STOP À L’IMPUNITÉ DES VIOLEURS
PAS DE JUSTICE PAS DE PAIX !
Dre Muriel Salmona, 19 septembre 2017, psychiatre, psychotraumatologue
présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
drmsalmona@gmail.com
Plus de 40 ans après le procès d’Aix en Provence, et 37 ans après la loi de 1980 l’ayant défini, le viol reste en France un crime bénéficiant d’une inconcevable tolérance et d’une impunité quasi totale puisque sur l’ensemble des viols déclarés dans les enquêtes de victimation, en 2017, seuls 10% font l’objet d’une plainte, et uniquement 1% d’une condamnation en cour d’assises ((Enquête « Cadre de vie et sécurité » ONDRP – 2010-2015).
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Contrairement à ce qu’on entend parfois la nouvelle loi votée après le procès d’Aix en Provence de 1980 n’a pas criminalisée le viol, il l’était déjà depuis le code pénal de 1810 : « Le crime de viol n’était pas défini laissant aux magistrats le soin de le faire. La jurisprudence a longtemps considéré que le viol n’était que la pénétration forcée du sexe d’une femme par le sexe d’un homme. Il n’était retenu que lorsque l’homme avait utilisé la violence pour violer une femme. A cette époque, le viol n’est possible qu’en dehors du mariage (pas de viol possible d’un mari sur son épouse) ; les hommes ne peuvent pas être violés ; un viol annal, buccal, digital est un attentat à la pudeur. » L’attentat à la pudeur recouvrant ce que nous définissons comme une agression sexuelle actuellement.
La loi de 1980 l’a défini avec l’article 332 du code pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise constitue un viol. Le viol sera puni de la réclusion criminelle à temps de 5 à 10 ans et de 10 à 20 ans quand il a été commis soit sur une personne particulièrement vulnérable en raison d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale, soit sur un mineur de 15 ans, soit sur la menace d’une arme, soit par deux ou plusieurs auteurs. » Depuis il y a eu de nombreuses modifications très importantes : les peines ont été augmentées, plusieurs circonstances aggravantes ont été ajoutées dont celle de concubin ou ex-concubin et la dernière en 2017 sur le caractère sexiste du viol, et la définition elle-même a été modifiée et complétée par l’ajout de la menace, la prise en compte du viol conjugal « quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage », la définition de la notion de la contrainte morale, la notion de viol incestueux. Et à ce jour l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, menace, contrainte, menace ou surprise ». Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle et en fonction des circonstances aggravantes de 20 ans, 30 ans et à perpétuité.
Si cette loi et toutes les modifications ultérieures ont été obtenues de haute lutte grâce aux mobilisations et revendications féministes pour contrer les dérives de la culture du viol, par rapport à la loi de 1810 les peines sont réduites et les agressions sexuelles (attentats à la pudeur) deviennent toutes des délits, punis de cinq ans d’emprisonnement et non passibles de réclusion criminelles comme c’était antérieurement le cas pour celles commises avec violence : « Article 331. Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l'un ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion. Article 332. Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps. Article 333. La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l'attentat, s'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s'ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d'un culte, ou si le coupable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes. »
Mais pourtant, depuis 1980, le traitement judiciaire des viols ne s’améliore pas, loin s’en faut.
La prescription (qui vient très récemment de passer en 2017 de 10 à 20 ans pour les crimes et qui est restée à 20 ans après la majorité pour les crimes et délits aggravés sur mineurs) ôte toute possibilités à de nombreuses victimes de porter plainte au pénal. Et pour celles qui ont pu avoir la capacité et la force de porter plainte, la justice n’applique que très partiellement une loi qui devait permettre de ne plus restreindre les viols aux seules pénétrations vaginales imposés par des violences physiques ou sous la menace d’une arme sur une femme ayant crié, ayant essayé de fuir et s’étant débattue : la violence physique demeure le critère central de l’évaluation des viols dans la pratique des magistrats, les autres pénétrations sont le plus souvent déqualifiées en agressions sexuelles, le viol conjugal reste très rarement reconnu et souvent déqualifié en violences physiques conjugales, céder, se soumettre, ne pas pouvoir réagir reste considéré comme un consentement, la recherche de la stratégie de l’agresseur pour imposer une pénétration sexuelle par surprise et contrainte morale reste l’exception.
Nous ne comptons plus les affaires classées, les viols déqualifiés en agressions ou atteintes sexuelles, voire en violences physiques (ce qui est fréquent lors de violences conjugales), les non-lieux, les relaxes, les acquittements et les peines légères avec sursis ainsi que les témoignages de procédures particulièrement maltraitantes mettant en danger les victimes… Les études de Véronique Le Goaziou (2010, 2016) en témoignent et lors notre enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015) 82% des répondant-e-s ayant porté plainte ont mal vécu le dépôt de plainte, elles sont 89% à avoir mal vécu le procès, et 82% estiment que la justice n’a pas joué son rôle, par ailleurs les procédures judiciaires ont augmenté significativement les passages à l’acte suicidaire.
Les droits des victimes ne sont toujours pas respectés, et des procès scandaleux comme celui d’Aix en Provence nous en déplorons chaque année plusieurs plus écoeurants et révoltants les uns que les autres.
Pour ne citer que deux jugements iniques récents, particulièrement choquants en 2017 qui attestent de cette tolérance et de cette impunité :
- en mars 2017, l’acquittement général en cour d’assises de Nanterre de 9 jeunes de 15 à 20 ans sont tous acquittés par la cour d’assises de Nanterre pour des viols en réunion sur une mineure de 14 ans (une pétition que nous avions lancée contre ce verdict inique a recueilli plus de 50 000 signatures en quelques jours et obtenu que le parquet fasse appel)
- en juillet 2017, la condamnation par le tribunal correctionnel d’Arras d’un homme est condamné par le tribunal correctionnel d’Arras à 18 mois de prison avec sursis pour des viols incestueux commis sur sa fille de ses 9 ans à ses 15 ans (non vous n’hallucinez pas, vous avez bien lu : du sursis pour des viols incestueux réitérés qui sont des crimes avec circonstances aggravantes commis par ascendant sur une mineure de moins de 15 ans, qui devraient être jugés en cour d’assises et passibles de 20 ans de réclusion criminelle)
En ce qui concerne le jugement du tribunal d’Arras, les viols ont été déqualifiés et jugés comme des agressions sexuelles avec circonstances aggravantes qui ne sont passibles que d’une peine de 7 ans de prison (au lieu de 20 ans pour des viols aggravés), et bien qu’une soeur de la victime a rapporté avoir également subi des violences sexuelles, la dangerosité du père a été minimisée et les conséquences psychotraumatiques de viols incestueux qui sont connues pour être majeures avec des impacts très lourds sur leur vie et sur leur santé mentale et physique à long terme n’ont pas été prises en compte puisque le père n’a été condamné qu’à 18 mois de prison avec sursis et à 3.000 euros de dommages à sa fille.
La parole des 10% des victimes qui arrivent à porter plainte n’est majoritairement pas prise en compte, puisque 70% des plaintes (60% pour les mineures) sont classées sans suite par le procureur qui a l’opportunité des poursuites avec ou sans enquête préliminaire (Le Gaoziou, 2016). Les viols les plus fréquents sont ceux qui ont le plus de risque d’être classés sans suite : viols sans violence, viols par partenaire, viols sur de jeunes enfants, sur des personnes handicapées.
Et plus une enquête sur le TGI de Bobigny sur 2013-2014 réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du 93 et le TGI de Bobigny a montré que 40% des agressions sexuelles jugées au tribunal correctionnel sont des viols qui ont été déqualifiés grâce à la loi Perben II de 2004.
Justice, vous avez dit justice ?…
Le message est clairement celui d’une impunité offerte aux violeurs « ce n’est pas si grave, on ne va pas détruire votre vie en vous mettant en prison juste pour cela », en toute incohérence avec la lettre de la loi qui fait des viols un crime puni de 15 ans de réclusion criminelle, voire 20 ou 30 ans avec des circonstances aggravantes, malgré le préjudice énorme subi par la victime, et malgré le risque de réitération de violences : les juges n’ont pas peur…
Pour preuve, début mars 2017, la découverte lors d’une échographie d’une grossesse chez une enfant de 12 ans, l’ADN du foetus a désigné le beau-père alors que 5 ans plus tôt celui-ci avait été relaxé à deux reprises de l’accusation d’agression sexuelle par cette même petite fille qui n’avait que 7 ans à l’époque. Et c’est ainsi que cette enfant qui avait eu le courage de parler mais dont la parole n’a pas été crue, s’est retrouvée exposée à nouveau à son agresseur. Ce dernier, bénéficiant de son impunité, a pu à nouveau l’agresser et la violer…
Et nous ne comptons plus dans notre patientèle et dans notre association, le nombre de victimes qui ne sont pas entendues et qui sont maltraitées et mises en cause et en danger par la police et la justice. Et le nombre de mères qui, pour avoir cru leurs enfants qui leur révélaient des viols incestueux commis par leurs pères ou leurs beaux-pères, ont tout tenté pour protéger leurs enfants, sans y parvenir, les enfants étant malgré tout confiés à la garde de leur père, au mépris de tout principe minimal de précaution. Certaines se retrouvent accusées d’un prétendu syndrôme d’aliénation parental, et perdent même la garde de leurs enfants, les pères en ayant la garde exclusive, et elles peuvent être condamnées pour non-présentation d’enfants.
Pourtant les viols sont un problème de société majeur mettant en péril les droits fondamentaux à la sécurité, à l’intégrité, à la dignité et à l’égalité d’une grande partie de la population, ces crimes étant de grande ampleur et discriminatoire, touchant essentiellement les filles et les femmes, et les personnes les plus vulnérables (enfants, personnes handicapées, racisés…) les grandes enquêtes de victimation montrent qu’1 femme sur 6 subit au moins un viol ou une tentative de viol dans sa vie, dans 60% des cas en tant que mineure, et que chaque année 84000 femmes et 14000 hommes adultes, ainsi que 124000 filles et 30000 garçons subissent un viol ou une tentative de viol. Les viols sont commis par des hommes dans plus de 95% des cas, par des personnes connues de la victime dans plus de 90% des cas, 50% des viols de mineurs sont commis par un membre de la famille, 50% des viols de majeurs sont commis par un partenaire.
Il ne s’agit donc pas de faits divers mais d’un grave problème structurel lié à une société profondément inégalitaire, sexiste et patriarcale qui transforme la famille et le couple en zone de non-droit pour les enfants et les femmes, et d’un grave problème de santé publique, ces crimes ayant un impact psychotraumatique , avec un très grave retentissement sur la vie et la santé mentale et physique des victimes à court, moyen et long terme.
Pourquoi une telle impunité ?
Parce que règnent le déni, la loi du silence, la culture du viol, la tolérance vis à vis de ces crimes sexuels, la domination masculine, les privilèges et la protection dont bénéficient les dominants, les inégalités entre les femmes et les hommes, les discriminations, les idées fausses sur les viols, les stéréotypes sur la sexualité féminine et masculine, sur les femmes en tant qu’objet sexuel, sur la notion de consentement, sur la confusion entre sexualité et violence, la culture du viol qui met en cause les victimes sur leurs comportements, leurs tenues, leur passé, les liens avec l’agresseur, les culpabilise et considère a priori qu’elles mentent, qu’elles l’ont bien cherché ou que céder signifie qu’elles sont consentantes, l’absence d’information sur la loi, les droits et la réalité des viols, l’absence de formation des professionnels, la méconnaissance des conséquences psychotraumatiques des viols (sidération, dissociation traumatique, mémoire traumatique, amnésie post-traumatique, emprise, stratégies de survie : conduites d’évitement et conduites dissociantes), l’absence de prise en charge spécialisée, l’absence d’une véritable culture de la protection des victimes.
Notre société reste colonisée par la culture du viol qui met en cause et culpabilise la victime. Les résultats de l’enquête "Les Français et les représentations sur le viol et les violences sexuelles" conduite par IPSOS à la demande de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie et rendus publics le 2 mars 2016, ont choqué les médias et l’opinion publique, en révélant à quel point les fausses idées sur les viols, les stéréotypes sexistes et la culture du viol ont la vie dure et sont répandus 40% à penser qu’une attitude provocante de la victime en public, atténue la responsabilité du violeur, et que si elle se défend vraiment elle peut le faire fuir ;30%, qu’une tenue sexy excuse en partie le violeur ; plus des 2/3 à adhérer au mythe d’une sexualité masculine pulsionnelle et difficile à contrôler, et d’une sexualité féminine passive et plus de 20% à considérer que des femmes aiment être forcées et ne savent pas ce qu’elles veulent, et
Les violeurs ne sont presque jamais inquiétés alors que leurs victimes principalement des enfants, sont abandonnées sans protection, ni soin, à devoir composer avec la présence de leurs agresseurs, et à survivre seules à des violences assimilables à des tortures et à leurs conséquences dramatiques sur leur vie et leur santé.
Les victimes sont 83% à ne jamais avoir été protégées, ni secourues, ni reconnues (enquête IVSEA de 2015) et il est exceptionnel qu’elles obtiennent des réparations pour les tous les préjudices subis, elles ne sont, nous l’avons vu, que 10% à avoir la capacité et la force de porter plaintes. Tout s’oppose à ce qu’elles puissent porter plainte : leur âge (plus de la moitié ont moins de 11 ans), le fait que le violeur est un proche ayant une emprise sur elles avec lequel elles restent en contact obligé, le manque d’information sur la loi, leurs droits et sur la réalité des viols, les menaces et les chantages qui leur imposent le silence, la honte, la culture du viol qui les met en cause, les culpabilise, banalise ou minimise ce qu’elles ont subi et leur fait craindre qu’on ne les croira pas, la gravité de l’impact psychotraumatique très rarement dépisté, pris en charge et soigné par des professionnels formés et compétents, qui rend très difficile voire impossible d’en parler, d’en prendre conscience, de s’en souvenir et d’échappe à l’emprise de leurs agresseurs, etc.
Et quand enfin elles en ont la capacité et la force, tout s’oppose à ce que leur plainte soit prise en compte et aboutisse à la condamnation en cour d’assise : à commencer par la prescription, par l’absence et le défaut d’application de la loi mais également par adhésion à des stéréotypes manque de volonté de faire une enquête poussée à la recherche de faisceau d’indices graves et concordants et d’éléments de contrainte morale par ignorance des conséquences psychotraumatiques universelles sont retournées contre la victime pour mettre en cause sa parole, décrédibiliser son récit et la soupçonner de mentir telles que la sidération qui paralyse la victime et l’empêche de fuir, de crier et de se défendre, et la dissociation traumatique qui l’anesthésie émotionnellement, fait qu’elle semble tolérer de graves atteintes à son intégrité physique et psychique, crée des amnésies traumatiques et la met sous emprise de l’agresseur.
Il suffit que le récit des viols que les victimes ont subi ne soit pas assez clair et considéré par le procureur comme difficilement exploitable, parce qu’elles sont trop jeunes, trop handicapées, trop traumatisées avec un état de conscience altéré par de l’alcool ou de la drogue pour que la plainte soit le plus souvent classée sans suite.
Il suffit que les victimes soient considérées comme malades mentales, marginalisées, en situation irrégulière, délinquantes, prostituées, pour que leur parole soit décrédibilisée et que leur plainte soit le plus souvent classée sans suite.
Il suffit que le comportement des victimes soit considéré à l’aune d’une analyse adhérant à des stéréotypes et à la culture du viol et d’une ignorance de la réalité des viols et de leurs conséquences psychotraumatiques, comme n’étant pas celui d’une victime parfaite parce qu’elles se seraient exposées par leur tenue, leurs attitudes, leurs fréquentations, leurs réputation, leur mode de vie et leur vie sexuelle, ou celui d’une victime tout court, parce qu’elles n’auraient pas dit non, pas crié, ni fui, parce qu’elles ne se seraient pas suffisamment débattues ou opposées à leurs agresseurs, parce qu’elles auraient été trop soumises, parce qu’elles ne sembleraient pas suffisamment traumatisées, trop détachées, parce qu’elles auraient mis trop de temps avant de porter plainte, qu’elles auraient revu ou côtoyé leur agresseur, parce qu’elles auraient oublié des pans entiers des violences, voire la totalité pendant de longues périodes, pour que leur plainte soit le plus souvent classée sans suite.
Il suffit que l’agresseur soit le petit ami, le partenaire, le conjoint ou l’ex-conjoint, pour que les plaintes soient le plus souvent classées sans suite.
Il suffit que des viols incestueux soient commis par le père ou le beau-père et dénoncés dans un contexte de séparation pour que la mère soit le plus souvent soupçonnée d’aliéner son enfant afin que celui-ci accuse à tort son père ou son beau-père, pour que leur plainte soit le plus souvent classée sans suite
Il suffit que l’agresseur soit d’un milieu socio-culturel élevé, qu’il soit un « notable », qu’il soit une personnalité connue pour que leur plainte soit le plus souvent classée sans suite.
Il suffit que l’agresseur soit inconnu et qu’il n’ait pas fait d’autres victimes connus pour que leur plainte soit le plus souvent classée sans suite.
Un monde à l’envers
Dans ce monde à l’envers la plupart des circonstances aggravantes prévues pour le viol deviennent des raisons de classer les plaintes, de même les preuves médicales sont retournés contre les victimes pour les mettre en cause.
Pour avoir plus de chance d’être condamné en cour d’assises, un viol doit avoir été commis par une personne inconnue de la victime, en grande majorité issue de milieu socio-culturel défavorisé et déjà connu de la justice, récidiviste ayant fait plusieurs victimes, avec pénétration pénienne (les pénétrations digitales et les pénétrations passives sur les garçons sont quasi-systématiquement déqualifiés), accompagné de préférences de violences physiques ou de menaces avec une arme, être dénoncé rapidement, la victime doit prouver son non consentement même si elle est mineure de 15 ans, en cas d’agresseurs connus (ce qui est le plus souvent le cas), il faut que les viols soient réitérés sur plusieurs victimes ou répétés sur la même victime, que la victime soit mineure mais qu’ils ne surviennent pas dans un contexte de séparation conjugale «conflictuelle».
Aux termes du droit international, l’Etat peut être tenu responsables d’actes de violence sexuelle perpétrés par des particuliers s’ils ont manqué à leur obligation d’empêcher ces actes ou de protéger les victimes. S’il peut être démontré que les autorités de l’Etat ont une conduite passive ou discriminatoire de manière constante, alors l’Etat peut être pris à partie. Un acte illégal qui viole les droits humains et qui est perpétré par un individu peut conduire à engager la responsabilité de l’Etat, non pas à cause de l’acte en lui-même, mais à cause de l’absence de mesures pour empêcher cette violation ou du manque de réaction des autorités. Les Etats sont soumis à l’obligation de protéger toutes les personnes contre des violations des droits humains (notamment le viol et autres formes de violence sexuelle). Cette obligation s’applique, qu’il s’agisse d’actes perpétrés par des individus agissant en leur qualité de fonctionnaires, en dehors du cadre de cette fonction ou à titre privé. Un tel devoir est aussi connue assorti d’une obligation d’agir avec la diligence nécessaire.
Il est impératif que les pouvoirs publics mettent en place des mesures fortes face à l’extrême gravité et de l’urgence du problème que représentent ces crimes sexuels impunis qui sont :
- d’une ampleur considérable avec des chiffres accablants qui ne régressent pas, : plus de 250 000 viols et tentatives de viols par an ;
- l’objet d’un déni, d’une loi du silence et d’une culture du viol qui met en cause les victimes ;
- avant tout sexistes, commis dans leur écrasante majorité par des hommes, les femmes et surtout les filles étant leurs principales victimes : 83 000 femmes et 124 000 filles subissent des viols et tentatives de viols chaque année, 14 000 hommes et 30 000 garçons ;
- répartis dans tous les secteurs socio-culturels de la société, n’épargner aucune tranche d’âge, aucune origine ethnique.
- un problème de santé publique majeur : les viols extrêmement traumatisants avec les conséquences psychotraumatiques sur la vie et la santé mentale et physique des victimes considérables à court, moyen et long terme équivalentes à des tortures, avoir subi ces crimes dans l’enfance est la première cause de mort précoce, de suicide, de dépression, de conduites addictives, de grande précarité, et de subir à nouveaux des violences tout au long de sa vie. Dans notre enquête de 2015 Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA) 97% des victimes de viols (98% pour les viols incestueux) ont des conséquences sur leur santé mentale et 43% ont des conséquences importantes ou très importantes sur leur santé physique.
Pourquoi face à cette scandaleuse impunité un tel silence et une telle inaction de nos responsables politiques ? Cela s’apparente à une indifférence criminelle et à de la complicité.
La justice est le reflet de notre société colonisée par le déni et la culture du viol, profondément inégalitaire, sexiste et patriarcale qui transforme la famille et le couple en zone de non-droit pour les enfants et les femmes. La justice ne joue absolument pas son rôle et porte gravement atteinte aux droits des victimes de viols, elle s’avère incapable de les protéger, de les reconnaître en tant que victimes et de réparer leurs préjudices. Pire, elle les met en cause, les expose à de nouvelles violences et à des procédures maltraitantes.
Comment est-il possible qu’une société comme la nôtre et que nos pouvoirs publics ainsi que nos politiques tolèrent tant d’injustices ?
Comment peuvent-ils tolérer qu’autant de criminels vivent parmi nous sans être aucunement inquiétés, et puissent continuer à violer et détruire des vies de proche en proche et de génération en génération ?
Comment peuvent-ils tolérer qu’autant de victimes, majoritairement des enfants, restent sans protection exposés à leurs agresseurs qui sont à plus de 90% des proches et à 50% des membres de leur famille ou leur partenaire, sans reconnaissance, sans aide, sans prise en charge, ni soins, à survivre seules aux violences et à leurs terribles conséquences psychotraumatiques ?
Comment peuvent-ils tolérer qu’en France naître femme expose 16% d’entre elles à des viols et des tentatives de viols et 20% à des agressions sexuelles majoritairement avant 11 ans, que naître femme scelle votre destin et fait de vous une proie potentielle où que vous soyez, quelle que soit votre histoire, vos croyances, vos engagements, votre milieu d’origine, votre statut social, vos études, votre travail, votre personnalité, votre âge, votre aspect physique, etc… Destin effarant d’être un jour ou l'autre une proie, sous couvert de sexe, pour un homme ou un groupe d’hommes, et d’être injuriée, agressée, violée, torturée, voire tuée… d’être condamnée à vivre dans un monde de non-droits.
Mobilisons-nous contre cette injustice :
STOP À L’IMPUNINITÉ DES VIOLEURS
PAS DE JUSTICE PAS DE PAIX
STOP À LA DÉQUALIFICATION DES VIOLS
Pétitions à signer :
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 22 000 signatures : Droit d'être soignées et protégées pour toutes les victimes de violences sexuelles ! http://www.mesopinions.com/petition/sante/droit-etre-soignees-protegees-toutes-victimes/14001
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 23 000 signatures : Pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
Pour lire le Manifeste pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 34700 signatures : Stop aux violences faites aux enfants
Pour lire le Manifeste stop aux violences faites aux enfants :
Pour en savoir plus sur la culture du viol et les mythes sur le viol :
À lire et consulter sur la culture du viol et les violences sexuelles l’excellent blog féministe : Sexisme et Sciences humaines http://antisexisme.net/ et ses articles très documentés sur les : Mythes sur les viols.
À lire POUR EN FINIR AVEC LE DÉNI ET LA CULTURE DU VIOL en 12 points article de Muriel Salmona de 2016 réactualisé en 2017 sur le blog stopauxviolences.blogstop.fr : https://stopauxviolences.blogspot.fr/2017/03/pour-en-finir-avec-le-deni-et-la.html
À lire également Le livre noir des violences sexuelles de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.et Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
En quoi connaître l’impact psychotraumatique des viols et des violences sexuelles est-il nécessaire pour mieux lutter contre le déni, la loi du silence et la culture du viol, pour mieux protéger les victimes et pour que leurs droits soient mieux respectés ? de Muriel Salmona 2016 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/2016-Necessaire-connaissance-de-limpact-psychotraumatique-chez-les-victimes-de-viols.pdf
Ces viols que les Français ne sauraient voir : ce déni alimente la honte des victimes de Laure Salmona mars 2016 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1490893-ces-viols-que-les-francais-ne-sauraient-voir-ce-deni-alimente-la-honte-des-victimes.html
JUSTICE, VOUS AVEZ DIT JUSTICE ? de Muriel Salmona, 2017 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20170321-lettre_ouverte_viol_en_re%CC%81union.pdf
La victime c’est la coupable de Muriel Salmona, 2011 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/La_victime_c_est_la_coupable_4_septembre_2011_Muriel_Salmona.pdf
Pour en savoir plus sur les violences
• Les sites de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie avec de nombreuses informations disponibles et des fiches pratiques sur les violences, leurs conséquences sur la santé, leur prise en charge, et des information sur les campagnes et les actions de l’association :
• Les blogs de la Dre Muriel Salmona :
• http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com avec une bibliographie générale
• Le Livre noir des violences sexuelles, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.
• Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
• Le rapport d’enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015 SALMONA Laure auteure, SALMONA Muriel coordinatrice Enquête de l’association Mémoire Traumatique et victimologie avec le soutien de l’UNICEF France dans le cadre de sa campagne #ENDViolence (téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org
• L’enquête Les français-e-s et les représentations du viol et des violences sexuelles, 2016 conduite par IPSOS pour l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, SALMONA Muriel, directrice et SALMONA Laure coordinatrice et auteure du rapport d’enquête et du dossier de presse téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org (3)
• De nombreux articles de la Dre Muriel Salmona, ainsi que des vidéos de formation sont consultables et téléchargeables sur le site memoiretraumatique.org : http://www.memoiretraumatique.org/publications-et-outils/articles-de-la-dre-muriel-salmona.html
• Des brochures d’information éditées par l’association, sur les conséquences des violences sur la santé à destination des adultes et des jeunes à télécharger sur le site memoiretraumatique.org et stopaudeni.com
• Des films témoignages Stop au déni-les sans voix de Catherine Zavlav, 2015 sur http://stopaudeni.com
Les publications et rapport de Véronique Le Goaziou : rapport final de la recherche "Les viols dans la chaîne pénale" 2016 consultable sur le site de l’ORDCS
Les viols en justice : une (in)justice de classe ? in Nouvelles Questions Féministes 2013/1 (vol.32)
et écrit avec Laurent Mucchielli : Les viols jugés aux assises : in Questions pénales CESDIP septembre 2010
Enquête CSF Contexte de la sexualité en France de 2006, Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques), 445, mai 2008. http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1359/publi_pdf1_pop_soc445.pdf
consultez la lettre de l’observatoire des violences faites aux femmes publiées sur le site gouvernemental stop-violences-femmes.gouv.fr pour les chiffres sur les violences sexuelles : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/no8-Violences-faites-aux-femmes.html
Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France – 2015 :
http://www.inhesj.fr/fr/ondrp/les- publications/rapports-annuels
Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du 93 et le TGI de Bobigny
et sur la déqualification des viols un site à consulter : LA CORRECTIONNALISATION DU VIOL, LA NEGATION D'UN CRIME EN FINIR AVEC LA CORRECTIONNALISATION DU VIOL https://lacorrectionnalisationduviol.wordpress.com
2 commentaires:
Madame Muriel Salmona,
Je m'appelle Manon TURQUAND, je suis actuellement étudiante en deuxième année de master santé publique à l'ISPED à Bordeaux en parcours Promotion de la santé, orientation développement social. Veuillez m'excuser je n'ai pas trouvé d'autres moyens de vous contacter. J'ai un stage à réaliser en fin d'année (vers début mars de 16 semaines) et j'aimerai le réaliser sur le domaine du harcèlement et en particulier sur le harcèlement des femmes dans l'espace public.
C'est dans cette perspective que je vous contacte dans le but de savoir si vous auriez une section agissant sur le harcèlement des femmes dans l'espace public qui pourrait m'encadrer dans le cadre de ce stage (en France) ? Ou alors si vous auriez des contacts qui pourraient potentiellement m'encadrer (en France) ?
J'aimerai traiter le problème du harcèlement des femmes dans l'espace public sur le plan des conséquences mentales et en particulier sur le harcèlement verbal.
Vous remerciant par avance de l’intérêt que vous porterez à ma candidature, je reste disponible pour tout entretien ou questions supplémentaires, je vous prie d’accepter, Madame, mes salutations respectueuses.
Manon TURQUAND
La justice ne qualifie même pas de viol l'excision et la circoncision alors que ce sont des viols (Art 222-23 cp :
"Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence,… est un viol."
Ces viols sont aggravés par l'usage d'un instrument tranchant et par des actes de torture et de barbarie, si bien que c'est l'article 222-26 qui s'applique : "Le viol est puni de la RECLUSION CRIMINELLE A PERPETUITE lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie."
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