Lutter contre les violences passe avant tout par la protection des victimes
Bourg la Reine, le 26 décembre 2009
Texte du Dr Muriel Salmona psychiatre-psychotraumatologue, responsable de l'Antenne 92 de l'Institut de victimologie, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie:wwwmemoiretraumatique.org, drmsalmona@gmail.com
Les violences sont une atteinte grave aux droits humains fondamentaux des personnes, et à leur intégrité physique et psychique. Comme elles se produisent essentiellement dans des milieux censés être les plus protecteurs comme la famille, le couple, les milieux institutionnels d’éducation et de soins, le monde du travail, elles sont cachées et maquillées en amour, désir, éducation, sécurité, rentabilité. Cet escamotage a pour fonction de protéger le mythe d’une société idéale patriarcale où les plus forts protégeraient les plus faibles, rationalisant ainsi les inégalités et les privilèges d’une position dominante, ce qui qui rend les violences possibles. Les victimes qui les subissent sont alors isolées, condamnées au silence et confrontées impuissantes à des violences d’autant plus traumatisantes qu’elles sont impensables. Ces violences traumatisantes sont à l’origine de blessures psychiques et de troubles psychotraumatiques fréquents et chroniques qui auront un impact catastrophique sur leur vie s’ils ne sont pas pris en charge. Or ces victimes traumatisées sont à l’heure actuelle abandonnées, elles ne bénéficient ni de protection, ni de soins spécifiques, à charge pour elles de survivre dans une grande souffrance et une insécurité totale et de se réparer comme elles peuvent. Et ces systèmes de survie hors norme chez la plupart des victimes seront injustement stigmatisés comme des handicaps constitutionnels et seront perçus comme une infériorité justifiant une mise sous tutelle et de nouvelles violences, alors que ce sont des réactions normales aux situations violentes anormales qu’elles ont subies. En revanche, un faible nombre d’autres victimes se répareront en adhérant à la loi du plus fort et en reproduisant des violences, ce qui alimentera la production de nouvelles violences dans un processus sans fin. Ces conséquences psychotraumatiques s’expliquent par des mécanismes neurobiologiques connus depuis seulement quelques années, et il est parfaitement possible de les prévenir ou de les traiter efficacement.
La mémoire traumatique des violences est le symptôme central des troubles psychosomatiques. Elle est produite lors de la mise en place de mécanismes psychiques et neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels* pour échapper au risque vital que génère le stress extrême déclenché par des violences traumatisantes. En effet ces violences incompréhensibles et impensables entraînent une effraction et une sidération du psychisme qui ne peut alors contrôler l’activité de la structure sous-corticale responsable de la réponse émotionnelle, l’amygdale cérébrale, ni la sécrétion hormonale de cortisol et d’adrénaline qu’elle déclenche. Or la quantité croissante sécrétée de ces hormones constitue un risque vital cardio-vasculaire et neurologique pour l'organisme. Face à ce risque le cerveau sécrète à son tour en urgence des drogues "dures" (morphine-like et kétamine-like) qui font littéralement "disjoncter" le circuit de l'émotion, en coupant les connections entre l'amygdale et les autres structures et en produisant une dissociation. La réponse émotionnelle s’éteint brutalement et les victimes dissociées décrivent alors un sentiment d'irréalité, voire d'indifférence et d’insensibilité, comme si elles étaient devenues de simples spectateurs de la situation du fait d'une anesthésie émotionnelle et physique liée à la disjonction. La conséquence immédiate est que la mémoire émotionnelle de l'événement ne pourra être encodée par l'hippocampe ni devenir un souvenir autobiographique "racontable". Elle restera piégée dans l'amygdale, condamnée à rester inaccessible à la conscience, mais susceptible de se rallumer lors de n'importe quelle stimulation rappelant les violences subies, et faisant alors revivre à la victime les mêmes souffrances physiques et psychiques. La mémoire traumatique est cette mémoire enkystée, semblable à une machine à remonter le temps elle menace de s’enclencher à tout moment de façon incontrôlable, en plongeant à nouveau la victime au milieu des violences subies, et en reproduisant tout ou partie de leur vécu sensoriel et émotionnel. Et cette mémoire traumatique qui menace sans cesse d’exploser transforme la vie des victimes en un terrain miné, générant un climat de danger et d’insécurité permanents.
Dans un premier temps les victimes tentent d’empêcher son explosion en évitant tous les stimulus susceptibles de la déclencher. Elles deviennent hypervigilantes, et mettent en place des conduites de contrôle et d’évitement de tout leur environnement, de tout ce qui peut rappeler les violences même inconsciemment comme un stress, des émotions, des douleurs, des situations imprévues ou inconnues… mais aussi un contexte, une odeur, une voix. Cela entraîne de nombreuses phobies, un retrait affectif, des troubles du sommeil, une fatigue chronique, des troubles de l’attention et de la concentration très préjudiciables pour mener à bien une vie personnelle, sociale et professionnelle.
Mais les conduites de contrôles et d’évitement sont rarement suffisantes, particulièrement lors de grands changements (adolescence, rencontre amoureuse, naissance d’un enfant, entrée dans la vie professionnelle, chômage, etc.) et la mémoire traumatique explose alors fréquemment, traumatisant à nouveau les victimes en entraînant à nouveau un risque vital, une disjonction, une anesthésie émotionnelle et une nouvelle mémoire traumatique. Mais rapidement la disjonction spontanée ne peut plus se faire car un phénomène d’accoutumance aux drogues dures sécrétées par le cerveau se met en place, à quantité égale les drogues ne font plus effet, les victimes restent alors bloquées dans une détresse et une sensation de mort imminente intolérable. Il est alors nécessaire, pour faire cesser cet état et s’anesthésier enfin, d’obtenir coûte que coûte une disjonction en faisant augmenter la quantité de drogues dissociantes. Cela peut s’obtenir de deux façons : soit en leur ajoutant des drogues exogènes - alcool ou substances psycho-actives - qui sont elles aussi dissociantes, soit en augmentant leur sécrétion endogène par aggravation du stress. Pour aggraver leur stress, les victimes se mettent en danger ou exercent des violences le plus souvent contre elles-mêmes, mais un certain nombre d'entre elles préféreront exercer des violences contre autrui, générant une mémoire traumatique chez de nouvelles victimes, et c'est un élément très important sur lequel nous reviendrons. Ces conduites de mises en danger, ces conduites violentes et ces conduites addictives dont les victimes découvrent tôt ou tard l’efficacité sans en comprendre les mécanismes, je les ai nommées conduites dissociantes. Ces conduites dissociantes provoquent la disjonction et l’anesthésie émotionnelle recherchées, mais elles rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive et rendant les conduites dissociantes toujours plus nécessaires, créant une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence.
Ces mécanismes psychotraumatiques permettent de comprendre les conduites paradoxales des victimes et le cycle infernal des violences. Ils sont malheureusement méconnus, et les médecins qui ne sont pas formés à la psychotraumatologie ne vont pas relier les symptômes et les troubles des conduites que présentent les victimes aux violences qu’elles ont subies et donc ne pas les traiter spécifiquement. A la place ils vont utiliser des traitements symptomatiques ou des traitements qui sont en fait dissociants, mais sans le savoir. Ces traitements (comme l’enfermement, la contention, les camisoles chimiques, l’isolement, les chocs électriques, voire la lobotomie qui est encore utilisée dans certains pays….) sont «efficaces» pour faire disparaître les symptômes les plus gênants et anesthésier les douleurs et les détresses les plus graves, mais aggravent la mémoire traumatique des patients. La violence a la triste capacité de traiter de façon transitoire mais très efficace les conséquences psychotraumatiques, tout en les aggravant. Elle est sa propre cause et son propre antidote. Mais à quel prix !
Si la violence est paralysante et dissociante pour la victime, elle est pour l’auteur un outil de domination et une drogue anesthésiante. La violence est un formidable outil pour soumettre et pour instrumentaliser des victimes dans le but d’obtenir une anesthésie émotionnelle de l’agresseur. Elle devient ainsi une usine à fabriquer de nouvelles victimes et de nouvelles violences.
Les rationalisations habituelles pour justifier la violence ne sont donc que des leurres :
- La violence n’est pas une fatalité, elle ne procède pas d’une pulsion agressive originelle chez l’homme (comme le dit Freud), ni d’une cruauté innée (comme le pense Nietzsche). L’être humain est naturellement empathique comme le prouve toutes les études faites sur des nourrissons. Ceux qui utilisent la violence prônent le mépris et la haine des victimes considérées comme inférieures et sans valeur, alors qu’ils ne peuvent être violents que parce qu’ils ont été eux-mêmes des victimes. Ils n’ont recours à la violence que parce qu’elle est utile, possible et qu’elle est une drogue pour eux.
- La victime n’est pas responsable de la violence exercée contre elle, rien de sa personne ni de ses actes ne la justifie, la victime est toujours innocente d’une violence préméditée qui s’abat sur elle. De fait la victime est interchangeable, et choisie pour jouer par contrainte ou par manipulation un rôle dans un scénario qui ne la concerne pas, monté par l’agresseur.
- La violence n’est pas utile pour la victime, le «c’est pour ton bien» dénoncé par Alice Miller, le «c’est par amour pour toi», le «c’est pour mieux te protéger, t’éduquer, te soigner…» sont des mystifications. La violence n’est utile qu’à son auteur, pour le soulager lui et lui seul, et pour paralyser et soumettre les victimes. Le but de ce dernier est d’imposer à une personne qu’il a choisie d’être son «esclave-soignant et son médicament» pour traiter sa mémoire traumatique. Il instrumentalise sa victime et l’aliène en la privant de ses droits afin de la transformer en esclave soumise qui devra développer des conduites de contrôle et d’évitement à sa place, pour éviter l’explosion de sa mémoire traumatique à lui, et qui, si l’explosion a quand même lieu, devra servir de fusible pour qu’il puisse disjoncter par procuration et s’anesthésier.
- La violence est un privilège, elle est l’apanage d’une société inégalitaire qui distribue des rôles de dominants et de dominés et qui attribue ensuite à chacun une valeur en fonction de la place qu’il occupe dans le système hiérarchique imposé. Ce système injuste permet la mise sous tutelle d’une partie de la population au bénéfice de privilégiés qui ont le droit d’utiliser la violence en toute injustice pour la soumettre et l’instrumentaliser.
La fonction principale de la violence est donc mensongère, elle permet aux agresseurs d’effacer les traces de la victime qu’ils ont été et d’échapper à une mémoire traumatique encombrante. Elle leur permet de se mettre du côté des dominateurs privilégiés et de s’assurer d’une totale impunité en dissociant les victimes, qui, anesthésiées, se tairont, ce qui aura pour effet d’effacer les traces des violences qu’ils sèment tout au long de leur chemin. La victime qu’ils haïssent c’est eux-mêmes, ils vont la faire disparaître par un tour de passe-passe en s’attaquant à une autre victime à qui ils feront rejouer de force leur histoire pour mieux la nier, en déclenchant leur propre anesthésie émotionnelle. Puisqu’ils ne ressentent plus rien, c’est bien que cette histoire n’est pas la leur. Dans ce système la victime a une position paradoxale. Elle est d’abord une victime de substitution, indispensable pour faire marcher la machine à effacer le passé traumatique des agresseurs. Mais comme elle est susceptible de rappeler leur passé traumatique à tous ceux qui sont en position dominante en allumant leur mémoire traumatique, elle peut mettre en danger toute la construction illusionniste de la société et il faut l’effacer à tout prix. Elle est donc à la fois indispensable et indésirable. Les victimes sont à éradiquer, mais il faudra en créer sans cesse de nouvelles. Une fois qu’elles ont été victimes, elles sont donc sommées de se cacher, ou de disparaître en s’auto-détruisant, à moins qu’elles ne deviennent à leur tour des agresseurs quand la société leur en donne la possibilité et quand elles s’y autorisent, c’est à dire quand une place de dominant leur est réservée. C’est pourquoi elles n’ont pas le droit de revendiquer leur statut de victimes, elles seront aussitôt soupçonnées de ne pas dire la vérité ou de chercher un avantage.
Quand les agresseurs auront besoin de victimes pour s’anesthésier, ils feront leur casting au sein de toutes les victimes cachées ou de personnes pas encore victimes mais vulnérables (comme les enfants) pour leur faire jouer leur scénario, aux victimes de s’y soumettre puis à nouveau de se cacher ou de disparaître sans laisser de traces. il est alors essentiel pour les agresseurs à la recherche de victimes potentielles de cultiver des situations de discrimination ou d'en créer de toutes pièces, de décider que certaines catégories d'humains sont « inférieures » et sont donc utilisables en tant que victimes « fusibles » : les enfants, les femmes, les handicapés, les vieillards, les juifs, les arabes, les noirs, etc… au mépris de toute cohérence et de toute justice, en toute indécence et sans avoir à rendre de compte, puisqu'il s'agit - une fois étiquetées inférieures - de personnes interchangeables qui « ne valent rien ou pas grand-chose », si ce n'est par leur vertu « curative » plus ou moins importante.
Et des pans entiers de fonctionnements humains fondamentaux sont ainsi instrumentalisés pour en faire des « outils de violences », comme l'éducation des enfants, l'amour parental, la relation conjugale, la sexualité, la religion, le travail, la politique, le soin. Certains de ces pans deviennent presque entièrement dévoyés par les conduites dissociantes violentes, à tel point et depuis si longtemps que tout le monde finit par considérer que cette violence qui les sature est « naturelle », et inhérente à ces fonctionnements humains, avec une tolérance inouïe pour des violences qui bien qu’elles bafouent les droits humains, peuvent s’imposer comme incontournables ; c’est le cas des violences éducatives intra-familiales, et des violences sexuelles, particulièrement la prostitution et la pornographie.
Les violences imprègnent de telle façon et depuis si longtemps les rapports humains qu’elles en ont modifié les normes et les représentations que l’on peut s’en faire. Les violences saturent et dénaturent la relation amoureuse, la parentalité, la sexualité, le travail, les soins, etc. Dans notre société, les symptômes psychotraumatiques et les troubles des conduites qui y sont rattachés ne sont jamais reconnus comme des conséquences normales des violences, et sont perçus de façon mystificatrice et particulièrement injuste comme provenant des victimes elles-mêmes, liés à leur personnalité, à de prétendus défauts et incapacités, à leur sexe, à leur âge, voire à des troubles mentaux abusivement diagnostiqués comme psychotiques.
Les violences et leurs conséquences psychotraumatiques sont à l’origine de nombreux stéréotypes censés caractériser les victimes qui les subissent le plus fréquemment, comme les femmes et les enfants. Leurs symptômes, au lieu d’être identifiés comme réactionnels, sont injustement considérés comme naturels et constitutifs de leur caractère, de leurs conduites et de leur sexualité : les femmes seraient plus passives, plus émotives, plus sensibles, plus fragiles et dépressives que les hommes, avec une sexualité bien moins pulsionnelle qu’eux, les adolescents seraient plus enclins aux conduites à risque et aux mises en danger, plus suicidaires, etc… Bien sûr, il existe de nombreux stéréotypes «en miroir» sur les hommes qui seraient « naturellement » prédateurs, dominateurs et peu émotifs.
Ces stéréotypes, parasités par la violence omniprésente, altèrent profondément les relations humaine et transforment l’amour en une relation de possession et d’emprise, l’éducation en un dressage et une domination, la sexualité en un besoin d’instrumentaliser et de consommer.
Et dans un monde où de façon illégitime et absurde, la moitié de la population, pour être née de sexe féminin, subit une domination de fait, les discours inégalitaires pourront continuer à mystifier une grande partie des individus et à imposer des mensonges idéologiques qui sont des facilitateurs de violences, des « permis de détruire » offerts à des personnes peu regardantes sur leur éthique et leur cohérence intellectuelle pour « traiter » leur mémoire traumatique aux dépens d'autrui.
La mémoire traumatique quand elle n’est pas traitée est donc le dénominateur commun de toutes les violences, de leurs conséquences comme de leurs causes.
Et il résulte clairement de ce qui précède que pour interrompre la production sans fin de violence il faut éviter que des victimes soient traumatisées et développent une mémoire traumatique. Cela passe par une protection sans faille de tout être humain pour qu’il ne subisse pas de violences, et plus particulièrement des enfants et des femmes qui en sont les victimes les plus fréquentes. Il faut donc protéger les victimes potentielles vivant dans les univers malheureusement connus comme les plus dangereux, comme le couple, la famille, les institutions, le travail, et il faut promouvoir une égalité effective des droits, une information sur les conséquences de la violence et une éducation à la non-violence. Il faut aussi bien sûr protéger les victimes traumatisées et ne plus les abandonner à leur sort. Aucune victime ne doit être laissée sans prise en charge et sans soin.
Rendre justice à toute victime est impératif absolu, et les auteurs de violences doivent rendre des comptes et être sanctionnés. Mais cela ne suffit pas, il faut que les auteurs de violences soient pris en charge et traités dès les premières violences, dans le cadre d’une éducation à la non-violence et de soins spécialisés pour traiter leur mémoire traumatique et leur addiction à la violence.
Le traitement de la mémoire traumatique consiste à faire comprendre les mécanismes psychotraumatiques, dans le but de se comprendre, de se déculpabiliser et d’éviter les conduites dissociantes et de faire en sorte que les patients ne se laissent plus pétrifier par le non-sens apparent des violences. Le traitement consiste en même temps à faire identifier au patient sa mémoire traumatique qui prend la forme de véritables mines qu'il s'agit de localiser, puis de désamorcer et de déminer patiemment, en rétablissant des connexions neurologiques, en lui faisant faire des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique. Il s'agit de "réparer" l'effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l'irreprésentabilité des violences. C’est au fur et à mesure de la psychothérapie que le vécu peu devenir petit à petit mieux représentable et intégrable, mieux compréhensible, le thérapeute aidant à mettre des mots sur chaque situation, chaque comportement, chaque émotion, et à analyser avec justesse le contexte, les réactions de la victime, le comportement de l'agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l'hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l'amygdale cérébrale et d'encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable.
Le but, c'est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens, tout symptôme, toute pensée, réaction, sensation incongrue, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l'éclairer par des liens qui permettent de le rapporter aux violences subies.
De plus ce travail de compréhension permet au patient d’éviter d’être traumatisé par de nouvelles violences. Une fois que les violences prennent sens par rapport au passé traumatisant de l’agresseur, que les victimes se rendent comte que les violences ne les concernent absolument pas, qu’elles se jouent sur une autre scène, celle de la mémoire traumatique de l’agresseur et de son passé, le scénario mis en scène par l’agresseur ne fonctionne plus, il devient possible aux victimes de ne plus y participer. À partir du moment où les victimes comprennent ce qui se passe, elles peuvent identifier la scène et le rôle dans lequel l’agresseur tente de les piéger et s’en libérer, elles ne sont plus la proie pétrifiée dont l’agresseur a besoin pour sa mise en scène. Le «jeu» ne fonctionne plus, la victime peut se mettre «hors-jeu» et laisser l’agresseur face à une scène où il ne peut plus jouer le rôle de bourreau, faute de victime pétrifiée. Son histoire qu’il imposait à la victime lui est renvoyée en pleine figure, en miroir. Il est alors ramené à son propre rôle originel, un rôle de victime qu’il ne veut surtout pas jouer. Le «jeu» n’a donc plus de sens, plus d’intérêt et il n’est plus dissociant, l’agresseur devra se dissocier autrement ou se calmer. Face à lui, la victime est devenue comme Persée face à Méduse, sa compréhension est le bouclier miroir offert par Athéna (déesse de la sagesse et de la raison), elle lui évite d’être pétrifiée par le regard de Méduse.
On a tout à gagner de faire le pari de protéger toutes les victimes et ce, dès les premières violences : gagner de faire cesser immédiatement les violences et de mettre en sécurité les victimes, gagner de faire respecter les droits des victimes, en leur permettant d’obtenir justice et réparation pour les violences qu’elles ont subies, gagner de leur garantir leur non-répétition, gagner de mettre un terme à l’impunité des auteurs tout en leur proposant des soins précoces pour les sortir de leur addiction à la violence, gagner d’éviter l’installation de troubles psychotraumatiques chroniques chez les victimes grâce à des soins spécialisés précoces. En évitant la mise en place de conduites dissociantes, et particulièrement les violences exercées contre autrui, on peut s’opposer à la contamination progressive des individus par la violence, et gagner enfin de rendre la société moins inégalitaire.
Pour lutter contre les violences il faut donc une volonté politique forte pour protéger toutes les victimes, pour faire respecter les droits de toute personne à vivre en sécurité, pour rendre une justice efficace, pour former à la psychotraumatologie les professionnels prenant en charge les victimes, et plus particulièrement les médecins et autres professionnels de santé, pour créer des centres de soins spécialisés, pour informer le grand public sur les conséquences des violences et les mécanismes psychotraumatologiques, et l’éduquer aux respect des droits de l’humain et à la non-violence.
* Travaux du Dr Muriel Salmona : La mémoire traumatique in L'aide-mémoire en Psychotraumatologie, Paris, Dunod, 2008 et ouvrage à paraître en 2010 : Violences impensées et impensables ou la mémoire traumatique à l'œuvre.
COMMENTAIRES SUR LE BLOG UN MONDE EN PARTAGE
quand les actes commis a votre encontre ont été d’une telle violence et que la memoire traumatique devient bien plutôt une amnésie post-traumatique cela devient encore plus dangeureux .
un immense trou noir remplit votre vie et les fuites grace à des comportements agressifs ou auto-agressifs et destructeurs sont inreliables à votre histoire. Grâce a des personnes comme le dc Salmona et parceque il y va de sa propre survie il faut alors patiemment remonter le cours de son existence , ne jamais lacher le morceau afin que s’arrette l’engrenage .
Écouter les victimes les prendre au sérieux, neutraliser les « bourreaux » déculpabiliser les patients afin qu’ils retrouvent vie et dire sans relâche qu’aucune violence n’a son utilité .
Lutter contre les violences passe avant tout par la protection des victimes
Bourg la Reine, le 26 décembre 2009
Texte du Dr Muriel Salmona psychiatre-psychotraumatologue, responsable de l'Antenne 92 de l'Institut de victimologie, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie:wwwmemoiretraumatique.org, drmsalmona@gmail.com
Les violences sont une atteinte grave aux droits humains fondamentaux des personnes, et à leur intégrité physique et psychique. Comme elles se produisent essentiellement dans des milieux censés être les plus protecteurs comme la famille, le couple, les milieux institutionnels d’éducation et de soins, le monde du travail, elles sont cachées et maquillées en amour, désir, éducation, sécurité, rentabilité. Cet escamotage a pour fonction de protéger le mythe d’une société idéale patriarcale où les plus forts protégeraient les plus faibles, rationalisant ainsi les inégalités et les privilèges d’une position dominante, ce qui qui rend les violences possibles. Les victimes qui les subissent sont alors isolées, condamnées au silence et confrontées impuissantes à des violences d’autant plus traumatisantes qu’elles sont impensables. Ces violences traumatisantes sont à l’origine de blessures psychiques et de troubles psychotraumatiques fréquents et chroniques qui auront un impact catastrophique sur leur vie s’ils ne sont pas pris en charge. Or ces victimes traumatisées sont à l’heure actuelle abandonnées, elles ne bénéficient ni de protection, ni de soins spécifiques, à charge pour elles de survivre dans une grande souffrance et une insécurité totale et de se réparer comme elles peuvent. Et ces systèmes de survie hors norme chez la plupart des victimes seront injustement stigmatisés comme des handicaps constitutionnels et seront perçus comme une infériorité justifiant une mise sous tutelle et de nouvelles violences, alors que ce sont des réactions normales aux situations violentes anormales qu’elles ont subies. En revanche, un faible nombre d’autres victimes se répareront en adhérant à la loi du plus fort et en reproduisant des violences, ce qui alimentera la production de nouvelles violences dans un processus sans fin. Ces conséquences psychotraumatiques s’expliquent par des mécanismes neurobiologiques connus depuis seulement quelques années, et il est parfaitement possible de les prévenir ou de les traiter efficacement.
La mémoire traumatique des violences est le symptôme central des troubles psychosomatiques. Elle est produite lors de la mise en place de mécanismes psychiques et neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels* pour échapper au risque vital que génère le stress extrême déclenché par des violences traumatisantes. En effet ces violences incompréhensibles et impensables entraînent une effraction et une sidération du psychisme qui ne peut alors contrôler l’activité de la structure sous-corticale responsable de la réponse émotionnelle, l’amygdale cérébrale, ni la sécrétion hormonale de cortisol et d’adrénaline qu’elle déclenche. Or la quantité croissante sécrétée de ces hormones constitue un risque vital cardio-vasculaire et neurologique pour l'organisme. Face à ce risque le cerveau sécrète à son tour en urgence des drogues "dures" (morphine-like et kétamine-like) qui font littéralement "disjoncter" le circuit de l'émotion, en coupant les connections entre l'amygdale et les autres structures et en produisant une dissociation. La réponse émotionnelle s’éteint brutalement et les victimes dissociées décrivent alors un sentiment d'irréalité, voire d'indifférence et d’insensibilité, comme si elles étaient devenues de simples spectateurs de la situation du fait d'une anesthésie émotionnelle et physique liée à la disjonction. La conséquence immédiate est que la mémoire émotionnelle de l'événement ne pourra être encodée par l'hippocampe ni devenir un souvenir autobiographique "racontable". Elle restera piégée dans l'amygdale, condamnée à rester inaccessible à la conscience, mais susceptible de se rallumer lors de n'importe quelle stimulation rappelant les violences subies, et faisant alors revivre à la victime les mêmes souffrances physiques et psychiques. La mémoire traumatique est cette mémoire enkystée, semblable à une machine à remonter le temps elle menace de s’enclencher à tout moment de façon incontrôlable, en plongeant à nouveau la victime au milieu des violences subies, et en reproduisant tout ou partie de leur vécu sensoriel et émotionnel. Et cette mémoire traumatique qui menace sans cesse d’exploser transforme la vie des victimes en un terrain miné, générant un climat de danger et d’insécurité permanents.
Dans un premier temps les victimes tentent d’empêcher son explosion en évitant tous les stimulus susceptibles de la déclencher. Elles deviennent hypervigilantes, et mettent en place des conduites de contrôle et d’évitement de tout leur environnement, de tout ce qui peut rappeler les violences même inconsciemment comme un stress, des émotions, des douleurs, des situations imprévues ou inconnues… mais aussi un contexte, une odeur, une voix. Cela entraîne de nombreuses phobies, un retrait affectif, des troubles du sommeil, une fatigue chronique, des troubles de l’attention et de la concentration très préjudiciables pour mener à bien une vie personnelle, sociale et professionnelle.
Mais les conduites de contrôles et d’évitement sont rarement suffisantes, particulièrement lors de grands changements (adolescence, rencontre amoureuse, naissance d’un enfant, entrée dans la vie professionnelle, chômage, etc.) et la mémoire traumatique explose alors fréquemment, traumatisant à nouveau les victimes en entraînant à nouveau un risque vital, une disjonction, une anesthésie émotionnelle et une nouvelle mémoire traumatique. Mais rapidement la disjonction spontanée ne peut plus se faire car un phénomène d’accoutumance aux drogues dures sécrétées par le cerveau se met en place, à quantité égale les drogues ne font plus effet, les victimes restent alors bloquées dans une détresse et une sensation de mort imminente intolérable. Il est alors nécessaire, pour faire cesser cet état et s’anesthésier enfin, d’obtenir coûte que coûte une disjonction en faisant augmenter la quantité de drogues dissociantes. Cela peut s’obtenir de deux façons : soit en leur ajoutant des drogues exogènes - alcool ou substances psycho-actives - qui sont elles aussi dissociantes, soit en augmentant leur sécrétion endogène par aggravation du stress. Pour aggraver leur stress, les victimes se mettent en danger ou exercent des violences le plus souvent contre elles-mêmes, mais un certain nombre d'entre elles préféreront exercer des violences contre autrui, générant une mémoire traumatique chez de nouvelles victimes, et c'est un élément très important sur lequel nous reviendrons. Ces conduites de mises en danger, ces conduites violentes et ces conduites addictives dont les victimes découvrent tôt ou tard l’efficacité sans en comprendre les mécanismes, je les ai nommées conduites dissociantes. Ces conduites dissociantes provoquent la disjonction et l’anesthésie émotionnelle recherchées, mais elles rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive et rendant les conduites dissociantes toujours plus nécessaires, créant une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence.
Ces mécanismes psychotraumatiques permettent de comprendre les conduites paradoxales des victimes et le cycle infernal des violences. Ils sont malheureusement méconnus, et les médecins qui ne sont pas formés à la psychotraumatologie ne vont pas relier les symptômes et les troubles des conduites que présentent les victimes aux violences qu’elles ont subies et donc ne pas les traiter spécifiquement. A la place ils vont utiliser des traitements symptomatiques ou des traitements qui sont en fait dissociants, mais sans le savoir. Ces traitements (comme l’enfermement, la contention, les camisoles chimiques, l’isolement, les chocs électriques, voire la lobotomie qui est encore utilisée dans certains pays….) sont «efficaces» pour faire disparaître les symptômes les plus gênants et anesthésier les douleurs et les détresses les plus graves, mais aggravent la mémoire traumatique des patients. La violence a la triste capacité de traiter de façon transitoire mais très efficace les conséquences psychotraumatiques, tout en les aggravant. Elle est sa propre cause et son propre antidote. Mais à quel prix !
Si la violence est paralysante et dissociante pour la victime, elle est pour l’auteur un outil de domination et une drogue anesthésiante. La violence est un formidable outil pour soumettre et pour instrumentaliser des victimes dans le but d’obtenir une anesthésie émotionnelle de l’agresseur. Elle devient ainsi une usine à fabriquer de nouvelles victimes et de nouvelles violences.
Les rationalisations habituelles pour justifier la violence ne sont donc que des leurres :
- La violence n’est pas une fatalité, elle ne procède pas d’une pulsion agressive originelle chez l’homme (comme le dit Freud), ni d’une cruauté innée (comme le pense Nietzsche). L’être humain est naturellement empathique comme le prouve toutes les études faites sur des nourrissons. Ceux qui utilisent la violence prônent le mépris et la haine des victimes considérées comme inférieures et sans valeur, alors qu’ils ne peuvent être violents que parce qu’ils ont été eux-mêmes des victimes. Ils n’ont recours à la violence que parce qu’elle est utile, possible et qu’elle est une drogue pour eux.
- La victime n’est pas responsable de la violence exercée contre elle, rien de sa personne ni de ses actes ne la justifie, la victime est toujours innocente d’une violence préméditée qui s’abat sur elle. De fait la victime est interchangeable, et choisie pour jouer par contrainte ou par manipulation un rôle dans un scénario qui ne la concerne pas, monté par l’agresseur.
- La violence n’est pas utile pour la victime, le «c’est pour ton bien» dénoncé par Alice Miller, le «c’est par amour pour toi», le «c’est pour mieux te protéger, t’éduquer, te soigner…» sont des mystifications. La violence n’est utile qu’à son auteur, pour le soulager lui et lui seul, et pour paralyser et soumettre les victimes. Le but de ce dernier est d’imposer à une personne qu’il a choisie d’être son «esclave-soignant et son médicament» pour traiter sa mémoire traumatique. Il instrumentalise sa victime et l’aliène en la privant de ses droits afin de la transformer en esclave soumise qui devra développer des conduites de contrôle et d’évitement à sa place, pour éviter l’explosion de sa mémoire traumatique à lui, et qui, si l’explosion a quand même lieu, devra servir de fusible pour qu’il puisse disjoncter par procuration et s’anesthésier.
- La violence est un privilège, elle est l’apanage d’une société inégalitaire qui distribue des rôles de dominants et de dominés et qui attribue ensuite à chacun une valeur en fonction de la place qu’il occupe dans le système hiérarchique imposé. Ce système injuste permet la mise sous tutelle d’une partie de la population au bénéfice de privilégiés qui ont le droit d’utiliser la violence en toute injustice pour la soumettre et l’instrumentaliser.
La fonction principale de la violence est donc mensongère, elle permet aux agresseurs d’effacer les traces de la victime qu’ils ont été et d’échapper à une mémoire traumatique encombrante. Elle leur permet de se mettre du côté des dominateurs privilégiés et de s’assurer d’une totale impunité en dissociant les victimes, qui, anesthésiées, se tairont, ce qui aura pour effet d’effacer les traces des violences qu’ils sèment tout au long de leur chemin. La victime qu’ils haïssent c’est eux-mêmes, ils vont la faire disparaître par un tour de passe-passe en s’attaquant à une autre victime à qui ils feront rejouer de force leur histoire pour mieux la nier, en déclenchant leur propre anesthésie émotionnelle. Puisqu’ils ne ressentent plus rien, c’est bien que cette histoire n’est pas la leur. Dans ce système la victime a une position paradoxale. Elle est d’abord une victime de substitution, indispensable pour faire marcher la machine à effacer le passé traumatique des agresseurs. Mais comme elle est susceptible de rappeler leur passé traumatique à tous ceux qui sont en position dominante en allumant leur mémoire traumatique, elle peut mettre en danger toute la construction illusionniste de la société et il faut l’effacer à tout prix. Elle est donc à la fois indispensable et indésirable. Les victimes sont à éradiquer, mais il faudra en créer sans cesse de nouvelles. Une fois qu’elles ont été victimes, elles sont donc sommées de se cacher, ou de disparaître en s’auto-détruisant, à moins qu’elles ne deviennent à leur tour des agresseurs quand la société leur en donne la possibilité et quand elles s’y autorisent, c’est à dire quand une place de dominant leur est réservée. C’est pourquoi elles n’ont pas le droit de revendiquer leur statut de victimes, elles seront aussitôt soupçonnées de ne pas dire la vérité ou de chercher un avantage.
Quand les agresseurs auront besoin de victimes pour s’anesthésier, ils feront leur casting au sein de toutes les victimes cachées ou de personnes pas encore victimes mais vulnérables (comme les enfants) pour leur faire jouer leur scénario, aux victimes de s’y soumettre puis à nouveau de se cacher ou de disparaître sans laisser de traces. il est alors essentiel pour les agresseurs à la recherche de victimes potentielles de cultiver des situations de discrimination ou d'en créer de toutes pièces, de décider que certaines catégories d'humains sont « inférieures » et sont donc utilisables en tant que victimes « fusibles » : les enfants, les femmes, les handicapés, les vieillards, les juifs, les arabes, les noirs, etc… au mépris de toute cohérence et de toute justice, en toute indécence et sans avoir à rendre de compte, puisqu'il s'agit - une fois étiquetées inférieures - de personnes interchangeables qui « ne valent rien ou pas grand-chose », si ce n'est par leur vertu « curative » plus ou moins importante.
Et des pans entiers de fonctionnements humains fondamentaux sont ainsi instrumentalisés pour en faire des « outils de violences », comme l'éducation des enfants, l'amour parental, la relation conjugale, la sexualité, la religion, le travail, la politique, le soin. Certains de ces pans deviennent presque entièrement dévoyés par les conduites dissociantes violentes, à tel point et depuis si longtemps que tout le monde finit par considérer que cette violence qui les sature est « naturelle », et inhérente à ces fonctionnements humains, avec une tolérance inouïe pour des violences qui bien qu’elles bafouent les droits humains, peuvent s’imposer comme incontournables ; c’est le cas des violences éducatives intra-familiales, et des violences sexuelles, particulièrement la prostitution et la pornographie.
Les violences imprègnent de telle façon et depuis si longtemps les rapports humains qu’elles en ont modifié les normes et les représentations que l’on peut s’en faire. Les violences saturent et dénaturent la relation amoureuse, la parentalité, la sexualité, le travail, les soins, etc. Dans notre société, les symptômes psychotraumatiques et les troubles des conduites qui y sont rattachés ne sont jamais reconnus comme des conséquences normales des violences, et sont perçus de façon mystificatrice et particulièrement injuste comme provenant des victimes elles-mêmes, liés à leur personnalité, à de prétendus défauts et incapacités, à leur sexe, à leur âge, voire à des troubles mentaux abusivement diagnostiqués comme psychotiques.
Les violences et leurs conséquences psychotraumatiques sont à l’origine de nombreux stéréotypes censés caractériser les victimes qui les subissent le plus fréquemment, comme les femmes et les enfants. Leurs symptômes, au lieu d’être identifiés comme réactionnels, sont injustement considérés comme naturels et constitutifs de leur caractère, de leurs conduites et de leur sexualité : les femmes seraient plus passives, plus émotives, plus sensibles, plus fragiles et dépressives que les hommes, avec une sexualité bien moins pulsionnelle qu’eux, les adolescents seraient plus enclins aux conduites à risque et aux mises en danger, plus suicidaires, etc… Bien sûr, il existe de nombreux stéréotypes «en miroir» sur les hommes qui seraient « naturellement » prédateurs, dominateurs et peu émotifs.
Ces stéréotypes, parasités par la violence omniprésente, altèrent profondément les relations humaine et transforment l’amour en une relation de possession et d’emprise, l’éducation en un dressage et une domination, la sexualité en un besoin d’instrumentaliser et de consommer.
Et dans un monde où de façon illégitime et absurde, la moitié de la population, pour être née de sexe féminin, subit une domination de fait, les discours inégalitaires pourront continuer à mystifier une grande partie des individus et à imposer des mensonges idéologiques qui sont des facilitateurs de violences, des « permis de détruire » offerts à des personnes peu regardantes sur leur éthique et leur cohérence intellectuelle pour « traiter » leur mémoire traumatique aux dépens d'autrui.
La mémoire traumatique quand elle n’est pas traitée est donc le dénominateur commun de toutes les violences, de leurs conséquences comme de leurs causes.
Et il résulte clairement de ce qui précède que pour interrompre la production sans fin de violence il faut éviter que des victimes soient traumatisées et développent une mémoire traumatique. Cela passe par une protection sans faille de tout être humain pour qu’il ne subisse pas de violences, et plus particulièrement des enfants et des femmes qui en sont les victimes les plus fréquentes. Il faut donc protéger les victimes potentielles vivant dans les univers malheureusement connus comme les plus dangereux, comme le couple, la famille, les institutions, le travail, et il faut promouvoir une égalité effective des droits, une information sur les conséquences de la violence et une éducation à la non-violence. Il faut aussi bien sûr protéger les victimes traumatisées et ne plus les abandonner à leur sort. Aucune victime ne doit être laissée sans prise en charge et sans soin.
Rendre justice à toute victime est impératif absolu, et les auteurs de violences doivent rendre des comptes et être sanctionnés. Mais cela ne suffit pas, il faut que les auteurs de violences soient pris en charge et traités dès les premières violences, dans le cadre d’une éducation à la non-violence et de soins spécialisés pour traiter leur mémoire traumatique et leur addiction à la violence.
Le traitement de la mémoire traumatique consiste à faire comprendre les mécanismes psychotraumatiques, dans le but de se comprendre, de se déculpabiliser et d’éviter les conduites dissociantes et de faire en sorte que les patients ne se laissent plus pétrifier par le non-sens apparent des violences. Le traitement consiste en même temps à faire identifier au patient sa mémoire traumatique qui prend la forme de véritables mines qu'il s'agit de localiser, puis de désamorcer et de déminer patiemment, en rétablissant des connexions neurologiques, en lui faisant faire des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique. Il s'agit de "réparer" l'effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l'irreprésentabilité des violences. C’est au fur et à mesure de la psychothérapie que le vécu peu devenir petit à petit mieux représentable et intégrable, mieux compréhensible, le thérapeute aidant à mettre des mots sur chaque situation, chaque comportement, chaque émotion, et à analyser avec justesse le contexte, les réactions de la victime, le comportement de l'agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l'hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l'amygdale cérébrale et d'encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable.
Le but, c'est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens, tout symptôme, toute pensée, réaction, sensation incongrue, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l'éclairer par des liens qui permettent de le rapporter aux violences subies.
De plus ce travail de compréhension permet au patient d’éviter d’être traumatisé par de nouvelles violences. Une fois que les violences prennent sens par rapport au passé traumatisant de l’agresseur, que les victimes se rendent comte que les violences ne les concernent absolument pas, qu’elles se jouent sur une autre scène, celle de la mémoire traumatique de l’agresseur et de son passé, le scénario mis en scène par l’agresseur ne fonctionne plus, il devient possible aux victimes de ne plus y participer. À partir du moment où les victimes comprennent ce qui se passe, elles peuvent identifier la scène et le rôle dans lequel l’agresseur tente de les piéger et s’en libérer, elles ne sont plus la proie pétrifiée dont l’agresseur a besoin pour sa mise en scène. Le «jeu» ne fonctionne plus, la victime peut se mettre «hors-jeu» et laisser l’agresseur face à une scène où il ne peut plus jouer le rôle de bourreau, faute de victime pétrifiée. Son histoire qu’il imposait à la victime lui est renvoyée en pleine figure, en miroir. Il est alors ramené à son propre rôle originel, un rôle de victime qu’il ne veut surtout pas jouer. Le «jeu» n’a donc plus de sens, plus d’intérêt et il n’est plus dissociant, l’agresseur devra se dissocier autrement ou se calmer. Face à lui, la victime est devenue comme Persée face à Méduse, sa compréhension est le bouclier miroir offert par Athéna (déesse de la sagesse et de la raison), elle lui évite d’être pétrifiée par le regard de Méduse.
On a tout à gagner de faire le pari de protéger toutes les victimes et ce, dès les premières violences : gagner de faire cesser immédiatement les violences et de mettre en sécurité les victimes, gagner de faire respecter les droits des victimes, en leur permettant d’obtenir justice et réparation pour les violences qu’elles ont subies, gagner de leur garantir leur non-répétition, gagner de mettre un terme à l’impunité des auteurs tout en leur proposant des soins précoces pour les sortir de leur addiction à la violence, gagner d’éviter l’installation de troubles psychotraumatiques chroniques chez les victimes grâce à des soins spécialisés précoces. En évitant la mise en place de conduites dissociantes, et particulièrement les violences exercées contre autrui, on peut s’opposer à la contamination progressive des individus par la violence, et gagner enfin de rendre la société moins inégalitaire.
Pour lutter contre les violences il faut donc une volonté politique forte pour protéger toutes les victimes, pour faire respecter les droits de toute personne à vivre en sécurité, pour rendre une justice efficace, pour former à la psychotraumatologie les professionnels prenant en charge les victimes, et plus particulièrement les médecins et autres professionnels de santé, pour créer des centres de soins spécialisés, pour informer le grand public sur les conséquences des violences et les mécanismes psychotraumatologiques, et l’éduquer aux respect des droits de l’humain et à la non-violence.
* Travaux du Dr Muriel Salmona : La mémoire traumatique in L'aide-mémoire en Psychotraumatologie, Paris, Dunod, 2008 et ouvrage à paraître en 2010 : Violences impensées et impensables ou la mémoire traumatique à l'œuvre.
COMMENTAIRES SUR LE BLOG UN MONDE EN PARTAGE
quand les actes commis a votre encontre ont été d’une telle violence et que la memoire traumatique devient bien plutôt une amnésie post-traumatique cela devient encore plus dangeureux .
un immense trou noir remplit votre vie et les fuites grace à des comportements agressifs ou auto-agressifs et destructeurs sont inreliables à votre histoire. Grâce a des personnes comme le dc Salmona et parceque il y va de sa propre survie il faut alors patiemment remonter le cours de son existence , ne jamais lacher le morceau afin que s’arrette l’engrenage .
Écouter les victimes les prendre au sérieux, neutraliser les « bourreaux » déculpabiliser les patients afin qu’ils retrouvent vie et dire sans relâche qu’aucune violence n’a son utilité .
Cet article apporte de précieux éclaircissements à la question sur laquelle je travaille depuis une dizaine d’années : la violence éducative ordinaire sur les enfants. Il montre très bien comment cette violence agit sur le cerveau et met en place un cercle vicieux qui fait que la violence devient un besoin et apparaît comme justifiée. Il montre également comment ce besoin de violence passe du plan individuel au plan collectif. Il montre enfin qu’il est essentiel de protéger les futures victimes par une loi qui interdise clairement toute forme de violence sur les enfants. Un grand merci à Muriel Salmona pour ce remarquable travail.
Olivier Maurel
Voici une analyse très approfondie qui est accessible aux professionnels, comme à un public plus large. Les conséquences sur les victimes de violences, telles les conduites dissociantes (mise en danger, addiction à des drogues ou à l’alcool) pouvant paraître paradoxales sont parfaitement expliquées dans cette étude du Docteur SALMONA. Merci infiniment pour cet outil qui, je l’espère, sera lu par des professionnels aidant les victimes et par les victimes elles-mêmes car elles ressentent souvent honte, culpabilité et incompréhension. Ce texte leur apportera des réponses concernant certaines de leurs réactions dont le sens leur échappe. Bravo au Docteur Muriel SALMONA pour ce document d’une qualité inestimable.
J’avais l’impression d’être anormale. Je me sentais étrangère au monde. Et malgré tous mes efforts, je revivais toujours les mêmes échecs. Mes réactions étaient disproportionnées. J’avais développé des comportements que je détestais, retournant la violence sur moi-même. Récemment j’ai été victime de nouveau d’abus sexuels. Ma vie a basculé. Je n’ai plus pu faire semblant, continuer comme si de rien n’était. J’avais l’impression de ne plus rien avoir à perdre. J’ai enfin crié ma souffrance, et j’ai été porter plainte. Je me suis retrouvée seule. Je n’avais pas de preuve des faits que j’avancais. Les policiers n’avaient ni le temps ni les moyens de faire une vrai enquete. L’entreprise pour laquelle je travaillais (au sein de laquelle s’étaient produits les faits) s’est retournée contre moi. Je dérangeais. Les professionnels de la santé que je rencontrais, malgré leur bonne volonté ne comprenaient pas. J’ai eu la chance de rencontrer Muriel Salmona. Le fait de comprendre se qui se passait en moi a été un soulagement énorme. Décoder ma mémoire traumatique me libère peu à peu.
Muriel, vous savez combien vous prêchez un convaincu ! Article brillant : rien n’est plus difficile que de vulgariser, d’une part, de convaincre avec une économie de mots quand le sujet est de ce niveau de complexité, d’autre part, … et vous réussissez les deux.
Puisque nous sommes ce jour à l’aube de 2010, il est temps de former des voeux …
Le 25 novembre 2009, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Premier ministre a désigné la lutte contre les violences faites aux femmes « Grande Cause nationale 2010″. Gageons qu’il ne s’agit pas là d’une annonce creuse, j’en forme le voeu.
Vous savez combien nous manquons de professionnels formés à la psychotraumatologie : certes, la balle est quelque peu dans votre camp mais je forme également le voeu que les moyens soient donnés pour réaliser ces formations. Ce n’est pas qu’une question de volonté politique et de facultés pécuniaires, hélas, car il convient aussi que les professionnels concernés acceptent de se former et, là, la partie n’est pas gagnée, notamment quant aux psychiatres hospitaliers et aux psychologues. Les premiers – je le constate quotidiennement – sont bien trop confortablement installés dans un statut où ils affichent une forme d’infaillibilité quasi dogmatique pour mieux masquer le deuil difficile du médecin qui doit renoncer à guérir ses patients – alors que vous démontrez la possible récupération des victimes – ; les seconds – je l’ai observé aussi – sont bousculés dans leur foi par des explications neurobiologiques sur lesquelles ni Freud ni Lacan ne se sont exprimés – et pour cause. Je forme donc aussi le vœu que la lumière atteigne les rétifs (ils ne le sont heureusement pas tous …).
Vous militez pour la protection des victimes. Un certain nombre de centres d’hébergement se sont spécialisés dans ce type d’accueil, en offrant un cadre sécurisant aux personnes, en formant les professionnels à ce type de prise en charge. Tous les départements ne sont même pas pourvus de ces établissements essentiels à la prise en charge des victimes isolées et sans soutien ; en certains endroits, les victimes de violences conjugales doivent être accueillies avec les enfants en compagnie d’auteurs ou d’hommes violents … Les moyens des établissements existant sont en danger sérieux. Par exemple, en 2009, l’établissement que je dirige s’est vu retirer 40.000 euros correspondant entre autres au salaire de l’infirmière de l’établissement, des vacations du psychologue et du médecin que, sans frémir, l’administration me demandait de supprimer purement et simplement. Je forme donc le vœu pour finir – mais mes souhaits ne sont pas là terminés pour autant – que les centres accueillant des victimes puissent continuer à le faire avec les moyens nécessaires à une prise en charge de qualité …
En écrivant cela, j’enrage, vous savez. Ailleurs qu’ici, j’écrivais déjà que le sénateur UMP Philippe Marini a chiffré à soixante milliards d’euros le coût annuel des baisses d’impôts sur le revenu, soit l’équivalent du budget du ministère de l’Education Nationale (L’Etat des inégalités en France, 2009, Observatoire des inégalités, éd. Belin, 2009, 302 p.). Il y a vraiment de quoi être en colère …
Vous pensez que mes voeux seront exaucés ?
En attendant, je vous souhaite une bonne année, à vous, vos proches et vos projets …
Très cordialement,
Yves Lambert
HTTP://WWW.SOSFEMMES.COM
A ce jour, je suis decue des pouvoirs publics, des professionnels de sante des associations que j ai rencontre sur mon chemin depuis 2003, date a laquelle j ai quitte mon bourreau.
Le chemin a ete seme d embuches ou personne ne nous ecoute, ou femme battue on se sent seule; seule face a des personnes qui ne nous comprennent pas, des professionnels qui nous font culpabilises comme si nous etions a l origine de cette violence, nous sommes livrees a nous meme sans argent sans vie puisque nous survivions dans ce climat d horreur
Le combat pour moi etait deja joue d avance, au niveau du commissariat de police, au niveau des psy rencontres. Pourquoi aurais je du me battre puisque de statut de victime vous passiez a coupable???
Quelques annees ont passe en essayant de me reconstruire ce qui n est pas des plus faciles, il ne nous reste plus rien tout est endommage la violence a fait de nous des ames errantes , reapprendre a vivre normalement sans avoir peur au quotidien que votre agresseur ne revienne vous tapez dessus puisque en France tant que vous n etes pas a terre ensanglantee vous n etes pas prise au serieux.
Et grace a mon medecin qui a remarque cette violence, il m a conseille de rencontrer le Dr Salmona, j ai longtemps hesite au depart car les experiences passees n avaient pas ete concluantes.
J ai pris mon courage a deux mains et je l ai rencontre.
Je peux vous dire qu elle m a donne l envie de me battre jusqu au bout, pour moi et pour mon fils de 6 ans, l envie de me reconstruire et de comprendre que c est moi la victime pas lui.
Alors a vous Dr Salmona, je vous remercie d avoir redige cet article qui j espere aura l impact escompté, et vous remercie pour ce que vous faites pour Bilal et pour moi car si je ne vous avais pas rencontre je serais toujours au meme point a avoir peur et a continuer de survivre.
Je vous souhaite une excellent annee 2010 a vous et vos proches et espere qu un jour nous pourrons etre prise au serieux.
Adda Lynda 34 ans femme battue pendant 2 ans.
Ce remarquable article de synthèse devrait être distribué à grande échelle dans les cabinets comme l’a été une certaine plaquette ……..
Il constitue un excellent outil de travail pour chacun, préventif autant que clinique.
Malheureusement, en tant que psychothérapeute, je suis quotidiennement confrontée à des situations dont l’origine trouve ses sources dans la mémoire traumatique.
Je fait donc référence sans cesse à ces précieuses ressources .
Ainsi : attaques de panique , agoraphobies , phobies , ulcères , infections gynécologiques , S.I.I , bruxisme , fibromyalgie , céphalées etc… Ne sont que tentatives à donner sens à ce qui ne peut être dit.
Les recherches actuelles, sont encore trop cloisonnées pour rendre officiel ce travail entre cerveau et esprit.
Heureusement le travail considerable du docteur Muriel Salmona en amont , concernant un sujet de santé publique , nous permettra de grandes avancées sur la douleur invisible et tant invalidante qu’elle celle du psychisme, et ses conséquences.
Souhaitons que pour 2010 l’écho soit entendu
J’ai eu l’occasion de lire des articles sur la mémoires traumatiques de Muriel Salmona il y a un mois, ce qui m’a beaucoup aidé : j’ai toujours eu des problèmes dans ma sexualité, j’aimais mon petit ami mais au moment de faire l’amour j’etais terrifiée, mon corps subissait l’action mais mon esprit était ailleurs. J’ai toujours cru que j’étais anormale, mes petits amis m’ont culpabilisée, puis j’ai rencontré mon mari, j’ai accouché et tout a basculé. A la fin de l’accouchement je suis restée choquée, je n’ai pas pu décroché mes mains cryspée au lit pendant qu’on soignait l’epysio, je n’ai rien ressenti en regardant le bébé que j’avais tant attendu et aimé dans mon ventre. Les mois qui ont suivis je ne pouvais plus tenir le bébé plus d’une minute, ces cris me rendaient folle, j’ai failli le secouer plusieurs fois et petit à petit je suis entrée dans un état « au ralenti », la journée je le laissais pleurer, hurler à l’etage et j’attendais recroquevillée sur le canapé jusqu’à ce que mon mari rentre et s’en occupe. La nuit j’étais persuadée qu’il allait mourir alors je m’auto-immunisais pour ne pas souffrir, j’avais l’impression d’un vide en moi, un trou noir, mais avec une souffrance indescriptible et insupportable, je n’avais plus aucun plaisir et je n’arrivais même plus à prononcer un mot, mon esprit partait de mon corps.
J’ai été suivi par un psychotherapeute spécialisée maman-bébé, et au fur et à mesure des séances, je me suis souvenue que vers l’age de 6 ans j’avais subi des violences sexuelles. C’est le psy qui a prononcé « viol » car moi je ne le savais pas, je souffrais par ma faute, car je me suis laissée faire, je ne suis pas partie en courant, je n’ai pas dit « non ». J’ai juste demandé si j’allais avoir un bébé, mais elle m’a rassurée qu’elle s’y connaissait, qu’elle le faisait avec sa copine à l’école et qu’il fallait un garçon et une fille. C’était ma cousine, plus agée, j’avais confiance je l’aimais et je l’aime encore, et je me dis encore que nous étions des enfants toutes les deux et donc que ce n’était pas sa faute mais la mienne, car j’ai marché dans ses jeux pendant des mois, chaque fois que nos parents tous les week-ends se voyaient, et j’ai eu tant d’occasion de dire « non ». J’étais terrorisée que mes parents le sache, qu’ils aient honte de moi comme j’ai honte de moi.
Parce que mon agresseur était jeune, parce que c’était une fille et pas un homme et parce que quand j’ai eu le courage d’affronter ma cousine cet été pour lui en parler elle m’a repondu que c’était banal pour elle, et que personne ne me croirait, que tout le monde se dirait qu’on etait des enfants et que tout ça était normal entre enfant, je n’arrive pas à vivre avec et à me liberer.
J’en ai parlé à ma mère qui m’a dit que maintenant il ne fallait jamais en reparler, surtout pas à la famille, oublier, c’est passé c’est loin, j’ai essayé je n’y arrive pas.
J’ai peur de me coucher, de ma chambre, du noir, j’ai peur qu’on me touche, une peur irrationnelle qui me cloue sur place, j’en pleure à en hurler ou je m’hypnotise, ou je prend plein de cachets.
Je suis deçue des pouvoirs publics,des associations pour les violences faites aux femmes.La memoire traumatique est une enigme pour elles.Ces personnes censeés aider les victimes ne se rendent pas compte des degats qui touchent à leur tour la descendance des femmes maltraitées. Une femme si elle devient mere et si elle subit des violences dans le huis clos familial aura du mal à discerner si elle agit mal ou bien meme pensera t elle que c’est normal.Tout comme un enfant dans son univers familial pensera qu’il merite ce qu’il subit.Ses parents sont tout pour lui, sa seule possibilité est d’obeir meme si c’est injuste.Je suis degoutée des pouvoirs publics,degoutée que les dirigeants de la France ne mettent en avant ainsi que les medias, que la grippe, les vaccins, l’ecologie, les problemes climatiques,les banques, les tradeurs et leurs bonus. Les violences invisibles qui devaient etre une prioité pour 2010 semblent ne plus etre une priorité. Quant aux salaires des femmes et leurs retraites ne semblent plus d’actualité.Maintenant, c’est les soldes et la taxe carbone. Il semberait que le patriarcat veut garder son pouvoir. Quelques femmes sortent du lot mais une majorité de femmes souffrent en silence. La justice est souvent incapable
de reconnaitre un agresseur, quant aux professionnels de la sante ils me regardent eberlués lorsque, je leur demande une adresse concernant la traumatologie psychologique.. Quant aux editeurs et leurs lecteurs et lectrices, ils sont frileux devant les ecrits d’une femme » occidentale « victime de violences familiales qui cherche et tatonne pour se liberer de l’emprise qui la maintiens esclave d’un membre de sa famille.C’est un parcours de combattante DR Muriel Salmona d’avoir pu vous trouver ainsi que vos recherches sur la psychotraumatologie. Mon plus cher voeux est que cela devienne un vrai sujet d’actualité pour 2010.J’aurais aimé pouvoir comprendre que ce que je vivais n’etait pas normal.Je souhaite que vos recherches deviennent visibles pour un large public. J’aimerais « un jour » faire partie de ceux et de celles qui eveillent la conscience de toutes les femmes.Je vous souhaite tous mes meilleurs voeus pour 2010