lundi 25 février 2013

Interventions et actions de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie en mars 2013






INTERVENTIONS ET ACTIONS 
DE L'ASSOCIATION
MÉMOIRE TRAUMATIQUE ET VICTIMOLOGIE 
EN MARS  2013


1- le 9 mars 2013 sur RFI :





À l'occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes : émission Géopolitique le débat de Marie-France Chatin : Etat des lieux de la situation de la femme dans le monde avec Annie Sugier : Ligue droit international des Femmes, Muriel de Gaudemont : Amnesty, Dre Muriel Salmona Présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie (émission diffusée le we du 9-10 mars)



2- le 13 mars 2013 à Paris (75) :


Audition de la Dre Muriel Salmona au Sénat dans le cadre de la mission sur la situation sociale des personnes prostituées par les rapporteurs Chantal Jouanno (UDI-UC, Paris) et Jean-Pierre Godefroy (PS, Manche)


3- les 19 et 21 mars à Fleury-Mérogis (91) :

Intervention de la Dre Muriel Salmona lors des 3 premiers modules de 2h30 (il y en aura 12) pour lutter contre stéréotypes sexistes vis à vis des femmes et des victimes et sensibiliser les publics courtes peines à ce qui se vit du côté de la victime dans le cadre du programme START à la maison d'arrêt de Fleury Merogis : programme innovant destiné à de jeunes détenus (de 18 à 40 ans) pour travailler sur le passage à l'acte et lutter contre la récidive


4- le 21 mars 2013 à RTL :


Emission de Flavie Flament de 15 à 16h "On est fait pour s'entendre" avec Clémentine Autain et Muriel Salmona à propos de la sortie du livre de Clémentine Autain "Elles se manifestent : Viol 100 femmes témoignent" qui paraîtra aux éditions Don Quichotte le 7 mars 2013. http://www.rtl.fr/emission/on-est-fait-pour-sentendre


5- le 21 mars 2013 à Clamart (92) :

Commission permanente : Réunion de travail sur la "sensiblisation" et la formation des agents de la ville concernant les violences faites aux femmes à laquelle participe la Dre Muriel Salmona (consultation gratuite et anonyme pour les femmes clamartoises victimes de violences) 


6- le 23 mars 2013 à Paris (75)


Intervention le 23 mars matin de la Dre Muriel Salmona lors du colloque du CNDF (Collectif National pour les Droits des Femmes) sur la loi cadre au Palais du Luxembourg sur la nécessité du dépistage des violences faites aux femmes et des soins spécialisés à donner aux femmes victimes de violences.



7- le 25 mars 2013 à Créteil (94) : 

Intervention de la Dre Muriel Salmona lors de l'Assemblée Générale de l'Association Tremplin 94 SOS Femmes , association spécialisée dans l’accueil et l’hébergement de femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants, sur le thème : Qu'est-ce qu'une victime ?
à 14 heures au sein du Tribunal de Grande Instance de Créteil.

8- le 27 mars 2013 à Paris (75)



une intervention de la Dre Muriel Salmona dans le 20ème arrondissement à 18 h sur les mécanismes qui entravent la mémoire suite à un épisode traumatisant et sur les différentes formes d’oublis faisant obstacle au  travail de mémoire, dans le cadre du projet original et participatif Questions de Sciences, Enjeux Citoyens (QSEC) «Le travail de mémoire : Qui? Comment ? Pourquoi?» , mené à bien par l’association Paris Montagne (http://paris-montagne.org/qsec)et soutenu par la région Ile-de-France ainsi que par le ministère de la Recherche.  

9- le 28 mars 2013 à Paris (75) :

Intervention de la Dre Muriel Salmona dans le cadre du réseau violences faites aux femmes du 18ème sur le thème : L'enfant victime de violence conjugale

une équipe réalisant un film-documentaire sur les violences conjugales participera et filmera cette réunion




Le 10 avril paraîtra chez Dunod Le livre noir des violence sexuelles de Muriel Salmona et son blog : http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com

Un dossier de la revue Santé mentale sur le traumatisme du viol coordonné par Muriel Salmona sortira pour le numéro d'avril.

Une interview à Pratis TV avec Cristelle Joly sur la sortie  du livre Le livre noir des violence sexuelles de Muriel Salmona est prévue début avril et sera diffusée en vidéo


L'association avec la Dre Muriel Salmona a participé à plusieurs documentaires TV qui seront diffusés en avril et en mai.

Sont prévues en avril, mai et juin de nombreuses interventions et conférences à Paris, Clamart, Colmar, Cherbourg, Pau, Le puy en Velay, Fleury-Mérogis, et 2 journées de formation en Belgique. 

Et des émissions
sur RFI, Radio-Libertaire, RT, Pratis TV, France 5, etc.





jeudi 21 février 2013

Nouveau Témoignage du 21 février 2013 d'une jeune femme victime d'inceste paternel pour le blog du livre noir des violences sexuelles, "Lettre à ma mère"



Témoignage publié également sur le blog 
de l’ouvrage de la Dre Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles à Paraître chez Dunod le 10 avril 2013
sur la page Témoigner

Témoignage d'une jeune femme victime d'inceste paternel : lettre à ma mère


Septembre 2004, Lettre à ma mère

Je t’écris cette lettre car j’aurai dû te l’écrire il y a déjà longtemps. Sans doute que le courage m’a manqué, ou peut être est-ce la peur de te perdre définitivement qui m’a retenue.

J’aurai pu te parler de vive voix, mais je suis comme toi. Je suis lâche, je n’en ai pas le courage. Le courage, c’est beaucoup de choses à la fois, beaucoup de choses qui certainement m’ont fait défaut toutes ces années. Toi, tu es dotée de cette belle qualité, celle de savoir faire des choix. La solitude ne te pèse pas. Quand tu es en colère, il t’arrive de prononcer des phrases qu’aucune mère ne devrait jamais prononcer. « J’ai suffisamment de caractère pour vivre sans voir mes enfants ». Est-ce donc cela avoir du caractère : nier l’existence de sa chair ?

Quand j’étais enfant, je ne savais pas me passer de toi. Je t’admirais. Je n’imaginais pas la vie sans toi. J’aurai touché les étoiles pour avoir un regard de toi. Quand j’ai décidé, à l’âge de quinze ans de mettre fin à mon calvaire, j’ai tout d’abord pensé à la mort. Mais comment mourir à quinze ans ? Je l’ignorais. Quand enfin j’ai parlé, je voulais juste dire stop ! Respirer ! Je me souviens de ton regard à jamais gravé dans ma mémoire, de tes paroles si dures à entendre. J’ai cru que le monde était en train de s’ouvrir sous mes pieds quand violemment tu m’as hurlé de me taire.  Égale à toi-même tu achevais ton œuvre de destruction et de négation. Détruire toute estime qu’il pouvait me rester de moi-même était ton unique but. Je t’entends encore dire : « S’il a vraiment fait ça, c’est de ta faute, si tu n’avais pas passé ton temps à te frotter sur ses genoux, rien de tout cela ne serait arrivé ». Que m’avais tu dis là ? J’étais donc coupable ? J’ai suivi mon père à la gendarmerie tel un fantôme et durant ces longues heures je t’attendais encore, attendant que tu passes la porte et que tu viennes à mon secours. Maman, où étais-tu ?

Comment as-tu pu nier à ce point ma naissance ? 

Le temps n’a pas guéri mes blessures. Chaque jour, je pensais à toi, je me demandais pourquoi c’était moi qui méritais ta colère et ton rejet et pas lui. Étais-je donc si coupable ? Je ne parvenais pas à comprendre. J’ai attendu longtemps un courrier de toi, un coup de téléphone, un signe, quelque chose qui m’aurait rassurée, n’importe quoi. Tu as choisi de te séparer de tes deux enfants pour ne pas perdre ton mari qui a fini par t’abandonner malade.

Je suis sûre que tu as dû beaucoup souffrir de ce qu’il t’a fait vivre. Je sais que tu le craignais, mais curieusement je n’arrive pas à ressentir de compassion pour toi. J’aurai tendance à dire : « qui ne veut pas voir se charge bien de s’aveugler ».

A quel point a-t-il fallu que tu les fermes les yeux pour ne rien voir de ce qui se passait sous ton toit, à côté de toi, pendant que tu faisais la vaisselle ou que tu regardais la télé ou que sais-je ? Comment as-tu fait pour ne pas remarquer ses allées et venues de l’étage au rez de chaussée, pour ne pas entendre ce que je disais, pour ne pas comprendre ce qui se passait ? Tu ne pouvais ignorer quand il quittait ton lit en pleine nuit pour ne revenir qu’une demi-heure plus tard. Et tous ces cauchemars que je faisais, te semblaient-ils si anodins ? Je te suppliais de ne pas me laisser seule en bas. A quel point a-t-il fallu que tu fermes tes yeux, avec quelle intensité, pour ne rien voir ? Peut être que tu ne voulais pas voir, peut être que tu savais déjà, que tu acceptais ? Ce sont toutes ces questions que tu m’as laissées, des questions vides, sans réponses.

 Je ne t’aime pas, je ne t’aime plus. Trop de colère en moi. Je suis sûre que c’est dur pour toi de te retrouver seule. Je n’en doute pas un seul instant. Je sais également que cela doit être dur pour toi de ne pouvoir parler de lui à quelqu’un de proche. As-tu quelqu’un de proche d’ailleurs ? Tu te plains de ne pas nous voir beaucoup, mon frère et moi, mais  te rends-tu compte du fardeau que tu nous as laissé porter depuis cette époque, toutes ces années de silence et de mensonges. 

Il te faudra un jour apprendre à vivre avec notre colère quand elle t’envahira et te submergera de sa retenue. Il te faudra laisser ton sale orgueil de côté.

Qui a-t-il été pour nous, un père ou un bourreau ? Le sais-tu seulement ? Nous l’as-tu demandé un jour ? Sans doute a-t-il été les deux.

Qui a-t-il été pour moi ? Que sais-tu de ce qu’il me faisait, de ce qu’il me disait ? As-tu idée de ce qu’étaient mes nuits ou même mes journées ? Comment as-tu pu le regarder en face et continuer à faire l’amour avec lui, lui donner un autre enfant. As-tu pensé à protéger ton autre fille ? Comment étais-tu aussi sûre que je mentais ? La 1ére fois j’ai cru mourir, son sexe dans mon corps comme un couteau acéré puis les autres fois ont suivis et j’ai appris à disparaître, plus de corps, plus rien… 

A présent que j’ai appris à m’éloigner de toi, à moins souffrir de ton absence, de ton manque de dialogue, d’amour,  je peux enfin te dire ce que je ressens. Il me coûte de ne pas être proche de toi car malgré tout je t’aime même quand j’affirme le contraire. Il me coûte aussi de ne pas te voir.

Ma vie a été lourde de conséquences, de ces années d’enfance et de vie que vous m’avez volée. Tu n’es pas moins responsable que lui, bien heureux qu’il est, grâce à toi, libre d’abuser à nouveaux. Qu’avez-vous fait de ma vie ? Comment devenir une femme ?

J’ai cessé de me sentir coupable, vous l’êtes tous les deux : lui par l’acte et toi par ton silence. J’espère qu’à présent le chemin s’est fait dans ta tête et que tu vas enfin ouvrir tes yeux. Sont-ils scellés ? Et maintenant qu’il t’a quittée, combien d’orgueil te faut-il encore pour ne pas m’en parler, pour ne pas me reconnaître, pour ne pas demander pardon, pour ne pas tenter la réparation de mon être? Pourquoi as-tu choisi de me faire porter un tel poids pour protéger ta petite vie misérable. Une mère se doit de protéger son enfant, c’est ce que j’ai toujours essayé de faire…

 Tous les jours, dans ma relation envers les autres, envers les hommes, envers mes enfants, il me faut faire des efforts pour savoir si je fais bien, si mes réactions sont celles de n’importe qui. J’ai toujours peur d’être démasquée. Je ne sais pas être comme les autres femmes ni penser comme elles. Je ne sais que faire des regards des hommes. Je les désire mais je les crains. Je crains la douleur, l’abandon, la peine, la jouissance. Je sens sur moi une odeur de mort et ma peau me fait mal. Il ne s’est pas écoulé un jour, depuis sans que j’y pense. J’ai toujours des flashs, des angoisses et ces envies de partir, de mourir de disparaître. Ne crois pas que ça sorte de mon imagination, tout mon corps se souvient, mon esprit aussi, et bien que j’aie souvent pensé que j’avais rêvé, cela s’est bel et bien passé ! Il faut que tu l’entendes à présent !

On ne se sépare pas de son enfant comme ça, on se doit de chercher la vérité, même si elle est lourde à supporter. L’as-tu seulement cherchée ne serait ce qu’une minute ?

Comment as-tu pu continuer ta vie, comme s’il ne s’était rien passé, en faisant semblant, sans jamais te poser la question : « Et si elle disait la vérité ? »

C’est ça que je n’ai jamais compris. Comment l’amour rend-il suffisamment aveugle pour ne pas voir la détresse de ses enfants ? Avais-tu peur de te retrouver seule ?

Il m’a fallu des années pour avoir le courage de te dire ça, et je dis bien le courage, car à présent je saurai te perdre et me passer de toi. Si mes propos te contrarient, si ton orgueil est touché, alors tant pis car je ne peux plus me taire. Je n’ai pas de haine, ni envers lui, ni envers toi, simplement de la peine, beaucoup de peine, d’incompréhension et de colère.

Il suffit parfois de pas grand-chose pour apaiser, de quelques mots, d’un peu de compassion, de si peu de choses quand on aime, mais quand on attend pendant des années ce « pardonne-moi » qui n’arrive jamais, il arrive que l’amour s’étiole petit à petit, pourtant l’amour ne connaît pas de limites, tu es bien placée pour le savoir.

Tu feras de cette lettre ce que tu en voudras. Je sais que tu ne répondras pas, car c’est ce courage là que tu n’as pas. Tu ne pourras plus prétendre ignorer les choses ou faire semblant qu’il ne s’est rien passé, me parler de tes voisins ou du temps. Chaque fois que tu croiseras mon regard tu sauras qu’à présent tu n’es plus si grande, que tu es devenue si petite, moins admirable. Tu as du temps maintenant devant toi.

Il faut bien que je me libère un jour puisque toi tu ne veux pas le faire, que j’ôte moi-même les chaînes qui me relient à ton utérus. Je sais que tu n’es pas une personne stupide, que tu t’es posé beaucoup de questions. Moi, j’aurai voulu entendre de ta bouche que tu vivais avec lui en connaissance de cause, que c’était ton choix de lui pardonner. 

J’aurai accepté ton choix, mais ce silence, ce silence odieux que tu m’as imposé, c’était un silence assourdissant qui me plonge encore vers des abimes vides, vides de moi de toi et des autres.

Ta fille.





samedi 16 février 2013

Journée européenne des victimes le 22 février 2013 organisée par l'ANPRV à Paris 4ème place Louis Lépine

Le 22 février 2013


JOURNÉE EUROPÉENNE DES VICTIMES


Organisée par 
l'ANVPRV
l'Association Nationale Pour la Reconnaissance des Victimes 
Place Louis Lépine
Paris 4ème
Face au Palais de Justice

Village ouvert au public de 10 à 18h,
Avec des ateliers de préventions, des conseils juridiques, aide psychologique, information auprès des associations
Avec 28 associations présentes : associations d'aide aux victimes, de lutte contre les violences faites aux femmes, de protection de l'enfance, centres de soins

Lâcher de ballons à 13 h

y tiendra un stand






Témoignage d'une jeune femme victime d'agressions sexuelles commis par un kinésithérapeute qui vont faire remonter à la mémoire un viol incestueux dans l'enfance qu'elle avait oublié




Témoignage publié également sur le blog 
de l’ouvrage de la Dre Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles à Paraître chez Dunod le 10 avril 2013
sur la page Témoigner

Témoignage, 16 février 2013
Envoyée par un médecin de la douleur, je vais alors en rendez-vous chez un kinésithérapeute dont on m’avait dit qu’il pratiquait la fasciathérapie, une méthode qui pouvait aider à soulager mes douleurs musculaires. Je pris contact avec lui avant l’été, vu nos vacances respectives et le caractère non urgent n’étant pas douloureuse à ce moment là, mes douleurs étant périodiques, on convint que je le recontacte au mois d’août. Quand je le rappelle celui ci me dit se souvenir de mon précédent appel et l’on convint alors d’un premier rendez-vous. Je lui ai expliqué ma pathologie longuement, ainsi que les divers soins en cours ou passés. J’insistais sur le fait que le moindre toucher pouvait m’entrainer des douleurs, que nombre d’examens médicaux m’ont déclenché des douleurs importantes… Quand je lui parlai des allodynies que je pouvais avoir, celui-ci me répondit « vous croyez que je vais oser vous toucher ? » devant mon air interrogatif, il me répondit alors « non, non, ne vous inquiétez pas ». Après ce long échange, celui-ci me dit qu’on allait passer à côté, il m’a dit qu’il allait écouter ce que mon corps lui disait et faire en fonction. Je me déshabille et je me suis tout de suite senti mal à l’aise, son regard, son attitude. Etonnée de ma réaction, ayant plus que l’habitude d’avoir affaire à des professionnels de santé, et rarement déstabilisée par un excès de pudeur, je me rassurais tout de suite intérieurement me disant que j’étais là pour des soins de kinésithérapie, que je n’avais pas à m’en faire pour mon physique et que des patientes, il en avait vu d’autres.
Lors de ce premier rendez-vous, il appuie à différents endroits de mon corps et lorsque le relâchement musculaire se fait, il me dit merci avec un grand sourire. Quand il arrive au niveau du ventre, il pose une main sur le ventre et m’explique qu’il a besoin d’un autre point d’appui pour déverrouiller et là il dépose une main en partie sur ma poitrine. Ensuite, il se met assis derrière ma tête et en étirant les muscles pectoraux avec le bas de sa paume, ses doigts se retrouvent contre ma poitrine. J’ai le réflexe de relever la tête pour voir exactement ce qu’il fait. Là au bout de quelques instants, il enlève une de ces mains la met sur mon front et me rabaisse la tête comme pour m’empêcher de voir où est ce que c’est, pour ne pas que je me fasse mal au cou… Je termine la séance sans rien dire mais en estimant qu’il faut que je me méfie la(es) prochaine(s) fois et que si cela se reproduit, il vaudra mieux changer de kiné. Surtout qu’à la fin de cette séance, je le vois me regarder d’un air vicelard, sentant son envie de mettre ses mains sur mes seins. Il me dit « j’ai mis mes mains un peu partout… est ce que vous avez l’habitude de ce genre de toucher … » « euh…non »…
Mes douleurs reprennent, ce rendez-vous me semble indispensable pour être soulagée, j’y retourne donc et oublie peu à peu mes appréhensions et puis la séance se passe normalement mais pas la suivante, où des gestes me semblent bizarres, non nécessaires au niveau de ma poitrine, du pubis, de mes lèvres, de mes yeux, de mes pieds ; mais, c’était tellement insidieux, et puis j’avais mal à la cage thoracique, aux yeux, à la mâchoire, aux jambes… cela durait une fraction de secondes, le temps que je réalise ce qui était en train de se passer, il avait repris ses gestes médicaux, je me convaincs alors moi-même de me faire des idées, une mauvaise interprétation mais il s’en suivait toujours une appréhension de la séance suivante, qui, celle-ci se passait normalement, pourquoi ne pas y retourner alors… Et puis, il y avait des paroles «  je vous remercie de la confiance que vous m’accordez » alors que justement j’étais plus que sur la défensive «  je sais que ce n’est pas facile pour vous une main qui se pose… » et d’autres, plus incompréhensibles, une fois où je ne comprenais pas ce qu’il faisait une main sur mon ventre, rien d’équivoque dans ce geste cette fois, je soulève sa main en lui demandant des explications, il me baraguine quelque chose d’incompréhensible, remet sa main, limite se réendort,  il y avait une odeur forte ce jour là, alcool ?? une autre fois il y a eu un enfin plusieurs « oh le morceau ! », mais qu’est ce qu’il dit…
Allongée sur cette table d’examen, je ne pouvais pas me relever toute seule, je me retrouvais donc coincée, comme la fois, à l’avant dernière séance, marchant avec des béquilles dans son cabinet où mes jambes refusèrent d’avancer et que je l’ai vu s’approcher de moi, non pas pour m’aider comme je le pensais. Je me suis rendue compte qu’il allait m’embrasser, je réussis à trouver la force au plus profond de moi de me dégager. Jamais auparavant, je ne m’étais rendue compte que mon handicap, périodique, me fragilisait et pouvait m’empêcher de me défendre.
Et là je retourne chez moi, angoissée, on est vendredi, en automne, j’ai dû effectuer une douzaine de séances avec lui et j’ai rendez-vous lundi. Ce week-end fut atroce, je commençais à me rendre compte de tout ce qui c’était passé depuis le début mais en même temps, je me disais que cela n’était pas possible. Et puis, il y avait ce mélange de sensations de soulagement apporté par ces gestes médicaux et le reste que je ne comprenais pas, qui me mettait mal, qui commençait à tourner en rond dans ma tête. J’ai l’impression de devenir folle, je ne comprends pas, je ne me comprends pas, et en même temps, vu tous les médecins, kiné, ostéo, qui m’ont déjà pris en charge… je sais ce qu’est un geste médical vis-à-vis de ma pathologie, et puis je suis infirmière, je sais quand même distinguer un geste médical ou non… et puis ce raisonnement même est stupide, les gestes étant parfois très nets, oui les muscles, il y en a partout mais le sein et le clitoris, ce ne sont pas des muscles à ce que je sache… ça me parait ridicule en le disant comment n’ai-je pas pu prendre le recul nécessaire plus tôt, m’en rendre compte, stopper les séances… 
Je ne réalisais pas encore vraiment. Plus l’heure du rendez-vous approchait, plus j’angoissais, je l’annule ou pas, non car je ne veux pas l’avoir au téléphone, j’y vais ou pas… Et là, je finis par décider ou du moins, le temps de réflexion imparti étant dépassé, je m’y rends mais décidée à surveiller le moindre geste.  Dès le début, je commence à regretter d’être venue. A un moment, je baisse la garde, il bascule mon bras en arrière, je ne suis pas capable de le remettre en avant, et là je ne sais pas vraiment ce qu’il fait avec ma main gauche, c’est qu’une histoire de sensations, j’ai envie de crier non non je veux pas, mais en même temps, je me dis que c’est trop tard, que je ne peux pas bouger, j’ai peur que ce soit pire si je dis quelque chose, j’ai peur qu’il soit violent, je n’ai plus qu’à attendre qu’il termine. Je trouve alors la force de me relever, je me rhabille, je prends mes affaires, et pars avec mes béquilles. Je suis dans le bus pour rentrer chez moi, je regarde ma main, elle est sale, je suis sale. Je suis mal…
Je cherche à joindre une amie au téléphone le lendemain, pas disponible à ce moment là. Ma mère m’appelle entre les deux, ça va pas/ non/ qu’est-ce qui se passe ?/ un problème avec le kiné/ lequel/ euh… des euh … gestes déplacés/c’est grave ?, mais répond moi/il ne m’a pas violé si c’est ce que tu veux savoir /tu dors, tu manges/ non/ faut que t’en parle à quelqu’un/à qui t’en parlerais/à ton médecin traitant/ non c’est un homme, et il me suit depuis peu de temps/au médecin de la douleur/peut-être/je te rappelle/Bon, alors, la psychologue qui te suit au centre de la douleur ne  travaille pas aujourd’hui, sa collègue de la clinique, ne peut pas te recevoir, j’ai réussi à avoir un rendez-vous avec le médecin de la douleur. 
La consultation débute. Il s’est passé quelque chose avec le kiné, des gestes limites, déplacés… c’est quoi cette histoire, bon je fais rentrer votre mère. Elle ne m’en a pas dit plus. J’entends l’infirmière dire que je suis en état de choc. Qu’est ce que vous avez pris, vous avez pris quelque chose ? non, enfin mon traitement. Bon, point avec la psychologue demain. J’ai très peu réussi à parler à la psy, je semble prendre le dessus pendant 3 jours puis le physique ne va pas, ambulance car je ne peux pas marcher, 12h aux urgences, l’urgentiste veut m’hospitaliser en médecine générale, le médecin de garde ne veut pas faire l’entrée, il me braque, moi je ne suis pas médecin de la douleur, je ne vois pas ce que je peux y faire, on est le week-end, après une longue, très longue parlementation, on me transfère dans le service où j’entends le médecin s’exclamer qu’il avait dit qu’il ne me prenait pas. Au final, le brancardier lui montre les papiers, me rassure, me dit que l’équipe sait que je suis là et le médecin aussi et qu’ils vont s’occuper de moi. Le lendemain, ce médecin homme avec lequel, cela avait été plus que houleux, vient pour m’examiner, ceci dit, les propos et les gestes étaient tout à fait adaptés ce dimanche. C’est quelques heures plus tard, dans le début d’après-midi, que je me sens mal, une grosse crise d’angoisse, c’est la première fois que çà m’arrive, je sonne, l’infirmière arrive, on se connait, c’est une ancienne collègue, qui m’avait aidée et soutenue lorsque je travaillais dans ce service 4 ans plus tôt, à mi-temps thérapeutique et que c’était plus que compliqué avec mes douleurs d’assurer mes 8h de poste. Elle me reconnait, me met à l’aise, et j’arrive à lui dire que le kiné qui me suivait a eu des gestes déplacés envers moi et que l’examen de ce matin a déclenché çà à distance. Elle me dit que les internes en ce moment sont des femmes, qu’il y a aussi le docteur intel mais que je ne suis pas dans son secteur. Tu peux demander à ce que ce soit des femmes qui te suivent. Demande effectuée le lendemain, pas trop le choix, ai du sortir de la pièce quand le médecin homme s’occupait de la voisine de chambre, tellement çà m’angoissait et pourtant je le connaissais… les crises d’angoisses viennent 4-5 fois par jour et je commence à avoir des flashbacks. 
24-48h après, un autre type de flashback arrive par moment, ce n’est pas le kiné, mais un oncle, le mari de la sœur de mon père, et je suis enfant, j’ai 10 ans, une agression sexuelle commence à apparaître, au bout de deux mois, et de nombreux flashbacks, réveils nocturnes en cris ou en pleurs, je me souviens de toute la scène de viol que j’avais « enfouie ». C’était un dimanche après-midi d’août 1992, j’étais allée avec mes parents chez mon oncle et ma tante, je n’ai pas le souvenir de les avoir vu avant, les relations familiales étant déjà complexes avec mon oncle. Mon oncle était très proche de moi, trop proche de moi, « collant ». Puis, je me suis retrouvée avec mon cousin dans la salle de jeux, les adultes étaient ensemble ailleurs, à l’étage me semble-t-il. Je jouais avec mon cousin de 4 ans, on était debout face à face devant une table de jeux, un jeu en bois que je ne connaissais pas et que j’appréciais, j’étais dos à la porte face à la fenêtre. Mon oncle est arrivé dans mon dos, il a commencé à m’enlacer, à m’embrasser dans le cou, je me débattais, je lui demande de me lâcher, je voulais continuer à jouer avec mon cousin, il me serrait de plus en plus fort, je ne pouvais plus tenir les pièces du jeu, il m’éloignait de la table en me tirant par l’arrière, je revois le regard interrogatif de mon cousin. Mon oncle m’a dit viens à côté, on va jouer, pourquoi qu’est-ce qu’il y a comme jeu à côté, il y a une chambre. Mon oncle a sa main serrée au niveau de mon épaule gauche, il dit à mon cousin de prendre un autre jeu, l’emmène dans un autre coin de la pièce sans me lâcher et m’emmène dans la chambre. Le dessus de lit est d’un blanc étincelant. Il me demande de me déshabiller, je ne veux pas enlever ma culotte, je me retrouve contrainte à le faire. Puis je me revois allongé sur le lit du côté de la fenêtre, sur le côté, il est face à moi, nu également. Il me fait lui caresser son sexe puis lui faire une fellation, je lui dis que je ne veux pas, il me force à continuer, me dit que c’est des jeux d’adulte, mais que lui m’apprend car il pense que je suis en âge. Puis il met sa bouche sur mon clitoris, je vois la scène de l’extérieur, je suis debout à côté du lit et j’observe ce qu’il me fait puis il introduit un doigt dans mon vagin. Pourquoi me fait-il çà ? il est en moi ! Cette sensation… Il me roule une pelle, il m’empêche de parler, beurk, c’est dégueulasse, lâche moi la langue, oh et avec ma bouche, tout à l’heure il m’a fait faire… c’est plus ma bouche, elle ne m’appartient plus. Il termine enfin de m’embrasser… et me dit c’est bon tu peux te rhabiller, je m’exécute. Je rejoins mon cousin dans la pièce d’à côté, j’ai l’impression qu’il n’a pas bougé depuis qu’on l’a laissé, je reste assise en face, je ne dis rien, son regard interrogateur… 
J’avais 14 ans, c’était un repas de famille chez ma mamy, j’étais seul avec mon cousin à écouter des disques. Il est arrivé et s’est rapproché de moi, et je me suis reculée mais j’avais un mur juste derrière moi, je me suis trouvée coincée contre le mur,  la porte était derrière lui. Que c’est il passé, je n’en ai aucun souvenir, une vague impression qu’il m’a touché la poitrine et embrassée, mais j’en suis pas sûr. 
C’était il y a quatre ans environ, j’avais 26 ans approximativement, je faisais mon marché, et je ne sais pas d’où il est arrivé, son œil de lynx avait dû repérer sa proie de loin… Mon oncle commence à engager la conversation et au fur et à mesure il se rapproche de moi, je me retrouve coincée contre une étal du marché, je cherche de l’aide du regard, un homme s’est rapproché, mon oncle s’est reculé et est parti. 

mercredi 13 février 2013

Nouveau témoignage d'une femme victime d'inceste pour le blog Le livre noir des violences sexuelles avec des extraits de sa plainte auprès du procureur un an après la mort de son agresseur



Témoignage publié également sur le blog 
de l’ouvrage de la Dre Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles à Paraître chez Dunod le 10 avril 2013
sur la page Témoigner


Mon témoignage, 13 février 2013.
Je suis née en 1957
Je suis victime de mon père de ma plus tendre enfance jusqu'à mes cinq ans.
Comme de nombreuses victimes j’ai « oublié » ce traumatisme au plus profond de ma mémoire.
J’ai grandi dans une famille mise à huis clos par ce père tyrannique, avec un profil manipulateur, pervers narcissique.
 Ma mère soumise est déjà bien détruite par une mise sous emprise de son époux et réduite aux tâches ménagères et à « l’éducation » de ses huit enfants. Etant la dernière née j’ai reçu pour héritage les méfaits installés au sein de ce fracas émotionnel.
Je me suis construite sur un terrain toxique des plus destructeurs.
Une scolarité désastreuse et une mise à l’écart de l’enfance puis d’une adolescence tristement meublé de cauchemars, de phobies de manque d’estime de soi de non existence et d’aucune valeur où se raccrocher, anorexique et pleine d’idées noires.
J’ai 20 ans et une vie affective désertique puis une descente aux enfers avec un départ de la maison  avec un homme qui n’aura aucune difficulté pour finir le travail paternel (viols et violences  conjugales) cinq années d’errances de non respect de moi-même, de drogues, de conduites à risques, jusqu'à l’overdose. Trois semaines en hôpital psychiatrique, puis suivi thérapeutique,  le psy me maintient  juste la tête hors de l’eau. Dose surélevée de benzodiazépine  et je me dope avec  ce produit : je pratique le nomadisme médical.
Un jour mon conjoint me séquestre dans l’appartement  (j’avais osé parler de séparation) me frappe avec violence, m’insulte et me mets un grand couteau de cuisine sous la gorge. Il est hors de lui et dans son regard je vois sa folie meurtrière.
Je m’enfuis  avec pour seul bien ma voiture et deux valises en carton…
Aujourd’hui je suis en couple avec un mari formidable et nous avons deux fils c’est seulement a quarante ans que j’ai retrouvé la mémoire avec l’aide d’un thérapeute.
Confrontation avec mon père en 2002 et révélation au reste de la fratrie (face à face et en individuel avec chacun de mes frères et sœurs : Résultat indifférences et rejet. Tentatives de manipulations pour me faire taire.

Avril 2010 mon agresseur est mort.
Mai 2011.j’écris une lettre au procureur de la république.
Objet : Dépôt de plainte.                                                                                                                                  

Extraits de cette lettre.                                                                                                                                               
 Ai l’honneur de porter plainte contre mon père …..Sachant que cette plainte n’aura pas de suite, le seul but de ce courrier est d’être entendue par vous et ainsi de me libérer de ce lourd et encombrant héritage.
Déposer ainsi une trace au niveau de la justice pour que tout ce que j’ai enduré ne soit pas inutile.
Ne dit –on pas qu’une victime ne peut se réparer que si elle est reconnue en tant que telle.
Voici donc mon seul recours pour me faire entendre et sortir du monde du Silence.
Les faits :
Toute mon enfance a été marquée par l’isolement et la violence des mots prononcée par ma mère »Putain Saleté Sale crasse » et lorsque j’ai débuté ma thérapie ce sont les premiers mots que j’ai révélés à mon thérapeute.
J’ai eu une scolarité désastreuse. J’étais une petite fille instable, très angoissée et je faisais des crises de nerfs  avec impossibilité de me concentrer. Je suis née en 1957 et hélas à cette époque à la période de ma scolarité aucun enseignant n’a prêté attention à cette petite fille qui était si mal. J’ai donc été mise de côté autant à l’école que dans ma famille, qui disait de moi que j’étais bizarre, étrange, folle.
A 20 ans j’ai quitté ma famille pour suivre mon premier mari, un homme violent. J’ai vécu l’Enfer. J’ai fui le foyer conjugal pour me réfugier et me protéger dans un centre d’accueil pour femmes en détresse.
En 1981 j’ai rencontré mon époux actuel et en 1983 nous avons eu notre premier enfant. Cette naissance a déclenché un véritable séisme intérieur et le début d’une longue et douloureuse thérapie. J’ai mis à jour des souvenirs insoutenables et traumatisants (autres détails réservés au procureur)
Cela se déroulait dans la salle de bains, sans violence, sous forme de jeux et de soins corporels. Le but étant pour lui l’introduction de ses doigts dans mon vagin et l’anus …. (Autres détails réservés au procureur).
Souvenir de cette scène hallucinante ou petite fille je frappais avec violence l’entre jambe de ma poupée avec une fourchette.
Avoir mis à jour ces souvenirs fut si dur que je n’ai pu en  parler, avec l’aide de mon thérapeute, à mon époux que six mois plus tard. Tant j’avais peur d’être prise pour folle !
En 2002 je suis allée voir mes parents. J’ai parlé avec mon père et je l’ai confronté, il ne croisait pas mon regard. Il m’a dit ceci
-J’espère que tu n’en as rien dit à ta mère.
-Je te ferais un procès.
- Je ne veux plus te voir.
Plus tard j’ai vus, un à un, mes frères et sœurs et j’ai fait mes révélations.
Conclusion tous sans exception m’ont tourné le dos et ainsi réduite au Silence.
A ce jour je n’ai plus aucun contact avec ma famille et pas plus avec la famille de ma mère. Mais Tous sont au courant.
Je ne changerai pas le passé, mais cette lettre est pour moi une étape très importante pour enfin tourner la page.
Je suis militante et mon combat est orienté vers les nombreuses victimes qui vivent ce calvaire d’être rejetées et exclues. Quelle douleur inimaginable.

 A ma grande surprise j’ai reçu rapidement la réponse du Procureur

REPONSE DU PROCUREUR le 9 Juin 2011
Madame,
J’ai lu avec beaucoup d’attention votre courrier  en date du 23 mai dernier, dans lequel  vous avez souhaité m’exposer les abus sexuels incestueux dont vous  avez été victime au cours de votre enfance, de la part de votre père aujourd’hui décédé.
Je suis naturellement sensible à votre démarche, et je tiens à vous informer que si votre plainte sera effectivement classée sans suite, elle fera l’objet, à votre nom, d’un enregistrement au bureau d’ordre national qui répertorie l’ensemble des procédures pénales traitées sur le territoire national. La Justice conservera donc, conformément à votre souhait, la trace des actes que vous avez souhaité dénoncer officiellement aujourd’hui.
Je me permets d’ajouter, à titre personnel, que je suis heureux de constater que vous avez su trouver dans la parole et l’engagement au service d’autres victimes de faits similaires, une réponse au traumatisme que vous avez subi.
Je vous prie d’agréer, madame, l’expression de toute ma considération.

Voilà mon témoignage et un ENORME REMERCIEMENT à Muriel pour son engagement et sa ténacité.

lundi 11 février 2013

Nouveau témoignage de Noëlle Le Dréau auteure du livre Après l'inceste paru chez Dunod en 2012



Témoignage publié également sur le blog 
de l’ouvrage de la Dre Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles à Paraître chez Dunod le 10 avril 2013
sur la page Témoigner


Il y avait 45 ans que je marchais à côté de ma vie !
Ma famille, pourtant "bien pensante" et "bien sous tous rapports" a explosé lorsque, tétanisée, j’ai enfin osé lui dire, à cinquante ans, avoir été victime d’inceste paternel.
 Ma mère, ma fratrie, mes tantes…, ainsi que... deux de mes trois enfants pourtant adultes, n’ont pas avalé le morceau !
C’était en 1996.
En sortant le secret de son tombeau, je n’avais pas imaginé ma mythique « Famille unie » plastifier mon vécu dans le déni, s’enrouler ainsi sur elle-même, d’un seul Corps, se/me mettant en quarantaine. S’excluant, m’excluant. Violemment. Me traitant de folle.
Démanteler ce fatras de mensonges déversés contre moi !
Le temps vint ainsi pour moi de ne plus me laisser être vaincue par ce chaos, par ce vide creusé, par ces relations parties en lambeaux, ces valeurs désagrégées comme si rien de sensé n’avait jamais compté entre nous, grands et petits.
Je fis nombre de thérapies, écrivis un livre qui me nécessita douze ans de recherches, d'exigences d'analyse, de rédaction, (APRES L'INCESTE, Comment je me suis reconstruite avec la psychogénéalogie, InterEditions).
Je me sentis enfin reconnue notamment lorsque la Dre Muriel Salmona  accepta de préfacer mon livre,  et lorsque je fus demandée pour intervenir pendant 1h30 aux 3° ASSISES PREVENTION ADDICTIONS ADOLESCENCE 2009 Ancenis/Nantes/Angers,
puis auprès de magistrats et experts au cours du Colloque de Vigilance Enfance Angers 2011 : L’INCESTE, LA DERIVE INCESTUEUSE, Quelles évolutions, quelles réalités et réponses de la société :  Psychogénéalogie, Transmissions Reproductions, Quelle prévention possible ?", (Organisé par la Protection Judiciaire de la Jeunesse Maine et Loire/Sarthe/Mayenne). De même les nombreux courriers témoignages d'amis face-book se retrouvant dans ce livre, me remerciant pour l'aide qu'il leur apportait furent pour moi d'un soutien inouï.

Mais ni la reconnaissance ni les thérapies n'ont pu empêcher mon corps d'absorber ces traumas s'ajoutant à ceux de mon enfance.
Si j'ai réussi à combattre et survivre aux violences de mon enfance, puis aux violences psychiques du rejet familial, les dépasser même assez souvent, mon corps éprouvé en porte les douleurs et bien des vicissitudes.
Je me sens cassée. Désemparée.
Noëlle Le Dréau, 66 ans.
Noëlle Le Dréau

Auteure de
APRES L'INCESTE
comment je me suis reconstruite avec la psychogénéalogie.
 InterEditions Dunod

http://www.amazon.fr/Après-linceste-Comment-reconstruite-psychogénéalogie/dp/2729611835

06 79 73 13 75
 http://www.facebook.com/profile.php?id=1229754846
www.racontemoimonarbre.com

Pour lire la préface du livre Après l'inceste de Noëlle Le Dréau de la Dre Muriel Salmona cliquez ICI

dimanche 10 février 2013

Témoignage d'un homme victime d'inceste maternel




Témoignage publié également sur le blog 
de l’ouvrage de la Dre Muriel Salmona : Le livre noir des violences sexuelles à Paraître chez Dunod le 10 avril 2013
sur la page Témoigner


Le 6 janvier 2006, j’ai perdu une dizaine de pages d'écritures j’en avais lu quelques bouts à Muriel Salmona, j’ai besoin de redémarrer un long récit que je ne veux plus perdre dans la poubelle de mon ordinateur… acte manqué ?
Ce texte, il est écrit pour ne pas perdre le fil, et pour toutes les femmes qui m’ont aidé et les rares qui m’ont aimé et que je n’ai pas su bien aimer, ma petite sœur si possessive, C. qui m’a donné le meilleur d’elle-même, et ma femme la fée tenace  qui voulait tant de moi, la femme la plus proche de l’absolu et la moins dangereuse qu'il m’a été donné de rencontrer, enfin à la petite fille que le petit garçon veut tant rencontrer et que
l’homme aime tant… toutes celles qui m’ont aidé en premier leurs sourires, leurs patiences, leurs attentes  …
Je les aime profondément …

La mort de l'enfant :

Sept ans, peut-être huit et déjà trop de choses qu’il sait qu’il sent, et un dimanche d'automne la mère tant aimée est seule avec lui dans la maison. Egarée elle n’est pas comme d’habitude et d’un seul coup,  la bouche en coin, remplie de fureur, les ordres sont là, durs impitoyables sans réplique possible, me laissant sans voix… et ainsi  je me retrouve avec la culotte courte et le slip sur les chevilles le haut du corps couché contre une table, et puis cette douleur aux fesses, ne pas pleurer, ne pas pleurer… cette douleur qui me coupe en deux, cela fait tellement mal, tellement, et puis ses mains, ses mains autour de mon cou, et elle serre et là c’est bon, là je peux partir, je veux partir, elle m’ouvre la porte à l’ailleurs, fuir, fuir, partir…

Seul dans la pièce couché par terre contre la table j'ai mal aux fesses ; l’air rentre dans mes poumons avec difficulté et sans plaisir, c’était trop bon avant, juste avant, pouvoir repartir en arrière et puis il devient à mesure que je reprends mes esprits lourd, il est devenu irrespirable trop lourd, il faut bien bouger, il faut bien vivre, enlever aussi la banane d’entre mes fesses remonter mon slip et remettre ma chemise dans la culotte il faut bien bouger… 
Mais pouvoir repartir comme avant quand elle serrait mon cou…
Bouger pour aller où ???
Dans la pièce d’à coté elle est là de dos. L’air pèse maintenant des tonnes, je vais dans un coin, elle se retourne dans son regard il y a encore la fureur, la mort et puis la menace, de toute façon il ne s’est rien passé. Demain matin l'enfant sera mort, il aura tout oublié.


L'homme

L’homme a cinquante ans l’âge où l’on fait l’inventaire et il s’aperçoit après plus de dix ans de travail sur lui qu'il n’est pas un homme, qu'il vit en dehors de sa vie, qu'il est Jeannot lapin, cette histoire qu'il se raconte depuis l'âge de 8 ou 9 ans… il n'est pas encore un homme, il est Jeannot lapin !!! Jeannot lapin travaille depuis 15 ans avec l’aide de sa psy et avant avec d’autres. Mais rien n’avance ou si peu…
Gros débroussaillage… Jeannot lapin pressent bien des choses qu'il ne veux pas ! Surtout pas voir ! Surtout pas savoir…
Et puis Jeannot lapin devient un homme fou à vouloir être enfermé, à vouloir mourir, à vouloir tout démolir quand il sait des rêves éveillés bien plus forts que les mots bien plus effrayants que la mort, des rêves qui vous poignardent le cœur, vous saisissent l'âme, des rêves si proches de la vérité qu'il avait eu si peur, si peur, si peur de les rêver pendant trente et quelques années. 

Les choses que l'homme écrit sont fragiles, moins que celles qu’il dit. Elles sont de l’ordre du dérisoire, du tellement dérisoire qu'elles sont de l’ordre de l'essentiel parce que simples et sans détour.
Jeannot lapin pensait que la désespérance était une forme supérieure de la critique, qu'il  fallait bien l’’appeler bonheur pour que demain se lève… L’essentiel est de l’ordre de la solitude et de la beauté éphémère d’une vie de chaque jour, d’une vie… mais que c’est dur pour Jeannot lapin… parce que sa femme le pousse, ne le lâche jamais il sent que Réussir sa vie c’est quoi pour lui sinon cet entêtement à retrouver l'enfant, refaire le chemin jusqu'à s’y perdre pour mieux s’y retrouver, pour mieux retrouver la vérité et l'essentiel dans  le dérisoire.


Jeannot lapin naquit à l’âge de huit ans, et est mort l’automne des 50 ans de l’homme.
L’homme est né à 50ans seul désespéré. Les montagnes étaient noires elles crachaient la pourriture du monde, l'homme est à peine commencé, et il n’entrevoit même plus la vie, il n’entrevoit même pas les chemins du possible…
Ces jours là, mon âme et mon cœur se sont enfuis de mon  corps, trop dangereux pour elles de vivre là dedans… dans le trou  béant de ma carcasse vide, place était faite au néant.
Il y avait eu dans ma vie un jour qui n'aurait jamais dû exister un jour que je maudis, ce fut le jour de la grande démente qu’aujourd’hui encore je maudis, le jour où la grande démente me fit voir son âme si méchante, elle n'avait plus le visage d’une femme, c’était la mort jalouse qui hurlait et qui en même temps me disait je suis celle que tu aimeras dans ta mort.

Elle m'envoyait, en ne finissant pas son geste meurtrier, en enfer aux mains de puissances infernales prêtes aux bacchanales sataniques faire refaire ce qu'elle n'avait pu défaire. Très souvent, depuis, je me demande pourquoi les femmes, la Femme peuvent être porteuse en moi de tant d’espoir, sans doute parce que celles que j'ai rencontre m’ont aimé à se brûler.
Mais je crois aussi que malgré la perversité de la relation que la vieille sorcière entretenait avec l'enfant avant le jour terrible, l'enfant sentait bien que cela n'était pas normal, mais il en profitait, petit roi dans le lit de sa mère, combien de matin alors que le père était en bas déjà au boulot, le seul souvenir d’avant le jour du viol  de l'enfant que Jeannot lapin se rappelle :
Les matins au lit, souvenirs tronqués il a cru à des câlins tendres mais cela ne collait pas avec cette froideur de la mère avec tout son entourage, avec les souvenirs de ma sœur tellement possessive avec son petit frère, mais qui depuis le début m’a cru, et qui remonte les souvenirs avec moi retisse notre histoire.
Le seul véritable souvenir qui me reste de l’enfant d’avant ce sont ses heures le matin au lit à prier, prier, toujours prier, égrener des chapelets, le livre sur Charles de Foucault et surtout les actes de contrition, c’est ma faute, c’est ma faute c’est ma très grande faute, mais avant vers les 3-4 heures du matin dans mon demi sommeil près d’elle ???
Vous Mme Salmona qui avait la patience d'attendre que les paroles sortent de ma bouche alors que si souvent vous saviez déjà, vous avez parlé de fellation, un gros mot pour vous ! Devançant ainsi ma pensée au passage c’est la pratique que j'aime le moins, satisfait comme tout un chacun que mon sexe durcisse dans la bouche de la femme qui pense me faire plaisir, cela ne me dégoutte pas mais m'ennuie profondément me gène horriblement, j'ai l’impression que l'on me prend ce que je ne veux pas donner…
Trop tôt, pas avec toi, tu n'avais pas le droit de prendre et de casser !!! La vieille sorcière avait fait de l’enfant avant même la journée du viol un grand foutoir, d’un désordre incroyable, mais c'est si bon d'être aimé par la femme la plus belle du monde, ta mère, et si bon d’entendre le père travailler en bas et de la rejoindre comme dans un rêve, d’un pas si rapide, d'être dans le secret d’une attente, pourquoi je cours dans son lit tant de matin si simple comme le retour d'un boomerang, parcequ'elle m'aime, que c'est si doux que j'approche dieu et…
Que je n'ai pas l'âge de comprendre, que le trou qu'elle a tout en haut de ses jambes porte le même nom que ces fenêtres étroites dans les châteaux forts, une meurtrière, que ce trou que depuis je n’ai jamais pu appeler dans l'intimité avec une femme ou en analyse que « ventre », tant j'ai de mal à nommer par où elle m'a conçu, par où elle m'a donné à la vie c'était aussi par là qu’elle me dépossédait de tout moyen de grandir, d'être, ma tête enfouie entre ses jambes. 
De l'enfance je ne gardais aucun souvenir à part les prières au lit chaque détail, les livres, les images, le chapelet, la pièce, les odeurs, la couleurs, les autres souvenirs sont morts un jour tourmenté d’automne mais celui là aussi je l’avais oublié.
 Et la mort cette maladie des vivants me revient sans cesse entraînant le manque de sens, l'absence de tout, elle vous met en disgrâce, en pointillé, vous n’avez plus goût à rien ou pire : le meilleur,  les femmes,  les amis, les amours, la montagne, le travail n'ont plus de goût vous n’êtes personne, vous n’êtes pas l'enfant serez-vous l'homme ???


Jeannot lapin est devenu parce que l'enfant était mort, il est né à huit ans, mais il sent que sa vie n’est pas faite pour lui.
Mais, par quel vrai miracle, il sait aussi qu'il faudra déjà choisir entre l'amour ou bien le vide, le désespoir ou bien l’ennui, la passion et la bagarre ou le rien. Jeannot lapin a choisi la vie et l’amour, et le désespoir aussi, les montagnes et les femmes aussi… 
Jeannot lapin c’est un truc bizarre, cela ressemble a un petit garçon et c’en est pas un.  D’abord Jeannot lapin,  son père il les tue les lapins avec amour d ailleurs aller savoir comment on peut tuer avec amour, mais si mais je vous l’assure ce père là, il a toujours tué avec amour et tendresse combien de fois  Jeannot lapin l’a vu caresser les plumes ou le poil du gibier comme jamais il ne l’a vu faire avec sa femme d'ailleurs il a un geste d'une tendresse infinie, il porte le gibier à son visage s enfouit le nez dans les plumes ou les poils, les embrasse.
 Une fois seulement dans sa vie, vers onze ans, il découvre  une autre facette de son père en rentrant de l’école, il ose entrer dans le café où il y a son père, et là il découvre un autre père, autonome qui a des idées, qui les défend, pas l’esclave que sa mère en a fait à la maison, cassante, autoritaire, dégradante.
 L enfant a eu une scolarité sans souci… tout sera catastrophique pour Jeannot lapin rien ne rentre dans sa tête ou alors il le ressent comme une agression, il est blindé, les autres sont dangereux, les hommes particulièrement il les sent veules, pas courageux, changeants. Dès cette époque dans ses fantasmes oniriques, il est déjà la femme, la femme abîmée, humiliée, souillée, maltraitée. Il souffre beaucoup  de ses sales histoires qui traînent dans sa tête.
 Par le hasard du scoutisme il découvre la spéléo, la spéléo l’amène à l’escalade, ainsi que des vacances familiales près de Chamonix. C’est une révélation merci Raoul merci Fernand il se fait des amis grâce à l’escalade ses premiers amours adolescents aussi,  ses amours qui ne me quitteront jamais, ses amours ou un regard un silence une main qui frôle un bras, une épaule, un genoux touche l'âme. 
Ce n’est pas pourtant l’amour d’un cœur simple, non tout est compliqué combien délicat et difficile,  c'est un amour qui vient de loin, au delà de la mort de l’enfant, au moment de sa naissance de ce premier abandon de cette solitude immense, de cette absence définitive. Rien ne s’est fait de normal en lui. 
L’homme est capable aujourd’hui de dire à l'enfant à Jeannot lapin que pour : «  je vous aime » il faut d abord dire JE, exister, être.
 Et puis l’amour c’est une joie qui nous arrive trop souvent pour nous rendre malheureux.

  
La rencontre 

Au détour du chemin l’enfant est là,  ils se sont reconnus dans l'instant.
-Tu en as mis du temps dit l enfant. 
-Oui mais je suis là.
Les yeux de l'enfant rougissent, des larmes coulent, il ferme ses poings.
-Je suis resté trop longtemps au bord du chemin tout seul, transparent, personne ne me voyait, personne ne me parlait les adultes sont des abrutis ils laissent leur enfance comme cela dans le caniveau. 
-Viens, il faut que je retourne là-bas avec toi.
-Ben voyons ! 45ans que je t’attends, mais moi je ne vais nul part, elle qui m’aimait m'a emmené dans les chemins interdits, puis pour se venger du bien qu'elle se faisait dans le chemin de l'horreur, et moi comme ça il faudrait que je te fasse confiance !… Là-bas c’est chez toi moi, ici plus personne ne me voit, plus personne ne me fait plus mal, plus personne ne m'aime, il n’y a pas de demain, il n y a qu’hier, elle a tué l'espérance, mais la flamme de la vie éclaire juste aujourd’hui… c’est bien, tout s’est arrêté, il ne peux plus rien m’arriver ici !
L homme se dit je suis tombé sur un bavard, bon ok !… Il faut le comprendre, 45ans sans parler, mais quand même il a l’air chiant.
-Moi j'ai ma vie à continuer, j’ai besoin de toi.
-Moi je n'ai pas besoin de toi !
-Pourquoi tu pleures alors ?
-Pourquoi tu m’as abandonné ?
-Je ne t’ai pas abandonné, c’est toi qui est resté au bord du chemin.
-La vie était morte, elle m'aimait et puis tout cela tu sais j'étais déjà un homme avant tout le monde, elle m'aimait comme un homme. 
-Non comme une chose, comme sa chose !!!
-C’est pas vrai !
L’enfant criait et pleurait.
L homme dit :
-Et puis tu m’énerves, elle ne t’aimait même pas comme sa chose, à travers toi elle essayait de ne pas disparaître, tu étais la clef qui lui permettait de reprendre ce que les hommes lui avait volé, peut-être tu étais sa chair tendre qu’on lui avait meurtrie, tu étais peut-être sa jouissance qu'on lui avait enlevée et puis viens je te dis.
 Cette fois c’est l'enfant qui pense que l'homme est un bavard, et puis méchant en plus…
-Si elle m’aimait !
 Et il éclata en sanglot.
L'homme s’assit à coté de l'enfant, il lui caresse les cheveux. il pleura longtemps, renifla et lança des cailloux, l’air buté, dans une flaque d'eau de l’autre côté du chemin.
L'homme aussi lança des cailloux, ce fut la première fois qu'ils firent en même temps, la même chose. 
Une femme passa maigre, habillée de noir, l’air préoccupé une faux à la main, ils lui lancèrent des cailloux l’enfant criait :
- Même pas peur ! Même pas peur !
 L homme lui avait la trouille, ce n’est pas eux qu'elle cherchait…
La mère passa et tout les deux ils eurent très peur, vieille sorcière en furie, voleuse d'enfance, violeuse d’âme, étrangleuse d’avenir ; elle n’avait pas eu sa proie, elle avait perdu sa foi, le doute était chez les siens, son âme saignait, son cœur saignait mais  plus son ventre, à se taper la tête contre les murs, à hurler la mort «  tues le, tues !!! » disait elle au père… 
Le danger éloigné, ils sortirent du fossé.
L’enfant dit : 
-Elle n’avait qu’à finir le boulot, pourquoi s'est elle arrêtée ? Pourquoi ses mains n’ont plus serré mon cou ? De toute façon cela n’aurait pas changé  grand-chose moi je suis mort depuis si longtemps.
 Il regarda l homme, il venait de le blesser et l'homme pleura.  Cela rassura l’enfant. 
L’homme pensa : «  La vieille sorcière avait fait de moi un grand foutoir d’un désordre incroyable, mais c'est si bon d’être aimé par la femme la plus belle du monde ta mère, c’est si bon d'entendre le père travailler en bas et de rejoindre comme dans un rêve ta mère d'un pas si rapide d'être dans le secret d’une attente, pourquoi je l’aime si simple comme le retour d'un boomerang parce qu'elle m’aime, que c’est si doux, que j'approche dieu, et que je n'ai pas l’âge de comprendre … il reprenait l'histoire de l'enfant à son compte… 
Alors  l’homme aima cet enfant qui est presque lui, ils jouèrent, ils n’étaient pas tout a fait un. 
L homme était presque jaloux de ces nuits avec la mère, bien sûr il le plaignait de cette journée d'horreur qui les avait si longtemps séparé…   Mais ainsi vont tant de choses… 
Mais moi, l’homme, j'allais être obligé sous peine de mourir de prendre l’enfant par la main, de lui expliquer la vie de lui dire la beauté de chaque jour, de chaque matin naissant,  la beauté d'une femme, d’un visage, de la naissance du soleil, de la joie d’être père, j'allais être obligé de lui dire que l'amour, le vrai naît d'une rencontre fortuite programmée de tout temps, allez comprendre… Et que notre mère a bien mélangé les genres, que dans son désir pervers il y avait aussi le désir de sa mort, de son abandon, qu'elle l’avait placé à des endroits où jamais l'enfant n’aurait dû aller, qu'elle ne l’aimait pas comme amant bien au contraire, il était un objet tout entier au service de sa perversité, un jouet que, quand on ne peut plus l’utiliser, on le casse par dépit un jour d'automne, que l'on essaye de faire disparaître à jamais,  qu'est ce qui aura arrêté son geste meurtrier ??? 

Lui expliquer à l'enfant que désormais dans notre vie si il y a un passé meurtri, il n’y aura pas d’avenir paralysant, que le présent coule comme un torrent de montagne, comme un moment d'éternité et la quête d'un absolu tranquille.


 -Les choses passées, c’est la toile toute barbouillée sur le chevalet de notre histoire et de celle de Jeannot lapin, dit l’enfant, je suis le pinceau au bout de tes doigts, tu es le peintre, demain sera plein de lumière, ne nous prenons pas la tête, il faudra encore et toujours démonter les murs du labyrinthe cachant la beauté qu'est notre vie.
-Tu parles comme un homme maintenant ! 
-Je suis toi.

L homme dit :
 -je suis presque moi mais il ne faut pas oublier en route Jeannot lapin, Jeannot c’est la moitie de notre vie, une vie où tout ressemble à une vie d'enfant, d’ado, de jeune homme, d’homme, et ce que Jeannot lapin appelait son cœur n'était qu'une vieille boule de neige noircie, sale qui saignait son eau au premier rayon du soleil… Peut-être que notre parole est, elle, la suie de cette neige, et peut-être que ce que nous écrivons est, noir sur blanc, l'histoire de l'homme perdant son souffle à force de courir sur la plaine aveuglante. 

-De quoi sommes-nous sûrs dit l’enfant, sinon de cette nuit qui grimpe embellissant les femmes et tendant des guirlandes entre nos montagnes.

-En route !