jeudi 21 avril 2022

Prise en charge des conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance sur la santé des victimes : un impératif humain et une urgence de santé publique 15 mesures à mettre en place en urgence avril 2022

 Prise en charge des conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance sur la santé des victimes : un impératif humain et une urgence de santé publique

15 mesures à mettre en place en urgence


Dre Muriel Salmona, février 2022

psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie

memoiretraumatique@gmail.com

https://www.memoiretraumatique.org



INTRODUCTION


Les violences sexuelles faites aux enfants - viols, agressions sexuelles et harcèlement sexuel - font partie des plus graves violations des droits humains (le droit européen les reconnaît comme des actes cruels dégradants et inhumains, et le droit international de plus en plus comme des tortures). Ces violences ne sont pas tolérables et rien ne peut les justifier, la loi les interdit et les punit. Ce sont des délits et des crimes avec des circonstances aggravantes qui portent gravement atteintes aux droits fondamentaux, à l’intégrité physique et mentale et à la dignité des victimes. Les États ont une obligation internationale de les prévenir et de les punir.


Très traumatisantes, ces violences sont dévastatrices à court, moyen et long termes sur la santé mentale et physique des victimes et sur leur vie, si elles ne bénéficient ps de la protection et des soins spécifiques qui leur sont nécessaires. Or, comme nous allons le voir, la protection et la prise en charge des victimes est défaillante en France ce qui entraîne une grave et scandaleuse perte de chance pour les victimes. Cette situation est intolérable et des mesures urgentes doivent être mises en place pour y remédier. 


Après avoir fait un état des lieux des connaissances sur les violences sexuelles faites aux enfants, sur les conséquences sur leur santé et sur leurs prises en charge, nous demandons en fin d’article que 15 mesures soient prises en urgence.


CHAPITRE I :  ETAT DES LIEUX


Ces violences sexuelles faites aux enfants sont dune grande ampleur, elles sont systémiques et discriminatoires et sont commises dans tous les milieux sociaux et dans tous les espaces de vie des enfants, sans exception. 


Ces violences sont avant tout sexistes (plus de 80% des victimes sont des filles et 90% des agresseurs des hommes ou des garçons) et s’exercent dans un rapport d’inégalité, de domination et d’exploitation de la vulnérabilité des victimes : vulnérabilité liée à leur jeune âge, à une situation de handicap, à des contextes de discrimination, d’adversité, d’insécurité et de grande précarité (enfants ayant subis d’autres formes de violences, enfants hospitalisés, orphelins, placés, immigrés, réfugiés, sans abri, enfants délaissés au sein de leur famille, enfants exposés à la violence conjugale, la maladie mentale, l’alcoolisme, la toxicomanie, l’adhésion à une secte, la délinquance ou l’incarcération d’un de leurs parents, enfants exposés à des situations de conflits, de persécution, de famine…). Et les conséquences des violences sexuelles en ne faisant qu’accroître les inégalités, les handicaps, la précarité et les discriminations subis par les victimes, les rendront encore plus vulnérables à de nouvelles violences (avec pour les filles un continuum de violences subies tout au long de leur vie).


Avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance est un facteur de risque majeur d’en subir  à nouveau tout au long de sa vie pour les femmes, et un facteur de risque d’en commettre pour les hommes (dans une étude de 2017 de l’ONU, pour une femme avoir subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance multiplie par 19 le risque de subir des violences sexuelles et/ou conjugales à l’âge adulte, et pour un homme avoir subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance multiplie par 14 le risque de commettre des violences sexuelles et/ou conjugales à l’âge adulte. Ces risques directement liés aux conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles comme nous le verront, pourraient être évités si les victimes étaient protégées et soignées.


Pour rappel :


Les enfants sont les victimes principales des violences sexuelles et parmi eux les filles sont les plus touchées (83% de filles pour 17% de garçons) ainsi que les enfants les plus vulnérables et plus discriminés : enfants handicapés (4 fois plus victimes de violences sexuelles, 6 fois plus si le handicap est mental ou psychique), enfants en grande précarité, orphelins, placés en institutions, enfants racisés, etc. (VIRAGE, 2017 ; ONDRP, 2017 ; MTV/Ipsos, 2019, Danmeyer, 2016).


Les agresseurs sont des hommes dans 9 cas sur 10, qui sont mineurs dans 25 à 30% des cas. Dans la très grande majorité des cas (90%) ils sont connus de la victime et dans la moitié des cas ils sont membres de la famille (IVSEA, 2015 ; VIRAGE, 2017 ; MTV/IPSOS, 2019, enquête « Cadre de vie et sécurité » INSEE - ONDRP - SSMSI, 2012-2019).


Parmi le nombre impressionnant de Français·e·s ayant été victimes de violences sexuelles une petite minorité est connue des services médico-sociaux, dassistance, de police et de justice, et un nombre encore bien plus faible bénéficie dune prise en charge optimale en terme de protection, soins spécialisés, aides sociales, justice et réparations : le déni, la loi du silence et l’impunité règnent.


En France, il y a une faillite totale des services et des institutions de l’État qui ne remplissent pas leurs obligations internationales et européennes de garantir protection, prise en charge, justice et réparations aux victimes de violences sexuelles, ainsi que poursuites et condamnations des auteurs. Pour les enfants victimes et les adultes qu’ils deviennent la perte de chance est considérable en terme de sécurité, santé et de qualité de vie.


Des violences dune ampleur considérable


Dans le monde : si une femme sur trois a subi des violences physiques et ou sexuelles, le plus souvent dans le cadre intra-familial et conjugal (les femmes autistes sont 90% à avoir subi des violences sexuelles), ce sont une fille sur cinq et qui garçon sur treize ont subi des violences sexuelles par un membre de la famille dans la moitié des cas.

En France : la dernière enquête de victimisation en population générale de la CIASE- Inserm/Ifop de 2020 montre que 27,1% des 28 010 personnes interrogées de plus de 18 ans (19,2% des femmes et 7,9% des hommes) déclarent avoir subi des violences sexuelles dans leur vie dont la très grande majorité (près de 80%) avant 18 ans, ce qui confirme les résultats de notre grande enquête IVSEA de 2015 (81% des violences sexuelles étaient subies avant 18 ans). Cela fait un·e Français·e sur cinq (14,2 % des femmes et 6,9% des hommes) victime de violences sexuelles dans lenfance, le plus souvent dans le cadre de la famille, 6,11% des Français·e·s ayant subi un inceste (pour lOrganisation Mondial de la Santé (OMS, 2014) une femme sur cinq et un homme sur treize ont subi des violences sexuelles dans lenfance). À partir de cette enquête une estimation basse chiffre à 160 000 le nombre denfants victimes chaque année de violences sexuelles. 


D’après d’autres enquêtes de victimation 81% des violences sexuelles ont débuté avant 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans, et plus de 60% des viols sont commis sur des mineur·e·s (IVSEA, 2015, CSF, 2008). L’âge moyen des victimes de violences sexuelles est de 10 ans (MTV/IPSOS, 2019).


En ce qui concerne les viols d'après les dernières données du Baromètre santé 2016 de lINED qui fait un suivi de lenquête Contexte Sexualité en France de 2006 : 18,9 % des femmes et 5,4% des hommes de 18-69 ans déclarent avoir déjà été confronté·e·s à des rapports forcés ou à des tentatives de rapports forcés (viols et tentatives de viols). Ces viols ont été subis majoritairement avant 18 ans, et sont commis dans 90% des cas par des personnes connues, le plus souvent des conjoints (viols conjugaux) et pour les mineurs par des membres de la familles (viols incestueux). Chaque année au moins 94 000 femmes et 18 000 hommes subissent des viols et des tentatives de viols (INSEE-ONDRP CVS 2012-2019) et par extrapolation, avec ces enquêtes on peut estimer que plus de 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols et tentatives de viols chaque année. Ce serait donc environ 277 000 personnes (adultes et enfants) qui subiraient chaque année des viols et tentatives de viols.


Dautre part la pédocriminalité explose dans le monde, chaque année le nombre de photos et de vidéos pédocriminelles répertoriées comme étant disponibles sur le net double, 70 millions en 2020), la France en nombres de sites et de consommateurs dimages pédocriminelles est le 3 ème pays au Monde et le deuxième en Europe après les Pays-Bas.Laila Mickelwait https:// www.traffickinghubpetition.com 2 233 000.


Ces chiffres sont à rapporter au fait que moins de 10% de ces viols et tentatives de viols font lobjet de plainte, que 74% des ces plaintes sont classées sans, que la moitié des plaintes instruites sont déqualifiées en agressions ou atteintes sexuelles et sont donc correctionnalisées, et quau final seules 10% de ces plaintes sont jugées aux assises ou au tribunal pour enfant comme un crime (ce qui fait 1 % de lensemble des viols et tentatives de viols).


Et il faut également prendre en compte que la plupart des enquêtes et des études sous-estiment les chiffres des violences sexuelles et leurs conséquences en raison :

  • de la difficulté pour les victimes den parler ;
  • du manque très important de données sur les personnes les plus vulnérables qui sont celles qui subissent le plus ces violences (enfants, personnes en institution, en situation de handicap particulièrement pour les non verbaux et pour les handicap mentaux et neuro-psychiques, personnes en très grandes précarité, ne maitrisant pas la langue ou certains codes de langage, etc.) ;
  • Des traumatismes des victimes et plus particulièrement d’amnésies traumatiques dissociatives fréquentes dans 40 à 50 % des cas qui peuvent durer des dizaines d’années ( IVSEA, 2015 ; MTS/Ipsos, 2019
  • et de définitions des violences sexuelles souvent restrictives, incomplètes ou difficilement compréhensibles ou adaptées à de nombreuses victimes des violences sexuelles qui ne s’y reconnaissent pas et qui ne leur permettent pas de s’identifier comme victimes d’actes de violences sexuelles (Sandi, 2019, Virage, 2016).


Des violences très dangereuses et extrêmement traumatisantes pour les victimes 

Avoir subi plusieurs formes de violences dans l’enfance (et tout particulièrement des violences sexuelles) est le premier facteur de risque de mort précoce par homicide, suicide, accident ou maladie. Les victimes peuvent être tuées par leurs agresseurs, être blessées gravement et en rester handicapées, se retrouver enceintes des viols, être infectées par des maladies sexuellement transmissibles, et elles ont un risque important de développer de lourdes conséquences psychotraumatiques à long terme sur leur vie et leur santé mentale et physique : avec un risque dans 50% des cas de dépressions et de troubles phobo-anxieux, de tentatives de suicides, de troubles alimentaires, d’addictions, de mises en danger, et un risque important de présenter des troubles somatiques cardio-vasculaires, gynéco-obstétricaux, digestifs, neurologiques, pulmonaires, immunitaires (maladies infectieuses et auto-immunes, ORL, dermatologiques, de cancers et de douleurs chroniques (Felitti et Anda, 2010).

Pour les victimes de violences sexuelles dans l’enfance, il a été démontré par des études internationales que bénéficier de protection, d’une prise en charge et de soins spécialisés permet d’éviter la quasi-totalité de ces conséquences, en être privées est une perte de chance très importante et une très grave atteinte à leurs droits fondamentaux à la sécurité et à la santé.

Les violences sexuelles ne sont pas une affaire d’intimité, ce n’est ni du désir, ni de la sexualité : il ne s’agit pas de dire qu’on ne veut pas prendre parti, ou qu’on ne veut pas se mêler d’affaires de famille, de couple, de service, etc. Il est nécessaire de s’engager pour la victime et de la protéger, c’est un devoir citoyen et il y a une obligation de signaler aux autorités publiques les violences sexuelles commises sur les mineurs et les personnes vulnérables. Il faut tout faire pour que la victime ne soit plus exposée aux agresseurs.

La victime doit être secourue, entourée, aidée et défendue, elle a un besoin vital d’être crue, de solidarité, de protection, de soins, de justice et de réparations. Elle a besoin qu’on lui renvoie que les violences qu’elle a subies sont interdites et punies par la loi, que rien ne peut justifier ces violences, que l’agresseur n’avait pas le droit de les commettre, qu’elle n’en est pas responsable ni coupable, seul l’agresseur l’est. Il est nécessaire de lui dire que contrairement à ce que lui fait croire l’agresseur avec sa mise en scène mensongère lors des violences, elle ne mérite pas d’être méprisée, culpabilisée, exploitée ni réduite à un objet, elle a des droits, une dignité inaliénable et de la valeur. Il faut remettre le monde à l’endroit.

Il est inhumain et cruel d’abandonner ces victimes sans aide, ni secours, ni soins, et de les laisser seules survivre aux violences et à leurs conséquences sur leur vie et leur santé. Il est tout aussi cruel et inhumain d’attendre qu’elles fassent toutes les démarches pour être secourues et aidées, ce n’est pas sur elles que doit reposer la charge souvent écrasante et très dangereuse d’alerter, de fuir, de signaler, et de dénoncer et de prouver les violences, alors qu’elles n’en n’ont pas du tout la capacité ou la possibilité parce qu’elles sont trop jeunes, trop vulnérables, trop traumatisées, trop menacées. D’autant plus que même lorsqu’elles font l’effort surhumain de prendre le risque de parler elles ne sont souvent pas crues ni protégées ( par exemple pour les 3/4 des 70% d’enfants victimes de violences sexuelles qui arrivent à parler au bout de 11 ans en moyenne ils ne se passe rien, et seuls 8% seront protégés, Enquête MTV/ Ipsos, 2019), voire elles sont mises en cause et culpabilisées, le danger qu’elles courent pas pris en compte ou minimisé, et leurs plaintes ne sont pas instruites pour la plupart : 73% des plaintes pour viols classées sans suite et seules 10% jugées (Infostat Justice 2018).

Lors des enquêtes de victimation les victimes de violences sexuelles déclarent que les médecins et les psychiatres sont, avec la police, leurs premiers recours (ONDRP, 2012-2019). 

Les professionnels de la santé et plus particulièrement les médecins sont en première ligne pour repérer et identifier les victimes de violences (à partir des symptômes qu’elles présentent et surtout par dépistage systématique), pour organiser leur protection (évaluation du danger), leur prodiguer les soins indispensables (traitement préventifs et curatifs) en urgence et à distance, obtenir les aides et les protections sociales dont elles ont besoin et pour relever les preuves médico-légales leur permettant d’obtenir justice.

Or très peu de victimes de violences sexuelles accèdent à des soins spécialisés en psychotraumatologie, moins d’une victime sur dix a bénéficié d’une prise en charge médicale immédiate, pour la majorité il a fallu attendre plus de 10 ans (52%), seules 23% des victimes de viol ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée. Enfin 79% des professionnels de la santé ne font pas le lien entre les violences subies dans l’enfance (avec le traumatisme que cela a engendré) et leur état de santé (MTV/Ipsos, 2019). 

Alors qu’il s’agit d’un problème majeur de santé publique les médecins y compris les psychiatres ne sont pas formés systématiquement lors de leurs études aux conséquences sur la santé  psychotrauma, à la victimologie et à la prise en charge des victimes de violences sexuelles, L’offre de soin pour les victimes est notoirement insuffisante et difficile d’accès, c’est un véritable parcours du combattant pour trouver un professionnels formé et compétent ce qui représente une importante perte de chance pour la santé des victimes, il est urgent d’y remédier !  


CHAPITRE II : ETAT DES CONNAISSANCES des conséquences des violences sexuelles sur la santé des victimes

Les victimes de ces violences sexuelles, en plus du risque immédiat de blessures corporelles, de maladie sexuellement transmissibles et de grossesse, ont un risque très important de développer des troubles psychotraumatiques à court, moyen et long termes quelle que soit leur âge, leur sexe, leur personnalité, leur histoire, leurs antécédents : risque de 70 à 80% pour les adultes, de près de 100% pour les enfants (Rodriguez, 1997),  alors que pour l’ensemble des traumatismes il n'y a que 24 % de risques d'en développer (Breslau, 1991). 

Ces troubles psychotraumatiques sont des conséquences normales et universelles de ces violences.

Le cerveau est très vulnérable aux violences, particulièrement celui des enfants. 

Ces traumas ne sont pas seulement psychologiques mais aussi neuro-biologiques avec des atteintes du cortex et de certaines structures cérébrales telles que l’hippocampe qui sont visibles en neuro-imagerie, ainsi que des circuits de la mémoire et de la réponse émotionnelle, avec la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde exceptionnels très coûteux pour échapper au risque vital généré par un stress extrême lors des violences, à l’origine d’une dissociation et d’une mémoire traumatique qui sont au coeur de toutes conséquences psychotraumatiques sur la santé mentale et physique des victimes (Campbell, 2008 ; MacFarlane, 2010 ; Nemeroff, 2009, 2016). 

Et ces conséquences seront d’autant plus graves et complexes : que la victime est très jeune, qu’il s’agit d’un viol (donc de violences sexuelles avec pénétration), commis par une personne de l’entourage direct de l’enfant (famille, personnes en ayant la garde), que les violences sexuelles sont répétées pendant une longue période, et qu’elles sont accompagnées de menaces de mort et d’autres actes de barbarie et de tortures (IVSEA, 2015 ; MTS/Ipsos, 2019). 

Ces atteintes neuro-biologiques sont réversibles grâce à une neurogénèse et à la plasticité du cerveau si une protection et un traitement psychothérapique spécialisé sont mis en place (McFarlane, 2010 ; Nemeroff, 2016).

Ces violences sexuelles font partie, avec les tortures, des traumatismes psychiques les plus sévères et sont associées à des effets qui peuvent être catastrophiques à long terme (si les victimes ne sont pas protégées et ne bénéficient pas de soins et d’accompagnement) sur la santé mentale et physique des victimes et sur leur parcours de vie socio-professionnelle, personnelle, affective et sexuelle, ainsi que sur leur développement staturo-pondéral, psycho-affectif, sensoriel et cognitif, et sur leurs apprentissages et leur scolarité.

Comme nous l’avons vu en introduction avoir subi plusieurs formes de violences dans l’enfance et particulièrement des violences sexuelles :

- représente un facteur de risque important de subir de nouvelles violences (tout au long de leur vie pour les femmes : continuum de violences sexistes et sexuelles) et d’en commettre, c’est également un facteur de risque de précarité et d’aggravation des inégalités, des handicaps et des situations de vulnérabilité (Campbell, 2008, McFarlane, 2010, Nemeroff, 2016, ; IVSEA, 2015 ; Fulu, 2017 ; MTV/Ipsos, 2019). 

- est le premier facteur de risque de morts précoces, de suicide, de dépressions à répétition, de troubles anxieux, de conduites addictives, de conduites à risque et de mises en danger, de risque de subir à nouveau des violences tout au long de leur vie et/ou d’en commettre, d’obésité, diabète, de grossesses sur viols et de grossesses précoces, de maladies sexuellement transmissibles, elles sont également un facteur de risque majeur pour de nombreuses autres pathologies somatiques (Felitti et Anda, 2010). Elles peuvent faire perdre jusqu'à 20 ans d'espérance de vie (Brown, 2009 ). 

La communauté scientifique internationale et l’OMS reconnaissent les violences sexuelles comme un problème de santé publique majeur en raison de leurs conséquences psychotraumatiques (OMS, 2014, 2016 ; Hillis, 2016). 

Selon les enquêtes récentes de 70 à 96% des enfants victimes de violences sexuelles déclarent à l’âge adulte un impact important sur leur santé mentale, et de 50 à 70% sur leur santé physique, 50% font des tentatives de suicides, 50% des dépressions à répétition, 30 à 50% présentent des conduites addictives (IVSEA, 2015 ; MTV/IPSOS 2019, ONDRP 2012-2017) ainsi que des conduites à risque et des mises en danger (scarifications, auto-mutilations, jeux dangereux, sport extrême, conduites sexuelles à risque, etc.), et des troubles alimentaires (anorexie, boulimie et obésité), elles sont également un facteur de risque majeur pour de nombreuses pathologies somatiques : diabète, troubles cardio-vasculaires, broncho-pulmonaires, immunitaires, endocriniens, digestifs (colopathies, anisme), neurologiques, gynéco-obstétricaux, locomteurs, cancers, douleurs et fatigue chroniques, sans compter le risque d’infection sexuellement transmissible et de grossesse sur viol (Finkelhor, 1990, Campbell, 2008, Felitti et Anda, 2010, MacFarlane 2010, Hailes, 2019).

S’il est inévitable que les enfants victimes de viols soient contraints de survivre à des violences qui font basculer leur vie et leur rapport au monde, en revanche avec une protection et des soins précoces et efficaces, il est possible de leur éviter les conséquences psycho- traumatiques à long terme de ces violences (Ehring, 2014 ; Hillis, 2016). Sans cette protection et ces soins précoces les enfants victimes sont condamnés à survivre seuls aux violences en étant dissociés par leur cerveau qui met automatiquement en place un mécanisme de sauvegarde qui fait disjoncter le circuit émotionnel et qui anesthésie la victime (dissociation traumatique) ou  à leurs conséquences en mettant en place des stratégies de survie très lourdes et préjudiciables à leurs santé pour éviter ou anesthésier la souffrance intolérable des activations de leur mémoire traumatique qui leur font revivre à l’identique la torture des violences et les mises en scène haineuses, méprisantes et culpabilisantes de leur agresseur comme une machine infernale à remonter le temps, avec une hypervigilance et des conduites d’évitement et de contrôle envahissantes, et des conduites à risque dissociantes pour anesthésier la mémoire traumatique :  conduites addictives et mises en danger qui, en créant un état de stress extrême activent la disjonction de sauvegarde du cerveau.

Même s’il est souhaitable qu’elle soit la plus précoce possible, il n’est jamais trop tard pour mettre en place cette prise en charge.

Même des décennies après les violences les soins des psychotraumatismes sont toujours très utiles et la neurogénèse encore possible. Ne pas leur offrir cette prise en charge est une perte de chance intolérable et une une atteinte à leurs droits fondamentaux

Et il a été prouvé qu’une protection et une prise en charge adaptée avec des soins spécialisés permettent d’éviter la majeure partie des conséquences sur la santé des victimes (Ehring, 2014 ; OMS, 2016 ; Hillis, 2016). 

Or très rares sont les victimes de violences sexuelles qui bénéficient immédiatement de protection et de soins médico-psychologiques.

Les victimes de violences sexuelles sont 83% à dire qu’elles n’ont jamais été reconnues ni protégées. Il leur faut en moyenne suivant les enquêtes de 10 à 13 ans pour trouver des soins spécialisés en raison du manque d’information, de professionnels formés et et d’offre de soins spécialisés accessibles. Au final ce sont plus de 30 % des victimes de violences sexuelles qui n’auront jamais accès à des soins spécialisés. Même s’il est souhaitable qu’une prise en charge spécialisée soit la plus précoce possible, il n’est jamais trop tard pour la mettre en place.

Les professionnels du soin qui sont considérés par les victimes comme leur premier recours sont en première ligne pour les identifier par un dépistage systématique et une évaluation systématique du danger qu’elles courent par des questions sur leur niveau d’insécurité, de peur et de sentiment de danger, sur les violences, les menaces de mort, et les tentatives de meurtre qu’elles ont subies, subissent ou sont à risque de subir et une recherche sur les risques de passage à l’acte suicidaire et de conduites à risques dissociantes liées aux conséquences psycvhotraumatiques des violences.

Secourir, protéger et mettre hors de danger est une obligation (secours, signalement) et un préalable à toute prise en charge.

Ne pas bénéficier de cette protection et de cette prise en charge médico-psychologique spécialisée représente pour les victimes une perte de chance considérable et intolérable en terme de santé et de qualité de vie, de risque important de subir à nouveau des violences et d’aggravation des situations de vulnérabilité et de précarité.

L’absence de protection, de prise en charge des victimes de violences sexuelles et l’impunité dont les agresseurs bénéficient sont, en plus de lourdes conséquences sur leur santé, un facteur majeur de mise en danger des victimes (risque de subir de nouvelles violences, de mort précoce par homicides, suicides, maladie, accidents), d’aggravation des inégalités et des situations de vulnérabilité et de précarité. C’est également un facteur   d’impunité et de perpétuation des violences. 

Il est très difficile voire impossible à des victimes menacées et traumatisées de dénoncer les violences et d’avoir recours à la justice, et si elles arrivent à le faire, leurs troubles psychotraumatiques non soignés (sidération, dissociation, mémoire traumatique et conduites de survie) se retournent fréquemment contre elles pour disqualifier leur parole et les mettre en cause (culture du viol).

Ne pas offrir aux victimes de violences sexuelles les soins spécialisés qui leur sont nécessaires est une atteinte à leurs droits, une grave perte de chance pour leur santé, leur sécurité et leur avenir. Cette perte de chance est d’autant plus intolérable que la plupart des conséquences catastrophiques sur leur santé et leur qualité de vie sont parfaitement évitables avec une prise en charge adaptée et respectueuse de leurs droits.

Il est donc essentiel de former des professionnels de santé pour identifier, protéger et prendre en charge les enfants et les adultes victimes de violences sexuelles que ce soit au niveau des soins spécifiques et d’une expertise médico-légale, et de proposer une offre de soins médico-psychologiques spécifiques accessibles et gratuits dans un cadre holistique associant également une prise en charge socio-économique, éducative et juridique

Nous l’avons vu en droit international, les Etats ont l’obligation de prévenir ces violences, de prendre en charge les victimes, de poursuivre les agresseurs et de les condamner. 

Et une directive (article 25) de la Convention européenne d’Istanbul que la France a ratifié, explique « le caractère traumatisant des violences sexuelles, notamment les viols qui exige un personnel formé sur ce point et spécialisé, qui saura faire preuve de délicatesse. Les victimes de ce type de violence ont besoin de soins médicaux immédiats et d'un soutien lié au traumatisme subi, associé à un examen médicolégal destiné à recueillir des éléments de preuve indispensables aux poursuites. De plus, les besoins sont immenses en matière de conseils psychologiques et de thérapie, et ils peuvent surgir des semaines voire des mois après l’événement » (rapport explicatif art 25, 138).

L'article 25 souligne donc la nécessité de fournir ce type de soutien spécialisé en obligeant les Parties à mettre en place en nombre suffisant des centres d'aide d'urgence accessibles aux victimes de viols et de violences sexuelles.

En conséquence la convention d’Istanbul exige que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour permettre la mise en place de centres d’aide d’urgence pour les victimes de viol et de violences sexuelles, appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, afin de leur dispenser un examen médical et médico-légal, un soutien lié au traumatisme et des conseils » (art 25). « La disposition exigeant la mise en place de ces centres oblige les Parties à la convention à veiller à ce que ceux-ci soient en nombre suffisant, d'accès facile et que leurs services soient mis en œuvre de manière appropriée » (rapport explicatif art 25, 139). Le rapport final d’activité de la Task Force du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (EG-TFV (2008)6) recommande qu'un tel centre soit disponible pour 200 000 habitants et que les centres soient répartis géographiquement pour être accessibles aux victimes vivant en zone rurale ou en ville. Le terme « approprié » vise à garantir que les services offerts satisfont aux besoins des victimes (rapport explicatif art 25, 142).


CHAPITRE III : SOINS IMMÉDIATS 

Les violences sexuelles sont une urgence médicale et médico-légale qui exige une protection immédiate et des soins spécialisés, accessibles et gratuits par des professionnels formés :

Les soins doivent s’inscrire , le plus tôt possible après l’agression, dans une prise en charge multidisciplinaire (médicale, psychologique, socio-économique et juridique) dite holistique (cf le modèle holistique de prise en charge développé par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, à l’hopital Panzi). Idéalement cette prise en charge doit se faire en urgence, dans les 72h, et s’inscrire ensuite dans la durée tant que l’état de santé de la personne victime le nécessite, mais elle peut se faire à distance de l’agression, quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis, et c’est tout autant nécessaire. 

« Il a été prouvé que les chances de guérison chez les victimes de violences sexuelles qui recevaient des soins multidisciplinaires étaient meilleures, qu’elles récupéraient plus rapidement et risquaient également moins, de subir une violence » (Keygnaert et Van Melkebeke, 2018, p.29).

Toutes les victimes doivent pouvoir y avoir accès ce qui nécessite une offre de soins :

  • spécialisée dispensée par des professionnels formés et expérimentés ;
  • de proximité, suffisante en nombre, également répartie sur tout le territoire français (métropole et outremer) ; 
  • accessible en urgence 24h/24 et 7j/7 et en dehors des urgences dans des délais les plus courts possibles et offrant une continuité des soins sur la durée ;
  • Adaptée pour tous les types de traumatismes (aigus, différés, chroniques et complexes) et pour toutes les victimes sans aucune discrimination quelque soient leur âge, leurs handicaps, leur état de santé, leur statut (étrangers, demandeurs d’asile, sans-papiers), leur situation de précarité et de marginalisation, leur situation d’hébergement (hospitalisation, placement en institutions ou en famille d’accueil, détention, personnes demandeuses d’asile, sans papier, personnes sans domicile fixe) ;
  • avec des parcours de soins simplifiés et balisés : listes des centres et des professionnels faciles d’accès avec site dédié, numéro vert d’information dédié et affichage dans les structures et institutions publiques ;
  • sans frais avec des soins médicaux ET psychologiques pris en charge à 100%, sans frais pour les patient.e.s, par l’assurance maladie ou par l’aide médicale d’Etat.


CHAPITRE III : PRISE EN CHARGE HOLISTIQUE 

Nécessité d’une prise en charge holistique la plus précoce possible. 

Article 11 de la convention de Lanzarote rappelle la nécessité d’une approche pluridisciplinaire pour l’assistance et la protection des enfants victimes des infractions de nature sexuelle ainsi que pour leurs parents proches, leur famille et ceux auxquels ils sont confiés.

Tout doit être fait dans le respect de la volonté, des droits de la personne victime de violences sexuelles, de sa sécurité, de sa dignité, de son intimité, de sa sécurité, de ses besoins primordiaux de réconfort, de protection, de soutien, de confidentialité, d’informations et de ses besoins spécifiques (prise en compte de l’état traumatique, de l’âge, du handicap, d’un état de grossesse, de maladies et de leurs antécédents médicaux et d’expériences traumatiques, des besoins d’accompagnants, d'interprètes, de techniques d’examen adaptés, etc.), en s’assurant de son information et de son consentement libre et éclairé lors de tous les soins et à toutes les étapes de sa prise en charge. 

La prise en charge holistique d’une victime de violences sexuelles lors d’une urgence (moins de 72h) ou d’une première consultation doit se faire par des professionnels formés (aux violences sexuelles et à leurs conséquences psychotraumatiques, à la victimologie, et à la prise en charge spécifique des victimes de ces violences), elle consiste dans un cadre sécurisé, bienveillant, confidentiel et non discriminatoire et à :

  • recueillir le témoignage de la victime et ses plaintes somatiques et psychologiques en tenant compte de son état traumatique, de ses capacités ou de ses troubles de communication (en ayant recours aux ressources nécessaires : interprété, outils), de sa volonté, de son consentement et de ses besoins : l’écouter sans jamais la forcer à parler, en lui laissant le temps nécessaire pour le faire (en lui disant combien c’est difficile normal d’avoir besoin de temps, d’avoir du mal à s’exprimer, à trouver les mots), sans mettre sa parole en doute (il faut la croire jusqu’à preuve du contraire et non attendre ou demander des preuves pour la croire), sans jugement, sans contrainte, en posant des questions et en reformulant ses réponses pour valider sa parole et reconnaître son état de souffrance (il est normal de pleurer, d’être en détresse, confuse) et sa légitimité à parler et à se considérer comme victime (rien ne peut justifier de tels actes, en aucun cas elle en est responsable ou coupable), en la rassurant, en expliquant que les réactions et les ressentis qu’elle a eu sont des réactions et symptômes traumatiques normaux face à une situation terrifiante et/ou incompréhensible (peur, sidération, dissociation, confusion, état de choc, impossibilité de fuir, de réagir, de dire non, sensation d’être absente, anesthésiée, comme indifférente ou au contraire agitation, fébrilité…), en lui disant que tout va être fait pour la protéger et en prenant soin de ne pas avoir de propos ni de comportement véhiculant des stéréotypes sexistes, discriminatoires et une culture du viol, en la félicitant et en la valorisant d’avoir pu parler, en faisant référence loi et en l’informant précisément sur ce qui est interdit. Ne jamais oublier que la victime du fait de son état traumatique a du mal à réaliser ce qui lui est arrivé, à y croire, à se sentir victime, qu’elle a le plus souvent un sentiment de culpabilité et de honte ;
  • rechercher, examiner et évaluer les atteintes physiques et psychologiques par un examen somatique et psychiatrique, évaluer le niveau de la souffrance et du traumatisme (échelles d’auto-évaluation) en prenant en compte le consentement de la victime à tous les actes, ses antécédents et son état de santé actuel et de sa situation de handicap : recherche de lésions et de blessures, d’atteintes gynécologiques, de maladies liées au stress, recherche d’un état de choc traumatique (état de stupeur, état confusionnel, état de détresse émotionnelles, d’agitation anxieuse) et de troubles psychotraumatiques (mémoire traumatique - réminiscences, intrusions, flaschbaks, cauchemars -, dissociation traumatique, hyper-réactivité neuro-végétative, conduites d’évitement) ; de co-morbidités psychiatriques (troubles anxieux, phobiques, dépressifs, idées suicidaires, troubles du sommeil, troubles cognitifs, troubles alimentaires, addictions et conduites à risque…). Il est essentiel de prendre en compte la souffrance, la reconnaître et la légitimer ;
  • évaluer le danger couru par la victime : risques de réitération des violences, menaces de représailles, de mort, risques suicidaires, risques de conduites à risques et de mises en danger, risques professionnels et d’accidents liés au trauma et aux prises de m médicaments, d’alcool et de drogues (échelles d’évaluation) ;
  • prodiguer tous les soins nécessaires, soulager la souffrance, diminuer le stress, prévenir le risque de séquelles physiques et psychologiques et plus particulièrement le risque de maladies sexuellement transmissibles, de grossesse, de suicides et de troubles psychotraumatiques chroniques qui auront de lourdes conséquences sur la santé des victimes et le risque de subir à nouveau des violences ;
  • collecter toutes les preuves médico-légales nécessaires pour une procédure judiciaire et leur permettre de témoigner et de porter plainte en respectant la volonté de la victime et en reprenant pour son témoignages ses phrases précises dans les meilleures conditions possibles de sécurité, sans réactiver leurs traumatismes. Selon les recommandations de la Convention d’Istanbul « Selon certaines recherches, une bonne pratique consiste à procéder aux examens médicolégaux indépendamment du fait de savoir si l'agression sera déclarée ou non à la police, et à offrir la possibilité d'effectuer et de conserver les prélèvements nécessaires afin que la décision de déclarer ou non le viol puisse être prise à une date ultérieure » (Rapport explicatif, article 25, 141) ;
  • protéger efficacement les victimes de violences sexuelles, les mettre à l’abri et éviter le risque de réitération des violences en tenant compte des risques qu’elles encourent de leurs demandes et de leurs besoins immédiats et de leur état de minorité et de vulnérabilité (obligation de signalement, levée du secret professionnel) ;
  • évaluer et traiter les besoins urgents familiaux, éducatifs et socio-professionnels (arrêt maladie, aménagement scolaire), administratifs et économiques ;
  • informer les victimes de leurs droits et de toutes les démarches nécessaires et des ressources et des aides (médicales, psychologiques, juridiques, sociales, administratives, éducatives et professionnelles) dont elles peuvent bénéficier et avoir besoin) ;
  • Assurer la continuité des soins avec un suivi dans la durée.

Une prise en charge holistique la plus précoce possible est donc essentielle, ne pas la proposer aux victimes représente une perte de chance intolérable en termes de santé, de risque de re-victimisation, de risque socio-professionnels, affectifs et familiaux. Pourtant, en France, l’offre de soins est très insuffisante, trop peu de professionnels sont formés et des centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles en nombre suffisant et accessibles n’ont pas été mis en place (la Belgique en a mis en place 5 centres de prises en charge de victimes de violences sexuelles ouverts 24h/24 et 7 jours/7 depuis 2017).


CHAPITRE IV : PRISE EN CHARGE DES PSYCHOTRAUMATISLMES

Le traitement des traumas est essentiellement psychothérapique (psychothérapies spécialisées centrées sur le trauma) et doit être associé à une psycho-éducation des victimes traumatisées et de leur entourage concernant les psychotraumatismes et leurs mécanismes ainsi que la gestion du stress et des symptômes psychotraumatiques. 

Il est essentiel que les personnes victimes et leur entourage soient rassurées en sachant que leurs symptômes sont des symptômes habituels et universels des psychotraumatismes et qu’ils se traitent (ce ne sont pas les victimes qui sont à l’origine de leurs souffrances de leurs symptômes mais les violences subies et l’intentionnalité de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité de l’agresseur, ces troubles étant majorés par le manque de soutien, voire la maltraitance de l’entourage et de certains professionnels, ainsi que par les fausses représentations, les stéréotypes sexistes et la culture du viol ayant cours dans la société) (Campbell, 2008).

Si la prise en charge spécifique est suffisamment précoce, dans les 12 heures qui suivent les violences, elle peut même éviter l’installation d’un psychotraumatisme. Mais il n’est jamais trop tard pour soigner les troubles psychotraumatiques, que ce soit quelques mois après les violences, quelques années, voire cinquante ou soixante-dix ans après, les circuits neuronaux et émotionnels ont de grandes capacités de réparation. Il a été démontré qu’une prise en charge spécialisée permettait de récupérer des atteintes neuronales liées au stress extrême lors du traumatisme, avec une neurogenèse et une amélioration des liaisons dendritiques visibles sur des IRM (Ehling et al., 2003) ! 

Il existe des recommandations internationales sur la prise en charge des  psychotraumatismes fondée sur les preuves, sur les faits, ou sur des données probantes (evidence-based practice (EBP), et la Haute autorité de santé (HAS) prépare avec un groupe de travail des recommandations pour l’évaluation et prise en charge des syndromes psychotraumatiques - Enfants et adultes les adultes et les enfants qui ont subi des traumatismes (cf la note de cadrage à laquelle j’ai participé). Le site PsyCom qui est une ressource publique nationale d’information sur la santé mentale vient de publier un article sur la prise en charge du troubles de stress post-traumatique le 21 décembre 2021.

La prise en charge médico-psychologique doit être centrée sur les violences subies et le traumatisme, plus particulièrement sur la mémoire traumatique des violences (réminiscences, intrusions, flashbacks) qui en est la principale conséquences et fait revivre sans cesse les violences comme si elles étaient en train de se reproduire avec la même charge émotionnelle, les mêmes sensations, perceptions et douleurs comme une torture sans fin obligeant les victimes à avoir recours à des conduites d’évitement et/ou conduites dissociantes à risque pour l’éviter ou l’anesthésier.

En plus d’un soutien psychologique le traitement spécialisé du psychotraumatisme repose d’une part une verbalisation sécurisée et une analyse contextualisée des violences subies et des émotions et ressentis qui s’y rapportent en tenant compte de l’intentionnalité et de la stratégie des agresseurs, des réactions de l’entourage, du déni, de la loi du silence et des injustices subies, et d’autre part sur la compréhension et la gestion pour la personne traumatisée de ses symptômes, de ses réactions et comportements en les reliant aux traumatismes, et enfin sur le décryptage et l’intégration de la mémoire traumatique non consciente et non contextualisée en mémoire autobiographique. Pour cela, nul besoin de médicament, si ce n’est un traitement pour diminuer la souffrance et le stress lorsqu’ils sont trop importants (anxiolytiques de façon ponctuelle, anti-dépresseurs quand c’est nécessaire, antalgiques et bêtabloquants pour diminuer la sécrétion d’adrénaline). 

Nous l’avons vu la prise en charge par des professionnels formés est essentielle, elle doit être spécifique et pluridisciplinaire : médicale, psychologique, socio-économique et judiciaire. Elle doit se référer clairement à la loi et aux droits des victimes, qu’il s’agit de respecter et de faire respecter tout au long de la prise en charge. 

Elle nécessite que les victimes soient dans un climat de sécurité, de bienveillance et de confiance, et qu’elles soient protégées des violences, des agresseurs et de situations de stress trop importantes. 

En dehors de l’urgence médicale somatique, le soignant (médecin psychiatre ou d’une autre spécialité, psychologue ou thérapeute) devra avant tout s’assurer que la victime est protégée, la soutenir et la réconforter, prendre en charge sa souffrance psychologique et traiter son traumatisme psychique et l’orienter pour qu’elle puisse bénéficier des autres prises en charge qui lui sont nécessaires  médicales, para-médicales, sociale, et juridique, et d’aides associatives si elle le souhaite. 


CHAPITRE V : Les incontournables de la prise en charge des psychotraumatismes des victimes de violences sexuelles

De nombreuses techniques individuelles psychothérapique de prises en charge des psychotraumatismes et d’intégration de la mémoire traumatique existent et ont reçu des validations (CDG et evidence-based practice EBP) ou sont en cours de validation sur leur efficacité pour réduire les symptômes (Canini, 2017, El Hadge, 2018): la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie d’exposition prolongée (TEP), l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires (eye movement desensitization and reprocessing, EMDR), la thérapie des processus cognitifs (TPC), la psychothérapie narrative. Ces psychothérapies doivent être centrées sur le trauma et adaptée à chaque patient en fonction de ses choix et de situations spécifiques (âge, handicap, personnes non-verbale, ne parlant pas le français, psychotraumatismes complexes) et à l’expérience du psychothérapeute. Mais toutes ces psychothérapies ne doivent pas se contenter de réduire les symptômes, elles doivent toutes avoir pour but d’intégrer le traumatisme dans l’histoire de la personne victime (intégrer la mémoire traumatique en mémoire autobiographique) et s’accompagner d’une thérapie de soutien humaniste. Il est important de rappeler que les facteurs d’efficacité les plus significatifs en psychothérapie relèvent de l’expérience et de la qualité du thérapeute et non du type de thérapie (Michaud, 2015). 

D’autres thérapies adjuvantes peuvent se révéler utiles : les thérapies de groupes, les thérapies par médiation corporelle, par le jeu, à médiation artistique, les scénothérapies et les thérapies par la création littéraire (romans, nouvelles, récits, poésie) sont utiles pour exprimer des émotions du vécu traumatique, en leur redonnant du sens au travers d’une création dans un champ protégé et sécurisé. La kinésithérapie, les techniques de relaxation et de gestion du stress, les activités sportives encadrées dans le cadre de la prise en charge par des professionnels formés sont très utiles également. De même les groupes de parole sont plébiscités par les victimes.

Plusieurs règles fondamentales sont à respecter lors des prises en charge des psychotraumatismes : 

  • Les professionnels du soins (psychiatres, psychologues, thérapeutes) doivent être formés spécifiquement aux violences, à la victimologie, aux psychotraumatismes et à leur prise en charge, ils doivent connaître la loi et les droits des victimes et s’y référer, savoir faire les certificats médico-légaux et/ou les attestations qui seront nécessaires ; ils doivent être également formés aux inégalités, aux situations de vulnérabilité, au sexisme et aux autres discriminations, et sensibilisés pour ne pas adhérer aux stéréotypes sexistes et racistes, aux fausses représentation sur les violences sexuelles et à la culture du viol ainsi qu’aux théories anti-victimaires ; 
  • la mise en sécurité des victimes est impérative et pour cela il faut s’enquérir des dangers qu’elles courent et les évaluer pour les en protéger (violences, menaces de mort, risques suicidaires, conduites à risque, mises en danger professionnelles), connaître les numéros et les plateformes d’urgence, les conduite à tenir pour protéger les victimes et les obligations de signalement pour les victimes mineurs, les personnes vulnérables et les personnes en grand danger  ;
  • la prise en charge doit se faire en face-à-face, en situation d’égalité dans un lieu sécurisé et accueillant, et être adaptée à chaque situation présentée par les patient·e·s (liée à l’âge, au handicap, à la langue, aux discriminations) et à leurs besoins spécifiques en fonction de leur histoire personnelle et de leur état de santé ; elle doit comporter une psycho-éducation concernant les psychotraumatismes et être centrée sur les violences subies par la victime et leurs conséquences psychotraumatiques (mémoire traumatique) (Bradley, 2005) ; 
  • l’accompagnement doit être de qualité et reposer sur des valeurs humanistes (écoute, respect, absence de jugement et de discrimination), il doit être exempt de toute forme de violence et être engagé dans la lutte contre toutes les violences, et respecter à tout moment le consentement éclairé des victimes et ses besoins, 
  • l’accompagnement doit être bienveillant et solidaire : il ne s’agit pas de laisser les victimes face au silence et à l’abandon par rapport aux violences et aux agresseurs, et il est essentiel de recueillir et de prendre en compte le témoignage des victimes sans le mettre en doute, en le validant ; 
  • la prise en charge des psychotraumatismes doit s’accompagner d’une prise charge médicale et psychologiques de toutes les co-morbidités par des professionnels du soin spécialisés, et d’une prise en charge socio-économique et juridique comprenant toutes les aides administratives, sociales, juridiques et associatives et nécessaires  ;
  • un travail en réseau est nécessaire avec des professionnels et des associations qui pourront aider les victimes dans toutes leurs démarches administratives  sociales et juridiques est nécessaire ; 
  • les victimes doivent être informées de leurs droits, des ressources et des aides qu’elles peuvent avoir, des techniques thérapeutiques qui vont être utilisées, mais aussi des conséquences psychotraumatiques des violences qu’elles ont subies (psycho-éducation) en leur expliquant leurs symptômes et les mécanismes neurobiologiques des psychotraumatismes, en leur apprenant à identifier et à gérer au mieux les épisodes de mémoire traumatique et de dissociation traumatique et à gérer les situations de stress
  • les proches protecteurs et les professionnels venant à leur aide devront également être informés et soutenus, c’est essentiel pour les victimes, pour qu’elles soient mieux comprises et accompagnées. De plus, les proches, une fois bien informés, pourront être d’une aide précieuse pour participer au travail d’analyse et d’identification de la mémoire traumatique, dont ils sont souvent les témoins ; 
  • La souffrance des victimes doit être prise en compte et être le plus possible soulagée, tout en faisant attention de ne pas – par facilité – utiliser de façon systématique des médicaments ou des techniques certes efficaces pour anesthésier la souffrance, mais très dissociants. 
  • toutes les violences, les inégalités et les rapports de domination doivent être dénoncés et les stratégies des agresseurs démontées (il s’agit de remettre le monde à l’endroit) ; 

Le risque de traiter en surface les psychotraumatismes en ne traitant que les symptômes de souffrance et les troubles du comportement, ou en dissociant les victimes traumatisées (pour anesthésier leurs souffrances) est un écueil fréquent qui porte préjudice aux victimes. Si, effectivement, elles semblent aller mieux dissociées car anesthésiées, elles se retrouvent bien plus vulnérables face aux agresseurs. La dissociation n’empêche nullement d’être traumatisée, et c’est même le contraire, les victimes dissociées ont une tolérance aux violences et à la douleur qui font qu’elles ne pourront pas se protéger au mieux de situations dangereuses, et qu’elles seront encore plus traumatisées, avec une mémoire traumatique qui se rechargera d’autant plus, se transformant en une bombe à retardement... 

C’est un problème préoccupant, car la tendance à vouloir des soins efficaces et rapides, et à centrer la prise en charge sur la disparition des symptômes les plus gênants et les moins tolérés par les proches et les soignants, fait que les traitements dissociants sont souvent plébiscités. Il est nécessaire d’être particulièrement vigilants : en ces temps d’économie sur la santé, nous pourrions, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays, avoir des « packs thérapeutiques » remboursés sur la base de techniques dissociantes et comportementalistes : 10 séances pour des violences conjugales, 15 séances pour un viol, etc. 

Sont à proscrire les prises en charges qui ne respectent pas le consentement éclairé et libre des patent·e·s et celles qui portent atteinte à l’intégrité physique et mentale des patient·e·s (violences, contraintes, contentions, chambres d’isolement, menaces et manipulations) et qui sont discriminatoires. 

Pour l’instant, le soin des victimes n’est pas une priorité de santé publique, alors que cela devrait l’être, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2010, 2017).

Au total face à des conséquences spécifiques graves immédiates et à long termes sur leur santé mentale et physique et sur leur vie, les enfants victimes de violences sexuelles, pour éviter une grave perte de chance  doivent impérativement et en urgence bénéficier :

D’une protection et d’une mise en sécurité.

De soins spécialisées par des professionnels de la santé et des psychologues formés accessibles et répartis sur tout le territoire, sans frais pour les victimes :

  • soins en urgence ou les plus précoces possibles et à n’importe quel moment de leurs parcours de leur enfance à l’âge adule ;
  • dans le cadre d’une prise en charge holistique pluridisciplinaire à la fois médicale et psychologique centrée sur les violences subies ;
  • avec une prise en charge des psychotraumatismes humaniste centrée sur les violences et leurs conséquences ;
  • accompagnés d’une psycho-éducation aux conséquences des violences sur la santé, des symptômes et des mécanismes psychotraumatiques et de leurs prises en charge avec une information des victimes, de leurs proches et de toutes les personnes qui les prennent en charge ;
  • en privilégiant un cadre rassurant, sécurisé et bienveillant, respectant les droits des victimes et leur consentement éclairé.


CHAPITRE VI : Nos 15 mesures pour améliorer les soins des enfants victimes de violences sexuelles, ces soins s’inscrivant dans une prise en charge holistique médico-psychologique, sociale et judiciaire (cf Manifeste contre l’impunité)


Les violences sexuelles faites aux enfants sont très traumatisantes et ont un impact considérable sur la santé à long terme (risque important d’état de stress post traumatique, de dépression, de suicide, de troubles alimentaires, de conduites addictives, de grossesse sur viol, de maladie sexuellement transmissibles et de nombreux troubles somatiques, particulièrement cardio-vasculaires et immunitaires…) elles sont reconnues par l’OMS comme un problème de santé publique majeur, or les victimes mettent plus de 10 ans avant de trouver un professionnel formé et moins d’une victime sur dix a bénéficié d’une prise en charge médicale immédiate pourtant absolument nécessaire, seules 23% des victimes ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée et 79% des professionnels de la santé ne font pas le lien entre l’état de santé de leurs patient et les violences sexuelles qu’ils ont subies dans l’enfance (MTV/Ipsos, 2019)82% des étudiants en médecine n’ont pas eu de formation sur les violences sexuelles et leurs conséquences psychotraumatiques sur la santé des victimes, alors que 95% pensent que le médecin a un rôle majeur pour les victimes et plus de 95% veulent recevoir une formation pour dépister les violences sexuelles, les prendre en charge et en traiter les conséquences.


Or cette offre de soins spécialisés en psychotraumatologie très insuffisante participe au déni et à l’abandon des victimes, elle est discriminante puisque la grande majorité des victimes sont des filles (plus de 80% des victimes) et des enfants en situation de vulnérabilité (en particulier liée à des handicaps), elle est source d’aggravation des inégalités, des handicaps, de précarité et de risque de subir de nouvelles violences. L’absence de dépistage, de protection et de prise en charge de ces enfants est une lourde perte de chance pour eux, d’autant plus que soigner les victimes en traitant leurs psychotraumatismes est efficace et permet d’éviter la presque totalité des conséquences des violences sexuelles sur leur vie et leur santé, d’éviter des morts précoces et de prévenir de nouvelles violences. 


Idéalement la prise en charge des troubles psychotraumatiques doit être la plus précoce possible, pour autant il n’est jamais trop tard pour proposer des soins, même 50, 60, 70 ans après. 


Le cerveau des enfants est très vulnérable aux violences sexuelles avec des atteintes cérébrales et la mise en place d’une mémoire traumatique qui en faisant revivre à l’identique est une véritable torture, une prise en charge spécialisée permet de traiter cette mémoire traumatique et de réparer les atteintes cérébrales, et d’éviter ainsi la majeure partie de toutes les conséquences des violences sur la santé, ainsi que de leurs conséquences sociales. Il faut donc améliorer en urgence la prise charge des victimes de violences sexuelles dans l’enfance :


  1. en formant TOUS les professionnels de la santé et les psychologues et thérapeutes cliniciens dès leurs études et en formation continue ; la psychotraumatologie et la victimologie, doivent être des matières obligatoires et devenir une spécialisation à part entière en médecine, de même une formation spécifique à l’accueil et la prise en charge d’une victime quelque soit son âge, son lieu de vie (famille, foyers, institutions, lieux de détention), ses handicaps, son état de santé, sa vulnérabilité est indispensable ;
  2. en développant une information de qualité (campagnes, sites, brochures…) destinée aux enfants, aux parents et au grand public sur les conséquences médicales des violences sur la santé mentale et physique, les symptômes psychotraumatiques et leurs mécanismes et les soins spécialisés ;
  3. en mettant en place un dépistage systématique lors des consultations et des actes de prévention de tous leurs patients, et dans le cadre de la médecine scolaire, médecine de PMI, préventive et du travail, dépistage adapté à tous les enfants et les adultes en prenant en compte leurs handicaps et leurs difficultés de communication  ;
  4. en développant, en améliorant et en sécurisant l’offre de soin : par des médecins (pédo-psychiatres et psychiatres) et des psychologues spécialisés, formés et en nombre suffisants, avec une prise en charge de la Sécurité Sociale à 100% (ALD, prévue par le code de sécurité sociale pour les victimes mineures mais qu’il faudrait élargir aux victimes majeures) avec des actes valorisés en fonction de prises en charge complexes et nécessitant un travail en réseau, les médecins conseils de CNAM, de la MDPH et les médecins du travail doivent être formés spécifiquement aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes pour sécuriser les demandes d’arrêt de travail, les congés longue maladie et longue durée, les demandes d’invalidité et d’allocation adulte handicapé ; (ALD, prévue par le code de santé publique pour les victimes mineures mais qu’il faudrait élargie aux victimes majeures), d’allocations adultes handicapés (MDPH), de congés longues maladies et longues durée ;
  5. en mettant en place, parallèlement, un plan Marshall pour la pédo-psychiatrie, la psychiatrie, la pédiatrie et la médecine scolaire : augmenter le nombre de pédo-psychiatres, de psychiatres, de médecins et infirmier.e.s scolaires et de professionnels du soins des enfants (soins paramédicaux), développer le nombre de structures de soins pluridisciplinaires de proximité en santé mentale pour les enfants ;
  6. en créant des référents médecins, sage-femmes, infirmiers, puéricultrices, aides-soignantes, psychologues formés spécifiquement dans toutes les structures hospitalières, les centres de santé, de PMI, les CMPP et CMP, les structures d’accueil et de placement des enfants, les établissement médico-sociaux et structures pour enfants et adultes handicapés, les institutions scolaires, universitaires et de formations professionnelles, la médecine du travail, etc : il est essentiel de former tous les médecins, infirmier.e.s et psychologues scolaires et de s'assurer qu’ils soient en nombre suffisant et qu’ils bénéficient également de moyens suffisants pour faire leur travail de prévention et de dépistage  ;
  7. en créant des centres de crises et de prise en charge des violences sexuelles accessibles 24h/24 et 7jours/7 dans les services d’urgence des hôpitaux pour adultes et pour enfants et les Unités Médico-Judiciaires où les victimes pourront bénéficier de soins et d'un recueil de preuves médico-légales, et où elles pourront porter plainte si elles le souhaitent, sur le modèle des 4 centres CPVS (et bientôt 6) existants en Belgique depuis 2017 ;
  8. en créant adossés à ces centres de crise des centres pluridisciplinaires de prises en charge des victimes de violences sexuelles (holistique : avec une prise en charge médicale, psychologique, sociale et juridique) pour les victimes accessibles dans tout le territoire français et d’outre-mer, dans chaque territoire de santé mentale, sans frais avec des professionnels formés, qui travailleront en réseau et participeront à des actions de recherches (actualisation : 12 centres régionaux du psychotraumatismes et un centre de ressource national CN2R ont été crées en 2019/2020, 5 autres centres régionaux prenants en charge les mineurs devraient voir le jour, mais il en faudrait au moins 100,  un centre par territoire de santé mentale) la convention d’Istanbul en exige 1 centre de prise en charge de victimes de violences sexuelles par bassin de 200 000 habitants ce qui, en France et en outremer ferait plus de 330 centres ;
  9. en s’assurant du respect impératif des droits, de la volonté et du consentement des personnes victimes de violences sexuelles tout au long de leurs parcours de soin, les patient.e.s doivent être protégées impérativement de comportements sexistes ou discriminatoires et de violences sexuelles de la part des professionnels du soin, les patient.e.s doivent être informé.e.s de leurs droits et des ressources à leurs disposition pour dénoncer des atteintes à leurs droits et des violences subies dans le cadre du soin, une culture de la bientraitance doit être mise en place  et hôpitaux psychiatriques, les institutions et tous les centres de privations de liberté ne doivent plus être des zones de non-droits (arrêt des contention, des mises en chambre d’isolement, protection des patients contre toutes les formes de violences, particulièrement sexuelles) ;
  10. en mettant en place une ligne téléphonique et une plateforme internet d’expertise pour les professionnels de santé pour les aider, les conseiller et les soutenir dans les situations complexes (dans notre enquête plus de 95% des médecins ayant suivi une formation sur les violences sexistes et sexuelles et leurs conséquences psychotraumatiques en 2009 ont plébiscité cette ligne ) ;
  11. en créant une obligation de signalement des violences sur mineurs et personnes vulnérables pour tous les professionnels de santé sans exception (médecins y compris) et en protégeant de façon effective de toute poursuite ordinale tous les professionnels de la santé qui signalent des violences sur mineurs ou sur personnes vulnérables et qui établissent des certificats pour leurs patients victimes de violences dans le cadre de procédures judiciaires pénales ou civiles (seul.e.s les procureur.e.s devraient pouvoir poursuivre les médecins en cas de soupçons de certificats mensongers, il n’est pas admissible que les professionnels soient poursuivis en juridiction ordinale sur des questions de forme du certificat) ;
  12. en formant spécifiquement et façon obligatoire les médecins experts auprès des tribunaux aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes afin d’améliorer la qualité des expertises lors de procédures judiciaires pénales et civile (CIIVISE) il est scandaleux que les psychotraumatismes et la gravité des conséquences à long terme sur la santé et la vie des victimes soient si peu prises en compte et donne lieu à des réparations qui ne couvrent pas l’ensemble des  préjudices ;
  13. en remboursant les prises en charge spécialisées par des psychologues cliniciens formés pour les victimes de violences sexuelles (avec des actes correctement rétribués) ;
  14. en favorisant et en soutenant financièrement la création de lieux auto-gérés de rencontres, d’informations et d’échanges (groupes de paroles), d’activités de loisir et ou professionnelles (libres, sécurisées et à temps partiel) et de repos dédiés aux victimes de violences sexuelles avec l’aide de professionnel.le.s, ces lieux pouvant être adossés aux centres de soins ;
  15. en développant la prise en charge spécialisée des agresseurs le plus tôt possible ; 


Dre Muriel Salmona, février 2022


Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, auteure de Le livre noir des violences sexuelles (Dunod 2ème éd. 2018) et de Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables (Dunod, 2ème éd. 2021); membre du comité scientifique de la chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » dite Chaire Mukwege et de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE

Bibilographie

le site de l’association Mémoire traumatique et Victimologie avec de nombreux articles, documents, ressources, enquêtes et rapport (IVSEA) plaquettes et brochures d’information, fiches pratiques, vidéos et modules de formation à consulter et télécharger : http://www.memoiretraumatique.org

À consulter également l’article de Psycom du 21/12.2021 sur la prise en charge du troubles du stress post traumatique (Psycom est une ressource publique nationale d’information sur la santé mentale) :https://www.psycom.org/comprendre/la-sante- mentale/les-troubles-psy/trouble-de-stress-post-traumatique/

La fiche sur les 20 incontournables de la prise en charge des victimes : https:// www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/20-Incontournables- web.pdf

L’article de la Dre Muriel SALMONA LES VIOLENCES SEXUELLES :un psychotraumatisme majeur qu’il est essentiel de prendre en compte pour rendre justice aux victimes, les secourir, les protéger et les soigner https:// www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/ 2021_violences_sexuelles_un_psychotraumatisme_majeur.pdf

La fiche Comment venir en aide secourir protéger une victime de violences intra familiales, conjugales, institutionnelles et/ou sexuelles https://

            

 www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-comment- secourir-victime-de-violences.pdf!

Pour voir le texte et le rapport explicatif de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) : https://www.coe.int/fr/web/istanbul- convention/text-of-the-convention

Et sur les centres de prises en charge de victimes de violences sexuelles belges :

Site de présentation : https://www.violencessexuelles.be/centres-prise-charge-

violences-sexuelles!

Pirmez, Mérédith. Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles: Dissociabilité des réponses, à court et long terme, aux besoins et droits des victimes? Analyse du discours des professionnels. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2021. Prom. : Renard, Bertrand. http://hdl.handle.net/2078.1/ thesis: 32419

Enquêtes

• Enquête AMTV/Ipsos : « Violences sexuelles dans l’enfance » Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org.

• Enquête CSF, « Contexte de la sexualité en France de 2006 », Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés, 445, mai 2008.

• Enquête Baromètre Santé 2016 : Bajos N, Rahib D, Lydié N. Genre et sexualité. D’une décennie à l’autre. Baromètre santé 2016. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 6 p.

• Enquête CVS Insee-ONDRP, Cadre de vie et sécurité de l’Observatoire national de la dé- linquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France – 2017.

• Enquête IVSEA, « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », conduite par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, 2015,

       

 Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org.

• Enquête VIRAGE INED « Premiers résultats sur les violences sexuelles » : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al., Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages.

• Infostats Justice, « Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n° 160, 2018.

• Infostats Justice, « Les condamnations pour violences sexuelles », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n°164, 2018.

• REDRESS, « Réparation pour viol, Utiliser la jurisprudence internationale relative au viol comme une forme de torture ou d'autres mauvais traitements », 2013., disponible à l’adresse suivante : www.redress.org

• World Health Organization, « Global Status Report on Violence Prevention »,Genève, WHO, 2014, 2016.

Articles et ouvrages

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• Brown D. W., Anda R. F., et al., « Adverse Childhood Experiences and the Risk of Premature Mortality » in American Journal of Preventive Medicine, Novembre 2009, Vol. 37,Issue 5, p. 389-396.

• Brown-Lavoie S. M., « Sexual knowledge and victimization in adult with autist spectrum disorders », Journal of Autism and Developmental disorders, vol. 44, n°9, 2014, pp 2185-2196.

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 • Canini, F. El-Hage, W. et Garcia, R. (2017). ABC des psychotraumas. Le trouble de stress post-traumatique. Savoir pour guérir. Villers-lès-Nancy : Mona édition SAS.

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• Ehling, T., & Nijenhuis, E.R.S., Krikke, A. (2003). Volume of discrete brain structures in-florid and recovorid DID, DESNOS, and healthy controls. Proceedings of 20th International Society for the study of dissociation. Chicago, 2003, november 2-4

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• Mihaud Etat de stress post-traumatique?: quel type de psychothérapie proposer? Revue médiale suisse, 497 2015

• Nemeroff CB, Neuron, Paradise Lost, Neuron, Volume 89, Issue 5, 2 March 2016, Pages 892-909.

• Renard N., Pour en finir avec la culture du viol, ed Les petits matins, 2018.

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• Salmona M. Dissociation traumatique et troubles de la personnalité post- traumatiques. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Les troubles de la personnalité en criminologie et en victimologie. Paris : Dunod, 2013

• Salmona M.,Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, Paris, Dunod, 2ème édition 2021.

• Salmona M., Le livre noir des violences sexuelles Paris, Dunod, 2ème édition 2018b.

• Salmona M,, L’Amnésie traumatique : un mécanisme dissociait pour survivre. In Coutanceau Roland et Damiani Carole Victimologie. Évaluation, traitement, résilience (p. 71-85). 2018a Paris : Dunod.

• Salmona M, La mémoire traumatique. in Kadia, M. Aide-mémoire de Psycho- traumatologie, Paris Dunod 3ème édition 2020

• Sanci l., Understanding and responding to the long-term burdens of childhood sexual abuse, Lancet Psychiatry, Vol 6 October 2019

• Van der Hart, Le soi hanté, Paris, De Bœck, 2010.

 

• Van der Kolk, Le corps n’oublie rien, Paris, Albin Michel, 2018.

• Williams L. M., « Recall of childhood trauma : a prospective study of women’s memory of child sexual abuse » in Journal of consulting and clinical psychology, 1994, Vol. 62, n°6, p.1167-1176.

• Yehouda, R. et Ledoux, J.. Response variation following trauma: A translational neuroscience approach to understanding PTSD. Neuron, 2007, 56(1), 19-32.


Annexe avec l’Article 14 Lanzarote

 Le paragraphe 1 précise que les victimes doivent être assistées « sur le court et le long termes ». Tout préjudice causé par l’exploitation ou l’abus sexuels d’un enfant est important et doit être traité. La nature des préjudices causés par l’exploitation ou l’abus sexuels signifie que cette assistance doit durer tout le temps nécessaire pour un rétablissement physique et psychosocial complet de l’enfant. La Convention concerne principalement les enfants, mais il est fréquent que les conséquences de l’exploitation ou des abus sexuels subis par ces derniers perdurent dans l’âge adulte. C’est pourquoi il faut prévoir des mesures permettant aux adultes qui ont été victimes d’exploitation ou d’abus sexuels dans leur enfance de révéler ces faits et de bénéficier d’un soutien et d’une assistance appropriés, si une telle assistance est toujours nécessaire.

95. L’assistance au « rétablissement physique » des victimes comprend les soins d’urgence et autres traitements médicaux. Les négociateurs ont souhaité attirer particulièrement l’attention sur le fait qu’étant donné la nature des infractions dont il est question dans la Convention, l’obligation de traitement pourrait couvrir toutes les formes de dépistage médical, et particulièrement le dépistage des maladies sexuellement transmissibles et de l’infection HIV ainsi que leur traitement.

96. Une assistance sur le plan « psychosocial » est nécessaire pour aider les victimes à surmonter le traumatisme qu’elles ont subi et à retrouver une vie normale dans la société.

97. La disposition souligne la nécessité de prendre en compte les vues, besoins et préoccupations de l’enfant lorsque des mesures sont prises en application du paragraphe 1.