PROTECTION ET SOIN DES VICTIMES DE VIOLENCES INTRA-FAMILIALES ET SEXUELLES
#StopPerteDeChance
1- en formant TOUS les professionnels de la santé dès leurs études et en formation continue à la psychotraumatologie et la victimologie ainsi qu’à l’accueil, la protection et la prise en charge d’une victime quel que soit son âge, son lieu de vie (famille, foyers, institutions, lieux de détention), ses handicaps, son état de santé, sa vulnérabilité ; la psychotraumatologie et la victimologie, doivent être des matières obligatoires et devenir une spécialisation à part entière en médecine ;
2- en développant une information de qualité (campagnes, sites, brochures…) destinée aux enfants, aux parents et au grand public sur les violences, leur prévention et leur dépistage, les conséquences médicales des violences sur la santé mentale et physique, les symptômes psychotraumatiques et leurs mécanismes et les soins spécialisés, les conduites à tenir en urgence, les mesures de protection, les ressources et les soins spécialisés disponibles ;
3- en mettant en place un dépistage universel et systématique lors des consultations et des actes de prévention de tous leurs patients, et dans le cadre de la médecine scolaire, préventive et du travail, dépistage adapté à tous les enfants et les adultes en prenant en compte leurs handicaps et leurs difficultés de communication ainsi qu’une évaluation systématique du danger et du trauma (échelles) et du besoin de protection et soins des victimes de violences ;
4- en mettant en place une obligation de signalement des violences faites aux enfants et aux personnes vulnérables pour tous les professionnels sans exception y compris les médecins et en protégeant de façon effective de toute poursuite ordinale tous les professionnels de la santé qui signalent des violences sur mineurs ou sur personnes vulnérables et qui établissent des certificats pour leurs patients victimes de violences dans le cadre de procédures judiciaires pénales ou civiles (seul.e.s les procureur.e.s devraient pouvoir poursuivre les médecins en cas de soupçons de certificats mensongers, il n’est pas admissible que les professionnels soient poursuivis en juridiction ordinale sur des questions de forme du certificat) ;
5- en mettant en place une ligne téléphonique et une plateforme internet d’expertise pour les professionnels de santé pour les aider, les conseiller dans les situations complexes (dans notre enquête plus de 95% des médecins ayant suivi une formation sur les violences sexistes et sexuelles et leurs conséquences psychotraumatiques en 2009 ont plébiscité cette ligne ) ;
6- en créant des référents médecins, sage-femmes, infirmiers, psychologues formés spécifiquement dans toutes les structures hospitalières, les centres de santé, les institutions (dont l’institution scolaire) : il est essentiel de former tous les médecins, infirmier.e.s et psychologues scolaires et de s'assurer qu’ils soient en nombre suffisant et qu’ils bénéficient également de moyens suffisants pour faire leur travail de prévention et de dépistage ;
7- en créant des centres de crises et de prise en charge des violences sexuelles accessibles 24h/24 et 7jours/7 dans les services d’urgence des hôpitaux pour adultes et pour enfants et les Unités Médico-Judiciaires où les victimes pourront bénéficier de soins et d'un recueil de preuves médico-légales, et où elles pourront porter plainte si elles le souhaitent, sur le modèle des 4 centres CPVS (et bientôt 6) existants en Belgique depuis 2017 ;
8- en créant adossés ou en lien avec ces centres de crise, des centres pluridisciplinaires de prises en charge des victimes de violences sexuelles (holistique : avec une prise en charge médicale, psychologique, sociale et juridique) pour toutes les victimes quel que soit leur âge, leur handicap, leur lieu de vie et le type de trauma, des soins spécialisés accessibles dans tout le territoire français et d’outre-mer, dans chaque territoire de santé mentale, sans frais avec des professionnels formés, qui travailleront en réseau et participeront à des actions de recherches (la convention d’Istanbul en exige 1 centre de prise en charge de victimes de violences sexuelles par bassin de 200 000 habitants ce qui, en France et en outremer ferait plus de 330 centres, on en est très loin) ;
9- en remboursant les prises en charge spécialisées par des psychologues cliniciens formés pour les victimes de violences sexuelles (avec des actes correctement rétribués) ;
10- en développant, en améliorant et en sécurisant l’offre de soin : par des médecins (pédo-psychiatres et psychiatres) et des psychologues spécialisés, formés et en nombre suffisants, avec une prise en charge de la Sécurité Sociale à 100% (prévue par le code de sécurité sociale pour les victimes mineures mais dont les victimes bénéficient rarement, qu’il faudrait élargir aux victimes majeures et inscrire le psychotraumatismes dans le cadre des ALD) avec des actes valorisés en fonction de prises en charge complexes et nécessitant un travail en réseau, les médecins conseils de CNAM, de la MDPH et les médecins du travail doivent être formés spécifiquement aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes pour sécuriser les demandes d’arrêt de travail, les congés longue maladie et longue durée, les demandes d’invalidité et d’allocation adulte handicapé ; (ALD, prévue par le code de santé publique pour les victimes mineures mais qu’il faudrait élargie aux victimes majeures), d’allocations adultes handicapés (MDPH), de congés longues maladies et longues durée ;
11- en faisant parallèlement un plan Marshall pour la pédo-psychiatrie, la psychiatrie et la médecine préventive particulièrement la médecine scolaire : augmenter le nombre de pédo-psychiatres, de psychiatres, développer le nombre de structures de soins pluridisciplinaires de proximité ;
12- en s’assurant du respect impératif des droits, de la volonté et du consentement des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles tout au long de leurs parcours de soin, les patient.e.s doivent être protégées impérativement de comportements sexistes ou discriminatoires et de violences sexuelles de la part des professionnels du soin, les patient.e.s doivent être informé.e.s de leurs droits et des ressources à leurs disposition pour dénoncer des atteintes à leurs droits et des violences subies dans le cadre du soin, une culture de la bientraitance doit être mise en place et hôpitaux psychiatriques, les institutions et tous les centres de privations de liberté ne doivent plus être des zones de non-droits (arrêt des contention, des mises en chambre d’isolement, protection des patients contre toutes les formes de violences, particulièrement sexuelles) ;
13- en formant spécifiquement et façon obligatoire les médecins experts auprès des tribunaux aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes afin d’améliorer la qualité des expertises lors de procédures judiciaires pénales et civile (CIIVISE) il est scandaleux que les psychotraumatismes et la gravité des conséquences à long terme sur la santé et la vie des victimes soient si peu prises en compte et donne lieu à des expertises qui ne s'y réfèrent pas et à des réparations qui ne couvrent pas l’ensemble des préjudices ;
14- en favorisant et en soutenant financièrement la création de lieux auto-gérés de rencontres, d’informations et d’échanges (groupes de paroles), d’activités de loisir et ou professionnelles (libres, sécurisées et à temps partiel) et de repos dédiés aux victimes de violences sexuelles avec l’aide de professionnel.le.s, ces lieux pouvant être adossés aux centres de soins ;
15- en développant la prise en charge spécialisée des agresseurs le plus tôt possible dès les premières conduites violentes et en traitant leurs traumatismes : de 25 à 30% des violences sexuelles sont commises par des mineurs, la plupart des agresseurs ont déjà subi des violences le plus souvent dans l’enfance : on sait (grande enquête de l’ONU de Fulu, 2017) que pour les hommes avoir subi dans l’enfance des violences physiques et sexuelles multiples par 14 le risque de commettre des violences sexistes et sexuelles à l’âge adulte (les femmes qui ont subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance ont 1 fois plus de risque de subir des violences conjugales et sexuelles à l’âge adulte). En l’absence de protection et de soins, les conduites risque dissociantes dont font partie les violences envers soi ou autrui sont une des stratégies de survie mises en place pour anesthésier sa mémoire traumatique (symptôme psychotraumatique qui fait revivre à l’identique les violences subies dans l’enfance puis celles commises par la suite : exercer des violences entraîne des conséquences psychotraumatiques chez l’agresseur qui vont renforcer les conduites dissociantes et alimenter les passages à l’acte). Si on est jamais responsable des violences que l’on a subi, ni de leurs conséquences psychotraumatiques, on est responsable du choix des stratégies de survie qu’on met en place quand elles portent atteinte à l’intégrité d’autrui. Protéger et soigner les traumas de tous les enfants victimes de violences permet d’enrayer le cycle des violences.
↳ CF les 15 mesures à mettre en place en urgence pour le soin et le Manifeste contre l’impunité et ses 8 mesures
Les violences intra-familiales et sexuelles sont massives et particulièrement graves et traumatisantes. Elles sont avant tout commises par des hommes sur des personnes vulnérables ou discriminées. Les femmes et les enfants subissent massivement ces graves violations des droits humains que sont ces crimes et délits sexistes et sexuels : 1 femme sur 3 subit des violences conjugales et/ou sexuelles dans sa vie, 1 femme est tuée tous les 2,5 jours par un (ex)conjoint, 1 enfant est tué tous les 5 jours par un parent, 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 des violences sexuelles, les femmes et les enfants les plus vulnérables sont bien plus à risque d’en subir ; les femmes en situation de handicap en subissent 2 fois plus, les enfants en situation de handicap trois fois plus de violences sexuelles, et jusqu’à cinq fois plus quand le handicap est mental ou psychique : 9 femmes autistes sur 10 ont subi des violences sexuelles en majorité dès leur enfance (OMS, 2017, Dammeyer, 2018, Drees, 2020, Cazalis, 2022).
Déni, loi du silence, stéréotypes sexistes, culture du viol, impunité et déficit de formation des professionnels font que la majorité des victimes ne sont pas reconnues, protégées ni soignées. En toute injustice, elles doivent survivre seules aux violences et à leurs traumas. Les symptômes psychotraumatiques ne sont que rarement reconnus comme tels, et font souvent l’objet de diagnostics erronés, et de traitements inadaptés quand ils ne sont pas retournés contre les victimes pour décrédibiliser leurs plaintes.
Les violences intra-familiales et sexuelles commises majoritairement sur les femmes, les enfants (qu’ils soient victimes directes ou témoins) ont un impact considérable sur leur santé à long terme. Les victimes mettent de 10 ans à 13 ans avant de trouver un professionnel formé. Moins de 10% d'entre elles ont pu bénéficier d’une prise en charge médicale immédiate - pourtant absolument nécessaire - et seules 23% d'entre elles ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée. Les victimes de violences sexuelles dans l'enfance rapportent que 79% des professionnels de la santé ne font pas le lien entre leur état de santé et les violences sexuelles qu’elles ont subies dans l’enfance (MTV/Ipsos, 2019). 82% des étudiants en médecine n’ont pas eu de formation sur les violences sexuelles et sur leurs conséquences psychotraumatiques sur la santé des victimes, alors que 95% pensent que le médecin a un rôle majeur pour les victimes et plus de 95% veulent recevoir une formation pour dépister les violences sexistes et sexuelles, les prendre en charge et en traiter les conséquences. Or les enquêtes de l'ONDRP/MSSI montrent que les professionnels de santé sont considérés comme leur premiers recours par les femmes victimes de violences sexuelles.
En l’absence de dépistage, de protection, de reconnaissance des traumas et de soins spécifiques de ceux-ci ainsi que de réparations, les violences sexuelles sont, pour les femmes et les enfants qui les subissent, sources :
- de perte de chance en terme de santé mentale et physique et de qualité de vie, avec un danger de mort précoce (féminicides, infanticides, suicides, accidents, maladies liées au stress) et des risques importants de dépressions, de troubles anxieux majeurs, d’addictions, de conduites à risque, de troubles du sommeil et de l’alimentation, de troubles dissociatifs et cognitifs, de maladies cardio-vasculaires, de troubles digestifs, endocriniens, gynéco-obstétriques, immunitaires, de douleurs chroniques…C’est un problème de santé publique majeur ;
- de précarité et de vulnérabilité, de risque de subir de nouvelles violences (continuum de violences) et d’aggravation des inégalités, des discriminations et des situations de handicap. C’est une grave violation des droits des victimes.
AUCUNE VICTIME NE DOIT ÊTRE LAISSÉE SANS PROTECTION NI SOINS
La protection passe par un dépistage systématique, une évaluation du danger et du trauma, une prise en compte des troubles psychotraumatiques et du contrôle coercitif, et par des mesures de protection efficaces. Dès les premières violences les agresseurs doivent répondre de leurs actes et être poursuivis et punis tout doit être mis en place pour qu’ils n’exercent pas de nouvelles violences. La lutte contre l’impunité, contre les inégalités et les discriminations est primordiale. #CultureDeLaProtection
Les soins spécifiques des troubles psychotraumatiques sont efficaces, il a été prouvé que ces soins permettaient d’éviter la quasi totalité des conséquences des violences sur la santé, sur la qualité de vie et sur le risque de subir de nouvelles violences. #CultureDuSoin
Idéalement la prise en charge des troubles psychotraumatiques doit être la plus précoce possible, pour autant il n’est jamais trop tard pour proposer des soins, même 50, 60, 70 ans après.
Le cerveau est très vulnérable aux violences sexistes sexuelles d’autant plus qu’elles ont débuté dans l’enfance et que les victimes présentent des situations de handicap et de grande vulnérabilité. Les violences entraînent des atteintes cérébrales et la mise en place d’une mémoire traumatique qui - en faisant revivre à l’identique les violences - est une véritable torture. Une prise en charge spécialisée est efficace pour traiter cette mémoire traumatique et réparer les atteintes cérébrales provoquées par les violences, ce qui permet d’éviter ainsi la majeure partie de toutes les conséquences des violences sur la santé et la vie des victimes. Il faut donc améliorer en urgence la prise charge des victimes de violences sexistes et sexuelles :
LES CONSÉQUENCES PSCHOTRAUMATIQUES DES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SONT UN PROBLÈME MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE
Ne pas proposer à TOUTES les victimes des soins spécialisés par des professionnels formés est une #PerteDeChance intolérable !
C’est pourquoi nous réclamons de la part de l'état une volonté politique forte pour instaurer une culture de la protection, du trauma, du soin et de la réparation pour les victimes de violences sexuelles. Pour cela, nous exigeons la mise place en urgence de 15 mesures indispensables pour améliorer les soins des femmes et des enfants victimes de violences sexistes et sexuelles, ces soins s’inscrivant dans une prise en charge holistique médico-psychologique, sociale et judiciaire (cf Manifeste contre l’impunité) :
↳ CF les 15 mesures à mettre en place en urgence pour le soin et le Manifeste contre l’impunité et ses 8 mesures
Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, auteure de Le livre noir des violences sexuelles (Dunod 3ème éd. 2022) et de Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables (Dunod, 2ème éd. 2021); membre du comité scientifique de la chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » dite Chaire Mukwege et de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE
Pour en savoir plus des articles à lire avec Biblio :
Prise en charge des conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance sur la santé des victimes, un impératif humain et une urgence de santé publique :15 mesures à mettre en place en urgence (2022) https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2022Prise-en-charge-consequences-violences-sexuelles-urgence.pdf
SOIGNER LES VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES Un impératif humain et de santé publique, (2021) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202112-Les-soins-aux-victimes-de-violences-sexuelles.pdf
LES VIOLENCES SEXUELLES : un psychotraumatisme majeur qu’il est essentiel de prendre en compte pour rendre justice aux victimes, les secourir, les protéger et les soigner (2021) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2021_violences_sexuelles_un_psychotraumatisme_majeur.pdf
FÉMINICIDES
QUE VAUT LA VIE D’UNE FEMME ? (2021) https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20210703Que-vaut-la-vie-d-une-femme.pdf
La fiche Comment venir en aide secourir protéger une victime de violences intra familiales, conjugales, institutionnelles et/ou sexuelles (2020) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-comment-secourir-victime-de-violences.pdf
FÉMINICIDES PAR (EX) CONJOINT OU (EX) PARTENAIRE INTIME : DES QUESTIONS INDISPENSABLES À POSER POUR ÉVALUER LE DANGER (2019) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2019-Fiche_evaluation_danger_feminicide.pdf
Comprendre et prendre en charge
l’impact psychotraumatique des violences conjugales pour mieux protéger les femmes et les enfants qui en sont victimes (2017) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2017_Muriel_Salmona_Violences_conjugales_le_droit_d_etre_protegee_DUNOD.pdf
Les traumas des enfants victimes de violences : un problème de santé publique majeur (2018) : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2019-Rhizome-Les_traumas_des_enfants_victimes_de_violences.pdf
La lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes de 2021: les violences au sein du couple et les violences sexuelles en 2020 en France : indicateurs nationauxhttps://arretonslesviolences.gouv.fr/sites/default/files/2021-12/Lettre%20n°17%20-%20Les%20violences%20au%20sein%20du%20couple%20et%20les%20violences%20sexuelles%20en%202020.pdff
Le site stop-violences-femmes.gouv.fr Arrêtons-les avec des ressources, des outils et des kits pour les victimes, leurs proches et les professionnels ainsi que des clips pédagogiques d’expertes : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/les-paroles-d-expertes
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