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Témoignage, 16 février 2013
Envoyée par un médecin de la douleur, je vais alors en rendez-vous chez un kinésithérapeute dont on m’avait dit qu’il pratiquait la fasciathérapie, une méthode qui pouvait aider à soulager mes douleurs musculaires. Je pris contact avec lui avant l’été, vu nos vacances respectives et le caractère non urgent n’étant pas douloureuse à ce moment là, mes douleurs étant périodiques, on convint que je le recontacte au mois d’août. Quand je le rappelle celui ci me dit se souvenir de mon précédent appel et l’on convint alors d’un premier rendez-vous. Je lui ai expliqué ma pathologie longuement, ainsi que les divers soins en cours ou passés. J’insistais sur le fait que le moindre toucher pouvait m’entrainer des douleurs, que nombre d’examens médicaux m’ont déclenché des douleurs importantes… Quand je lui parlai des allodynies que je pouvais avoir, celui-ci me répondit « vous croyez que je vais oser vous toucher ? » devant mon air interrogatif, il me répondit alors « non, non, ne vous inquiétez pas ». Après ce long échange, celui-ci me dit qu’on allait passer à côté, il m’a dit qu’il allait écouter ce que mon corps lui disait et faire en fonction. Je me déshabille et je me suis tout de suite senti mal à l’aise, son regard, son attitude. Etonnée de ma réaction, ayant plus que l’habitude d’avoir affaire à des professionnels de santé, et rarement déstabilisée par un excès de pudeur, je me rassurais tout de suite intérieurement me disant que j’étais là pour des soins de kinésithérapie, que je n’avais pas à m’en faire pour mon physique et que des patientes, il en avait vu d’autres.
Lors de ce premier rendez-vous, il appuie à différents endroits de mon corps et lorsque le relâchement musculaire se fait, il me dit merci avec un grand sourire. Quand il arrive au niveau du ventre, il pose une main sur le ventre et m’explique qu’il a besoin d’un autre point d’appui pour déverrouiller et là il dépose une main en partie sur ma poitrine. Ensuite, il se met assis derrière ma tête et en étirant les muscles pectoraux avec le bas de sa paume, ses doigts se retrouvent contre ma poitrine. J’ai le réflexe de relever la tête pour voir exactement ce qu’il fait. Là au bout de quelques instants, il enlève une de ces mains la met sur mon front et me rabaisse la tête comme pour m’empêcher de voir où est ce que c’est, pour ne pas que je me fasse mal au cou… Je termine la séance sans rien dire mais en estimant qu’il faut que je me méfie la(es) prochaine(s) fois et que si cela se reproduit, il vaudra mieux changer de kiné. Surtout qu’à la fin de cette séance, je le vois me regarder d’un air vicelard, sentant son envie de mettre ses mains sur mes seins. Il me dit « j’ai mis mes mains un peu partout… est ce que vous avez l’habitude de ce genre de toucher … » « euh…non »…
Mes douleurs reprennent, ce rendez-vous me semble indispensable pour être soulagée, j’y retourne donc et oublie peu à peu mes appréhensions et puis la séance se passe normalement mais pas la suivante, où des gestes me semblent bizarres, non nécessaires au niveau de ma poitrine, du pubis, de mes lèvres, de mes yeux, de mes pieds ; mais, c’était tellement insidieux, et puis j’avais mal à la cage thoracique, aux yeux, à la mâchoire, aux jambes… cela durait une fraction de secondes, le temps que je réalise ce qui était en train de se passer, il avait repris ses gestes médicaux, je me convaincs alors moi-même de me faire des idées, une mauvaise interprétation mais il s’en suivait toujours une appréhension de la séance suivante, qui, celle-ci se passait normalement, pourquoi ne pas y retourner alors… Et puis, il y avait des paroles « je vous remercie de la confiance que vous m’accordez » alors que justement j’étais plus que sur la défensive « je sais que ce n’est pas facile pour vous une main qui se pose… » et d’autres, plus incompréhensibles, une fois où je ne comprenais pas ce qu’il faisait une main sur mon ventre, rien d’équivoque dans ce geste cette fois, je soulève sa main en lui demandant des explications, il me baraguine quelque chose d’incompréhensible, remet sa main, limite se réendort, il y avait une odeur forte ce jour là, alcool ?? une autre fois il y a eu un enfin plusieurs « oh le morceau ! », mais qu’est ce qu’il dit…
Allongée sur cette table d’examen, je ne pouvais pas me relever toute seule, je me retrouvais donc coincée, comme la fois, à l’avant dernière séance, marchant avec des béquilles dans son cabinet où mes jambes refusèrent d’avancer et que je l’ai vu s’approcher de moi, non pas pour m’aider comme je le pensais. Je me suis rendue compte qu’il allait m’embrasser, je réussis à trouver la force au plus profond de moi de me dégager. Jamais auparavant, je ne m’étais rendue compte que mon handicap, périodique, me fragilisait et pouvait m’empêcher de me défendre.
Et là je retourne chez moi, angoissée, on est vendredi, en automne, j’ai dû effectuer une douzaine de séances avec lui et j’ai rendez-vous lundi. Ce week-end fut atroce, je commençais à me rendre compte de tout ce qui c’était passé depuis le début mais en même temps, je me disais que cela n’était pas possible. Et puis, il y avait ce mélange de sensations de soulagement apporté par ces gestes médicaux et le reste que je ne comprenais pas, qui me mettait mal, qui commençait à tourner en rond dans ma tête. J’ai l’impression de devenir folle, je ne comprends pas, je ne me comprends pas, et en même temps, vu tous les médecins, kiné, ostéo, qui m’ont déjà pris en charge… je sais ce qu’est un geste médical vis-à-vis de ma pathologie, et puis je suis infirmière, je sais quand même distinguer un geste médical ou non… et puis ce raisonnement même est stupide, les gestes étant parfois très nets, oui les muscles, il y en a partout mais le sein et le clitoris, ce ne sont pas des muscles à ce que je sache… ça me parait ridicule en le disant comment n’ai-je pas pu prendre le recul nécessaire plus tôt, m’en rendre compte, stopper les séances…
Je ne réalisais pas encore vraiment. Plus l’heure du rendez-vous approchait, plus j’angoissais, je l’annule ou pas, non car je ne veux pas l’avoir au téléphone, j’y vais ou pas… Et là, je finis par décider ou du moins, le temps de réflexion imparti étant dépassé, je m’y rends mais décidée à surveiller le moindre geste. Dès le début, je commence à regretter d’être venue. A un moment, je baisse la garde, il bascule mon bras en arrière, je ne suis pas capable de le remettre en avant, et là je ne sais pas vraiment ce qu’il fait avec ma main gauche, c’est qu’une histoire de sensations, j’ai envie de crier non non je veux pas, mais en même temps, je me dis que c’est trop tard, que je ne peux pas bouger, j’ai peur que ce soit pire si je dis quelque chose, j’ai peur qu’il soit violent, je n’ai plus qu’à attendre qu’il termine. Je trouve alors la force de me relever, je me rhabille, je prends mes affaires, et pars avec mes béquilles. Je suis dans le bus pour rentrer chez moi, je regarde ma main, elle est sale, je suis sale. Je suis mal…
Je cherche à joindre une amie au téléphone le lendemain, pas disponible à ce moment là. Ma mère m’appelle entre les deux, ça va pas/ non/ qu’est-ce qui se passe ?/ un problème avec le kiné/ lequel/ euh… des euh … gestes déplacés/c’est grave ?, mais répond moi/il ne m’a pas violé si c’est ce que tu veux savoir /tu dors, tu manges/ non/ faut que t’en parle à quelqu’un/à qui t’en parlerais/à ton médecin traitant/ non c’est un homme, et il me suit depuis peu de temps/au médecin de la douleur/peut-être/je te rappelle/Bon, alors, la psychologue qui te suit au centre de la douleur ne travaille pas aujourd’hui, sa collègue de la clinique, ne peut pas te recevoir, j’ai réussi à avoir un rendez-vous avec le médecin de la douleur.
La consultation débute. Il s’est passé quelque chose avec le kiné, des gestes limites, déplacés… c’est quoi cette histoire, bon je fais rentrer votre mère. Elle ne m’en a pas dit plus. J’entends l’infirmière dire que je suis en état de choc. Qu’est ce que vous avez pris, vous avez pris quelque chose ? non, enfin mon traitement. Bon, point avec la psychologue demain. J’ai très peu réussi à parler à la psy, je semble prendre le dessus pendant 3 jours puis le physique ne va pas, ambulance car je ne peux pas marcher, 12h aux urgences, l’urgentiste veut m’hospitaliser en médecine générale, le médecin de garde ne veut pas faire l’entrée, il me braque, moi je ne suis pas médecin de la douleur, je ne vois pas ce que je peux y faire, on est le week-end, après une longue, très longue parlementation, on me transfère dans le service où j’entends le médecin s’exclamer qu’il avait dit qu’il ne me prenait pas. Au final, le brancardier lui montre les papiers, me rassure, me dit que l’équipe sait que je suis là et le médecin aussi et qu’ils vont s’occuper de moi. Le lendemain, ce médecin homme avec lequel, cela avait été plus que houleux, vient pour m’examiner, ceci dit, les propos et les gestes étaient tout à fait adaptés ce dimanche. C’est quelques heures plus tard, dans le début d’après-midi, que je me sens mal, une grosse crise d’angoisse, c’est la première fois que çà m’arrive, je sonne, l’infirmière arrive, on se connait, c’est une ancienne collègue, qui m’avait aidée et soutenue lorsque je travaillais dans ce service 4 ans plus tôt, à mi-temps thérapeutique et que c’était plus que compliqué avec mes douleurs d’assurer mes 8h de poste. Elle me reconnait, me met à l’aise, et j’arrive à lui dire que le kiné qui me suivait a eu des gestes déplacés envers moi et que l’examen de ce matin a déclenché çà à distance. Elle me dit que les internes en ce moment sont des femmes, qu’il y a aussi le docteur intel mais que je ne suis pas dans son secteur. Tu peux demander à ce que ce soit des femmes qui te suivent. Demande effectuée le lendemain, pas trop le choix, ai du sortir de la pièce quand le médecin homme s’occupait de la voisine de chambre, tellement çà m’angoissait et pourtant je le connaissais… les crises d’angoisses viennent 4-5 fois par jour et je commence à avoir des flashbacks.
24-48h après, un autre type de flashback arrive par moment, ce n’est pas le kiné, mais un oncle, le mari de la sœur de mon père, et je suis enfant, j’ai 10 ans, une agression sexuelle commence à apparaître, au bout de deux mois, et de nombreux flashbacks, réveils nocturnes en cris ou en pleurs, je me souviens de toute la scène de viol que j’avais « enfouie ». C’était un dimanche après-midi d’août 1992, j’étais allée avec mes parents chez mon oncle et ma tante, je n’ai pas le souvenir de les avoir vu avant, les relations familiales étant déjà complexes avec mon oncle. Mon oncle était très proche de moi, trop proche de moi, « collant ». Puis, je me suis retrouvée avec mon cousin dans la salle de jeux, les adultes étaient ensemble ailleurs, à l’étage me semble-t-il. Je jouais avec mon cousin de 4 ans, on était debout face à face devant une table de jeux, un jeu en bois que je ne connaissais pas et que j’appréciais, j’étais dos à la porte face à la fenêtre. Mon oncle est arrivé dans mon dos, il a commencé à m’enlacer, à m’embrasser dans le cou, je me débattais, je lui demande de me lâcher, je voulais continuer à jouer avec mon cousin, il me serrait de plus en plus fort, je ne pouvais plus tenir les pièces du jeu, il m’éloignait de la table en me tirant par l’arrière, je revois le regard interrogatif de mon cousin. Mon oncle m’a dit viens à côté, on va jouer, pourquoi qu’est-ce qu’il y a comme jeu à côté, il y a une chambre. Mon oncle a sa main serrée au niveau de mon épaule gauche, il dit à mon cousin de prendre un autre jeu, l’emmène dans un autre coin de la pièce sans me lâcher et m’emmène dans la chambre. Le dessus de lit est d’un blanc étincelant. Il me demande de me déshabiller, je ne veux pas enlever ma culotte, je me retrouve contrainte à le faire. Puis je me revois allongé sur le lit du côté de la fenêtre, sur le côté, il est face à moi, nu également. Il me fait lui caresser son sexe puis lui faire une fellation, je lui dis que je ne veux pas, il me force à continuer, me dit que c’est des jeux d’adulte, mais que lui m’apprend car il pense que je suis en âge. Puis il met sa bouche sur mon clitoris, je vois la scène de l’extérieur, je suis debout à côté du lit et j’observe ce qu’il me fait puis il introduit un doigt dans mon vagin. Pourquoi me fait-il çà ? il est en moi ! Cette sensation… Il me roule une pelle, il m’empêche de parler, beurk, c’est dégueulasse, lâche moi la langue, oh et avec ma bouche, tout à l’heure il m’a fait faire… c’est plus ma bouche, elle ne m’appartient plus. Il termine enfin de m’embrasser… et me dit c’est bon tu peux te rhabiller, je m’exécute. Je rejoins mon cousin dans la pièce d’à côté, j’ai l’impression qu’il n’a pas bougé depuis qu’on l’a laissé, je reste assise en face, je ne dis rien, son regard interrogateur…
J’avais 14 ans, c’était un repas de famille chez ma mamy, j’étais seul avec mon cousin à écouter des disques. Il est arrivé et s’est rapproché de moi, et je me suis reculée mais j’avais un mur juste derrière moi, je me suis trouvée coincée contre le mur, la porte était derrière lui. Que c’est il passé, je n’en ai aucun souvenir, une vague impression qu’il m’a touché la poitrine et embrassée, mais j’en suis pas sûr.
C’était il y a quatre ans environ, j’avais 26 ans approximativement, je faisais mon marché, et je ne sais pas d’où il est arrivé, son œil de lynx avait dû repérer sa proie de loin… Mon oncle commence à engager la conversation et au fur et à mesure il se rapproche de moi, je me retrouve coincée contre une étal du marché, je cherche de l’aide du regard, un homme s’est rapproché, mon oncle s’est reculé et est parti.