lundi 26 décembre 2022

Intervention de la Dre Muriel SALMONA à la journée interprofessionnelle de l'observatoire parisien des violences faites aux femmes le 24 novembre 2022

   



Santé des femmes victimes de violences : bien diagnostiquer pour bien prendre en charge 


Détecter, prévenir, prendre en charge les violences pour améliorer la santé des femmes

Le 24 novembre à la Mairie du 13ème


Intervention de la Dre Muriel SALMONA, psychiatre, Présidente et fondatrice de l’association Mémoire traumatique et victimologie 



Les conséquences psychotraumatiques des violences sexistes et sexuelles sur la santé des femmes

 


Merci beaucoup Hélène. Je suis heureuse d’être parmi vous pour justement apporter des éléments sur ses conséquences psychotraumatiques des violences. L’association Mémoire traumatique et victimologie œuvre pour informer, améliorer la prise en charge, et lutter contre toutes les violences, et faire en sorte que la connaissance, la reconnaissance, la compréhension, l’information et la prise en charge autour des psychotraumatismes deviennent une véritable culture au service des victimes, et à leur secours, en quelque sorte.


Méconnaissance des conséquences psychotraumatiques des violences 


Actuellement les psychotraumatismes sont toujours très peu connus des professionnels qui prennent en charge les victimes de violences. Cette méconnaissance fait que, souvent, les conséquences psychotraumatiques qui sont pathognomoniques (qui sont la preuve des violences), non seulement ne sont pas identifiées, recherchées, traitées, ce qui représente une perte de chances très importante, mais sont très souvent retournées contre les victimes, pour les mettre en cause, pour les invisibiliser encore plus, pour alimenter des stéréotypes et toute une culture du viol. Cela va très gravement leur nuire, avec des prises en charge inadaptées, que ce soit au niveau médical, mais aussi au niveau social ou juridique. Il est très dommageable pour les victimes que leurs symptômes psychotraumatiques ne soient pas recherchés et pris en compte alors qu’une analyse de ces symptômes pourrait servir de preuves médico-légales pour corroborer les témoignages des victimes. Bien au contraire, ils sont fréquemment mal interprétés et sont utilisés pour remettre en cause la parole des victimes.

Avec le Docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, nous œuvrons au niveau international, de toutes les instances internationales, et aussi au niveau de l’OMS, pour que les preuves médico-légales apportées par l’analyse et le décryptage des symptômes psychotraumatique soit reconnues et pour qu’il y ait une meilleure prise en charge holistique (médicale, psychologique, sociale et juridique) des victimes de violences sexuelles.

La connaissance et la reconnaissance de ces psychotraumatismes sont très importantes en termes de réparation pour ces femmes, que ce soit en termes de santé, mais aussi en termes de réparation des préjudices énormes qu’elles ont subis. Cette méconnaissance est incroyable, car cela fait des dizaines et des dizaines d’années que nous avons toutes les les connaissances qu’il faut grâce à la recherche internationale et aux travaux de tous les cliniciens auxquels j’ai participé, et que nous savons ce qu’il faut faire et comment soigner les traumas des victimes de violences. Ne pas traiter ces psychotraumatismes représente une perte de chance très importante pour les victimes de violences sexistes et sexuelles. Il s’agit d’une perte de chance à court, moyen et long terme qui concerne leur santé mentale et physique, le risque de subir de nouvelles violences et de voir se créer et/ou s’aggraver des situations de vulnérabilité, de précarité, de discriminations et de handicap. Pour rappel les violences s’exercent toujours dans le cadre d’un rapport de force et de domination sur les personnes les plus discriminées et vulnérables. Les femmes en situation de handicap subissent trois fois plus de violences sexistes ou sexuelles, et lorsqu’il s’agit d’enfants, c’est même jusqu’à cinq fois plus, quand ils présentent des handicaps mentaux. 88% des femmes autistes ont subi des violences sexuelles majoritairement avant 18 ans.


Comment définir les psychotraumatismes et leurs conséquences


Nous savons que les psychotraumatismes sont des conséquences psychiques des violences que subissent les victimes. Ils s’installent pour des années. Si les personnes sont protégées et prises en charge précocement, nous pouvons éviter les cascades de conséquences sur la santé mentale et physique et sur la vie des victimes.

Toutes ces conséquences doivent être connues, et cela permet de mieux comprendre les victimes, mieux comprendre des situations qui peuvent paraître paradoxales, des comportements qui peuvent paraître incohérents, en tout cas incompréhensibles. Cela permet, et c’est essentiel, de pouvoir bien mieux évaluer à la fois la gravité des conséquences des violences sur les personnes, la souffrance qu’elles endurent et le danger qu’elles courent.

Nous allons le voir, dans le cadre particulier des violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes dès leur plus jeune âge qu’il existe un continuum de violences, très souvent les victimes subissent des violences à répétition, sur une durée parfois très longue, depuis très longtemps. Selon une étude de l’ONU (https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures), avoir subi des violences physiques et sexuelles pour une femme dans l’enfance, cela multiplie par 16 le risque de subir des violences sexuelles et conjugales à l’âge adulte. Les psychotraumatismes sont au cœur de ce continuum de violence.

Comprendre des deux symptômes centraux du psychotraumatisme provenant du mécanisme de sauvegarde que met en place le cerveau au moment que violences que sont la mémoire traumatique avec ses réminiscences, ses flash-backs et ses cauchemars et la dissociation traumatique et son anesthésie émotionnelle, est essentiel pour pouvoir identifier toutes les conséquences et les traiter, mais aussi pour comprendre les souffrances, réactions et les comportements des victimes  ainsi que les phénomènes d’emprise. Sans cette grille de compréhension, comme on l’a vu, ces symptômes sont reprochés aux femmes victimes de violences dans un retournement cruel, et ils servent à alimenter les stéréotypes sexistes et la culture du viol, les victimes sont à grand risque d’être abandonnées sans protection et d’être maltraitées. 


Informer sur les psychotraumatismes et en expliquer les mécanismes permet de rendre justice aux victimes.

Les troubles psychotraumatiques sont d’autant plus graves que les victimes sont jeunes voire très jeunes (le cerveau des enfants est très vulnérable à la violence dès la naissance et lors de la vie fœtale à partir du 3ème trimestre de grossesse), que les personnes sont en situation de grande vulnérabilité et de grand handicap, que les violences ont été répétées et se sont installées dans la durée, qu’il s’agit de crimes, tentatives de meurtre, tentatives de viol, viols. Ce sont tous ces éléments qui sont à prendre en compte. Ces violences intra-familiales et conjugales répétées et qui durent souvent de nombreuses années sont à l’origine de psychotraumatismes sévères et chroniques complexes qui ont de graves conséquences à long terme sur la santé et la vie des victimes.

Il faut aussi savoir que ces troubles psychotraumatiques sont très fréquents : autour de 70 % des femmes victimes de violences conjugales et sexuelles disent avoir un impact important ou très important sur leur santé mentale, et environ 40 à 50 % sur leur santé physique. Ces troubles ne sont pas uniquement psychologiques, ils sont accompagnés d’atteintes neuro-biologiques qui peuvent être très importantes. Avec des modifications de l’architecture du cerveau, des atteintes du tissu cérébral, des atteintes au niveau des connexions dendritiques et au niveau des circuits émotionnels et de la mémoire, ainsi que d’atteintes au niveau endocrinien liées au stress, qui vont entraîner une cascade de conséquences. Toutes les atteintes cérébrales sont visibles sur IRM, elles sont réparables, le cerveau a des capacités de neurogénèse et de neuro-plasticité très importante, à condition que l’on protège les victimes et qu’on leur donne les soins nécessaires.

 

Tout s’organise autour de plusieurs symptômes : la sidération, la dissociation traumatique et la mémoire traumatique qui se mettent en place au moment des violences. Ces symptômes sont dûs à des mécanismes de sauvegarde exceptionnels que le cerveau met en place pour échapper à stress extrême que provoque la sidération psychique face au danger et à la terreur qu’elle provoque, avec des taux d’hormones de stress adrénaline et cortisol tellement élevés qu’ils représentent un risque vital cardiologique et neurologique pour l’organisme. Ce mécanisme s’apparente à une disjonction qui interrompt les circuit émotionnels et de la mémoire et crée une dissociation traumatique et une mémoire traumatique des violences. Tout cela se fait avec une sidération (paralysie psychique) de départ face au danger et à la terreur provoqués par les violences avec le cerveau qui est bloqué et qui ne peut pas contrôler le stress extrême. La sidération traumatique qui est un phénomène normal dû à l’intention destructrice et à la cruauté de l’agresseur est souvent reprochée aux victimes car elles n’ont pas crié, dit non, fui ou ne se sont pas défendues.


La mémoire traumatique


La mémoire traumatique est une mémoire qui n’est pas intégrée, qui n’est pas consciente, mais qui va envahir les victimes pour leur faire revivre à l’identique, comme une machine infernale à remonter le temps, les pires moments des violences et ce ces années, voire des dizaines d’années après. Dès qu’une situation, un contexte, une sensation, une odeur, un bruit, une parole, etc., leur rappelle les violences, leur mémoire traumatique se réactive et leur fait revivre les violences, lea victime ressent à nouveau les coups, la souffrance, la terreur, l’impression de mourir, la suffocation - si elles ont subi des tentatives de strangulation-, ou encore le désespoir, comme si elles étaient à nouveau dans les violences. Elles vont réentendre continuellement les paroles, les injures et les cris de l’agresseur - le fait qu’il leur dise qu’elles ne valent rien, qu’elles ne vont arriver à rien, qu’elles ne sont rien, qu’elles sont méprisables, qu’elles ne méritent pas de vivre, que tout est de leur faute – ce qui va entraîner sans cesse des sentiments de honte et de culpabilité chez la victime. Cette mémoire traumatique se met en place dès le début les violences.  


La dissociation traumatique


Cette dissociation traumatique qui se met en place au moment des violences  lorsque le cerveau « disjoncte » entraîne une anesthésie émotionnelle, les personnes sont alors déconnectées de ce qui se passe, de leurs émotions comme si elles étaient spectatrices des événements violents ce qui leur donne un sentiment d’irréalité.  Elles sont comme des automates dans l’incapacité de pouvoir réagir, de pouvoir se défendre, de pouvoir identifier certaines situations, de pouvoir ressentir la douleur, la souffrance, la colère, la rage, la révolte qui serait nécessaire. C’est comme une hémorragie psychique importante, la victime semble supporter la douleur et accepter l’inacceptable. Cela met les victimes sous emprise directe et cela permet aux agresseurs de faire d’elles ce qu’ils veulent. Cette dissociation traumatique va durer tout le temps que la personne reste exposée au danger, à l’agresseur, au contexte. Cela explique pourquoi les victimes de violences intra-familiales ou conjugales restent avec leur agresseur et mettent très longtemps avant de pouvoir partir.

La victime va perdre sa vitalité et ses capacités. Il va lui falloir faire des efforts intellectuels énormes pour essayer, malgré tout, d’arriver à gérer les choses. La mémoire traumatique est là, dès ce moment-là, mais elle ne s’exprime pas émotionnellement. Quelqu’un de dissocié est très vulnérable, en grand danger de subir à nouveau des violences. La personne dissociée quand elle témoigne parait tellement déconnectée et absente, comme si elle était indifférente qu’elle risque fort ne pas être entendue et de ne pas être crue, car elle ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’une victime. 

Elle va être aussi en grand danger d’être repérée par tout le système proxénète. C’est en effet une aubaine d’exploiter une personne dissociée, qui ne va pas réagir aux violences, qui ne va pas hurler, crier, ni se défendre.

C’est aussi quelqu’un qui ne va pas paraître en danger. Si nous n’avons pas des grilles d’évaluation très précises, si nous ne posons pas des questions, ce sont des personnes qui ne vont pas dire spontanément qu’elles sont en grand danger, qui ne vont pas parler dire qu’elles ont peur peur, où le dire de telle façon qu’on ne va pas les entendre. Ce sont des personnes qui vont susciter très peu d’empathie. Lorsque nous sommes face à quelqu’un de dissocié, nous ne ressentons pas les émotions comme nous les ressentons habituellement de manière automatique grâce à nos neurones miroirs. Rares seront les personnes qui auront peur pour elles. Il faut vraiment savoir que ces personnes sont en fait comme en état de choc. Souvent, nous considérons que « cela n’a pas l’air d’aller trop mal » alors qu’elles sont gravement traumatisées et en danger.

Et ce sont des personnes qui vont également risquer d’être maltraitées pendant les soins, elles ne vont pas savoir se défendre par rapport à la notion de consentement, elles vont se retrouver aussi en situation de soumission, avec des soins qui pourront être très douloureux, pour lesquels elles ne pourront pas réagir.

Tant que la personne est dissociée, elle est dans cette situation de vulnérabilité. Aussitôt qu’elle commence à être protégée, qu’elle peut s’extraire de la situation de violence, à ce moment-là, la dissociation disparait et elle récupère ses émotions et ses capacités émotionnelles. Elle récupère également l’expression émotionnelle de sa mémoire traumatique. Souvent, quand les personnes arrivent à fuir la situation de violence et sont enfin à l’abri et protégée, c’est à ce moment là que leur mémoire traumatique des violences s’exprime émotionnellement et qu’elles risquent d’être complètement envahies par des sentiments de terreur, de détresse et d’angoisses. C’est comme pour les enfants qui lorsqu’ils reviennent de chez leur père violent, vont très mal et sont très agités avec leur mère protectrice. C’est au moment où les femmes et les enfants sont protégés que le moindre lien qui rappelle les violence  va entraîner un tsunami émotionnel et une grande souffrance, si on ne les prévient pas que c’estvnormzal en leur expliquant le fonctionnement de la mémoire traumatique elles vont avoir l’impression qu’elles vont beaucoup plus mal depuis qu’elles ont quitté leur conjoint violent. Cela va les conforter dans l’idée qu’elles sont incapables de vivre, et qu’il avait raison de dire qu’elles ne sont « pas fichues de survivre sans lui », et à ce moment elles peuvent retourner auprès de leur conjoint violent qui a le pouvoir de les anesthésier aussitôt, ou de retomber dans les griffes d’un autre agresseur. Les femmes sont dans ces situations souvent jugées sévèrement par des professionnels ou des proches qui ne connaissent pas ces mécanismes.

Il faut avoir toujours en tête cette dissociation traumatique. Si les professionnels ne la prennent pas en compte il y a un fort risque de sous-estimation de la gravité des violences subies, et de la souffrance et du danger couru par les victimes.


L’amnésie traumatique


Dernière chose, cette dissociation crée aussi ce que nous appelons une amnésie traumatique. L’anesthésie émotionnelle fait que les souvenirs ne sont pas hiérarchisés en fonction de leur impact émotionnel, tout les souvenirs sont au même niveau comme dans un brouillard. Les souvenirs traumatiques sont là mais ils n’émergent pas. Si nous ne posons pas de questions, si nous n’allons pas les chercher, nous n’aurons pas les éléments. Cette amnésie traumatique peut durer 10 ans, 20 ans, tant que la victime reste dissociée car en contact avec le système agresseur et son contexte, c’est d’autant plus le cas quand les violences sont intra-familiales et conjugales. Et ce n’est que lorsqu’elles sont enfin protégées que les souvenirs vont s’exprimer parfois de façon très violente au travers de réactivation émotionnelle de leur mémoire traumatique. Les victimes se voient reprocher : « Pourquoi parlez-vous si tard, pourquoi maintenant ? Pourquoi révélez-vous les faits maintenant ? ». Et quand elles vont enfin pouvoir dénoncer les violences qu’elles ont subi, les faits de violences peuvent être prescrits.

Cela veut dire aussi, avec cette amnésie traumatique qui est fréquemment partielle, que lorsque les victimes témoignent, il n’y a qu’une infime partie des violences qui sont rapportées. Il reste tout un « continent noir », la partie immergée de l’iceberg, qui n’est pas connu, qu’il va falloir rechercher.


Les stratégies de survies : conduites d’évitement et conduites dissociantes


Enfin, quand la mémoire traumatique est vraiment très présente émotionnellement, revivre continuellement les pires moments des violences est un enfer. Il est impossible vivre avec une mémoire traumatique, c’est une torture. Les victimes traumatisées ont alors deux stratégies de survie : soit de ne plus bouger, d'être dans l’évitement  et le contrôle total pour que rien ne risque de déclencher leur mémoire traumatique, ce qui entraîne un état de peur et d’hypervigilance permanentes, cela va entraîner un énorme handicap pour les personnes victimes, avec une grande vulnérabilité au stress, ce qui va réduire de façon très importante leur champs d’action et les empêcher de vivre normalement. Mais ces conduites d’évitement et de contrôle sont souvent vouées à certains moments à l’échec , il est impossible d’être en retrait total et les victimes ne pourront pas échapper à des situations où elles seront exposées à des réactivations de leur mémoire traumatique. Une sensation, une situation de stress, une douleur, une odeur, une personne  pourra rappeler les violences et leur faire revivre les choses dans toute leur horreur. À ce moment-là, les victimes découvre rapidement qu’elles peuvent mettre en place, une stratégie dissociante pour anesthésier leur mémoire traumatique, avec des conduites dissociantes telles que la consommation d’alcool ou de drogues - 30 à 50 % des victimes des violences ont recours à des conduites addictives - ou des conduites à risques : violences contre soi, scarifications, brûlures ou des mises en danger de toute sorte sur la route, dans le cadre de sport extrêmes, de jeux dangereux, de relations dangereuses et de mises en danger sexuelles, de conduites délinquantes et violentes contre autrui. Il faut savoir que si on est jamais responsable des violences qu’on a subies et de leurs conséquences psychotraumatiques, on est responsable du choix que l’on fait des stratégies de survie et si celles-ci portent atteinte à l’intégrité d’autrui dans le cas de contrôle coercitif ou de violences exercées contre autrui, ce choix montre qu’on adhère à une position dominante et inégalitaire avec une instrumentalisation d’autrui (considéré comme avant moins de valeur que soi) pour gérer  sa mémoire traumatique.

Comment fonctionnent ces conduites dissociante : se mettre brutalement en situation de stress crée un stress extrême qui refait redisjoncter le cerveau comme au moment des violences, et cela permet à nouveau de se dissocier et d’être anesthésié, avec tous les risques que cela comporte. Les conduites dissociantes sont très efficaces, mais elles sont aussi très préjudiciables pour la santé des personnes et leur sécurité. Si nous protégeons des victimes de violences, il faut toujours avoir en tête que la mémoire traumatique peut devenir vraiment très présente et qu’il peut y avoir malgré tout, malgré cette protection, des recours à des conduites dissociantes. Il faut donner toutes ces explications aux victimes, car sinon, elles ont l’impression que c’est elles qui dysfonctionnent.

Elles viennent de loin, il ne faut pas l’oublier : elles ont entendu de façon répétée que c’est leur faute, qu’elles ne valent rien et ainsi elles éprouvent un sentiment de culpabilité et de honte. Elles vont voir des psychiatres qui vont faire des « diagnostics écran », parfois complètement erronés, comme par exemple des diagnostics d’état limites, border-line, de psychose maniaco-dépressive ou hallucinatoire (cela peut aller jusque-là, la mémoire traumatique étant interprétée comme des hallucinations), ou toutes sortes de symptômes et de syndromes qui ne sont pas identifiés comme des troubles psychotraumatiques. Près de 79 % des victimes qui ont subi des violences sexuelles dans l’enfance, par exemple, disent que les médecins n’ont jamais fait de lien entre des symptômes qui sont pourtant pathognomoniques, du trauma et des violences.

 

Pour conclure, plusieurs points importants :


1.   La nécessité absolue pour tous les professionnel·les qui prennent en charge les victimes de violences sexistes et sexuelles d’être informé·es et formé·es, particulièrement les médecins et les psychiatres qui sont en première ligne (les femmes victimes de ces violences les désignent comme leur première recours). Il faut que les experts psychiatres et les psychologues soient formés aux troubles psychosomatiques, sinon, nous avons des expertises catastrophiques qui se retournent contre les victimes. Un exemple : la petite Sarah à l’hôpital de Pontoise a été vue par un expert. Cette fillette de 11 ans a subi des violences de la part d’un agresseur de 27 ans – dit en passant : c’est après cette affaire que nous avons réussi à obtenir le seuil d’âge du non-consentement. Ici l’expert a dit qu’elle n’avait aucune conséquence des viols qu’elle avait subis. Or, elle était dans un état de stress post-traumatique sévère, mais elle était totalement dissociée par le procès. Ce sont tous ces éléments qu’il faut connaître.

2.    Mais aussi il convient d’informer les victimes, cela est essentiel ; cela leur change la vie, leur rend justice, restaure leur dignité et la vérité pour elles. En résumé, ce ne sont pas elles qui font n’importe quoi, qui sont folles, ce sont les violences qui entraînent des troubles psychotraumatiques qui en sont des conséquences normales et universelles.

3.       Il faut mettre en place des dépistages systématiques il faut que les médecins soient capables d’identifier ces traumas, il faut des centres de soins spécialisés pour traiter ces psychotraumatismes complexes. La Convention d’Istanbul - Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique - préconise d’avoir un centre de prise en charge spécifique pour les violences sexuelles par bassin de 200 000 habitants. C’est une exigence. Il faut que ces soins soient mis en place et que ce soient bien des soins spécifiques spécialisés.

4.       Le traitement est efficace, par rapport à toutes ces conséquences. Cela évite les suicides. 50 % des victimes font des tentatives de suicide. Cela évite des dépressions à répétition, des troubles alimentaires, des troubles addictifs, des souffrances extrêmes, cela évite des troubles cognitifs très importants et cela stoppe le continuum de violences. La victime peut s’en sortir. Et si elle a subi de graves graves violences (violations des droits humains) qui ont fait basculer sa vie, des souffrances terribles, il est possible qu’elle ne les revivent plus à l’identique comme un enfer sans fin. Personne ne doit voir à survivre à des conséquences psychotraumatiques sans qu’elles soient prises en charge, identifiées, expliquées et soignées, c’est une question de dignité, de justice et de droit aux soins et à la réparation.

5.       Lors de l’évaluation, il faut avoir toujours en tête que la plupart des victimes sont en état de dissociation. Il faut alors poser beaucoup de questions sur ce qu’elles subissent et ce qu’elles vivent au regard des violences subies et du danger qu’elles expriment. Plus une personne est dissociée, plus elle est en danger. Et moins elle parait l’être, c’est cela qui est terrible. Il faut aller cherche les éléments.


L’association Mémoire traumatique et victimologie diffuse de nombreuses brochures pour les adultes, pour les adolescents. Nous en avons réalisé une pour les petits enfants, avec des illustrations de Claude Ponti « Quand on te fit du mal ». Vous pouvez les télécharger sur le site memoiretraumatique.org ICI ou nous les demander à l’adresse mail : memoiretraumatique@gmail.com. Nous vous les enverrons gratuitement. Merci.

lundi 7 novembre 2022

Le livre noir des violences sexuelles : parution le 16 novembre 2022 chez Dunod de la 3ème éd. actualisée et augmentée de l'ouvrage de la Dre Muriel SALMONA

 

LE LIVRE NOIR DES VIOLENCES SEXUELLES 

Dre Muriel SALMONA

Parution le 16 nombre 2022 chez DUNOD de la 3ème édition actualisée et augmentée, préfacée par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix




https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/livre-noir-violences-sexuelles-2



disponible en librairie à partir du 16 novembre 2022 et en version e-book ou broché sur les sites

DUNOD ; FNAC ; DECITRE ; AMAZON ; FURET DU NORD

Pour découvrir un extrait du livre cliquez ICI 

https://www.dunod.com/sites/default/files/atoms/files/Feuilletage_2855.pdf

Presque 10 ans se sont écoulés depuis la 1ère édition de ce livre. Entre temps, une révolution s’est produite avec les mouvements #MeToo de 2017 puis #MeTooInceste de 2021, qui ont libéré et légitimé la parole des victimes de violences sexuelles. Ces mouvements, associés à nos combats acharnés, ont permis une prise de conscience inédite de l’ampleur et de la gravité des violences sexuelles que subissent principalement les femmes et les personnes les plus vulnérables dès leur plus jeune âge. Le caractère systémique sexiste et discriminatoire de ces violences a été reconnu, ainsi que le fait qu’elles représentent un problème majeur de société et de santé publique. Pourtant, en 2022, les chiffres des violences sexuelles ne baissent pas, l’impunité s’aggrave, et la plupart des victimes de violences sexuelles restent toujours abandonnées, privées de protection, de soins spécifiques, de justice et de réparations. Le déni, la loi du silence et la culture du viol continuent de régner. 

Or, si on souhaite que le monde soit enfin plus solidaire et plus juste pour les victimes de ces graves violations des droits humains, que la vérité sur ces crimes et délits sexuels ne soit plus niée, la prise en compte des psychotraumatismes est un préalable nécessaire. Reconnaître les psychotraumatismes comme des conséquences normales et universelles des violences, informer le grand public et former tous les professionnels sur leurs mécanismes (la sidération, la dissociation et la mémoire traumatique), sur leurs lourdes conséquences sur la santé et la vie des victimes, et sur les soins efficaces à leur donner, permettra de leur éviter des pertes de chance considérables. Cela permettra également de démonter les mythes et les stéréotypes sexistes qui sont à l’origine de la culpabilisation des victimes et de la mise en cause quasi systématique de leur parole, et ainsi de restaurer leurs droits, leur dignité, et de leur rendre justice. C’est le combat que je mène avec le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018 et ce que ce livre s'emploie à faire.


Préface du Dr Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018 :


Ce livre noir des violences sexuelles de Dre Muriel Salmona, psychiatre et spécialiste reconnue en victimologie, est devenu mon livre de chevet. 


En développant avec brio les concepts de syndrome post-traumatique, mémoire traumatique, dissociation traumatique, troubles cognitifs, troubles de comportement des victimes, il a dissipé tout un pan de l’ombre épaisse qui couvrait encore, il y a peu, notre connaissance de la victime. 


Il m’a permis de comprendre davantage la profonde souffrance des survivant·e·s des violences sexuelles dans nos sociétés patriarcales où encore aujourd’hui règnent en maître la loi du silence, le déni de la violence, l’emprise de l’agresseur, la banalisation du crime, la culpabilisation, la solitude et le rejet de la victime ainsi que l’impunité. 


Quels que soient vos centres d’intérêt, votre discipline, votre sensibilité ou votre profession, je suis persuadé que sa lecture vous permettra de mieux comprendre une victime en face de vous ou une survivante qui vous consulte. 


Ce livre est une contribution substantielle à l’approche de prise en charge holistique des victimes des violences sexuelles telle que nous la développons à l’hôpital et à la Fondation Panzi depuis 20 ans. 


C’est la raison pour laquelle la Dre Salmona et nous travaillons ensemble à l’amélioration de nos pratiques et menons un plaidoyer à l’échelle internationale pour que la voix des victimes soit entendue, que les auteurs des crimes d’inceste, de viol et des violences sexuelles répondent de leurs actes devant la justice et que les survivant·e·s obtiennent des réparations. 


Je vous recommande vivement la troisième édition de ce livre, persuadé qu’elle élargira davantage le nombre de ceux qui y puiseront de la lumière. C’est un sésame, un phare qui éclairera le chemin de celles et ceux nombreux qui s’engagent et œuvrent avec détermination pour le changement de nos sociétés en promouvant l’égalité des genres, la sécurité, l’autonomie, la dignité et le pouvoir des femmes. 


Denis Mukwege,

Bukavu 15/09/2021










2ème congrès de la Chaire internationale Mukwege à Bukavu sur la Réparation en faveur des victimes de violences sexuelles et basées sur le genre : Intervention de la Dre Muriel Salmona le 2 novembre 2022

 2ème congrès de la Chaire internationale Mukwege à l’université  évangélique de Bukavu

du 1er au 3 novembre 2022


Réparation en faveur des victimes de violences sexuelles et basées sur le genre

https://chaire-mukwege.uea.ac.cd


Texte de l'intervention de la Dre Muriel Salmona dans le cadre du panel pilier psychologique 

le 2 novembre 2022


Bonjour à toutes et à tous. 

Je remercie les organisatrices et les organisateurs de ce 2ème congrès de la chaire internationale Mukwege de m’avoir invitée à parler :

Du rôle transversal et essentiel de la prise en compte du psychotraumatisme dans la prise en charge holistique des victimes de violences sexuelles. 

Cette prise en compte associée à une bonne connaissances des symptômes, des mécanismes et des conséquences du psychotraumatisme vient au secours des victimes pour mieux les protéger les soigner et les accompagner, et vient en renfort de leurs témoignages pour mieux leur rendre justice et améliorer leurs réparations. 

Si on souhaite que le monde soit enfin plus protecteur, plus solidaire et plus juste pour les victimes de ces graves violations des droits humains que sont les viols et que la vérité sur ces crimes ne soit plus niée, pour que leurs auteurs ne bénéficient plus d’une quasi-totale impunité, pour que leurs conséquences sur les victimes soient prises en charge, la prise en compte des psychotraumatismes est un préalable nécessaire

Reconnaître les psychotraumatismes comme des conséquences normales et universelles des violences, informer les victimes, leurs proches, le grand public et former tous les professionnels sur leurs mécanismes (la sidération, la dissociation et la mémoire traumatique), sur leurs lourdes conséquences sur la santé et la vie des victimes, ainsi que sur les soins efficaces à leur donner, permettront aux victimes d'être mieux comprises, mieux accompagnées et de leur éviter des pertes de chance considérables, des injustices en cascade et de subir de nouvelles violences : que ce soit au niveau de leur reconnaissance, du dépistage, de leur protection, de leur santé physique et mentale et de leur prise en charge qu’elle soit médicale, psychologique, judiciaire et sociale. 

Cela permet également de démonter les mythes et les stéréotypes sexistes construits sur des symptômes psychotraumatiques détournés de leur cause, les violences subies, et utilisés pour culpabiliser les victimes et décrédibiliser leur parole, leurs témoignages, leurs souffrances et ainsi de restaurer leurs droits, leur dignité, et de leur rendre justice. 

En effet, dans nos sociétés patriarcales et inégalitaires, avec une incroyable cruauté, les rares femmes et filles qui dénoncent les viols qu’elles ont subis, en sont le plus souvent tenues pour responsables, voir même coupables. Leurs traumas leurs sont reprochés, au lieu d’être reconnus comme des conséquences normales et universelles des viols et comme des preuves de ce qu’elles ont vécu. Dans un retournement particulièrement injuste, leurs symptômes psychotraumatiques (sidération, dissociation et mémoire traumatique) et leurs conduites de survie (conduites de contrôle et d’évitement, et conduites dissociantes à risque telles que des addictions, des auto-mutilations des mises en danger) sont utilisés pour les discréditer, disqualifier leur témoignage, les psychiatriser, et pour les accuser d’être à l’origine de leur propre malheur. Et ce d’autant plus, que les stéréotypes sexistes les plus répandus intègrent ces mêmes symptômes psychotraumatiques et leurs conséquences sur la santé et la vie des femmes pour essentialiser ce qu’est une femme, sa personnalité, ses capacités et sa sexualité, dans un processus mystificateur haineux qui alimente sans fin les stéréotypes sexistes, les fausses représentations et la culture du viol qui les rendent coupables des violences qu’elles subissent, voire pire les considèrent comme sans dignité, aimant être violentée et dégradée. À l’inverse, les hommes qui les ont agressées sont dans leur très grande majorité protégés, disculpés, innocentés, leur sexualité violente normalisée et tolérée comme un besoin, ils peuvent même être considérés comme les « vraies victimes » de ces filles et de ces femmes qui les auraient provoqués, manipulés ou accusés à tort.

Nous allons voir que l’analyse et le décryptage clinique des troubles psychotraumatiques que présentent les victimes, est un outil scientifique médico-légal performant en plus d’être un outil thérapeutique essentiel et d’une grande efficacité permettant la réparation de l’intégrité et de la dignité des victimes. 

Cet outil permet d’évaluer de façon détaillée les répercussions des violences sur la santé et la vie des victimes, d’aider à mieux évaluer le danger qu’elles courent en prenant compte les symptômes dissociatifs, d’expliquer les comportements des victimes qui sont souvent considérés comme paradoxaux et leur sont reprochés (comme le fait de ne pas réagir, de ne pas fuir, d’obéir, de sembler indifférente et pas traumatisée, ce qui est dû à des états de sidération et de dissociation traumatiques). Il permet d’éviter que des symptômes psychotraumatiques soient, comme cela arrive fréquemment, rapportés à des maladies mentales avec des traitements lourds et inadaptés, ou à des handicaps mentaux, et utilisés pour décrédibiliser le témoignage de la victime (les réminiscences de la mémoire traumatiques ou des états dissociatifs pouvant être considérés comme des hallucinations, des troubles du cours de la pensées et donc des états psychotiques, des déficiences intellectuelles, des troubles démentiels, des troubles autistiques). Ce décryptage permet également de participer à la recherche de la vérité, en corroborant, voire même en complétant le récit des victimes et en fournissant de nombreux indices dans le cadre d’enquêtes judiciaires pénales ou civiles qui, même en l’absence de témoins, d’atteintes corporelles et de preuves ADN, permettent de collecter des faisceaux d’indices graves et concordants dans le cadre de procédures pénales, et en évaluant de façon précise les conséquences des violences et les préjudices subis par les victime dans le cadre de procédures civiles en vue de l’obtention d’une reconnaissance et d’ouverture à des droits en terme de prises en charge médico-sociales et de réparations. 

En effet la mémoire traumatique, symptôme principal des troubles psychotraumatiques qui fait revivre à l’identique sous forme de réminiscences visuelles, auditives, sensorielles, cenesthésiques, proprioceptives, kinesthésiques, émotionnelles, les violences et leur contexte comme une machine à remonter le temps est une véritable boîte noire, permet d’accéder à ce que la victime a subi, même pour les parties ou les détails auxquels cette dernière n’arrive pas à avoir accès (nous savons qu’un des impact du trauma c’est de générer un état dissociatif responsable de grandes difficultés de remémoration, de confusions temporo-satiales, de doutes, voire d’amnésies partielles ou totales fréquentes dans respectivement 60% et 40% des cas). Cette mémoire traumatique s’analyse et se décrypte au travers d’une véritable enquête menée à partir de ses manifestations qu’elles soient émotionnelles, sensorielles, somatiques, ainsi que du contexte où elle se déclenche ou pas, de tous les autres symptômes associés (tels que sidération, dissociation, états de stress et phénomènes d’hyper-réactivité neuro-végétative) et des stratégies de survie mise en place pour y échapper ou pour l’anesthésier. La mémoire traumatique contient également tout ce que d’autres victimes ont subi et ressenti et tout ce que l’agresseur (ou les agresseurs) a (ont) fait, dit et exprimé comme états émotionnels (haine, cruauté, mépris, propos injurieux, culpabilisants, excitation, jouissance…). Décrypter cette mémoire traumatique des agresseurs qui colonisent les victimes  permet d’accéder à de nombreux éléments qui seront utiles pour les procédures judiciaires et d’une importance primordiale pour la victime qui pourra s’en libérer et retrouver une estime de soi qui sinon est mise à mal par la croyance désespérante que ces réminiscences appartenant au système agresseur provienne de son propre psychisme (la victime envahie par les propos culpabilisants, la haine, le mépris et la volonté de la tuer de l’agresseur peut penser qu’elle est coupable, qu’elle se hait, se méprise et a honte d’elle-même et qu’elle doit se tuer ; elle peut également avoir peur d’être violence, d’être un monstre et développer des phobies d’impulsion).

Au final il s’agit de montrer que l’analyse de la mémoire traumatique et des autres symptômes psychotraumatiques est une une technique thérapeutique et médico-légale au secours des droits des victimes de viol pour obtenir soins, justice et réparations.


Avant de rentrer dans les détail des conséquences psychotraumatiques et de leurs mécanismes, je voulais vous dire que j’interviens sur ce sujet à plusieurs titres, ils sont au nombre de 4  :

  • Au titre de médecin psychiatre spécialisée en psychotraumatologie prenant en charge et soignant des victimes de violences sexuelles en France depuis bientôt 30 ans ; 
  • Au titre de mes travaux et recherches experte ayant fait depuis 15 ans de nombreux travaux cliniques, des enquêtes de victimation, des publications et des ouvrages (comme délivre noir des violences sexuelles) pour mieux comprendre les conséquences psychotraumatiques des violences et leurs principaux symptômes cliniques (sidération, dissociation traumatique, mémoire traumatique et les stratégies de survie mises en place par les victimes), mieux en comprendre les mécanismes neuro-biologiques exceptionnels de sauvegarde mis place par le cerveau lors des traumas, ainsi que les conséquences catastrophiques de ces psychotraumatismes à long terme sur la santé mentale et physique des victimes, et sur leur vie si ils ne sont pas traités spécifiquement ;
  • Au titre mon action militante et de plaidoyer comme fondatrice et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, une association d’information, de formation sur les psychotraumatismes, et de plaidoyer auprès des pouvoirs publics et des instances nationales et internationales pour améliorer leurs prise en charge et pour lutter pour les droits des victimes, contre toutes les formes de violences, de discrimination et contre leur impunité ;
  • Mais aussi, en tant que femme ayant subi à l’âge de 6 ans des viols collectifs, trahie par celle qui aurait dû me protéger, et réduite à néant par des hommes cruels et inhumains. Comme toutes les victimes de violences sexuelles j’ai été fracassée, j’ai dû survivre dans une solitude glacée, j’ai grandi dans l’incompréhension, la douleur, la culpabilité et la haine de soi. Mes nuits ont été peuplées de pleurs et de cauchemars, et mes journées se sont résumées à une marche forcée pour masquer une souffrance et des symptômes omniprésents, et tenter d’être comme les autres. J’ai toujours pensé qu’il était risqué d’en parler et que je ne pouvais attendre aucune aide, bien au contraire. On m’avait persuadée que je n’avais pas de droit, aucune légitimité, que la justice n’était pas pour moi, l’idée même qu’on puisse me rendre justice m’était inconcevable. Comme presque toutes les victimes j’ai été abandonnée, laissée pour compte exposée à de tels dangers et stress que mon cerveau n’a pas eu d’autre solution pour me protéger que de me dissocier et de m’anesthésier émotionnellement pendant de très longues années. Et c’est ainsi que j’ai été privée de ma mémoire, privée de moi-même, et exposée à un continuum de violences sans fin. A 13 ans, après un nouveau viol et après la découverte de la shoah, je me suis révoltée contre le monde violent des adultes, c’était trop d’injustices, je ne voulais pas vivre dans un monde qui permettait de telles horreurs et qui réduisait les femmes et les filles à des objets sexuels :  soit je le quittais, soit je faisais tout pour essayer de le changer et de le remettre à l’endroit. J’ai choisi alors de me mettre en mode combattante et militante contre toutes les dominations et les discriminations. Je suis devenue féministe et je me suis engagée à défendre le droit et la dignité des personnes opprimées et des victimes des pires violences pour qu’elles accès à une une justice digne de ce nom et à des réparations.Toute seule, au prix d’efforts immenses, je me suis réparée comme j’ai pu, malgré le milieu défavorisé et précaire d’où j’étais issue, j’ai fait médecine puis je me suis spécialisée en psychiatrie. J’y ai découvert que la plupart de mes patientes et patients avait les mêmes symptômes et la même souffrance que moi. Et j’ai constaté qu'à condition qu'on s’intéresse à leur histoire et qu'on leur pose des questions, elles témoignaient de terribles violences, le plus souvent de nature sexuelles subies depuis leur enfance dont personne ne s’était préoccupé jusque là. J’ai été effaré de la cascade de maltraitances et d’injustices sans fin qu’on leur faisait subir. Pendant ma formation médicale les violences et leurs conséquences psychotraumatiques sur la santé mentale et physique n’étaient jamais abordées, les médecins dans leur ensemble ne les prenaient pas en compte, ce qui malheureusement reste toujours le cas. Aucune grille de lecture n’était proposée pour penser les liens entre les symptômes et les violences subies, tout était mis sur le compte de maladies mentales, de troubles graves de la personnalité ou du comportement des victimes. Rien dans tout ce qui nous entourait, dans tout ce qui nous était transmis et enseigné ne pouvait nous éclairer sur les souffrances des victimes, au contraire tout était fait pour les considérer comme les artisans de leur propre malheur. Et leurs troubles psychotraumatiques au lieu d’être considérés comme des conséquences logiques des violences à prendre en charge en tant que telles, leur étaient retournés pour les mettre en cause, les discriminer, les juger et les culpabiliser.

Face à cette situation de déni généralisé, de cruauté et d’injustice que subissaient les victimes de violences sexuelles, j’ai voulu leur rendre justice et dignité et faire reconnaitre leurs traumatismes et leurs droits à accéder à des soins appropriés, respectueux de leurs droits et prenant en compte la réalité des crimes qu’elles avaient subis et dont elles, leurs souffrances et leur symptômes témoignaient. 

C’est ainsi que je me suis acharnée à essayer de comprendre et décrypter leurs symptômes, à faire des liens, à identifier derrière chaque situation de souffrance, chaque symptôme, les violences subies et les stratégies mises en place par les victimes pour y survivre, à identifier derrière chaque incohérence apparente dans le vécu et le comportent des victimes, le système agresseur qui en était la cause. J’ai travaillé à identifier les mécanismes neurobiologiques et psychologiques à l’œuvre dans les psychotraumatismes qui permettaient d’expliquer les symptômes des victimes et à en démontrer le caractère universel à remettre du sens en revisitant l’histoire de mes patients et en identifiant la volonté de les exploiter et de les détruire de leurs bourreaux. j’ai fait des recherches sur les travaux psychotraumatiques qui nous avaient jamais été enseignés, découvert des enquêtes épidémiologiques fondamentales sur les conséquences des violences sur la santé à long terme comme celles de Felitti et Anda dont on ne nous avait jamais parlé et je n’ai eu de cesse de vouloir informer et rendre justice aux victimes, et de me battre pour qu’elles soient reconnues, protégées, aidées, accompagnées, et soignées.

Pour cela, il a fallu faire prendre conscience de l’ampleur, de l’horreur et de la gravité de ces violences sexuelles. Il a fallu faire comprendre qu’il s’agit de violences sexo-spécifiques, systémiques, haineuses et discriminatoires, faisant partie d’un continuum de violences que les femmes et les filles subissent dès leur plus jeune âge et dont elles sont les principales victimes (80%), et les hommes, les principaux auteurs (90%) ; pouvant être utilisées comme armes de destruction massive dans le cadre de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide ; s’exerçant dans un cadre d’inégalité de rapports de force et de domination savant tout sur les personnes les plus vulnérables et les plus discriminés (filles et femmes, enfants, personnes handicapées, marginalisées, racisées...) et ont pour conséquences une aggravation des inégalités et une précarisation des victimes (VIRAGE, 2017 ; ONDRP, 2017 ; MTV/Ipsos, 2019).

Et il a fallu répéter sans fin que ces violences sexuelles font partie, avec les tortures, des traumatismes les plus sévères avec de lourdes conséquences psychotraumatiques à court, moyen et long termes et sont associées à des effets catastrophiques à long terme sur la santé mentale et physique des victimes et sur leur parcours de vie, ce qui en fait un problème majeur de droits humains, de société et de santé publique. Et que ces conséquences psychotraumatiques :

  • sont normales et universelles lors de viols et d’agressions sexuelles, quelle que soit la victime, son âge, son sexe, sa personnalité, son histoire, ses antécédents,, 
  • sont liées à des atteintes neurologiques et de l’architecture du cerveau (visibles sur des IRM fonctionnelles) et à des mécanismes exceptionnels de sauvegarde neuro biologiques à l’origine d’une mémoire traumatique, véritable torture faisant revivre à l’identique l’horreur des violences (Campbell, 2008, MacFarlane, 2010 ; Nemeroff, 2009, 2016). 
  • sont d’autant plus graves que la victime est très jeune, en situation de handicap et/ou d’autres vulnérabilités, qu’il s’agit d’un viol (et donc de violences sexuelles avec pénétration), commis par un proche, que les violences sexuelles sont répétées pendant une longue période, et qu’elles sont accompagnées de menaces de mort et d’autres actes de barbarie et de tortures (IVSEA, 2015).
  • sont à l’origine de très graves conséquences à long terme sur la santé mentale et physique des victimes ainsi que sur leur vie personnelle, affective et sexuelle, leur scolarité et leur insertion sociale et professionnelle quand ces conséquences psychotraumatiques ne sont pas diagnostiquées, ni traitées spécifiquement, ce qui est malheureusement encore presque toujours le cas. 
  • sont également un facteur de risque très important de subir de nouvelles violences ou d’en commettre, d’avoir des périodes de précarité et de marginalisation (risques d’être placé à l’Aide Sociale à l’Enfance, de fugues, d’échecs scolaire, d’absence de diplôme, de chomâge, d’invalidité, d’être internée en hôpital psychiatrique, en institution, risques de grande pauvreté, d’être à la rue (SDF), en hébergement d’accueil, en situation prostitutionnelle, en détention,...) et de voir s’aggraver les situations de discrimination et de handicap déjà présentes au moment des viols (Campbell, 2008 ; Hillis, 2016 ; IVSEA, 2015 ; MTV/Ipsos, 2019).

Les victimes de violences sexuelles à l’âge adulte sont 70%, à dire qu’elles ont des conséquences sur leur santé mentale et 96% lors de violences sexuelles dans l’enfance, 59% sur leur santé physique, 81% sur leur sexualité, et 74% vie familiale et sociale, 54% sur les études et sur leur vie professionnelle. Plus de la moitié des victimes ont souffert d’épisodes dépressifs et de troubles anxieux (55%), près de 50% des victimes de viols dans l’enfance ont fait des tentatives de suicides, plus de 50% ont présenté des troubles alimentaires, plus d’un tiers des conduites addictives, 50% ont eu des périodes de grandes précarité (ONDRP ; IVSEA, 2015 ; Enquête MTV, Ipsos, 2019).

Chez les personnes ayant des addictions à l’alcool et à la drogue, et les personnes en situation prostitutionnelle on peut retrouver jusqu’à 90% d’antécédents de violences sexuelles et de négligences graves dans l’enfance (Farley, 2003 ; Felitti et Anda, 2010). Avoir subi des crimes sexuels dans l’enfance ou plusieurs formes de violences dont des violences sexuelles (quatre Adverse Childhood Experiences) est un des déterminants principaux de la santé 50 ans après, c’est le premier facteur de risque de mort précoce, de suicide, de dépression à répétition, de conduites addictives, de nouvelles violences, d’obésité, de diabète, de troubles cardio-vasculaires, respitratoires, immunitaires, digestifs, gynécologiques et obstétricaux, endocriniens, etc. (Felitti et Anda, 2010).

Et il a fallu expliquer et ré-expliquer les mécanismes psychotraumatiques pour que les victimes soient mieux comprises et que leur souffrance et leurs symptômes ne soient plus retournés contre elles.

Nous allons voir quels sont ces mécanismes psychotraumatiques qui expliquent les symptômes pathognomoniques présentés par les victimes ?

La violence a un effet de sidération traumatique du psychisme qui paralyse la victime. C’est un effet universel qui l’empêche de réagir de façon adaptée, et qui malheureusement est souvent reproché aux victimes : « Pourquoi tu n’as pas dis non ? Tu n’as pas crié ? Tu n’as pas fui ? Tu ne t’es pas débattue ?... ».

La sidération empêche le cortex cérébral de la personne de contrôler l’intensité de la réaction de stress, sa production d’adrénaline et de cortisol. Un stress extrême, véritable tempête émotionnelle, envahit alors l’organisme de la victime et – parce qu’il représente un risque vital (pour le cœur et le cerveau, en raison de l’excès d’adrénaline et de cortisol) – déclenche des mécanismes neurobiologiques de sauvegarde qui ont pour effet de « faire disjoncter » le circuit émotionnel et d’entraîner une anesthésie émotionnelle et physique, en produisant des drogues dures ayant le même effet qu’un cocktail morphine-kétamine (comme dans un circuit électrique en survoltage qui disjoncte pour protéger les appareils qui y sont reliés).

La disjonction de sauvegarde génère un état dissociatif traumatique accompagné d’un sentiment d’étrangeté, de déconnexion et de dépersonnalisation, comme si la victime devenait spectatrice de la situation qu’elle perçoit sans éprouver d’émotion (anesthésie émotionnelle entraînant une pseudo-indifférence). Mais cette disjonction isole la structure responsable des réponses sensorielles et émotionnelles (l’amygdale cérébrale) de celle qui encode et gère la mémoire et le repérage temporo-spatial (l’hippocampe). L’hippocampe ne peut pas faire son travail de repérage temporo-spatial, d’encodage, de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle des violences. Celle-ci reste alors piégée dans l’amygdale cérébrale, sans être traitée ni transformée en mémoire autobiographique.

C’est cette mémoire piégée que nous appelons la mémoire traumatique. Elle va demeurer hors temps, non consciente, susceptible d’envahir le champ de la conscience ou la sphère émotionnelle si un lien rappelle les violences et de les refaire revivre de façon identique, comme une machine à remonter le temps, avec la même détresse et les mêmes perceptions : ce sont les flash-back, les réminiscences qui peuvent prendre la forme de mal-être, de sentiment de grand danger, de crises d’angoisse ou de panique, de phobies, de douleurs, de sensation d’étouffement ou de mort imminente, des nausées soudaines, un état de grand stress, d’agitation, des colères, des cauchemars... parfois la victime ré-entend des cris, revoit des scènes et paraît hallucinée, elle peut avoir des comportements automatiques de peur et de défense, des sursauts.

Elle a comme caractéristiques principales : d’être immuable : elle n'est pas reconstruite comme la mémoire explicite, le temps écoulé n'a pas d'action sur elle et l'intensité des affects reste inchangée par rapport au trau- matisme initial et ce, de nombreuses années après (Modell, 1990 ; Spiegel, 1993 ; Van der Hart et Steele, 1997) ; d’être déclenchée de façon automatique par des stimuli rappelant le traumatisme (cir- cuit de peur conditionnée) ; d’être intrusive : elle envahit totalement la conscience et donne l'impression de revivre au présent et à l'identique, tout ou partie du traumatisme, sans que celui-ci soit contextualisé dans le temps ou l’espace (Blank, 1985) ; d’être indifférenciée : elle est comme un magma, où tout est mélangé et non identifiable.

La mémoire traumatique entre dans le cadre des symptômes de réminiscences de l'état de stress post-traumatique, il s'agit de réexpérimentations partielles ou complètes du traumatisme qui sont intrusives, déclenchées par des stimuli qui rappellent l'événement traumatique initial et qui peuvent être sensoriels : visuels, auditifs, olfactifs, gustatifs, cénesthésiques ; moteurs ; psychologiques ; émotionnels ; somatiques ; physiologiques ; contextuels : temporels, spatiaux, liés à des événements de la vie quotidienne, ou à de nouveaux traumatismes (Courtois, 1988 ; Gélinas, 1983 ; Steele et Colrain, 1990 ; Solomon, 1987 ; Van, der Hart et Friedman, 1992 ; Van der Kolk, 1994). N'importe quelle dimension du traumatisme ou du contexte, n’importe quel détail ou émotion concernant la victime, l’agresseur ou les témoins, peuvent être réactivés et revécus en colonisant le psychisme de la personne traumatisée. La mémoire traumatique s'exprime sous la forme de flash-back soudains, de rêves et de cauchemars, d'expériences sensorielles pouvant prendre l'apparence d'illusions, d'hallucinations, d'expériences algiques, psychologiques, émotionnelles, somatiques, motrices (Steele et Colrain, 1990).

Revivre à l’identique, cela veut dire avoir les mêmes pensées, émotions, perceptions et sensations que celles qui ont été vécues moment des violences. Au moment de la réactivation, la victime sera transportée dans une autre scène qui est celle des violences qui se rejouera dans son champs psychique mais également dans son corps, dans son comportement et ses réactions. Pour citer plusieurs exemples : la victime peut ressentir précisément des sensations génitales qui se rapportent aux violences sexuelles qu’elle a subies, des douleurs, des paresthésies ou au contraire une sensation d’anesthésie, une intrusion vaginale, la sensation que quelque chose bouge sur son sexe, ses cuisses ou sur sa poitrine; si la mémoire traumatique de violences subies lors de la petite enfance envahit la personne adulte qu’elle est devenue, elle se comportera et parlera comme la petite enfant qu’elle était avec le même vocabulaire, les mêmes outils intellectuels que ceux qu’elle avait à cet âge là pendant le temps que durera la réactivation traumatique (cela peut être quelques secondes, minutes ou parfois plusieurs heures), si elle était bébé et ne savait pas encore parler ni marcher, elle ne s’exprimera que par des pleurs sans pouvoir prononcer de mots et se sentira incapable de marcher ou de tenir debout, si elle ne savait pas encore lire ou écrire, elle sera incapable de comprendre un texte ou d’écrire son nom ou de signer, elle aura une perception et des sensations déformées de son corps qui correspondront à celui qu’elle avait enfant. Autres exemples : une enfant qui a subi à l’âge de 7 ans des violences sexuelles dans son pays d’origine non francophone, si quelques années après avoir immigrée en France et avoir appris le français, sa mémoire traumatique des violence se réactive elle ne va plus être capable de comprendre et de parler le français ; s’il faisait très froid au moment des violences, lors de la réactivation de sa mémoire traumatique elle sera frigorifiée même si cela se produit en plein été et qu’il fait très chaud, si les violences ont eu lieu la nuit, dans le noir, elle ne verra plus rien ; si elle a été immobilisée pendant les violences, elle ne pourra pas bouger ; si elle a subi une strangulation pendant les violences sexuelles, elle suffoquera et aura une sensation de mort imminente ; si elle a subi des coups, elle ressentira des douleurs violentes et soudaines aux endroits où elle les a reçu ; si elle a perdu connaissance, elle peut s’évanouir ; si elle a été en état de choc, elle peut présenter un état alarmant et se retrouver et se retrouver aux urgences. L’état de terreur, de sidération, de stress extrême et de dissociation pourra être revécu à l’identique (paralysie psycho-motrice, troubles de la conscience, stupeur, déréalisation, dépersonnalisation, anesthésie émotionnelle, anesthésie corporelle, déformations perceptuelles, amnésie)…

Telle une « boîte noire », la mémoire traumatique contient non seulement le vécu émotionnel, sensoriel et douloureux de la victime (sidération, état de choc, terreur et sensation de mort imminente, dégoût, désespoir, mais également tout ce qui se rapporte aux faits de violences, à leur contexte (bruits, odeurs, détails des lieux), et à l’agresseur (mimiques, mises en scène, haine, excitation, cris, paroles, injures, etc.). Cette mémoire traumatique des actes violents et de l’agresseur colonise la victime. Elle lui fera confondre ce qui vient d’elle avec ce qui vient des violences et de l’agresseur. La mémoire traumatique des paroles et de la mise en scène de l’agresseur (« Tu ne vaux rien, tout est de ta faute, tu as bien mérité ça, tu aimes ça », etc.) alimentera chez la victime des sentiments de honte, de culpabilité et d’estime de soi catastrophique. Celle de la violence, de la haine et de l’excitation perverse de l’agresseur pourront lui faire croire à tort que c’est elle qui le ressent, ce qui constituera une torture supplémentaire.

Les témoins de la réactivation traumatique pourront voir tour à tour sur le visage et sur le corps de la personne les différents états émotionnels correspondant à ceux de la victime et à ceux de l’agresseur, avec des mimiques de stupeur et de terreur suivi de regards de tueurs ou de sourires sardoniques.

Les situations, les contextes ou les sensations qui vont déclencher la mémoire traumatique sont toujours en lien avec les violences. Liens et et manifestations de mémoire traumatique fournissent des informations sur les violences. L’heure, le moment de la journée, la date, le lieu, le contexte météorologique des violences pourront être ainsi identifiées. Des caractéristiques physiques, la voix, le parfum, des détails ou des accessoires dans l’habillement de certaines personnes qui déclenchent une mémoire traumatique vont donner des éléments concernant l’agresseur. Par exemple

Ce phénomène de reviviscence du trauma permet de comprendre qu’il est impossible pour les victimes - comme on le leur demande trop souvent - de prendre sur elles, d’oublier, de passer à autre chose, de tourner la page... Elles vivent dans la peur permanente qu’elle explose. Cette mémoire traumatique se traite et, grâce au traitement, elle est transformée en une mémoire autobiographique avec laquelle il est bien plus aisé de composer.

Tant que la victime sera exposée à des violences, à la présence de l’agresseur ou de ses complices, au contexte des violences elle sera le plus souvent déconnectée de ses émotions, dissociée.

La dissociation, système de survie en milieu très hostile, peut alors s’installer de manière permanente, donnant l'impression à la victime de devenir un automate, d'être dévitalisée, confuse, comme un « mort-vivant ».

L’anesthésie émotionnelle et physique que produit la dissociation empêche la victime d’organiser sa défense et de prendre la mesure de ce qu’elle subit puisqu’elle paraît tout supporter, ce qui suscite souvent l’incompréhension de son entourage et des professionnel.e.s qui ne sont pas formé.e.s aux psychotraumatismes. Les faits les plus graves, vécus sans affect ni douleur exprimée, semblent si irréels qu’ils en perdent toute consistance et paraissent n’avoir jamais existé. Cela entraine de fréquentes amnésies dissociatives post- traumatiques, qui peuvent durer des années.

Cette dissociation traumatique isole encore plus la victime, lui fait se sentir bizarre, pas comme les autres. Elle explique les phénomènes d’emprise et entraîne un risque important de subir de nouvelles violences. Voir l’article sur la dissociation traumatique : ICI

L’absence d’émotion apparente d’une victime dissociée désoriente les personnes qui sont en contact avec elle et peut leur faire croire qu’elle n’est pas traumatisée, qu’elle ne vit rien de grave (avec une mauvaise évaluation du danger qu’elle coure et de la protection qu’il faudrait lui procurer) ou que tout ce qu’elle raconte n’est pas vrai ou exagéré. Les symptômes dissociatifs des victimes donnent l’impression qu’elles sont absentes, indifférentes à leur sort, pas concernées par ce qui leur arrive ou qu’elles sont des personnes parfaitement lisses et suradaptées. Et comme ce sont des neurones miroirs qui permettent de ressentir les émotions d’autrui (c’est le processus de l’empathie qui est inné chez toute personne et présent dès la naissance), si la victime est dissociée, autrement dit anesthésiée émotionnellement, les neurones miroirs de son interlocuteur ne reflèteront rien. Ils ne seront pas activés et ne transmettront aucune émotion. L’interlocuteur ne ressent alors rien face à la victime. Cette absence de ressenti émotionnel peut rendre indifférentes ou incrédules les personnes qui reçoivent le témoignage des victimes. Elles risquent de ne pas être touchées par ce qu’elles ont subi, de ne pas avoir peur pour elles, de ne pas les croire. Elles seront d’autant plus rares à se mobiliser pour la victime et à la protéger, alors qu’elle est gravement traumatisé et en danger. Cela peut même les conduire à avoir des jugements négatifs, voire à rejeter la victime ou à la traiter injustement.

Il est essentiel pour les victimes traumatisées et pour leur entourage (proches et professionnel·le·s) de connaître ces processus de dissociation pour reconstruire intellectuellement ce qu’il faut ressentir et savoir qu’il faut, au contraire, davantage s’inquiéter pour ces victimes qui semblent indifférentes à leur sort, puisque cela signifie qu’elles sont très traumatisées et qu’elles sont certainement encore en grand danger.

Devant une victime dissociée, il est important de la mettre en sécurité et de lui tenir un discours très cohérent, très rassurant. Elle a besoin que l’on comprenne ce qui lui arrive et qu’on lui explique cet état d’anesthésie émotionnelle et son mécanisme, en la rassurant sur le fait que c’est un phénomène normal, dû aux violences.

Dans ce climat de sécurité et de cohérence, la victime pourra alors petit à petit sortir de cette dissociation. En revanche, lui renvoyer qu’elle ne réagit pas normalement, lui demander pourquoi, la mettre en cause en lui disant vouloir la « secouer » parce qu’elle parait absente, amorphe et indifférente, ou pire se moquer d’elle, est catastrophique et cruel. Une telle d’attitude va aggraver ses sensations d’insécurité et d’angoisse et accentuer sa dissociation. Elle sera encore plus confuse, déconnectée et vulnérable face aux agresseurs.

Cette dissociation traumatique est également à l’origine d’importants troubles cognitifs de la mémoire et du repérage temporo-spatial, avec des amnésies traumatiques fréquentes totales ou partielles qui peuvent durer des années tant que les victimes restent exposés à l’agresseur ou à des dangers : 40% des enfants victimes de graves traumatismes (violences sexuelles, sévices physiques) présentent des amnésies traumatiques complètes, 50% en cas d’inceste et de violences sexuelles répétées dans la durée (MTV/Ipsos, 2019). Ces troubles de la mémoire et du repérage temporo-spatial, si on ne se préoccupe pas de protéger la victime et d’explorer sa mémoire traumatique, lors de procédures judiciaires vont rendre le témoignage incomplet, il pourra même être considéré comme incohérent et pas crédible. 

Mais quand la victime sort de son état dissocié (parce qu’elle est en sécurité, protégée de son agresseur), c’est à ce moment là que sa mémoire traumatique (qui n’est plus anesthésiée par la dissociation) risque de l’envahir violemment. La victime peut, au moindre lien qui rappelle les violences, être alors confrontée à un véritable tsunami d’émotions et d’images terrifiantes qui vont déferler en elle, accompagnées d’une grande souffrance et détresse. Cela peut entraîner un état de peur panique, d’agitation, d’angoisse intolérable et un état confusionnel tel, que la victime peut se retrouver hospitalisée en psychiatrie en urgence (avec souvent un diagnostic de bouffée délirante ou de psychose infantile), très souvent accompagné d’un risque suicidaire important, ou, pour les jeunes enfants, de mises en danger sévères. De plus, si la victime ne bénéficie pas d’une prise en charge spécialisée avec des explications rassurantes sur ce qu’elle est en train de vivre, elle pourra considérer que depuis qu’elle a quitté ou est protégée de son agresseur, elle va très mal et que donc ce dernier avait raison, elle ne peut pas vivre sans lui, et retourner chez son agresseur (dans le cadre de violences sexuelles familiale et conjugale) ce qui la plongera à nouveau dans un état dissociatif qui l’anesthésiera. Elle pourra aussi avoir des conduites dissociantes anesthésiantes (cf plus bas) en se mettant en danger.

Il est important pour l’entourage et pour les professionnels de comprendre que, là aussi, c’est un processus psychotraumatique normal, que la victime ne devient pas folle, qu’elle ne fait pas du cinéma : elle est piégée dans une sorte de machine à remonter le temps qui lui fait revivre des scènes des violences qu’elle a subies à l’identique. Ces épisodes de mémoire traumatique se déclenchent lors de liens qui rappellent les violences, il faut aider la victime à les rechercher pour les identifier et pour qu’elle puisse ainsi mieux contrôler sa mémoire traumatique. Ce qui est important, c’est de ne pas paniquer, de parler à la victime pour la faire revenir dans le monde actuel, en la rassurant et en lui décrivant ce qui se passe, en l’appelant par son prénom et en lui demandant de rester en contact avec vous, ce qui permet de l’aider à la sortir du passé. Plus la victime et son entourage comprennent ce qui se passe, plus la mémoire traumatique peut être contrôlée et désamorcée (c’est le principe du traitement). Ces épisodes peuvent également survenir la nuit lors de cauchemars traumatiques. Ils sont particulièrement fréquents chez les enfants. Voir l’article sur la mémoire traumatique : ICI

Les stratégies de survie mises en place par les victimes

Pour les victimes, la mémoire traumatique des violences transforme leur  vie en un enfer pour les victimes, avec une sensation d’insécurité et de danger, de peur et de guerre permanente. Pour empêcher leur mémoire traumatique de se déclencher, ils deviennent hypervigilants et développent des conduites d’évitement, une angoisse de séparation et des conduites de contrôle (avec une peur de tout changement et parfois d’importants troubles phobiques et obsessionnels compulsifs) pour éviter d’allumer cette mémoire traumatique. Ces stratégies de survie sont épuisantes.

Mais ces conduites d’évitement et de contrôle sont rarement suffisantes, et les victimes découvrent très tôt la possibilité de s’anesthésier émotionnellement grâce à des conduites dissociantes pour éteindre à tout prix une mémoire traumatique incompréhensible et impossible à éviter.

Ils développent donc des conduites dissociantes et anesthésiantes qui sont des conduites à risque avec parfois une véritable addiction au stress extrême, et souvent des conduites addictives (alcool et drogues). Ces conduites dissociantes peuvent être à l’origine d’accidents graves et des mises en danger, elles s’expliquent par une recherche compulsive de situations ou de produits qui permettent de faire taire momentanément la mémoire traumatique en la déconnectant et en l’anesthésiant, cette recherche peut aller jusqu’à des passages à l’acte suicidaire : voir la page sur les conduites à risque sur le site ; ICI

Ces conduites à risque servent à calmer l'état de tension intolérable ou prévenir sa survenue, soit en provoquant un stress très élevé (par des conduites à risques, des mises en danger, des troubles alimentaires (boulimie ou anorexie qui provoquent des stress physiologiques), des conduites auto-agressives comme des scarifications, des auto-mutilations, des jeux dangereux, ou des conduites hétéro-agressives ou délinquantes) qui redéclenchent la disjonction du circuit émotionnel et la sécrétion de drogues dissociantes par le cerveau, soit en consommant des drogues dissociantes (alcool, drogues, tabac à haute dose) .

Ces conduites servent à calmer l'état de tension intolérable ou prévenir sa survenue :

- soit par des comportements à risque provoquant un stress très élevé : des mises en danger (jeux dangereux, qui recherchent de contenus problématiques sur internet, etc ...) ; des troubles alimentaires (boulimie précoce, auto-gavage, refus de s’alimenter qui provoquent des stress physiologiques...) ; des conduites auto-agressives comme des scarifications, des auto-mutilations ; pour les enfants des comportements sexualisés auprès des adultes (toucher les parties sexuelles ou les seins, embrasser avec la langue, se coller de façon inadaptée...) qui risque de les exposer à de nouveaux agresseurs, une anormale proximité physique avec des adultes inconnus, des comportements de provocation agressive avec les adultes ; des conduites hétéroagressives ou délinquantes (« bagarres » répétées avec les autres enfants, agressions, reproduction des violences sexuelles contre d’autres enfants...) ; qui redéclenchent la disjonction du circuit émotionnel et la sécrétion de drogues dissociantes par le cerveau,

- soit en consommant des drogues dissociantes (dans certains cas, de jeunes enfants peuvent chercher à s’étourdir avec l’alcool laissé sans surveillance par les adultes, ou avec des médicaments ou des produits toxiques comme des produits ménagers, des colles ou des feutres à l’alcool ...), et bien sûr, en recourant aux « addictions sans produits » dès qu’elles leur sont accessibles (réseaux sociaux, pornographie...). Les comportements de mise en danger sont le plus souvent des répliques des violences subies.

Ces conduites dissociantes sont des tentatives désespérées d’auto-traitement. Elles deviennent souvent compulsives et dangereuses, elles peuvent être à l’origine d’accidents graves, de mises en danger et de passages à l’acte suicidaire. Elles sont très préjudiciables pour la santé et la qualité de vie des victimes dont elles aggravent la vulnérabilité, les handicaps, ainsi que le risque de subir de nouvelles violences ou d’en commettre à leur tour.

Les professionnels de la santé identifient rarement les conduites d’évitement et les conduites à risques comme des conséquences psychotraumatiques, et ne recherchent pas systématiquement les violences qui pourraient en être à l’origine. Tous les symptômes psychotraumatiques sont souvent banalisés, mis sur le compte du « manque de cadre » dans la famille, de troubles de l’attention ou de troubles de la personnalité. À l’inverse, parfois, ils sont étiquetés psychotiques et traités comme tels, ou alors attribués à des déficits cognitifs.

Devant tous ces comportements qui, de même que les signes de dissociation, peuvent être très déstabilisants, déconcertants et angoissants pour l’entourage, il est essentiel de ne pas paniquer et de ne pas s’en prendre à la victime. Il est tout à fait contre-productif de faire la morale à l’enfant. Il s’agit avant tout de comprendre et de rechercher ce qui provoque l’exacerbation des stratégies de survie et de faire des liens.

Et je voudrais tout particulièrement insister aujourd’hui sur l’importance de ce pilier psychologique et sur l’énorme perte de chance pour les victimes qu’ont représentées jusque là, la non prise en en considération des troubles psychotraumatiques et la méconnaissance des mécanismes en jeu et de leurs symptômes principaux (sidération, mémoire traumatique, dissociation traumatique et les stratégies de survie que sont les conduites d’évitement et contrôle ainsi que les conduites à risques et les mises en danger anesthésiantes et dissociantes). 

Perte de chance que ce soit au niveau de leur reconnaissance, du dépistage, de leur protection, de leur santé physique et mentale et de leur prise en charge qu’elle soit médicale, psychologique, judiciaire et socio-économique. 

Cette non prise en compte et cette méconnaissance porte gravement préjudice aux victimes de violences sexuelles, porte atteinte à leurs droits, alimente le déni, les stéréotypes sexistes, les mythes et la culture du viol que subissent les victimes, crée des injustices en cascade et participe à l’impunité quasi totale de ces violences.


Du fait de cette ignorance les symptômes psychotraumatiques que les victimes de violences sexuelles présentent - alors qu’ils sont pathognomoniques et des preuves médicolégales des violences sexuelles qu’elles ont subi - se retournent très fréquemment contre elles pour mettre en cause leurs témoignages, les décrédibiliser, les culpabiliser et sous-estimer grandement les aides et les réparations auxquelles elles pourraient avoir droit, tandis qu’elles permettent de dédouaner les aggresseurs et d’assurer leur impunité .


Malgré toutes les recherches, tous les travaux, toutes les connaissances accumulées depuis plusieurs décennies il a fallu un temps considérable, beaucoup de batailles pour que les traumas ne soient plus réduits à des réactions psychologiques en lien avec la personnalité, le sexe ou la fragilité mentale supposée de la victime ou confondues avec des maladie psychiatriques, mais à des conséquences universelles en lien avec des blessures neurologiques visibles en neuro-imagerie accompagnées de pertes de volume importante de structures corticales, d’atteintes des connexions dendritiques et des circuits émotionnels et de la mémoire, qui peuvent se réparer par neurogénèse et neuroplasticité grâce à une mise sous protection et à un traitement spécifique.

Il est temps de rendre enfin justice aux victimes, de reconnaître qu’il est normal qu’elles soient sidérée et paralysées lors de violences aussi cruelles, dégradantes et déshumanisantes que les viols et dans l’incapacité de crier de se défendre de fuir, normal que cette sidération traumatique produise un stress extrême toxique représentant un tel risque vital pour le cœur et le cerveau qu’un mécanisme de sauvegarde s’enclenche qui fait disjoncter circuit émotionnel et de la mémoire et crée un état de dissociation avec une anesthésie émotionnelle qui les empêche de réagir 

Il est temps d’être enfin solidaire des victimes, il est temps qu’elles soient entendues, protégées, accompagnées, soutenues et soignées, il est temps que leurs droits et leur dignité soient respectées et qu’elles accèdent à une justice et à des réparations, et qu’enfin la vérité l’emporte. Pour cela, il faut lutter avec acharnement contre tout ce qui participe à la négation de ces crimes et délits sexuels : le déni, la loi du silence, la culture du viol avec ses fausses représentations et ses stéréotypes sexistes qui culpabilisent les victimes et exonèrent les agresseurs, les inégalités, le sexisme et toutes les autres formes de discriminations, la domination masculine et ses privilèges indus.

Dans le cadre de cette lutte, la compréhension des conséquences psychotraumatiques et de leurs mécanismes neuro-biologiques, l’analyse thérapeutique précise et détaillée, telle une autopsie dirigée, de leur symptôme central, la mémoire traumatique, sont des outils nécessaires et performants pour rendre justice aux victimes et réparer les atteintes à leur dignité et leur intégrité, et remettre le monde à l’endroit en rétablissant la vérité.


Dre Muriel SALMONA, 

psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, auteure de Le livre noir des violences sexuelles (Dunod 3ème éd. 2022) et de Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables (Dunod, 2ème éd. 2021); membre du comité scientifique de la chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » dite Chaire Mukwege et de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE

drmsalmona@gmail.com

Site : https://www.memoiretraumatique.org


Bibilographie

le site de l’association Mémoire traumatique et Victimologie avec de nombreux articles, documents, ressources, enquêtes et rapport (IVSEA) plaquettes et brochures d’information, fiches pratiques, vidéos et modules de formation à consulter et télécharger : http://www.memoiretraumatique.org

L’article de la Dre Muriel Salmona de 2021 : Les violences sexuelles :  psychotraumatisme majeur qu’il est essentiel de prendre en compte pour rendre justice aux victimes, les secourir, les protéger et les soigner,  article publié dans Violences sexuelles : en finir avec l'impunité E. Ronai et E. Durand, Dunod, mars 2021 https:// www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/ 2021_violences_sexuelles_un_psychotraumatisme_majeur.pdf

Le dossier de 2020 sur : L’analyse de la mémoire traumatique et des autres symptômes psychotraumatiques : une technique thérapeutique et médico-légale au secours des droits des victimes de viol pour obtenir soins, justice et réparations, téléchargeable sur le site : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020_analyse_memoire_traumatique_au_secours_des_droits_viol_soins_justice_reparations.pdf

Le dossier référencé de 2021 sur le soin victimes de violences sexuelles : SOIGNER LES VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES Un impératif humain et de santé publique téléchargeable sur le site : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202112-Les-soins-aux-victimes-de-violences-sexuelles.pdf

Et celui élaboré spécifiquement pour la CIIVISE (Commission Indépendante Inceste et Violences Sexuelles faites aux Enfants : Prise en charge des conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance sur la santé des victimes : un impératif humain et une urgence de santé publique 15 mesures à mettre en place en urgence https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2022Prise-en-charge-consequences-violences-sexuelles-urgence.pdf


Et d’autres articles utiles 

Salmona M, Viols et agressions sexuelles in Aide-mémoire psychotraumatologie en 51 notions M. Kédia, A Sabouraud-Seguin et al. édition Dunod, 2020 3ème ed pp 79-101.

Salmona M. Dissociation traumatique et troubles de la personnalité post- traumatiques. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Les troubles de la personnalité en criminologie et en victimologie. Paris : Dunod, 2013

Salmona M,, L’Amnésie traumatique : un mécanisme dissociait pour survivre. In Coutanceau Roland et Damiani Carole Victimologie. Évaluation, traitement, résilience (p. 71-85). 2018a Paris : Dunod

Salmona M, La mémoire traumatique. in Kadia, M. Aide-mémoire de Psycho- traumatologie, Paris Dunod 3ème édition 2020

Pour la prise en charge des enfants les plus jeunes : notre livret de prévention et d’information des violences et de leurs conséquences « Quand on te fait du mal » illustré  par Claude Ponti.



Le livret est téléchargeable en PDF sur le site sur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2022-quand-on-te-fait-du-mal_ponti-memoire-traumatique-hdweb.pdf

Et disponible et distribué gratuitement en livret imprimé : demande par mail à memoiretraumatique@gmail.com16

 



Autres ressources :

Vous avez pour accompagner ce guide de nombreuses informations, articles, vidéos, enquêtes, manifestes, lois, ressources sur le site memoiretraumatique.org avec plus spécifiquement :



  • un clip pédagogique « Paroles d’expertes » 

Sur les conséquences psychotraumatiques des violences et leurs mécanismes psychotraumatiques par la Dre Muriel Salmona sur le site gouvernemental « Arrêtons les violences» 


Les fiches de prévention des violences sexuelles :
1-Comment parler à un enfant
2-Accompagner un enfant victime




Des brochures et plaquettes de prévention et d’information sur les violences et leurs conséquences (pour adultes, jeunes, adolescents et enfants) téléchargeables gratuitement et que vous pouvez obtenir sur demande à memoiretraumatique@gmail.org : https://www.memoiretraumatique.org/publications-et-outils/brochures-d’information.html