ailleurs un échec complet des politiques réglementaristes des Pays-Bas, de l’Allemagne et de l’Espagne.
Les masculinistes, dont Mr Mathieu, tentent un baroud d’honneur, à l’aide de propos populistes et creux. La mauvaise foi, visant à assimiler abolitionnisme, PS et FN, n’est pas un argument qui tient. Elle décrédibilise son auteur et rend son discours vain et superficiel. Bon courage, Mr Mathieu, si vous persistez dans cette voie.
Pour compléter, je renvoie le lecteur à l’excellent article de Christine Le Doaré : « Dérapage populiste d’un universitaire qui associe PS et FN pour mieux défendre le système prostitueur » http://christineld75.wordpress.com/2013/10/08/derapge-populiste-dun-universitaire-francais-qui-associe-ps-et-fn/
Et le communiqué de presse de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie : Vivement le dépôt de proposition de loi abolitionniste !
2 commentaires:
L'Abolitionnisme, c'est le prohibitionnisme à long terme. Bon papier d'Elisabeth Badinter. Que certains s'occupent de leurs fesses ça serait pas plus mal. Il est logique que pour mieux faire face aux mafias proxénètes, il faut permettre à des personnes qui ont choisi d'exercer ce métier de pouvoir le faire dans de meilleures conditions en leur donnant des droits et en sortant celles qui le désirent (qui ne se sont pas majoritaires contrairement à des chiffres bidons véhiculées par certains) de la traite. La plupart des clients de prostituées ne sont pas des pervers psychopathes violeurs. Par contre en ce qui concernent les prostituées contraintes qui sont autrement moins nombreuses que certains chiffres avancés, oui il doit y en avoir pas mal de clients violeurs qui malheureusement ne sont pas sanctionnés. Il faut permettre à des femmes la liberté de disposer de leur propre corps et de pouvoir dire oui ou non. Des droits pour les personnes prostituées permettrait de porter plainte contre leurs agresseurs qui sont rarement des clients dans de meilleures conditions et pour les femmes contraintes qui veulent en sortir aussi. Ce qui permettrait plus efficacement de combattre les proxénètes mafieux.
Toute à ses invectives, le Dr Trinquart oublie de répondre à l'argumentation que j'ai développée sur Rue89, à savoir que la proposition de loi introduit une discrimination entre prostituées françaises (ou en situation régulière) et étrangères en situation irrégulière, en promouvant en la matière une forme de "préférence nationale". Elle en oublie également de lire mes écrit où, précisément, je veille à ne jamais employer la catégorie de "travail du sexe". Elle feint d'ignorer que la prostitution étant une activité informelle et clandestine, il n'existe aucun chiffre permettant d'en déduire des statistiques ; écrire "nombre de prostituées" est certes moins précis, mais moins fautif et plus rigoureux que d'accumuler des pourcentages qui ne veulent rien dire. Quand à ma connaissance du terrain, j'en ai fait état dans mon droit de réponse aux propos diffamatoires de C. Le Doaré sur Rue89 : http://www.rue89.com/2013/10/14/les-prostituees-toutes-pauvres-filles-246559#comments-start
Enfin, si le Dr Trinquart faisait, elle, un peu de terrain, elle saurait que ce n'est pas dans les "grandes rues de notre capitale ni des grandes cités de France" que l'on trouve des prostituées aujourd'hui ; les logiques pénales qu'elle ne cesse de promouvoir les ont renvoyées dans les zones périphériques et sur les routes de campagne, où elles se font agresser dans l'indifférence générale.
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