dimanche 16 octobre 2016

À lire tribune de Laure Salmona dans Le Pus de l'Obs : Agression en direct chez Hanouna : notre société tolère les violences sexuelles





Agression en direct chez Hanouna : notre société tolère les violences sexuelles






"Vous voulez lui faire un petit bisous ?", propose Cyril Hanouna à un de ses animateurs en parlant de Soraya, actrice venue interpréter Kim Kardashian dans ses 35 heures de direct non-stop. Malgré le refus de l'actrice, l'animateur profite qu'elle détourne ses lèvres pour lui embrasser le sein. Une agression sexuelle prise à la légère sur le plateau et sur le web, dénonce Laure Salmona. 

Tribune de Laure Salmona publié le 15-10-2016 sur Le Plus de l'Obs éditée par Barbara Krief 
Cliquez ICI

Quelques heures seulement après le débat de la primaire de droite, durant lequel Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy se targuaient de vivre dans un pays — la France — où le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes est de mise, le marathon télévisuel intitulé "Les 35 heures de Baba", présenté par le tristement célèbre Cyril Hanounadiffusait en direct une agression sexuelle.

Dans la séquence incriminée, le chroniqueur Jean-Michel Maire, faisant fi du refus, pourtant clairement exprimé, de la dénommée Soraya de l’embrasser, lui inflige un baiser sur le sein par surprise. Sans son consentement donc.

"C’est elle qui nous agresse avec sa poitrine de grosse pute"

Il s’agit d’une atteinte sexuelle réalisée par surprise, et donc d’une agression sexuelle selon la définition qu’en donne l’article 222-22 du code pénal.

Une agression sexuelle, en direct, à la télévision. Une agression sexuelle qui déclenche les rires du public. Une agression sexuelle considérée comme une simple goujaterie par le présentateur. Une agression sexuelle qualifiée de "dérapage" par certains médias.

Une agression sexuelle qui déchaîne une avalanche de commentaires, tous plus ignobles les uns que les autres, sur les réseaux sociaux et dont le dénominateur commun est de mettre en cause la victime et non l’agresseur :

"C'est pas un sein ça, c'est juste un ballon de baudruche... si on veut se faire respecter en tant que femme, alors commençons par être respectable soi même",

"C'est ridicule !!! Y'a pas mort d'homme !!! Faut arrêter en France on n'en fini plus d'interdire !!!",

"Toujours a polémiquer pour rien si elle avait eu un peu de pudeur sa ne ce serait pas produit",

"C’est elle qui nous agresse avec sa poitrine de grosse pute"

Et j’en passe…

Des réactions tristement banales 

Ces réactions sont pourtant tristement banales. Pas moins de 40% des Français-e-s pensent que la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a eu une attitude provocante en public. Et un-e Français-e sur 5 estime que beaucoup de femmes qui disent "non" à une relation sexuelle veulent en fait dire "oui".

Notre société est, hélas, particulièrement tolérante lorsqu’il s’agit de violences exercées à l’encontre des femmes et en particulier de violences sexuelles.

Ces violences sont banalisées et deviennent des "dérapages", la responsabilité des agresseurs est minimisée, des hommes politiques accusés de violences sexuelles continuent d’exercer leur mandat tranquillement, les victimes sont soupçonnées a priori de mentir, de l’avoir cherché, d’être trop sensibles ou d’avoir mal compris, et comme l’a récemment rappelé un avis du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes : seuls 1% des agresseurs sont effectivement condamnés.

Journalistes, pensez à la souffrance des victimes

Comment cela pourrait-il changer si les médias ne se responsabilisent pas ? Ils ont un rôle particulièrement important dans la manière dont se construit la vision dominante d’une société. Le choix des mots utilisés par les journalistes, l’image que les médias donnent des femmes, ou encore les visuels utilisés pour illustrer un article, peuvent malheureusement participer à reproduire à l’infini cette tolérance sociale au viol et aux violences sexuelles, connue sous le nom de "culture du viol". Or, ils peuvent aussi devenir autant d’outils qui permettent de la dénoncer, de lutter contre elle et de sensibiliser le grand public aux effets délétères de cette tolérance aux violences sexuelles.

Journalistes, présentatrices et présentateurs, chroniqueuses et chroniqueurs, responsables éditoriaux, publicitaires, blogueuses et blogueurs, youtubeuses et youtubeurs, rien ne justifie un viol, une agression sexuelle ou un harcèlement sexuel, c’est l’agresseur le seul coupable et il s’agit de crimes et de délits et non de "malentendus", de "dérapages", de "drague un peu lourde" et autres "troussage de domestique".

Prenez le temps de vous former et de vous informer, d’utiliser les mots adéquats, ne cédez pas aux sirènes du sensationnalisme, pensez à l’impact que pourront avoir vos articles, vos émissions, vos chroniques, sur les victimes de violences sexuelles, pensez à la souffrance de ces victimes.

C’est ainsi que la société dans laquelle nous vivons, société qui — n’en déplaise à Bruno Le Maire et à Nicolas Sarkozy — est encore loin de respecter l’égalité entre les femmes et les hommes, pourra, lentement mais sûrement, faire reculer cette tolérance sociale aux violences à l’encontre des femmes, celle-là même qui fait, encore aujourd’hui, en France, de la vie des victimes un véritable enfer.





Aucun commentaire: