mercredi 30 décembre 2009

Emission priorité à la santé de Claire Hédon sur RFI le vendredi 8 janvier 2010 à 15 h 10: "si tu es un homme tu ne la traites pas comme ça"


Vendredi 8 janvier à 15h10 sur RFI (89FM)
Emission Priorité Santé
de Claire Hedon
sur
La lutte contre les violences faites aux femmes

« Si t’es un homme, tu ne la traites pas comme ça ! »

« Si t’es un homme, tu ne la traites pas comme ça ! » « si tu la forces, c’est un viol » : la dernière campagne de prévention des violences contre les femmes lancée en Seine Saint Denis (région parisienne) cible les auteurs potentiels de violences. Elle s’adresse à tous les hommes pour les faire réfléchir et débattre sur ce douloureux sujet.

Invités :

  • Dr Gilles Lazimi, médecin au centre municipal de Romainville, coordinateur de la campagne de prévention des violences conjugales en Seine Saint Denis
  • Ernestine Ronai, responsable de l’observatoire des violences de Seine Saint Denis
  • Muriel Salmona, psychiatre-psychothérapeute, responsable de l’antenne 92 de l’Institut de victimologie, présidente de l’association mémoire traumatique et victimologie.
  • Anne-Marie Njoké, vice-Présidente de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF) pour le littoral et le Sud-Ouest du Cameroun (par téléphone, en direct du Cameroun)

mardi 29 décembre 2009

Lutter contre les violences passe avant tout par la protection des victimes



Posté sur le blog d'Henriette Zoughebi : un monde en partage
un article du Dr Muriel Salmona : 

Lutter contre les violences passe avant tout par la protection des victimes

Bourg la Reine, le 26 décembre 2009


Texte du Dr Muriel Salmona psychiatre-psychotraumatologue, responsable de l'Antenne 92 de l'Institut de victimologie, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie:wwwmemoiretraumatique.org, drmsalmona@gmail.com



Les violences sont une atteinte grave aux droits humains fondamentaux des personnes, et à leur intégrité physique et psychique. Comme elles se produisent essentiellement dans des milieux censés être les plus protecteurs comme la famille, le couple, les milieux institutionnels d’éducation et de soins, le monde du travail, elles sont cachées et maquillées en amour, désir, éducation, sécurité, rentabilité. Cet escamotage a pour fonction de protéger le mythe d’une société idéale patriarcale où les plus forts protégeraient les plus faibles, rationalisant ainsi les inégalités et les privilèges d’une position dominante, ce qui qui rend les violences possibles. Les victimes qui les subissent sont alors isolées, condamnées au silence et confrontées impuissantes à des violences d’autant plus traumatisantes qu’elles sont impensables. Ces violences traumatisantes sont à l’origine de blessures psychiques et de troubles psychotraumatiques fréquents et chroniques qui  auront un impact catastrophique sur leur vie s’ils ne sont pas pris en charge. Or ces victimes traumatisées sont à l’heure actuelle abandonnées, elles ne bénéficient ni de protection, ni de soins spécifiques, à charge pour elles de survivre dans une grande souffrance et une insécurité totale et de se réparer comme elles peuvent. Et ces systèmes de survie hors norme chez la plupart des victimes seront injustement stigmatisés comme des handicaps constitutionnels et seront perçus comme une infériorité justifiant une mise sous tutelle et de nouvelles violences, alors que ce sont des réactions normales aux situations violentes anormales qu’elles ont subies. En revanche, un faible nombre d’autres victimes se répareront en adhérant à la loi du plus fort et en reproduisant des violences, ce qui alimentera la production de nouvelles violences dans un processus sans fin. Ces conséquences psychotraumatiques s’expliquent par des mécanismes neurobiologiques connus depuis seulement quelques années, et il est parfaitement possible de les prévenir ou de les traiter efficacement.


La mémoire traumatique des violences est le symptôme central des troubles psychosomatiques. Elle est produite lors de la mise en place de mécanismes psychiques et neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels* pour échapper au risque vital que génère le stress extrême déclenché par des violences traumatisantes. En effet ces violences incompréhensibles et impensables entraînent une effraction et une sidération du psychisme qui ne peut alors contrôler l’activité de la structure sous-corticale responsable de la réponse émotionnelle, l’amygdale cérébrale, ni la sécrétion hormonale de cortisol et d’adrénaline qu’elle déclenche. Or la quantité croissante sécrétée de ces hormones constitue un risque vital cardio-vasculaire et neurologique pour l'organisme. Face à ce risque le cerveau sécrète  à son tour en urgence des drogues "dures" (morphine-like et kétamine-like) qui font littéralement "disjoncter" le circuit de l'émotion, en coupant les connections entre l'amygdale et les autres structures et en produisant une dissociation. La réponse émotionnelle s’éteint brutalement et les victimes dissociées décrivent alors un sentiment d'irréalité, voire d'indifférence et d’insensibilité, comme si elles étaient devenues de simples spectateurs de la situation du fait d'une anesthésie émotionnelle et physique liée à la disjonction. La conséquence immédiate est que la mémoire émotionnelle de l'événement ne pourra être encodée par l'hippocampe ni devenir un souvenir autobiographique "racontable". Elle restera piégée dans l'amygdale, condamnée à rester inaccessible à la conscience, mais susceptible de se rallumer lors de n'importe quelle stimulation rappelant les violences subies, et faisant alors revivre à la victime les mêmes souffrances physiques et psychiques. La mémoire traumatique est cette mémoire enkystée, semblable à une machine à remonter le temps elle menace de s’enclencher à tout moment de façon incontrôlable, en plongeant à nouveau la victime au milieu des violences subies, et en reproduisant tout ou partie de leur vécu sensoriel et émotionnel. Et cette mémoire traumatique qui menace sans cesse d’exploser transforme la vie des victimes en un terrain miné, générant un climat de danger et d’insécurité permanents. 

Dans un premier temps les victimes tentent d’empêcher son explosion en évitant tous les stimulus susceptibles de la déclencher. Elles deviennent hypervigilantes, et mettent en place des conduites de contrôle et d’évitement de tout leur environnement, de tout ce qui peut rappeler les violences même inconsciemment comme un stress, des émotions, des douleurs, des situations imprévues ou inconnues… mais aussi un contexte, une odeur, une voix. Cela entraîne de nombreuses phobies, un retrait affectif, des troubles du sommeil, une fatigue chronique, des troubles de l’attention et de la concentration très préjudiciables pour mener à bien une vie personnelle, sociale et professionnelle. 

Mais les conduites de contrôles et d’évitement sont rarement suffisantes, particulièrement lors de grands changements (adolescence, rencontre amoureuse, naissance d’un enfant, entrée dans la vie professionnelle, chômage, etc.) et la mémoire traumatique explose alors fréquemment, traumatisant à nouveau les victimes en entraînant à nouveau un risque vital, une disjonction, une anesthésie émotionnelle et une nouvelle mémoire traumatique. Mais rapidement la disjonction spontanée ne peut plus se faire car un phénomène d’accoutumance aux drogues dures sécrétées par le cerveau se met en place, à quantité égale les drogues ne font plus effet, les victimes restent alors bloquées dans une détresse et une sensation de mort imminente intolérable. Il est alors nécessaire, pour faire cesser cet état et s’anesthésier enfin, d’obtenir coûte que coûte une disjonction en faisant augmenter la quantité de drogues dissociantes. Cela peut s’obtenir de deux façons : soit en leur ajoutant des drogues exogènes - alcool ou substances psycho-actives - qui sont elles aussi dissociantes, soit en augmentant leur sécrétion endogène par aggravation du stress. Pour aggraver leur stress, les victimes se mettent en danger ou exercent des violences le plus souvent contre elles-mêmes, mais un certain nombre d'entre elles préféreront exercer des violences contre autrui, générant une mémoire traumatique chez de nouvelles victimes, et c'est un élément très important sur lequel nous reviendrons. Ces conduites de mises en danger, ces conduites violentes et ces conduites addictives dont les victimes découvrent tôt ou tard l’efficacité sans en comprendre les mécanismes, je les ai nommées conduites dissociantes. Ces conduites dissociantes provoquent la disjonction et l’anesthésie émotionnelle recherchées, mais elles rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive et rendant les conduites dissociantes toujours plus nécessaires, créant une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence.


Ces mécanismes psychotraumatiques permettent de comprendre les conduites paradoxales des victimes et le cycle infernal des violences. Ils sont malheureusement méconnus, et les médecins qui ne sont pas formés à la psychotraumatologie ne vont pas relier les symptômes et les troubles des conduites que présentent les victimes aux violences qu’elles ont subies et donc ne pas les traiter spécifiquement. A la place ils vont utiliser des traitements symptomatiques ou des traitements qui sont en fait dissociants, mais sans le savoir. Ces traitements (comme l’enfermement, la contention, les camisoles chimiques, l’isolement, les chocs électriques, voire la lobotomie qui est encore utilisée dans certains pays….) sont «efficaces» pour faire disparaître les symptômes les plus gênants et anesthésier les douleurs et les détresses les plus graves, mais aggravent la mémoire traumatique des patients. La violence a la triste capacité de traiter de façon transitoire mais très efficace les conséquences psychotraumatiques, tout en les aggravant. Elle est sa propre cause et son propre antidote. Mais à quel prix ! 


Si la violence est paralysante et dissociante pour la victime, elle est pour l’auteur  un outil de domination et une drogue anesthésiante. La violence est un formidable outil pour soumettre et pour instrumentaliser des victimes dans le but d’obtenir une anesthésie émotionnelle de l’agresseur. Elle devient ainsi une usine à fabriquer de nouvelles victimes et de nouvelles violences.


Les rationalisations habituelles pour justifier la violence ne sont donc que des leurres :

  • La violence n’est pas une fatalité, elle ne procède pas d’une pulsion agressive originelle chez l’homme (comme le dit Freud), ni d’une cruauté innée (comme le pense Nietzsche). L’être humain est naturellement empathique comme le prouve toutes les études faites sur des nourrissons. Ceux qui utilisent la violence prônent le mépris et la haine des victimes considérées comme inférieures et sans valeur, alors qu’ils ne peuvent être violents que parce qu’ils ont été eux-mêmes des victimes. Ils n’ont recours à la violence que parce qu’elle est utile, possible et qu’elle est une drogue pour eux.  
  • La victime n’est pas responsable de la violence exercée contre elle, rien de sa personne ni de ses actes ne la justifie, la victime est toujours innocente d’une violence préméditée qui s’abat sur elle. De fait la victime est interchangeable, et choisie pour jouer par contrainte ou par manipulation un rôle dans un scénario qui ne la concerne pas, monté par l’agresseur. 
  • La violence n’est pas utile pour la victime, le «c’est pour ton bien» dénoncé par Alice Miller, le «c’est par amour pour toi», le «c’est pour mieux te protéger, t’éduquer, te soigner…» sont des mystifications. La violence n’est utile qu’à son auteur, pour le soulager lui et lui seul, et pour paralyser et soumettre les victimes. Le but de ce dernier est d’imposer à une personne qu’il a choisie d’être son «esclave-soignant et son médicament» pour traiter sa mémoire traumatique. Il instrumentalise sa victime et l’aliène en la privant de ses droits afin de la transformer en esclave soumise qui devra développer des conduites de contrôle et d’évitement à sa place, pour éviter l’explosion de sa mémoire traumatique à lui, et qui, si l’explosion a quand même lieu, devra servir de fusible pour qu’il puisse disjoncter par procuration et s’anesthésier. 
  • La violence est un privilège, elle est l’apanage d’une société inégalitaire qui distribue des rôles de dominants et de dominés et qui attribue ensuite à chacun une valeur en fonction de la place qu’il occupe dans le système hiérarchique imposé. Ce système injuste permet la mise sous tutelle d’une partie de la population au bénéfice de privilégiés qui ont le droit d’utiliser la violence en toute injustice pour la soumettre et l’instrumentaliser.


La fonction principale de la violence est donc mensongère, elle permet aux agresseurs d’effacer les traces de la victime qu’ils ont été et d’échapper à une mémoire traumatique encombrante. Elle leur permet de se mettre du côté des dominateurs privilégiés et de s’assurer d’une totale impunité en dissociant les victimes, qui, anesthésiées, se tairont, ce qui aura pour effet d’effacer les traces des violences qu’ils sèment tout au long de leur chemin. La victime qu’ils haïssent c’est eux-mêmes, ils vont la faire disparaître par un tour de passe-passe en s’attaquant à une autre victime à qui ils feront rejouer de force leur histoire pour mieux la nier, en déclenchant leur propre anesthésie émotionnelle. Puisqu’ils ne ressentent plus rien, c’est bien que cette histoire n’est pas la leur. Dans ce système la victime a une position paradoxale. Elle est d’abord une victime de substitution, indispensable pour faire marcher la machine à effacer le passé traumatique des agresseurs. Mais comme elle est susceptible de rappeler leur passé traumatique à tous ceux qui sont en position dominante en allumant leur mémoire traumatique, elle peut mettre en danger toute la construction illusionniste de la société et il faut l’effacer à tout prix. Elle est donc à la fois indispensable et indésirable. Les victimes sont à éradiquer, mais il faudra en créer sans cesse de nouvelles. Une fois qu’elles ont été victimes, elles sont donc sommées de se cacher, ou de disparaître en s’auto-détruisant, à moins qu’elles ne deviennent à leur tour des agresseurs quand la société leur en donne la possibilité et quand elles s’y autorisent, c’est à dire quand une place de dominant leur est réservée. C’est pourquoi elles n’ont pas le droit de revendiquer leur statut de victimes, elles seront aussitôt soupçonnées de ne pas dire la vérité ou de chercher un avantage. 

Quand les agresseurs auront besoin de victimes pour s’anesthésier, ils feront leur casting au sein de toutes les victimes cachées ou de personnes pas encore victimes mais vulnérables (comme les enfants) pour leur faire jouer leur scénario, aux victimes de s’y soumettre puis à nouveau de se cacher ou de disparaître sans laisser de traces. il est alors essentiel pour les agresseurs à la recherche de victimes potentielles de cultiver des situations de discrimination ou d'en créer de toutes pièces, de décider que certaines catégories d'humains sont « inférieures » et sont donc utilisables en tant que victimes « fusibles » : les enfants, les femmes, les handicapés, les vieillards, les juifs, les arabes, les noirs, etc… au mépris de toute cohérence et de toute justice, en toute indécence et sans avoir à rendre de compte, puisqu'il s'agit - une fois étiquetées inférieures - de personnes interchangeables qui « ne valent rien ou pas grand-chose », si ce n'est par leur vertu « curative » plus ou moins importante. 

Et des pans entiers de fonctionnements humains fondamentaux sont ainsi instrumentalisés pour en faire des « outils de violences », comme l'éducation des enfants, l'amour parental, la relation conjugale, la sexualité, la religion, le travail, la politique, le soin. Certains de ces pans deviennent presque entièrement dévoyés par les conduites dissociantes violentes, à tel point et depuis si longtemps que tout le monde finit par considérer que cette violence qui les sature est « naturelle », et inhérente à ces fonctionnements humains, avec une tolérance inouïe pour des violences qui bien qu’elles bafouent les droits humains, peuvent s’imposer comme incontournables ; c’est le cas des violences éducatives intra-familiales, et des violences sexuelles, particulièrement la prostitution et la pornographie. 


Les violences imprègnent de telle façon et depuis si longtemps les rapports humains qu’elles en ont modifié les normes et les représentations que l’on peut s’en faire. Les violences saturent et dénaturent la relation amoureuse, la parentalité, la sexualité, le travail, les soins, etc. Dans notre société, les symptômes psychotraumatiques et les troubles des conduites qui y sont rattachés ne sont jamais reconnus comme des conséquences normales des violences, et sont perçus de façon mystificatrice et particulièrement injuste comme provenant des victimes elles-mêmes, liés à leur personnalité, à de prétendus défauts et incapacités, à leur sexe, à leur âge, voire à des troubles mentaux abusivement diagnostiqués comme psychotiques. 

Les violences et leurs conséquences psychotraumatiques sont à l’origine de nombreux stéréotypes censés caractériser les victimes qui les subissent le plus fréquemment, comme les femmes et les enfants. Leurs symptômes, au lieu d’être identifiés comme réactionnels, sont injustement considérés comme naturels et constitutifs de leur caractère, de leurs conduites et de leur sexualité : les femmes seraient plus passives, plus émotives, plus sensibles, plus fragiles et dépressives que les hommes, avec une sexualité bien moins pulsionnelle qu’eux, les adolescents seraient plus enclins aux conduites à risque et aux mises en danger, plus suicidaires, etc… Bien sûr, il existe de nombreux stéréotypes  «en miroir» sur les hommes qui seraient « naturellement » prédateurs, dominateurs et peu émotifs. 

Ces stéréotypes, parasités par la violence omniprésente, altèrent profondément les relations humaine et transforment l’amour en une relation de possession et d’emprise, l’éducation en un dressage et une domination, la sexualité en un besoin d’instrumentaliser et de consommer. 

Et dans un monde où de façon illégitime et absurde, la moitié de la population, pour être née de sexe féminin, subit une domination de fait, les discours inégalitaires pourront continuer à mystifier une grande partie des individus et à imposer des mensonges idéologiques qui sont des facilitateurs de violences, des « permis de détruire » offerts à des personnes peu regardantes sur leur éthique et leur cohérence intellectuelle pour « traiter » leur mémoire traumatique aux dépens d'autrui.


La mémoire traumatique quand elle n’est pas traitée est donc le dénominateur commun de toutes les violences, de leurs conséquences comme de leurs causes


Et il résulte clairement de ce qui précède que pour interrompre la production sans fin de violence il faut éviter que des victimes soient traumatisées et développent une mémoire traumatique. Cela passe par une protection sans faille de tout être humain pour qu’il ne subisse pas de violences, et plus particulièrement des enfants et des femmes qui en sont les victimes les plus fréquentes. Il faut donc protéger les victimes potentielles vivant dans les univers malheureusement connus comme les plus dangereux, comme le couple, la famille, les institutions, le travail, et il faut promouvoir une égalité effective des droits, une information sur les conséquences de la violence et une éducation à la non-violence. Il faut aussi bien sûr protéger les victimes traumatisées et ne plus les abandonner à leur sort. Aucune victime ne doit être laissée sans prise en charge et sans soin. 

Rendre justice à toute victime est impératif absolu, et les auteurs de violences doivent rendre des comptes et être sanctionnés. Mais cela ne suffit pas, il faut que les auteurs de violences soient pris en charge et traités dès les premières violences, dans le cadre d’une éducation à la non-violence et de soins spécialisés pour traiter leur mémoire traumatique et leur addiction à la violence.

Le traitement de la mémoire traumatique consiste à faire comprendre les mécanismes psychotraumatiques, dans le but de se comprendre, de se déculpabiliser et d’éviter les conduites dissociantes et de faire en sorte que les patients ne se  laissent plus pétrifier par le non-sens apparent des violences. Le traitement consiste en même temps à faire identifier au patient sa mémoire traumatique qui prend la forme de véritables mines qu'il s'agit de localiser, puis de désamorcer et de déminer patiemment,  en rétablissant des connexions neurologiques, en lui faisant faire des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique. Il s'agit de "réparer" l'effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l'irreprésentabilité des violences. C’est au fur et à mesure de la psychothérapie que le vécu peu devenir petit à petit mieux représentable et intégrable, mieux compréhensible, le thérapeute aidant à mettre des mots sur chaque situation, chaque comportement, chaque émotion, et à analyser avec justesse le contexte, les réactions de la victime, le comportement de l'agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l'hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l'amygdale cérébrale et d'encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. 

Le but, c'est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens, tout symptôme, toute pensée, réaction, sensation incongrue, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l'éclairer par des liens qui permettent de le rapporter aux violences subies. 

De plus ce travail de compréhension permet au patient d’éviter d’être traumatisé par de nouvelles violences. Une fois que les violences prennent sens par rapport au passé traumatisant de l’agresseur, que les victimes se rendent comte que les violences ne les concernent absolument pas, qu’elles se jouent sur une autre scène, celle de la mémoire traumatique de l’agresseur et de son passé, le scénario mis en scène par l’agresseur ne fonctionne plus, il devient possible aux victimes de ne plus y participer. À partir du moment où les victimes comprennent ce qui se passe, elles peuvent identifier la scène et le rôle dans lequel l’agresseur tente de les piéger et s’en libérer, elles ne sont plus la proie pétrifiée dont l’agresseur a besoin pour sa mise en scène. Le «jeu» ne fonctionne plus, la victime peut se mettre «hors-jeu» et laisser l’agresseur face à une scène où il ne peut plus jouer le rôle de bourreau, faute de victime pétrifiée. Son histoire qu’il imposait à la victime lui est renvoyée en pleine figure, en miroir. Il est alors ramené à son propre rôle originel, un rôle de victime qu’il ne veut surtout pas jouer. Le «jeu» n’a donc plus de sens, plus d’intérêt et il n’est plus dissociant, l’agresseur devra se dissocier autrement ou se calmer. Face à lui, la victime est devenue comme Persée face à Méduse, sa compréhension est le bouclier miroir offert par Athéna (déesse de la sagesse et de la raison), elle lui évite d’être pétrifiée par le regard de Méduse.


On a tout à gagner de faire le pari de protéger toutes les victimes et ce, dès les premières violences : gagner de faire cesser immédiatement les violences et de mettre en sécurité les victimes, gagner de faire respecter les droits des victimes, en leur permettant d’obtenir justice et réparation pour les violences qu’elles ont subies, gagner de leur garantir leur non-répétition, gagner de mettre un terme à l’impunité des auteurs tout en leur proposant des soins précoces pour les sortir de leur addiction à la violence, gagner d’éviter l’installation de troubles psychotraumatiques chroniques chez les victimes grâce  à des soins spécialisés précoces. En évitant la mise en place de conduites dissociantes,   et particulièrement les violences exercées contre autrui, on peut s’opposer à la contamination progressive des individus par la violence, et gagner enfin de rendre la société moins inégalitaire.


Pour lutter contre les violences il faut donc une volonté politique forte pour protéger toutes les victimes, pour faire respecter les droits de toute personne à vivre en sécurité, pour rendre une justice efficace, pour former à la psychotraumatologie les professionnels prenant en charge les victimes, et plus particulièrement les médecins et autres professionnels de santé, pour créer des centres de soins spécialisés, pour informer le grand public sur les conséquences des violences et les mécanismes psychotraumatologiques, et l’éduquer aux respect des droits de l’humain et à la non-violence.




* Travaux du Dr Muriel Salmona :  La mémoire traumatique in L'aide-mémoire en Psychotraumatologie, Paris, Dunod, 2008 et ouvrage à paraître en 2010 : Violences impensées et impensables ou la mémoire traumatique à l'œuvre.





A regarder la vidéo intégrale des Assises de l'IEC 2009 : Egalité des sexes et sexualité, auxquelles j'ai participé le lundi 5 octobre


Les interventions et les débats ont été filmés et sont disponibles en vidéo sur le site:

Le lundi 5 octobre 2009 dans le cadre de ses Assises 2009 l'Institut Emilie du Chatelet IEC a organisé une journée de réflexion sur :

Jeunesse et violences sexuelles, analyser et prendre en charge,

première table ronde : nommer et comprendre les violences sexuelles
avec la participation de :  Alice Debauche, Véronique le Goaziou, A, Philippe Liotard, Catherine Louveau et Emmanuelle Piet

deuxième table ronde : prévenir et prendre en charge les violences sexuelles
avec la participation de : Armelle Andro, Sylvie Cromer, Ernestine Ronai, Muriel Salmona et Linda Weil Curiel
 

vendredi 27 novembre 2009

Nouvelle plaquette d'information médicale sur les conséquences psychotraumatiques des violences




Cliquer sur la plaquette pour l'agrandir

Plaquette rééditée par l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie et la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l'Égalité d'Ile de France, novembre 2009


mercredi 25 novembre 2009

Retranscription d'une partie de l'émission de RFI du 21 novembre 2009 : État des lieux de la situation des droits de l'enfant dans le monde


Par Auteure Anonyme dans son excellent blog viols-par-inceste que je vous conseille de prendre le temps de le visiter :



Etat des lieux de la situation des droits de l'enfant dans le monde
Par Marie-France Chatin

La convention des droits de l'enfant a vingt ans. Alors qu'aucune mesure n'oblige les Etats à respecter leurs engagements, la question de son efficacité se pose toujours. 
 

- Lionel Quille Amnesty International
- Olivier Maurel, Observatoire de la violence éducative ordinaire auteur de Oui la nature humaine est bonne.
- Bénédicte Jeannerod UNICEF
- Docteur Muriel Salmona, psychiatre et Présidente de l'Association Mémoire traumatique et Victimologie.


Compte-rendu de l'atelier-forum « Les femmes, le pouvoir et la gauche » 12 novembre 2009 – La Courneuve par Henriette Zoughebi


Compte-rendu de l'atelier-forum « Les femmes, le pouvoir et la gauche » 12 novembre 2009 – La Courneuve
Ariane Ascaride : « Les femmes le pouvoir et la gauche, c’est un sujet énorme. Il faudrait en parler tous les jours. Une société ne peut pas vivre sans idéal. »


Ce document reprend les constats et propositions des participantes et participants à l’atelier-forum « Les femmes, le pouvoir et la gauche ». Il ne constitue pas une prise de position des partis ou des personnalités politiques en présence. En revanche, il peut servir, pour celles et ceux qui le souhaitent, à la réflexion d’un programme féministe pour les régionales.


CONTEXTE :

Initié par le PCF, avec la participation de tous les partis de gauche, cet atelier-forum s’est déroulé à La Courneuve, ville fortement mobilisée pour la manifestation nationale unitaire pour les droits des femmes du 17 octobre 2009.

Cet atelier-forum s’est ainsi inscrit dans les mobilisations actuelles pour les droits des femmes, notamment celle du 17 octobre, contre les attaques répétées du gouvernement : fermeture de centres IVG, travail du dimanche, menaces sur la parité... 

Henriette Zoughebi, conseillère régionale et coorganisatrice de l’atelier-forum, en a précisé les objectifs - définir les sujets actuels importants en matière d’égalité des femmes et des hommes ;
- populariser la question des droits des femmes et de l’égalité des sexes ;
- donner sa place au féminisme dans les projets politiques ;
- et le mettre au cœur du programme des régionales.

Parmi les 150 militantes associatives, syndicalistes, élu/es, étudiant/es, citoyen/nes… présentes à l’atelier-forum, certain/es ont pris la parole et ont nourri ce temps de réflexion : 

Ariane Ascaride (comédienne), Marilyn Baldeck (secrétaire générale de l’AVFT), Marie-George Buffet (députée de la Seine-Saint-Denis, secrétaire nationale du PCF), Pascale Carayon (Osez le féminisme !), Joëlle Courtel (chargée de mission à l’égalité des femmes et des homme à La Courneuve), Carine Delahaie (Femmes Solidaires), Josselyne Ducrocq, Colette Fischer (syndicaliste CGT, membre du PCF), Gilles Garnier (conseiller général de la Seine-Saint-Denis), Mimouna Hadjam (Africa 93), Annick Herbin (PCF 92), Gwen Herbin (MJCF 92), Séverine Leblond (PCF), Anna Mardoc (Osez le féminisme !), Michel Miné (professeur du droit du travail au CNAM, membre de l’Observatoire de la Parité), Muriel Naessens (Féminisme Enjeux), Josée Pépin (Collectif droits des femmes Paris 20e), Emmanuelle Piet (médecin), Soudeh Rad (Campagne « Un million de signatures pour l’abrogation des lois discriminatoires en Iran »), Ernestine Ronai (militante féministe contre les violences faites aux femmes), Jacqueline Rouillon (maire de Saint-Ouen), Sabine Salmon (présidente de Femmes Solidaires), Muriel Salmona (psychiatre victimologue), Maya Surduts (CNDF, CADAC), Muriel Tendron-Fayt (maire-adjointe à la Courneuve), Dominique Tripet (PCF 45), Nicolas Voisin (Parti de Gauche), Henriette Zoughebi (conseillère régionale, membre du conseil national du PCF).

En présence des représentantes nationales des commissions féminisme ou droits des femmes des partis de gauche : Delphine Beauvois (Parti de Gauche), Laurence Cohen (PCF), Delphine (Gauche unitaire), Léa Guichard (NPA), Gaëlle Lenfant (PS) et Arlette Zilberg (Les Verts).

Ce foisonnement de paroles et d’idées a été frustré par la durée de l’atelier-forum (2 heures). D’autres ateliers-débats suivront pour approfondir les questions soulevées lors de ce premier temps de réflexion. 

L’ensemble de l’atelier a été filmé. Le film qui en sera tiré, sera mis à disposition de tous et de toutes, notamment sur les réseaux d’échange comme Youtube et Dailymotion, pour servir de support à d’autres ateliers partout en France. 


SUJETS MIS EN DÉBAT :

Il existe une volonté politique de remodeler la société ; et la droite s'exerce à la précarité sur les femmes, avant de la généraliser ensuite à l'ensemble de la société. Le féminisme est une lutte primordiale pour l’ensemble de la société.

Gaëlle Lenfant : « Certes, on nous écoute, mais c'est difficile de faire entendre véritablement que le féminisme est une question politique. On ne peut pas arriver à une société émancipée sans égalité. »

1. Inviolabilité du corps humain



a. Violences sexistes et sexuelles



Muriel Salmona : « La violence est un instrument extraordinaire de domination. Les femmes sont mises au service des hommes par cet instrument de pouvoir qu'est la violence. Ca permet à ceux qui ont le privilège d'exercer la violence d'apaiser leurs tensions. Mais, les plus faibles, (les femmes, les enfants, les personnes handicapées) n'ont pas ce privilège. »

Les conséquences des violences faites aux femmes sont très importantes sur leur santé physique et psychique, et à ce très long terme. Ces violences tuent : l’espérance de vie d’un homme SDF est de 56 ans ; celle d’une femme SDF est de 41 ans. La différence : les femmes SDF sont violées dès leurs premiers jours dans la rue et ça les tue. Globalement, les femmes victimes de violences perdent 1 à 5 années de vie en bonne santé et leur taux de suicide est 25 fois supérieur à celui du reste de la population. Face à cela, il y a une carence de soins monstrueuse dans la prise en charge des victimes de violences. Actuellement, les victimes de violences sexistes et sexuelles sont abandonnées à elles-mêmes.

Muriel Salmona : « La violence n'est pas une fatalité. Il faut lutter. »

- Permettre l’accès à des soins de qualité
- Former les médecins en victimologie
- Créer des centres de soins qui accueillent efficacement les victimes de violences.
- Informer clairement les victimes

Le viol continue à être banalisé.
- Doter la Justice de vrais moyens pour responsabiliser les violeurs.
- Doter les services de santé (physique et psychologique) de vrais moyens pour soutenir les victimes.

Marie-George Buffet : « Avec l'appui des élu/es, une mission parlementaire a été mise en place et une nouvelle loi pour la protection des femmes va être proposée. J'ai signé cette proposition, mais le combat continue par les amendements, car cette loi n'est pas parfaite, notamment pour les femmes étrangères. »

Violences cumulées : les femmes en situation administrative précaire, lorsqu'elles quittent un époux violent, risquent le non-renouvellement de leur titre de séjour. Et donc la perte de leur emploi, de leur lieu de vie et de leur autonomie. 

Marilyn Baldeck : « Tant que les partis politiques ne se sont pas dotés de politiques claires contre les élus agresseurs, aucune de leur politique ne peut être cohérente ni légitime. » 

Les élus condamnés pour agression : des élus, y compris de gauche, se rendent coupables de violences sexuelles. Si les procédures judiciaires à leur encontre sont gagnées, les élus ne perdent pas pour autant leur mandat. La Justice ne lie pas la condamnation à la déchéance des droits civiques. De leur côté, les partis politiques ne sanctionnent pas, ni n’excluent ces agresseurs. Aujourd’hui, des élus condamnés pour violences votent, au Parlement, des lois contre les violences.
- Lier juridiquement la condamnation d’un élu à la déchéance des droits civiques
- Doter les partis d’une politique claire envers les élus agresseurs.

Ernestine Ronai : « La violence ça s'apprend. Plus on arrêtera tôt la violence, moins d'enfants apprendront la violence dans leur famille. »

Des moyens financiers contre les violences : pour que les lois soient appliquées, il faut des moyens. Les dernières études estiment le coût des violences conjugales à 2,5 milliards d’euros par an. Si on employait cet argent de manière volontariste, on arriverait à faire reculer les violences. La loi qui veut être efficace, doit prévoir des moyens. 

Travail en réseau : avec une vraie volonté de travailler en réseau, il est possible de faire reculer les violences et d’améliorer l’accompagnement des femmes.
- Donner la parole aux femmes et aux associations.
- Opter pour une méthode de démocratie participative. 

b. Marchandisation des corps



Emmanuelle Piet : « Un État qui continue à vendre le corps des femmes et des garçons, n'est pas un État courageux. »

La prostitution est une violence.
- Nécessité de prendre des mesures courageuses contre le système prostitutionnel, notamment par la pénalisation des clients, comme en Suède et en Norvège. Le système prostitutionnel est triangulaire : proxénète - client - personne prostituée. Il ne suffit pas d’interdire le proxénétisme. Il faut responsabiliser et pénaliser ceux qui stimulent l’offre : les clients ; et aider les personnes prostituées, victimes de ce système, au lieu de les criminaliser. 

Question des mères-porteuses : sous couvert de technologie et de solidarité entre les femmes, régression de leurs droits, notamment de celles qui sont dans les situations les plus précaires et les plus fragiles. 

2. Liberté de disposer de son corps



Le droit à l’avortement est mis à mal par la fermeture des centres IVG et par leur regroupement avec les maternités. L’inscription des enfants morts-nés à l’état civil et sur le livret de famille témoigne aussi d’une contre-révolution conservatrice.

A Paris, le centre IVG de l’hôpital Tenon a été fermé suite au départ à la retraite de son médecin qui n’a pas été remplacé. Cette fermeture s’est faite en toute discrétion : les syndicats, les élu/es n’étaient pas au courant. Une mobilisation est en cours pour sa réouverture. En pratique, les femmes qui auraient dû avorter à Tenon sont envoyées à la maternité de l’hôpital Saint-Antoine qui doit bientôt fermée. Les femmes seront alors envoyées à l’hôpital Trousseau qui connaît déjà des réductions d’horaires et qui ne pourra pas assurer les IVG de Tenon et de Saint-Antoine.

Sous prétexte de restructuration de l’hôpital public, c’est le droit à l’IVG qui est menacé.

3. Egalité professionnelle



Muriel Naessens : « Pour arriver à une égalité réelle, il faut que les politiques comprennent que la domination masculine est au fondement de notre société. »

a. Travail précaire et double journée



Séverine Leblond : « Sous couvert de crise, des sujets, comme la cause des femmes, deviennent secondaires, alors qu'elles sont les premières touchées. »

Laurence Cohen : « La droite s'exerce à la précarité en s'en prenant d'abord aux femmes pour généraliser ensuite à l'ensemble des salariés. »

Les femmes sont les premières touchées par la crise : elles assurent 80% des temps partiel ; elles constituent 80% des pauvres. En 2010, les aides aux familles monoparentales baisseront de 73%. Or, ces familles sont le plus souvent dirigées par des femmes qui, pour une partie non-négligeable, est en situation déjà très précaire.

Léa Guichard : « Il faut se battre pour un service public pour les enfants et pour le troisième âge. En tant que femmes nous sommes responsables de toute la famille. »

b. Inégalité des salaires et de la promotion



Annick Herbin : « J’ai travaillé 41 ans au Crédit lyonnais. Je suis à la retraite, je n'ai jamais connu le chômage. Mais parce que femme et militante, j'ai toujours connu des problèmes dans la promotion et le salaire. » 

Des lois et des directives existent en matière d’égalité salariale. Il faut engager des négociations, que les syndicats s’emparent de la question. Les syndicalistes savent utiliser ces lois pour d’autres discriminations. Pourquoi ne le font-ils pas pour les droits des femmes ?

Delphine Beauvois : « Lorsque les entreprises n'appliquent pas l'égalité salariale, elles doivent être pénalisées : pas de subvention. »

- Sanctionner les entreprises qui n’appliquent pas l’égalité salariale, notamment par le biais des subventions.
- Penser à des conditionnalités dans les appels d’offre. 

c. Discriminations sexistes



Colette Fischer : « Les femmes qui reviennent de la maternité, ne retrouvent jamais leur poste. »

Quand les femmes reviennent d’un congé maternité, elles retrouvent assez peu souvent le même poste dans les mêmes conditions de travail.


d. Dévalorisation des métiers exercés majoritairement par des femmes



Quand un métier se féminise, il se dévalorise. Il en a été ainsi des instituteurs. Il en va désormais ainsi de la médecine générale. Ce problème rejoint celui de la réorganisation actuelle de l’hôpital public. 

e. Mixité des métiers



Trop de métiers sont encore réservés à l’un ou l’autre sexe. Cette réalité existe aussi dans la fonction publique : dans de nombreux secteurs (comme la voirie, les secteurs techniques ou de commandement), il n’y a que des hommes.
- Nécessité de construire de nouvelles représentations.

f. Répartition socio-sexuée des formations initiales et continues



Delphine : « Empêcher les femmes d'accéder au savoir, c'est aussi les maintenir sous domination masculine. »

Il existe une répartition socio-sexuée des savoirs du collège à l'université. L’orientation scolaire se fait de manière à orienter les filles vers les métiers d’aide à la personne (enfants, personnes âgées, personnes dépendantes). La reproduction de cette répartition socio-sexuée empêche les femmes d’accéder à certains savoirs, ce qui est aussi une manière de les maintenir sous domination masculine. 

Dans les filières professionnelles, le caractère sexué et la reproduction des modèles sociaux sont encore plus évidents. Fleuristes pour les filles / jardiniers pour les garçons. Il s’agit là d’une double discrimination : une partie de la jeunesse est reléguée dans les lycées professionnels et les filles dans certaines filières de ces lycées. 

La qualification permet de lutter contre ces discriminations sexuées : la qualification des filières sociales a permis de valoriser le travail des filles et d’y amener des garçons. En cela, la qualification permet la mixité.

Le problème est qu’actuellement les Centre de formation des apprentis sont valorisés par rapport aux filières professionnelles. Or, pour être en Centre de formation des apprentis, il faut être stagiaire dans une entreprise et celles-ci sont en retard sur les représentations. La valorisation des centres de formation des apprentis fait reculer la mixité des filières de formation.

4. Partage du pouvoir politique, économique et symbolique



a. En politique :



Marie-George Buffet : « La parité est une question de démocratie. C'est une loi, mais aussi un levier. Je suis responsable d'un parti, mais ça ne règle pas cette question au niveau du parti. Il ne suffit pas d'avoir des dirigeantes, il faut avoir l'exigence du partage du pouvoir, ce qui veut dire moins d'hommes au pouvoir. Il faut aussi avoir beaucoup d'adhérentes, qu'elles prennent leur place et qu'elles portent des revendications féministes. » 

- Faire élire des féministes dans les lieux de pouvoir politique.

Dominique Tripet : « Dans mon département (Loiret), une femme va entrer à l'Assemblée Nationale. Ce sera la première fois dans mon département. Pour cela, il a fallu la mort du député en place depuis 30 ans. Dans mon département, les femmes politiques ne sont que des faire-valoir. » 

- Se mobiliser pour le non-cumul des mandats dans la durée.

Joëlle Courtel : « La parité ne suffit pas aux politiques publiques pour avoir des objectifs féministes. Il doit y avoir un travail de co-élaboration avec les associations, les femmes et les élu/es. » 

- Nécessité d’une co-élaboration et d’un co-travail entre les élu/es, les associations et les féministes ; et de puiser des objectifs politiques dans les mobilisations citoyennes. 

Jacqueline Rouillon, maire de Saint-Ouen : « Au-delà de la parité, il faut créer les conditions pour que les femmes parlent quand elles sont là. » 

- Créer les conditions et d’inventer des outils pour permettre aux femmes de prendre la parole (ex : alterner systématiquement un homme, une femme, dans les prises de parole)

Marie-George Buffet : « La réforme territoriale avec le scrutin uninominal à un tour va réduire la place des femmes. La lutte pour la proportionnelle est aussi une lutte pour la place des femmes. » 

Gaëlle Lenfant : « Cette réforme est anticonstitutionnelle puisqu'elle ne favorise pas l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. J'ai espoir de faire reculer la droite sur cette loi-là. Il faut mener ce combat là : c’est un combat pour l'ensemble de la citoyenneté. » 

- Se battre pour la proportionnelle.

b. Dans les entreprises et les corps de métier



Les conseils d’administration des entreprises, les conseils de l’ordre des médecins et d’autres professions devraient être paritaires.

- Nécessité de la coercition pour arriver à la parité : la bonne volonté ne suffira pas.

c. Dans les syndicats



Colette Fischer : « Dans tous les syndicats, il y a énormément de machisme. Là où il y a des femmes, elles font avancer les choses. Mais, dans peu d'entreprise, les syndicalistes parlent de l'égalité des femmes et des hommes. Ils ne se sentent pas concernés. »

Dans tous les syndicats, le sexisme sévit. Les femmes y sont peu représentées et défendues en tant que telles. Il n’y a que peu d’entreprises où les syndicalistes s’attachent à la question de l’égalité des femmes et des hommes. Les rapports de situation comparée ne sont que très peu demandés.

5. Laïcité



Sabine Salmon : « Défendons la laïcité pour que les lois religieuses ne prennent pas le pas sur celles de la République. »

L’émancipation des femmes passe par la séparation des pouvoirs politiques et religieux.
- Appuyer la prééminence des lois de la République sur les lois religieuses. 
- Résister face à l’intrusion du religieux dans le politique.

Plus spécifiquement, dans certains quartiers, un intégrisme s’implante depuis longtemps : l’islamisme, à ne pas confondre avec l’islam, est une idéologie qui tue les femmes. Les islamistes font pression sur la gauche pour qu’elle intègre leurs revendications dans les politiques publiques. La gauche n’est pas toujours à la hauteur et leur cède parfois le terrain. 

Carine Delahaies : « On ne gagnera rien sans l'universalité des droits. » 

Universalité des droits : défendre l’égalité des droits par le haut. L’universalité des droits doit être défendue sans aucune concession.

6. Solidarité internationale



Soudeh Rad : « Le féminisme est un combat mondial. Je vous demande plus de solidarité internationale envers les féministes iraniennes, afghanes, … Quand on change la société française, on change aussi le monde. » 

Delphine Beauvois : « Le combat contre les intégrismes religieux en France (disposer de son corps, IVG, ...) soutient les femmes ailleurs. » 


7. Promotion d’une culture féministe



Mimouna Hadjam : « Le féminisme ne se mêle pas que de l'espace public, mais aussi de l’espace privé. C'est un mouvement social radical qui fait peur. Pourtant, le féminisme est un mouvement social pacifiste au contraire du machisme. » 

Delphine : « Les jeunes femmes pensent que l'IVG et la contraception sont des droits acquis qui ne sont pas remis en cause. Nous ne sommes pas assez conscientes des luttes féministes. » 

La société n’est pas assez consciente de la mémoire des luttes féministes. Il n’existe aucune valorisation des luttes récentes pour l’avortement, la contraception, contre les violences, etc. Pourtant, la valorisation du féminisme est importante.

Jacqueline Rouillon, maire de Saint-Ouen : « Les femmes sont au cœur de la vie sociale, mais on ne les entend pas. Il faut que les femmes prennent la parole sur tous les sujets qui concernent la transformation de la société. »

Invisibilité des femmes, malgré leur forte présence dans toutes les sphères de la société.
- Créer les conditions pour permettre aux femmes de prendre la parole (ex : alterner systématiquement un homme, une femme, dans les prises de parole)

Gilles Garnier : « La droite a la volonté de ringardiser le féminisme. Pour elle, ça fait partie du paquet des années 68. En tant que force de gauche, il faut renverser la donne, montrer ce que le féminisme a apporté à la société. L'avancée du féminisme est une avancée globale pour l'ensemble de la société. » 

- Transmettre l’histoire féministe et des luttes des femmes pour leurs droits
- Valoriser l’apport du féminisme à la société

Marie-George Buffet : « Je suis un homme politique pour les journalistes. Les femmes sont invisibles en politique. En tant que ministre, je devais signer les lois comme Le Ministre. » 

- Visibiliser les femmes dans la langue (ex : LA ministre, LA maire, etc. ; parler de droits humains, etc.)

Action contre le sexisme ordinaire (publicités, propos sexistes) :

Delphine Beauvois : « En tant qu'institutrice, je reproduis tous les jours des comportements sexistes. Je me suis inscrite dans un théâtre forum pour me confronter. Il faut développer et généraliser ces actions. »

- Dénoncer systématiquement les propos sexistes des élus (ex : David Douillet)
- Sanctionner les entreprises qui diffusent des publicités sexistes (notamment par l’intermédiaire des subventions)
- Créer une communication et des médias alternatifs respectueux des individus, quel que soit son sexe, son âge, son origine, etc…

Action pour l’égalité :
- Penser une pédagogie de l’égalité et à une éducation non-sexiste dès la maternelle.


RELEVÉ DE DÉCISIONS :



1. Création du réseau « L’égalité, c’est pas sorcier ! »


Il existe une liste de diffusion pour celles et ceux qui souhaitent contribuer à la question de l’égalité des femmes et des hommes dans les programmes des régionales. Pour s’y inscrire, il suffit d’envoyer un message à : legalite-cest-pas-sorcier@googlegroups.com (en cas de problème, envoyez un message à henriette.zoughebi@gmail.com).

2. Réalisation d’un film


L’atelier-forum a été filmé et sera mis à disposition de celles et ceux qui le souhaitent, notamment sur Youtube et Dailymotion. Il pourra permettre d’animer des débats partout en France.

3. Diffusion d’une pétition contre la réforme territoriale


Dénoncer les attaques contre la parité portées par la réforme territoriale, notamment auprès des partis politiques. 

4.Diffusion d’une pétition sur les élus condamnés pour violences sexuelles


Déclarer incompatible un mandat d’élu et une condamnation pour violences sexuelles.


MÉTHODOLOGIE :



1. Articuler les luttes


Les inégalités se nourrissent les unes des autres.
- Lier le combat pour les droits des femmes à l’ensemble des luttes actuelles. Par exemple, articuler la question de l’avortement et le démantèlement du l’hôpital public. 

2. Penser la transversalité du féminisme


Le féminisme est transversal à toutes les questions politiques. Pour chacune, il faut travailler la situation spécifique des femmes.

3. Travailler en réseau


Le travail avec les associations féministes est indispensable pour élaborer des projets et lui donner les moyens d’agir. Les associations et les politiques doivent travailler ensemble.

4. Agir localement pour l’égalité



Arlette Zilberg : « Le Conseil régional peut être un levier formidable pour faire avancer l'égalité. Nous devons nous appuyer sur la Charte pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale (même si elle ne suffit pas). » 

Les lois sont nécessaires, mais en tant qu'élu/E, nous pouvons aussi faire avancer la société au niveau local, en collaboration avec les associations locales, les professionnel/les des collectivités, etc. Les régions, par exemple, peuvent imposer des conditionnalités aux entreprises subventionnées pour les obliger à respecter l’égalité salariale et professionnelle. Elles peuvent aider financièrement les entreprises qui embauchent les femmes dans des secteurs majoritairement occupés par des hommes. Elles peuvent aider les femmes qui entrent en responsabilité syndicale. Il existe une charte pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Même si elle a été signée, sans être mise en œuvre, elle peut servir d’appui ou de point de départ à la construction de projets plus approfondis.

Compte-rendu établi le 25 novembre 2009

vendredi 20 novembre 2009

Emission-débat de Marie-France Chatin de géopolitique sur RFI à l'occasion du 20e anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant,


Samedi 21 novembre à 16h10


La convention des droits de l'enfant a vingt ans. Alors qu'aucune mesure n'oblige les Etats à respecter leurs engagements, la question de son efficacité se pose toujours. 


 Avec :


- Bénédicte Jeannerod UNICEF, 

- Olivier Maurel OVEO auteur de oui la nature humaine est bonne,

- Lionel Quille Amnesty International, 

- Muriel Salmona médecin psychotraumatologue présidente de l'asssociation Mémoire Traumatique et Victimologie