lundi 14 juin 2010

Les violences psychologiques au sein du couple article du Dr Muriel Salmona juin 2010

LES VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES AU SEIN DU COUPLE

Dr Muriel Salmona, juin 2010



La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée "grande cause nationale" pour l'année 2010 ( qui permet aux associations regroupées en collectif d'obtenir des diffusions gratuites de messages sur les radios et télévisions publiques. Le but : mettre sur le devant de la scène la cause défendue. Les chaînes publiques sont tenues de diffuser chacune 12 messages de la campagne retenue). À cette occasion un nouveau délit de violences psychologiques au sein du couple a été voté en première lecture par l'Assemblée Nationale le 25 février 2010.

Ce délit de violence psychologique est défini par "des actes qui peuvent être constitués de paroles et/ou agissements, d'une dégradation des conditions de vie de la victime entraînant une altération de sa santé physique ou mentale". La peine maximale encourue est de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.


Pour la Docteure Marie-France Hirigoyen dans un couple, les coups sont toujours précédés d’humiliations et de comportements vexatoires. "Il n’y a jamais de violence physique s’il n’y a pas eu auparavant de violence psychologique".


Les violences conjugales sont un processus au cours duquel un partenaire ou un ex-partenaire adopte à l'encontre de l'autre des comportements agressifs, violents et destructeurs. il s'agit d'une violence spécifique « dirigée contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques y compris la menace de tels actes » (article 2-ONU, 1993), qui « s'analyse comme un moyen de contrôle de la femme ayant ses racines dans le rapport de pouvoir inégal entre l'homme et la femme » (Rome,1993), violence spécifique et intentionnelle.


Le recours à la violence a pour objectif le contrôle et la domination de l'autre, la victime est sous emprise de l'agresseur.


La violence psychologique est un formidable instrument de soumission. Elle entraîne par la sidération psychique et le stress extrême qu'elle génère face à des situations incohérentes, injustes, incompréhensibles et intolérables une atteinte de l'intégrité psychique des victimes : un psychotraumatisme. L'auteur des violences utilise ces troubles psychotraumatiques qu'il crée chez la victime pour assoir son emprise.


Les violences psychologiques sont une arme très efficace pour dominer, soumettre et instrumentaliser les victimes et les mettre au service du confort physique, sexuel, psychique, financier de l’auteur, les transformant en esclaves, en thérapeutes, en «médicament-drogue» pour s’anesthésier, en «figurantes» pour jouer un rôle dans sa mise en scène, en source de revenus.


Elles sont une véritable entreprise de démolition identitaire utilisée pour conditionner les victimes à se soumettre, à se ressentir comme n’ayant aucune valeur, inférieure, incapable, incompétente, coupable, honteuse, inintelligente, à penser n’avoir aucun droit, à être réduite à une chose.


Elles ont pour but:


  • de créer un climat d’insécurité physique et émotionnelle, voire de terreur par des conflits à tout propos, des intimidations, des menaces, des chantages, des sous entendus, une agressivité et une hostilité permanente, des colères, une intolérance à la moindre contrariété ou opposition, des attitudes dures et cruelles, un non respect de la vie familiale, des horaires, de la participation financière
  • de créer un climat de contrainte, de contrôle et d’isolement par une surveillance continuelle (sorties, dépenses, fréquentations, habillement, etc.), des règles de vie imposées, un harcèlement, une séquestration, un non respect de l’intimité
  • de créer un sentiment d’infériorité, de dévalorisation et d’humiliation par des dénigrements, des critiques et des paroles blessantes sur le physique, l’expression verbale, les capacités intellectuelles, le travail, les tâches domestiques, l’éducation des enfants, la sexualité), une indifférence, un mépris affiché
  • de créer un climat de culpabilisation et de sentiment d’incompétence par des plaintes et des critiques continuelles, des exigences irréalistes, des attitudes de rejets, de frustration, de jalousie
  • de créer un sentiment de confusion et de doute par des attitudes et des messages incohérents et contradictoires, des mensonges, des manipulations, des interprétations et des critiques injustes, des mises en scène, une non reconnaissance, une négation ou un mépris des besoins fondamentaux, des émotions, des sentiments et de la souffrance de la victime.


Ces violences reposent sur des impostures, des mensonges, des manipulations émotionnelles et des abus de pouvoir.


Elles sont intentionnelles et sont mises en scène sous couvert d’amour (jalousie, contrôle, chantages, violences sexuelles), d’éducation, de sécurité, d’économie, de responsabilité, de nécessité pour faire pression, contraindre et soumettre.


Elles sont toujours présentées comme étant dues à l’attitude de la victime, survenant par sa faute (tu m’as énervé, tu es insupportable, tu fais tout pour me mettre hors de moi, pour me contrarier, me frustrer, etc.), alors qu’elles sont «fabriquées» de toute pièce pour les besoins de l’auteur qui peut s’autoriser ces mensonges grâce aux stéréotypes sexistes et aux inégalités tolérées par la société.

L’auteur sait que ces violences sont illégitimes, et qu’elles portent atteintes aux droits et à la dignité de la victime, mais il peut se permettre dans le huis-clos familial de se comporter comme un tyran en toute impunité.


Ces violences psychologiques sont souvent présentes dès les premières rencontres mais elles sont noyées dans un climat de séduction. Elles sont repérées mais la conjointe ne s’autorise pas à en tenir compte du fait des stéréotypes sexistes véhiculés par la société (les hommes c’est comme ça ils sont maladroits, ils sont exigeants, ils ont des besoins sexuels, dans un couple il faut faire des concessions, les femmes sont plus sensibles et romantiques, c’est normal d’être au service de l’homme que l’on aime) et du fait qu’elle pense que ce n’est pas intentionnel (il ne se rend pas compte, il a souffert, je vais le changer, lui expliquer…)


Elles vont s’intensifier ensuite progressivement tissant une toile d’araignée autour de la victime au fur et à mesure de son engagement et des efforts qu’elle va déployer pour s’adapter aux situations de violence, les anticiper, les éviter, y survivre.


La femme victime sera consciente des violences et de l’enfer qu’elle vit mais elle sera prise au piège car :

  • ses analyses et ses émotions seront continuellement disqualifiées et niées par l’auteur (c’est pas si grave, tu exagères, c’est de la comédie, etc.)
  • l’auteur entretient un sentiment de culpabilité et d’incompétence chez elle (t’es bonne à rien, tu me rends malheureux, t’es folle, tu ne vaux rien, personne ne voudra de toi, avec tout ce que j’ai fait pour toi, t’as vu comme tu es moche, etc.) qui l’empêche de penser que l’auteur n’a pas le droit de se conduire ainsi et qu’il le fait intentionnellement
  • les violences répétées seront à l’origine de troubles psychotraumatiques qui entraînent un état de dissociation et d’anesthésie émotionnelle qui vont l’empêcher de comprendre ses réactions et ses émotions :
    • d’un côté elle sait qu’il s’agit de violences graves mais comme elle est coupée de ses émotions, elle doute
    • de l’autre elle est submergée par des émotions qu’elle ne peut pas relier à des situations précises qui surviennent à l’improviste et qui lui font craindre d’être folle
    • cet état de doute, d’incertitude, de confusion permet à l’auteur de mettre en place une emprise, de la manipuler et de lui dicter des émotions, de lui imposer des pensées et un rôle dans sa mise en scène


La violence conjugale n'est pas le résultat d'un conflit. La violence conjugale est un processus d'emprise qui se développe à travers des cycles dont l'intensité et la fréquence augmentent avec le temps.


Les périodes d'escalades et les phases d'explosions de violence se succèdent, entrecoupées de périodes de rémission durant lesquelles le conjoint minimise les faits et justifie son comportement et promet de ne plus recommencer, périodes dites de "lune de miel", plus le cycle se répète, plus l'emprise est forte sur la victime, plus ces "lunes de miel" sont courtes.


L'évolution suit une courbe croissante qui va de la moindre à la plus grande dangerosité : agressions psychologiques (qui peuvent durer des années), violence verbale, agression physique, tentative d'homicides; dans la majorité des cas le comportement du conjoint violent est de plus en plus dangereux avec le temps.


L'agresseur développe une véritable addiction à la violence


Il constate qu'aucune conséquence n'a découlé de ses actes violents, il bénéficie d'une totale impunité, le climat de domination peut se réinstaller, le cycle recommence et s'aggrave = il est essentiel de l'arrêter le plus précocément possible.


Les violences dans le couple ont de graves conséquences sur la santé mentale et physique des femmes qui les subissent.


Mis à part les conséquences traumatologiques directes des violences physiques (avec 1 femme tuée tous les 2 jours 1/2), les conséquences sur la santé mentale et physiques sur les femmes victimes de violences dans le couple qu'elles soient physiques, verbales, sexuelles ou psychologiques sont directement liées à l'installation de troubles psychotraumatiques sévères.

Les femmes victimes de violences dans le couple du fait du caractère particulièrement grave du traumatisme subi (du à l'intentionnalité, les liens avec l'agresseur, l'impuissance et l'incompréhension, l'injustice, l'atteinte à la dignité et à l'intimité, la répétition et la durée) sont particulièrement exposées à des conséquences psychotraumatiques avec de lourdes répercussions sur leur santé pouvant représenter un risque vital (état de stress post-traumatique, dissociation traumatique, dépression, risque suicidaires, troubles anxieux généralisés, troubles de la personnalité, addictions, troubles des conduites et du comportement avec mise en danger, accidents, maladies liées au stress).


Ces troubles psychotraumatiques sont dans le cadre des violences dans le couple particulièrement graves, durables et fréquents ( 58 % d'état de stress-post-traumatique/ 24% chez l'ensemble des victimes de traumatismes – Astin, 1995) avec des chiffres encore plus importants quand des violences sexuelles sont présentes ( 80 %/ 24% - Breslau et al., 1991) et sont responsables de nombreuses conduites paradoxales des victimes (confusion, banalisation, tolérance, dépendance à l'agresseur, conduites à risques) qui rendent la prise en charge difficile.


Ces troubles psychotraumatiques chez les femmes victimes de violences dans le couple sont méconnus des professionnels, sous-estimés, très peu diagnostiqués et donc rarement pris en charge, au mieux tardivement (faute de formation initiale des professionnels de la santé et du nombre très faible de consultations spécialisées en psychotraumatologie). Or une prise en charge précoce est essentielle, le traitement permettant une amélioration importante (cf étude 92).


Les violences conjugales sont à l'origine d'importants traumatismes sur les enfants qui en sont témoins et qui les subissent.


Lors de violences conjugales les enfants vont grandir dans un climat de grande insécurité et de terreur et vont être témoins ou victimes directes de ces violences. La majorité (près de 60 %) de ces enfants, s'ils ne sont pas efficacement protégés et pris en charge, développeront des conséquences psychotraumatiques graves et durables sur leur santé physique et psychique avec une grave souffrance mentale, des retentissements sur leur développement psycho-moteur, leur scolarisation, leur socialisation et leur vie affective à long terme, et auront un risque d'être à nouveau victime de violences tout au long de leur vie, et un risque également important de présenter des conduites agressives, des conduites à risque, des conduites délinquantes et des troubles psychiatriques à l'âge adulte (Rossman-2001), 40 à 60 % d'hommes violents avec leur partenaires ont été témoin de violences conjugales dans l'enfance.


La violence psychologique est toujours présente lors des violences conjugales et elle est à l'origine d'un climat d'insécurité mentale et émotionnelle permanent

L'arme principale utilisée lors de violence psychologique est l'incohérence communicationnelle, incohérence au niveau des propos, des attitudes, des réactions, des comportements, des émotions, associé à la mise en place de tout un climat d'intimidation, de pression, de dénigrement, de critiques incessantes et d'humiliation. Cette incohérence et ce climat va rapidement déstabiliser la victime et entraîner chez elle une paralysie psychique, une grande confusion, une importante douleur morale et des stratégies de survie et d'évitement qui vont entraîner la détérioration de son image et un sentiment douloureux d'incompétence que ce soit au niveau intellectuel, comportemental, relationnel, social et émotionnel très culpabilisant. Ce processus transforme la victime en esclave soumise, robotisée, sous emprise à la merci de l'agresseur. Elle se retrouve prisonnière d'une véritable toile d'araignée dont les fils sont très difficiles à identifier, d'autant plus que la stratégie de l'agresseur est difficile à voir, celui-ci paraissant toujours soit avoir raison ou soit ne pas avoir fait exprès ou ne pas s'être rendu compte, ou ne pas avoir bien compris… son intentionnalité et la préméditation de ces actes n'étant pas perçus comme tels.



Toutes les conséquences médicales psychologiques et physiques sont liées à des mécanismes psychotraumatiques générés par les situations de peur et de stress extrêmes provoquées par les violences et le risque vital cardiologique et neurologique qu'elles entraînent (survoltage) qui imposent la mise en place de mécanismes neuro-biologiques exceptionnels de sauvegarde (disjonction pour échapper au survoltage) et qui sont à l'origine d'une mémoire traumatique et d'une dissociation avec anesthésie émotionnelle.

Les violences particulièrement quand elles sont répétées, incompréhensibles, incohérentes, injustes, monstrueuses comme les violences intra-familiales de l'enfance ou les violences conjugales sont à l'origine de la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde (le stress extrême que la violence crée, entraîne un risque vital cardio-vasculaire et neurologique) qui font disjoncter le circuit émotionnel au niveau cérébral (système limbique) avec des drogues endogènes dures (endorphines et drogues kétamine like), la réponse physiologique au stress s'éteint et une anesthésie émotionnelle et physique s'installe avec un état dissociatif (de conscience altérée) et des troubles de la mémoire : amnésie (de tout ou partie de l'événement à partir de la déconnexion) et mémoire traumatique (mémoire émotionnelle piégée, isolée, non intégrée) véritable bombe à retardement, hypersensible, incompréhensible (car non verbalisée), qui peut s'allumer à l'occasion de toute situation rappelant inconsciemment tout ou partie de l'événement jusqu'à des dizaines d'années après l'événement en redéclenchant la détresse, la terreur, la souffrance initiale, à l'identique.

La vie devient alors un terrain miné, de très nombreuses situations, l'exposition continuelle aux violences, le moindre lien avec les violences subies sont susceptibles de faire "exploser" cette mémoire traumatique sans possibilité de comprendre l'origine de cette détresse, ni de la calmer, rendant nécessaire la mise en place de conduites d'évitement handicapantes. Quand ces dernières sont mises en échec, seules des conduites dissociantes souvent paradoxales peuvent calmer cet état, il s'agit de refaire disjoncter le circuit émotionnel en augmentant le stress ( conduites auto-agressives, conduites à risques, conduites addictives, conduites de dépendance à un agresseur qui par le risque, la terreur qu'elles produisent sont à même de faire disjoncter ) et ainsi de “s’auto-traiter” en déclenchant une anesthésie émotionnelle grâce à la disjonction.

Ces conduites dissociantes qui s'imposent aux victimes et dont elles ne veulent surtout pas, sont pour elles incompréhensibles, très douloureuses, stigmatisantes et déroutantes pour leur entourage et les professionnels qui les aident, elles sont responsables d'un important sentiment de culpabilité et de la très grande difficulté qu'ont les victimes de violences de se séparer de leur agresseur.

Les agresseurs connaissent bien, par expérience, ces phénomènes dont ils profitent pour assurer leur emprise et disposer "d'esclaves" instrumentalisables à merci pour être dévoués à leur confort matériel, mental et physique. Étant eux-mêmes le plus souvent aux prises avec une mémoire traumatique, ils les utilisent à la fois pour gérer à leur place les conduites d'évitement et pour se dissocier grâce aux explosions de violence qu'ils font subir aux victimes, ce qui leur permet de s'anesthésier (les victimes sont leur drogue avec les mêmes phénomènes de dépendance, de tolérance et d'accoutumance qui font s'aggraver de plus en plus les violences : cycle de la violence).




La mémoire traumatique et la dissociation sont responsables de toutes les conséquences médicales (somatiques et psychologiques) les plus sévères les plus chroniques et les plus handicapantes.

Elles entraînent une très grande souffrance psychologique (9,1 sur une échelle de 1 à 10 cf étude 92 de 2008) et physique, un sentiment de danger permanent, d'insécurité et de perte de confiance, une hypervigilance, une insomnie, une tension psychique et physique, responsable de douleurs et de fatigue chroniques, une sensation d'être étranger au monde, d'être différent, de déréalisation, de dépersonnalisation, de confusion, de désorientation, d'isolement, un état de stress post-traumatique chronique avec des troubles anxieux généralisés angoisses, attaques de panique, phobies, des troubles dépressifs (50 %) avec des idées suicidaires et des tentatives de suicide (x25), des troubles cognitifs importants avec des troubles de la concentration, de l'attention, une diminution des performances, des absences, des conduites à risques avec mises en danger, conduites addictives (alcool, drogues, médicaments, jeux), troubles de l'alimentation, conduites paradoxales de dépendance à l'agresseur, reproduction de violences, des maladies liées au stress.


Rapidement, les conséquences psychotraumatiques des violences font que la victime quelque soit son courage, ses capacités peut :

Se sentir seule, abandonnée, incomprise, désespérée, ne croyant plus à l'avenir, ayant l'impression d'être un boulet, ne s'intéressant plus à rien - Stressée, tendue, angoissée voire paniquée à certains moments, très émotive, agitée, sur ses gardes, se sentant continuellement en danger, irritable voire agressive, méfiante - Fatiguée, épuisée même, insomniaque, tout le temps malade, fumant trop, buvant trop, mangeant trop (ou pas assez), consommant trop de médicaments, se plaignant sans cesse de douleurs chroniques, consultant souvent les médecins, souvent accidentée, souvent hospitalisée, souvent en arrêt - Perdue, doutant de tout, confuse, se sentant étrangère au monde et à soi-même, se plaignant d'oublier tout, de rien comprendre, de ne pas être capable de se concentrer, de tout rater, d'être incapable de faire ce qu'il faut, dépassée par les évènements, ayant peur de tout ce qu'elle ne connaît pas, anesthésiée émotionnellement dans de nombreuses situations - Ayant des difficultés à faire face à ses obligations, son travail, ses démarches administratives, gérer ses dépenses, s'occuper des enfants, s'occuper de la maison, s'occuper d'elle, se soigner, ayant l'impression de ne faire que des choix catastrophiques - Avec une estime de soi catastrophique, se trouvant nulle, moche, bête, invivable, ayant honte, se sentant coupable de tout, pensant que tout irait mieux sans elle.


Ce sont des conséquences normales et habituelles des situations de violences, elles ne sont pas dues à des caractéristiques intrinsèques de la victime, toutes les victimes de violences peuvent développer ces troubles :

Tous ces symptômes servent l'agresseur, et desservent la victime, rendent la victime encore plus vulnérable et manipulable, l'isolent, la décrédibilisent à ses propres yeux et aux yeux de tous ses proches et de tous ceux qui la côtoient. Ils justifient à posteriori les violences faites (« elle est invivable, insupportable, incapable, folle .. », « le pauvre comment arrive-t-il à la supporter ?») et inverse la culpabilité. Rendent souvent les secours et les aides moins efficaces (découragement), voire génèrent de nouvelles violences de la part de ceux qui devraient l'aider (famille, professionnels qui lui font la morale, la juge, la rejette, ne la croit pas, l'abandonne...). Ils représentent un risque vital, un risque pour l'intégrité physique, psychologique, sociale, affective et personnelle, un risque de subir à nouveau des violences, d'avoir des conduites violentes. Seuls des secours, un soutien efficace et une prise en charge la plus précoce possible peuvent éviter ou atténuer ces conséquences.


Ces mécanismes neuro-biologiques de disjonction et leurs conséquences expliquent les symptômes psychotraumatiques et les troubles du comportement et des conduites des victimes qui paraissent souvent paradoxaux et totalement incompréhensibles à l'entourage, aux professionnels qui les prennent en charge et aux victimes elles-mêmes :

- Comme la confusion, la désorientation, les troubles de la mémoire, les mises en danger, la tolérance, la minimisation et la banalisation de certaines violences du fait de la dissociation et de l'anesthésie émotionnelle liée à la disjonction :

  • dissociée la victime sait "intellectuellement que les violences sont graves mais elle n'a pas d'émotions qui puissent soutenir ce savoir donc elle doute, et inversement quand elle est angoissée, qu'elle fait des attaques de panique elle n'a pas les représentations intellectuelles pour faire un lien avec les violences, elle a du mal à se dire si je suis si mal, si j'ai tous ces symptômes, ces phobies, etc. c'est à cause des violences
  • de plus l'état de sidération psychique au moment des violences fait que la victime est dans l'incapacité de contrer et de s'opposer intellectuellement aux injures, propos humiliants et rabaissants de l'auteur, les paroles dénigrantes vont être mémorisées telles quelles dans l'amygdale de façon traumatique et non consciente, ces propos vont revenir sans cesse dans sa tête et envahir sa pensées comme si c'était elle qui les produisait : "t'es nulle, t'es moche, t'es folle, t'es incapable, tu vaux rien, pauv'conne, salope, etc., mais aussi "tu aimes ça". Ces réminiscences qu'elle n'identifie pas comme telle vont la persuader qu'elle se pense comme n'ayant aucune valeur" (c'est ce que l'on peut appeler un lavage de cerveau)
  • la dépendance au conjoint violent, les multiples échecs lors de la séparation avec des retours avec le conjoint violent, des retraits de plaintes, le fait que les victimes n'arrivent pas à dénoncer dans la durée leur conjoint vis à vis desquels elles développent une dépendance (syndrome de Stockholm) : paradoxalement elles peuvent se sentir "mieux" (en fait plus dissociées et anesthésiée) avec leur agresseur que mises à l'abri dans un premier temps (du fait de la mémoire traumatique et des réminiscences qui génèrent une grande détresse), elles peuvent alors renoncer à les quitter en pensant que leur compulsion à se remettre en danger (conduite dissociante pour échapper à la mémoire traumatique) veut dire qu'elle l'ont dans la peau, bien qu'elles soient conscientes qu'il s'agit de la dernière chose à faire.

Il est indispensable de rassurer les victimes, de leur redonner une dignité en leur expliquant que les mécanismes des psychotraumatismes sont des réactions normales aux situations anormales que sont les violences, d'aider la victime à comprendre ce qui lui arrive, à se reconnaître comme victime, à comprendre qu'il est normal d'avoir des symptômes, à comprendre les mécanismes psychotraumatiques, à se déculpabiliser, à ne plus avoir honte et à pouvoir mieux lutter contre des conduites et des comportements dangereux. Démonter le système agresseur, identifier l'incohérence et la stratégie et l'intentionnalité à l'œuvre pour aider la victime à mieux se défendre, à dénoncer les violences, à ne plus être manipulée, à être lucide, à pouvoir anticiper les agressions et à ne plus être sous emprise.


Ces mécanismes neuro-biologiques de disjonction et leurs conséquences expliquent aussi certains comportements violents des conjoints. Ces violences sont des conduites dissociantes addictives, anesthésiantes, d'auto-traitement pour échapper à leur mémoire traumatique (souvent liées à des violences subies dans l'enfance, ou l'exposition enfant à des violences conjugales) les femmes sont grâce à un rapport de domination instrumentalisées comme des drogues pour soulager un mal être, une souffrance qui n'a aucun rapport avec leur réalité, qui n'est en aucun cas lié à elles, elles se retrouvent sommées de jouer un rôle dans une histoire qui ne les concerne pas:

Le rapport de force offert par une une société inégalitaire permet à l'homme d'instrumentaliser sa femme (et souvent ses enfants) pour son confort personnel en l'obligeant à développer pour lui des conduites d'évitement pour éviter l'allumage de sa mémoire traumatique et quand celle-ci explose malgré tout à l'utiliser comme une drogue lui permettant de se dissocier grâce aux violences qu'il exerce sur elle, et de s'anesthésier. Les hommes violents peuvent s'autoriser à exercer des violences sur leur femme, les enfants, le plus souvent en toute impunité, sans se poser de question sur leur comportement incohérent et totalement injuste. Comme toute conduite addictive un phénomène de dépendance et de tolérance va s'installer qui va entraîner une augmentation inexorable des violences.

Les femmes décrivent souvent leur conjoint comme n'étant plus lui-même au moment des violences, comme devenant un monstre. Celui-ci est envahi par sa mémoire traumatique, il rejoue une scène traumatique de son passé et entraîne de force sa femme sur cette scène en exerçant des violences sur elle. Ce déchaînement d'incohérence et de violence est totalement incompréhensible et terrifiant pour les femmes qui vont chercher désespérément à comprendre ce qu'elles ont bien pu faire et s'épuiser à trouver sans succès un sens à ce qui s'est passé. Il est essentiel qu'elles puissent se désolidariser d'une histoire qui n'est pas la leur et refuser d'y jouer un rôle en renvoyant leur conjoint à leur histoire et leurs symptômes dont ils doivent être responsables.

Au total

Il faut identifier et dénoncer les violences, dépister et diagnostiquer et traiter leurs conséquences : les troubles psychotraumatiques, faire sortir les victimes de violences de leur isolement, rompre la loi du silence, leur permettre un accès facilité à des prises en charges spécialisées (beaucoup trop rares encore) qui leur donneront des outils efficaces pour se comprendre, pour se protéger, pour sortir de la mémoire traumatique, pour lutter contre les conduites dissociantes qui sont à l'origine des plus grandes souffrance et des violences faites à soi-même.

La violence n'est pas une fatalité. Il faut se battre pour une société plus égalitaire, contre toutes les formes de domination masculine et patriarcale, tous les stéréotypes sexistes, contre toutes les discriminations, contre la loi du plus fort qui permettent que les conduites dissociantes violentes soient utilisées en toute impunité contre ceux désignés comme "inférieurs", essentiellement les femmes, les enfants, les adolescents, mais aussi toutes les personnes en situation de vulnérabilité. Les conjoints violents enfin peuvent et doivent se faire traiter, il s’agit de les “désintoxiquer" de leur recours à la violence comme conduite dissociante et de les sortir d’une anesthésie affective qui les rend particulièrement dangereux. La violence produit de la violence de façon transgénérationnelle par l'intermédiaire de la mémoire traumatique et des conduites dissociantes, les enfants exposés à la violence conjugales sont à risque d'être violent envers eux-mêmes ou devenir des adultes et des conjoints violents.

Dr Muriel Salmona








mercredi 2 juin 2010

Documentaire "le fichier de la honte" de Karl Zéro et de Serge Garde diffusé sur le site 13ème RUE




Les faits Karl Zéro, Le fichier de la honte.

Documentaire intégral (90 mn) Serge Garde.


Avec une interview de Muriel Salmona


http://www.13emerue.fr/webtv/les-faits-karl-zero/les-faits-karl-zero-le-fichier-de-la-honte.htm


Un réseau pédophile découvert d'après un CD ROM de 8000 photos, dit «fichier de Zandvoort».


Des enfants torturés, violés.


Découvert en 1998 à Zandvoort aux Pays-Bas, son propriétaire a été assassiné en Italie.


Qui sont ces enfants ? Que fait-on pour les retrouver ?


Malgré la reconnaissance de plus de 80 enfants, dont certains victimes dans de célèbres procès comme celui des Disparues de l'Yonne, les actions d'associations comme Innocence en Danger, ou les interrogations préoccupantes d'un rapporteur de l'ONU, la justice conclut à un non lieu et le fichier ne sera plus jamais évoqué.


Pourquoi un tel silence autour des réseaux pédophiles ?


Karl Zéro et Serge Garde, le journaliste qui a révélé l'existence du fichier en 2000 dans le quotidien l'Humanité, ré-ouvrent ce dossier particulièrement troublant.

Dans leur enquête à travers l'Europe, ils ont obtenu des témoignages exclusifs de victimes, de journalistes, de policiers, de spécialistes et celle d'un homme violé dans son enfance en lutte contre ses pulsions pédophiles.


Première diffusion du documentaire sur 13ème RUE le mercredi 26 mai 2010. À cette occasion, 13ème RUE soutient l'association Innocence en danger, qui lutte contre la pedo criminalité et aide les victimes.

http://innocenceendanger.org/


Quelques chiffres donnés par Innocence en Danger sur son site :

Selon un récent rapport de l'ONU (septembre 2009) il y aurait plus de 4 millions de sites pédopornographiques sur internet
1 enfant sur 5 aujourd'hui a été sollicité sexuellement sur internet
40 % des 11-17 ans a été au moins une fois confronté à des informations ou à des images choquantes ou traumatisantes sur internet (DIF 2007)

  • Sites pédo-pornographiques sur Internet

KRIPOS, le service norvégien d’investigation de la criminalite, a communique une etude sur les habitudes des internautes surfant sur les sites pédocriminels.

D’apres une étude de KRIPOS (service norvégien d’investigation de la criminalité), sur les habitudes des internautes surfant sur les sites pédocriminels, la plupart des tentatives d’accès aux sites pedophiles ont lieu la nuit.
Cependant, plus d’1/3 de ces tentatives ont lieu pendant les heures de travail, entre 8h et 17h. Cela pourrait signifier que des personnes tentent d’accéder à ces pages au bureau. Depuis sa mise en place en novembre 2004, le filtre de KRIPOS a bloque 550.000 tentatives d’accès a des sites pédophiles, dont 189.000 ont eu lieu en journée. A noter que le pic des accès en journée a lieu a l’heure du déjeuner.

16 Septembre 2009 : 750.000 sont des prédateurs sexuels rôdent en permanence l’Internet dans le but d’établir un contact avec les enfants, annonce un rapport des Nations Unies a averti mercredi.

2008:
La France est (en Europe) le 2e consommateur de pédopornographie sur Internet (après l’Allemagne) et le 4e au niveau mondial. (OCRVP-Office central de répression des violences aux personnes, juin 2008)

Juin 2008 :
Plus de 385 sites pédo-pornographiques identifiés comme tels par la police française en juin 2008 font partie de la liste de sites sont l’accès sera bloqué par les FAI à la demande du Ministre de l’Intérieur*.

14.465 signalements de sites pédo-pornographiques ont été faits à OCLCTIC (Police) Juin 2007.

Cependant 60% des malencontreuses rencontres (avec des pédocriminels) ne sont pas signalées et demeurent inconnues car les gens n’osent pas dénoncer ou ne savent pas à qui et où s’adresser. Une campagne nationale d’information sera lancée à la rentrée 2008 pour informer le grand public et de faire connaitre la Plateforme de signalement de la police: www.internet-mineurs.gouv.fr


Colloque à Reims le 17 juin sur "violences psychologiques au sein du couple et psychotraumatismes"


cliquez sur les images pour les agrandir

Colloque à Reims
organisé par la DDDFE et le CIDFF de la Marne

VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES AU SEIN DU COUPLE
ET PSYCHOTRAUMATISMES

Intervention par le Dr Muriel Salmona