TÉMOIGNAGE DE JULIE :
« Ma bouche avait 6 ans »
pénétrer sexuellement un enfant n’est en aucun cas de la sexualité c'est une torture !
Julie en témoigne : « Est ce qu'ils ont déjà imaginé ce que peut ressentir une petite fille de 6 ans qui reçoit ça dans sa bouche ? C'est à se demander quand ils osent imaginer que par ce qu'un enfant ne réagit pas et se laisse faire et continue de lui même la fellation qu'il peut y avoir un soupçon de consentement ??? Ils sont à vomir…. »
Avec la loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles qui vient d’être votée le 1er août 2018 les viols que subissent les enfants pourront toujours être niés et rester impunis sous couvert d’une recherche cruelle et inhumaine de leur consentement à être pénétrés sexuellement.
Il s’agit de la chronique d’un monde à l’envers où des adultes peuvent torturer sexuellement des enfants en toute impunité puisque la loi continue à les considérer comme pouvant consentir à des pénétrations sexuelles ou d’autres actes sexuels quels que soient leur âge, leur handicap, la situation d’inceste ou le rapport d’autorité qu’ils subissent, sans que ce soit considéré comme des viols ou des agressions sexuelles, des actes cruels, dégradants et inhumains (… cf article à lire ICI), comme en témoigne Julie dans ce texte :
LE TÉMOIGNAGE DE JULIE
Ma bouche avait 6 ans
Il fait très sombre dans la chambre. La lampe de chevet, déposé proche de la tête de lit, permet de sortir de la nuit noire et de voir sa silhouette. Elle est debout devant mon corps qui lui attend sagement assis sur le rebord du lit.
D'une voix douce il me demande d'ouvrir la bouche pour m'y glisser une sucette ( comme il l'appelait ) puis de faire comme un petit chat buvant le lait sur l'extrémité de sa sucette. Après avoir fait cet exercice une dizaine de fois, il me demanda d'ouvrir encore un peu plus la bouche et de lécher comme si c'était un bâtonnet de glace à la vanille. Ça n'avait ni le gout du lait ni de la vanille. Je ne comprenais rien mais j'applique de mon mieux ce qu'il me demande. C'était un oncle qui était gentil avec moi, je ne voulais pas le décevoir.
Il me caressait la joue gauche avec le dessus de son pouce. Il était gentil, aucun geste brusque ni mot méchant …
Je sens ma bouche s'écarter jusqu'à une douleur ressentie au niveau des commissures. Ma bouche était si petite par rapport à ce qu'il avait entre les jambes.
Sa silhouette imposante devenait presque invisible. Sa main caressait mes cheveux noirs au dessus de mon crâne au même rythme que les mouvements de son corps. Ma bouche se remplit totalement jusqu'à ce que "quelque chose" m'appuie fortement sur les amygdales.
Je ne peux que respirer par le nez pour aérer mes poumons mais une grosse masse se cogne sur mon visage et obstrue mes cloisons nasales fréquemment. Je n'ai aucune réaction. La douleur au niveau de mes lèvres semble être anesthésiée. Des picotements sur mes joues au niveau de mes oreilles me bloquent la mâchoire d'une ouverture maximum. Je manque de plus en plus d'oxygène. J'avais peur de ne plus réussir à respirer comme avant.
Entre mes lèvres et son ventre, je sentais une main qui gesticulait comme s'il gommait du crayon sur une feuille de papier. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté et que tout est figé dans la pièce sauf ses gestes.
J'ai très mal au fond de la gorge. Les brûlures et les picotements sont insupportable. Je sens du vomi dans ma bouche et son objet qui me détruit les amygdales. Je n'ai pas le droit de gémir pour ne réveiller personne, me disait-il en me caressant les cheveux. Mais les gémissements ne s'arrêtent pas. Il enlève son penis de ma bouche et quelque chose tombe sur le sol. Il me demande de me lever du lit et de ramasser avec ma bouche. " Ta langue doit fini son travail ma jolie "...
Je demande au moment du petit déjeuner à ce que l'on m'enlève la sucette que j'ai au fond de la gorge mais personne ne voit rien et ne semble comprendre que je suis en train de mourir asphyxiée devant leur yeux en silence.
Depuis ce matin là, je n'en ai plus jamais reparlé à personne .... et puis finalement, il ne m'avait pas fait de mal ni avec ses mains, ni avec ses mots ; la seule responsable c'était bien moi et ma petite bouche d'enfant.
Oui, c'était moi la coupable: on me disait que j'étais une menteuse car il n'y avait rien au fond de ma gorge.
Dès que je le voyais, ma bouche s'ouvrait de manière automatique à attendre de nouveau son penis jusqu'à ce que je le ressente de plus en plus profond dans ma cage thoracique ... la douleur s'était évaporée comme si mes amygdales avaient disparu et que le fond de la gorge aussi.
Est ce qu'ils ont déjà imaginé ce que peut ressentir une petite fille de 6 ans qui reçoit ça dans sa bouche ? C'est à se demander quand ils osent imaginer que par ce qu'un enfant ne réagit pas et se laisse faire et continue de lui même la fellation qu'il peut y avoir un soupçon de consentement ???
Ils sont à vomir….
Ce témoignage bouleversant de Julie montre de façon implacable que :
- non seulement les enfants sont des personnes immatures et dépendantes qui doivent être impérativement protégées et qui n’ont ni le développement, ni les capacités, ni le discernement, ni les connaissances pour pouvoir consentir à être pénétrées sexuellement par un adulte, ni la possibilité de s’y opposer du fait de leur dépendance et de leur grande vulnérabilité face aux adultes. Un consentement libre et éclairé est impossible ;
- mais au-delà de cette invalidité de la notion de consentement, toute pénétration sexuelle est en soi une grande violence pour les enfants, qui porte atteinte leur intégrité physique et mentale à court, moyen et long termes. Elle a les mêmes conséquences psychotraumatiques que les tortures avec de très graves conséquences sur la santé et le développement des enfants : pénétrer sexuellement un enfant n'est en aucun cas de la sexualité, c'est lui infliger un acte cruel, traumatisant, dégradant et inhumain : c’est un crime ;
- et les enfants doivent être impérativement protégés de toute interaction sexuelle avec un adulte car il s'agit d'actes qui portent atteinte à leur intégrité physique et psychique et représentent une grave menace pour son développement et sa santé à long terme.
Comme nous l’avons vu, malheureusement la nouvelle loi ne corrigera pas la faille scandaleuse qui fait, qu’en France, le viol ou les agression sexuelles ne sauraient se déduire du seul âge de la victime (comme l’a confirmé en 2015 le Conseil constitutionnel, l’âge n’est qu’une circonstance aggravante) parce qu’il suppose l'usage par son auteur de violence, contrainte, menace ou surprise, et donc de caractériser l’absence de consentement de la victime, seule une jurisprudence de la cour de Cassation du 7 décembre 2005 a considéré que l'état de contrainte ou de surprise résultait du très jeune âge des enfants (âgés d'un an et demi à cinq ans) qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés : cela signifie qu’il est possible que des magistrat·e·s et des juré·e·s considèrent qu’à partir de 6 ans, un enfant soit consentant à des actes de pénétration sexuelle par un·e adulte ou que son comportement ait fait croire à l’adulte qu’il était consentant, et qu’ils jugent que ces pénétrations ne constituent pas un crime de viol.
Ces actes de pénétration sexuelle pour lesquels l’usage de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise n’ont pas été caractérisés et qui ne sont pas considérés comme des viols, n’en sont pas moins interdits s’ils sont commis par un adulte sur un enfant de moins de 15 ans (ou de moins de 18 ans quand l’adulte à une relation d’autorité sur le mineur) et sont qualifiés comme des délits d'atteintes sexuelles (ils ne sont pas considérés comme des violences sexuelles mais comme des atteintes aux mœurs passibles maintenant de 7 ans de prison, au lieu de 20 ans pour un viol sur un·e mineur·e de moins de 15 ans ou sur un·e mineur·e de moins de 18 ans par personne ayant autorité)
Cette faille existera donc toujours avec la loi telle qu’elle a été votée, même si la contrainte et la surprise ont été définies plus précisément en fonction de la vulnérabilité et du discernement de l’enfant, les magistrats garderont la possibilité de d’apprécier subjectivement le comportement de l’enfant, sa maturité sexuelle ou son discernement pour évaluer s’il était consentant ou non, et la défense pourra continuer à faire peser sur lui la responsabilité de l’agression, c’est cruel et inadmissible.
Avec cette loi, les viols commis sur des enfants pourront continuer à être déniés, ou être correctionnalisés comme des délits, et les prédateurs sexuels d’enfants pourront continuer à ne pas répondre de leurs actes criminels. Les droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés. Et la scandaleuse impunité des auteurs de crimes sexuels à l’encontre des enfants a de beaux jours devant elle.
Le problème reste donc inchangé, les magistrat·e·s auront toujours à prouver la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, ces critères caractérisant le viol et les agressions sexuelles font une large place à l’appréciation subjective du magistrat et conduisent immanquablement à juger le comportement de la victime en interprétant son attitude, son discernement, sa maturité sexuelle, pour rechercher si elle était ou non consentante. Quand il s'agit d’enfants, c’est inadmissible et particulièrement choquant. Cette part de subjectivité des magistrat·e·s comporte un énorme risque d’interprétations erronées par méconnaissance du développement de l’enfant, de son immaturité intellectuelle, émotionnelle et affective, de sa dépendance face à l’adulte et de la gravité de l’impact traumatique de la pénétration sexuelle sur l’enfant victime. La sidération et la dissociation traumatiques peuvent être prises à tort pour un consentement puisqu’elles paralysent la victime et l’anesthésient en la rendant incapable de s’opposer et de se défendre, quant à la mémoire traumatique et aux conduites dissociantes à risque, elles peuvent être prises à tort pour une maturité et une expérience sexuelles alors qu’elles sont des reviviscences traumatiques agies de violences sexuelles déjà subies prenant la forme de comportements sexuels inappropriés (mémoire traumatique), ou des comportements sexuels à risque liés à des conduites dissociantes traumatiques qui sont des stratégies de survie. Cela signifie que le risque est très grand de confondre consentement, maturité sexuelle et discernement avec l’impact psychotraumatique des actes subis par l’enfant et des violences sexuelles déjà subies auparavant ayant entraîné des conséquences psychotraumatiques (mémoire traumatique, dissociation traumatique et conduites dissociantes à risques).
Cette nécessité de prouver la violence, la contrainte, la menace ou la surprise quand il s’agit d’un enfant qui est pénétré sexuellement par un adulte est un défi à l’entendement et un déni intolérable de la violence de l’acte lui-même de la pénétration, de son caractère cruel et inhumain. Un enfant ne peut en aucun cas être consentant à un acte qui lui fait violence, auquel il n’a ni les capacités, ni la liberté de s’opposer, et dont il ne peut pas comprendre les enjeux, ni les conséquences sur sa vie et son intégrité physique et mentale, comme je l’argumentais dans cet article de janvier 2018 « Protéger les enfants des violences sexuelles est un impératif : avant 15 ans un enfant n’est jamais consentant à des actes sexuels avec un adulte ».
Comment peut-on donc encore considérer que des enfants puissent consentir à un acte sexuel cruel, inhumain, dégradant et extrêmement traumatisant tel qu’une pénétration sexuelle qui les assimile à des objets, et qui porte atteinte à leur intégrité mentale, physique et à leur dignité, avec des conséquences catastrophiques sur leur santé et leur vie futures, et que cet acte ne soit pas un crime mais un délit ?
Pourquoi un tel déni de réalité et une telle injustice ? Une telle inhumanité ?
Qui peut vouloir vivre dans un tel monde qui ne protège pas les enfants de crimes atroces et les abandonne sans prise en charge, ni réconfort, ni soin ?
Il est urgent de changer la loi pour mieux protéger les enfants victimes de violences sexuelles !
Nous exigeons qu'un seuil d’âge du consentement soit fixé par la loi, et qu’il soit de 15 ans, et de 18 ans en cas d’inceste, de handicap et d’adulte ayant une relation d’autorité avec le mineur, et nous demandions entre autres (cf Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie et ses 8 mesures en annexe après la bibliographie) pour lutter contre l’impunité :
- une meilleure protection des enfants contre les violences sexuelles commises par d’autres mineur·e·s (qui représentent 25% des violences sexuelles commises contre les enfants, IVSEA, 2015) avec en plus du seuil d’âge spécifique un écart d’âge pour les mineurs, le retrait de la notion d’atteinte sexuelle, l’abolition des déqualifications, une sécurisation des procédures judiciaires, une réforme de la justice pour qu’elle ait enfin la capacité de traiter ces crimes et délits sexuels, de condamner et punir les agresseurs sans exposer les victimes à de nouveaux traumatismes, et d’attribuer des réparations aux victimes à hauteur des préjudices qu’elles ont subis, une meilleure prise en considération des troubles psychotraumatiques dans les procédures judiciaires afin de mieux prendre en compte les violences subies par les enfants et de lutter contre le taux énorme de classement sans suite, ainsi que la reconnaissance de l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable suspendant la prescription, et enfin nous demandions une imprescriptibilité des crimes sexuels.
Il est temps que les droits fondamentaux des personnes à ne subir aucune forme de violence soient enfin respectés, il est temps de ne laisser aucun enfant de violence sans protection, ni soins, ni justice.
Protéger les enfants victimes nécessite la volonté politique de mettre en place d’urgence des réformes ambitieuses pour améliorer la prévention des violences sexuelles, pour ne laisser aucun enfant victime de violences sexuelle sans protection, ni prise en charge médico-sociale et judiciaire de qualité avec des professionnels formés.
Ne pas offrir aux enfants victimes de violences une protection, des aides et des soins de qualité, et laisser les violences sexuelles impunies représentent une lourde perte de chance inacceptable, pour leur santé et leur avenir, et cela met les victimes en danger de subir à nouveaux des violences.
Jusque là toutes les institutions ont été défaillantes pour protéger efficacement les enfants victimes de violences sexuelles et pour prendre en compte l’ampleur et la gravité du problème humain, de santé publique, de l’atteinte aux droits fondamentaux que représentent ces violences sexuelles faites aux enfants : la perte de chance en terme de santé mentale et physique, de développement et d’avenir pour les enfants qui en sont victimes est énorme et inacceptable, l’impunité quasi totale dont bénéficient les agresseurs met tous les enfants en grand danger.
Dans un monde juste, digne de ce nom, ces enfants victimes auraient dû être protégés, défendus, informés et soutenus. Au lieu de subir des injustices en série, elles auraient dû accéder à des soins et des prises en charge de qualité, on aurait dû respecter leurs droits à obtenir justice et des réparations, on aurait dû leur redonner de la valeur et de l’espoir.
Merci infiniment à Julie pour son témoignage, avec toute notre amitié et notre soutien.
Pour télécharger l'article complet de la Dre Muriel Salmona : « Le Fiasco d’une loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles »
en PDF cliquer ICI
Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association
Mémoire Traumatique Victimologie
http://www.memoiretraumatique.org
Paris, le 1er août 2018