vendredi 7 janvier 2022

Artile de la Dre Muriel Salmona : SOIGNER LES VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES Un impératif humain et de santé publique

 SOIGNER LES VICTIMES 

DE VIOLENCES SEXUELLES


Un impératif humain et de santé publique 

Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, drmsalmona@gmail.com

Bourg la Reine, décembre 2021

PDF à télécharger ICI 

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202112-Les-soins-aux-victimes-de-violences-sexuelles.pdf

Les violences sexuelles - viols, agressions sexuelles et harcèlement sexuel - sont des crimes et délits punis par la loi qui font partie des plus graves violations des droits humains. Très traumatisantes ces violences portent atteinte à la dignité et à l’intégrité physique et mentale des victimes, et sont dévastatrices sur leur santé et leur vie si elles ne bénéficient pas de la protection et des soins spécifiques nécessaires. Ce sont des violences d’une grande ampleur, systémiques, sexo-spécifiques, haineuses et discriminatoires qui touchent tous les milieux sociaux. Les filles et les femmes en sont les principales victimes et les subissent tout au long de leur vie dès leur plus jeune âge (continuum de violences), et les hommes en sont les principaux auteurs (plus de 90%). 

Des violences d’une ampleur considérable

La dernière enquête de victimisation en population générale de la CIASE-Inserm/Ifop de 2020 montre que 27,1% des 28 010 personnes interrogées de plus de 18 ans (19,2% des femmes et 7,9% des hommes) déclarent avoir subi des violences sexuelles dans leur vie dont la très grande majorité (près de 80%) avant 18 ans, ce qui confirme les résultats de notre grande enquête IVSEA de 2015 (81% des violences sexuelles étaient subies avant 18 ans). Cela fait un·e Français·e sur cinq (14,2 % des femmes et 6,9% des hommes) victime de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans le cadre de la famille, 6,11% des Français·e·s ayant subi un inceste (pour l’Organisation Mondial de la Santé (OMS, 2014) une femme sur cinq et un homme sur treize ont subi des violences sexuelles dans l’enfance). À partir de cette enquête une estimation chiffre à 160 000 le nombre d’enfants victimes chaque année de violences sexuelles. D’autre part la pédocriminalité explose dans le monde, chaque année le nombre de photos et de vidéos pédocriminelles répertoriées comme étant disponibles sur le net double, 70 millions en 2020), la France en nombres de sites et de consommateurs d’images pédocriminelles est le 3 ème pays au Monde et le deuxième en Europe après les Pays-Bas.Laila Mickelwait  https://www.traffickinghubpetition.com 2 233 000

En ce qui concerne les viols d'après les dernières données du Baromètre santé 2016 de l’INED qui fait un suivi de l’enquête Contexte Sexualité en France de 2006 : 18,9 % des femmes et 5,4% des hommes de 18‐69 ans déclarent avoir déjà été confronté·e·s à des rapports forcés ou à des tentatives de rapports forcés (viols et tentatives de viols). Ces viols ont été subis  majoritairement avant 18 ans, et sont commis dans 90% des cas par des personnes connues, le plus souvent des conjoints (viols conjugaux) et pour les mineurs par des membres de la familles (viols incestueux). Chaque année au moins 94 000 femmes et 18 000 hommes subissent des viols et des tentatives de viols (INSEE-ONDRP CVS 2012-2019) et par extrapolation, avec ces enquêtes on peut estimer que plus de 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols et tentatives de viols chaque année. Ce serait donc environ 277 000 personnes (adultes et enfants) qui subiraient chaque année des viols et tentatives de viols. Ces chiffres sont à rapporter au fait que moins de 10% de ces viols et tentatives de viols font l’objet de plainte, que 74% des ces plaintes sont classées sans, que la moitié des plaintes instruites sont déqualifiées en agressions ou atteintes sexuelles et sont donc correctionnalisées, et qu’au final seules 10% de ces plaintes sont jugées aux assises ou au tribunal pour enfant comme un crime (ce qui fait 1 % de l’ensemble des viols et tentatives de viols).

Ces violences s’exercent dans plus 90% des cas par des personnes connues par les victimes, dans un cadre d’inégalité et de domination sur les personnes les plus discriminées et les plus vulnérables : filles et femmes, enfants, personnes handicapées (qui subissent de quatre fois plus de violences sexuelles, 6 fois plus en cas de handicap mental ou psychique, les femmes présentant des troubles du spectre de l’autisme étant 90% à en avoir subi), personnes placées dans des institutions, marginalisées, racisées, sans domicile fixe, demandeuses d’asile et sans papiers, en situation prostitutionnelle... Et ces violences ont pour conséquences une aggravation des inégalités, des handicaps et une précarisation des victimes. (Baromètre santé 2016, Sf, 2006, VIRAGE, 2016 ; ONDRP, 2017-2019 ; MTV/ Ipsos, 2019, Brown-Lavoie, 2014 ; Danmeyer, 2018 ; Gourion, 2019).

Il faut prendre en compte que la plupart des enquêtes et des études sous-estiment les chiffres des violences sexuelles et leurs conséquences en raison :

  • de la difficulté pour les victimes d’en parler ;
  • du manque très important de données sur les personnes les plus vulnérables qui sont celles qui subissent le plus ces violences (enfants, personnes en institution, en situation de handicap particulièrement pour les non verbaux et pour les handicap mentaux et neuro-psychiques, personnes en très grandes précarité, ne maitrisant pas la langue ou certains codes de langage, etc.) ;
  • Des traumatismes des victimes et d’amnésies dissociatives qui peuvent durer des dizaines d’années ;
  • et de définitions des violences sexuelles souvent restrictives, incomplètes ou difficilement compréhensibles ou adaptées à de nombreuses victimes des violences sexuelles qui ne s’y reconnaissent pas et qui ne leur permettent pas de s’identifier comme victimes d’actes de violences sexuelles (Sandi, 2019, Virage, 2016).

Parmi le nombre impressionnant de Français·e·s ayant été victimes de violences sexuelles une minorité est connue des services médico-sociaux, d’assistance, de police et de justice, et encore bien moins bénéficie d’une prise en charge optimale en terme de protection, soins, aides et justice. 

Dans notre grande enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015) 83% des victimes de violences sexuelles déclarent n’avoir jamais été protégée, ni reconnues comme victimes. 

Alors que les personnes victimes de violences sont 95% des répondant·e·s considèrent que les violences ont eu un réel impact sur leur santé mentale 95% et 43% sur leur santé physique : 78% n’ont pas eu de prise en charge en urgence, et un tiers des victimes n’ont pas trouvé de prise en charge médico-psychologique par des professionnel.les formé·e·s aux violences sexuelles et celles qui ont pu en bénéficier ont mis moyenne 13 ans pour la trouver. 50% des soins n’ont pas été centrés sur les violences subies, 50% jugent négativement les soins  reçus, 41% considèrent que certains soins ont été maltraitants. Dans notre enquête menée par Ipsos en 2019 sur les violences sexuelles dans l’enfance moins d’une victime sur 10 a pu bénéficier d’un suivi médical juste après les faits. Pour une majorité, il aura fallu plus d’une dizaine d’années et 79% des professionnels de santé ne font pas le lien entre l’état de santé des victimes et leur évènement traumatique subi dans l’enfance.

Les symptômes psychotraumatiques sont encore trop méconnus. Peu identifiés et traités, ils sont le plus souvent interprétés comme provenant de la personne elle-même, de sa nature, de sa personnalité, de sa mauvaise volonté, ou sont étiquetés comme des maladies mentales ou des troubles du omportement. De ce fait, les suicides, les conduites à risque, les explosions de mémoire traumatique et les états dissociatifs traumatiques sont trop souvent mis sur le compte de troubles de la personnalité, de dépressions, voire même de psychoses comme c’est le cas pour 17% des répondant·e·s, alors qu’il s’agit de conséquences normales dues au traumatisme qui pourraient être prévenus et évités grâce à une protection et une prise en charge médico-sociale spécifique. Les violences sexuelles subies ne sont presque jamais évoquées comme cause principale, et la question : « avez-vous subi des violences ? » n’est que très rarement posée. 

Afin d’améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles, les préconisations des répondant·e·s de notre enquête IVSEA de 2015 sont les suivantes : faciliter les démarches des victimes (information sur les mécanismes psychotraumatiques, gratuité des soins (pour 89% d’entre elles c’est important), centres pluridisciplinaires de prise en charge des victimes de violences sexuelles (pour 86% d’entre elles c’est important, et 94% des Français·e·s sont favorables à leur création dans notre dernière enquête de 2021), former les professionnel·le·s de santé au dépistage des violences, à la réalité des violences et de leurs conséquences (pour 81% d’entre elles c’est important, et 97% des Français·e·s y sont favorables dans notre enquête menée par Ipsos en 2021), et rompre le silence qui entoure les violences via des campagnes d’information et de prévention.

Nous allons le voir, les carences importantes dans la protection des victimes de violences sexuelles et dans les soins qui leur sont proposés et donnés, représentent une grave perte de chance pour leur santé à court et long termes et leur vie (affective, professionnelle, sociale…) et une atteinte à leurs droits. Cette perte de chance est d’autant plus scandaleuse et inhumaine que les soins sont efficaces.

Conséquences des violences sexuelles sur la santé des victimes 

Les victimes de ces violences sexuelles en plus du risque immédiat de blessures corporelles, de maladie sexuellement transmissibles et de grossesse, ont un risque très important de développer des troubles psychotraumatiques à court, moyen et long termes : de 70 à 80% pour les adultes, près de 100% pour les enfants,  alors que lors de traumatismes en général il n'y a que 24 % de risques d'en développer ((Breslau, 1991 ; Rodriguez, 1997). Ces troubles psychotraumatiques qui sont des conséquences normales et universelles de ces violences.

Ces violences sexuelles font partie, avec les tortures, des traumatismes psychiques les plus sévères et sont associées à des effets qui peuvent être catastrophiques à long terme (si les victimes ne sont pas protégées et ne bénéficient pas de soins et d’accompagnement) sur la santé mentale et physique des victimes et sur leur parcours de vie socio-professionnelle, personnelle, affective et sexuelle, et sur leur développement staturo-pondéral, psycho-affectif, sensoriel et cognitif, et sur leurs apprentissages et leur scolarité quant il s’agit d’enfants, Avoir subi des violences sexuelles, particulièrement dans l’enfance représente un facteur de risque important de subir de nouvelles violences (tout au long de la vie pour les femmes : continuum de violences sexistes et sexuelles) et d’en commettre, un facteur de risque de précarité et d’aggravation des inégalités, handicaps et des situations de vulnérabilité (Campbell, 2008, McFarlane, 2010, Nemeroff, 2016, ; IVSEA, 2015 ; MTV/Ipsos, 2019). 

Selon les enquêtes récentes de 70 à 96% des victimes de viols déclarent un impact important sur leur santé mentale, et de 50 à 70% sur leur santé physique, 50% font des tentatives de suicides, 50% des dépressions à répétition et des troubles anxieux majeurs, 30 à 50% présentent des conduites addictives (IVSEA, 2015 ; MTV/IPSOS 2019, ONDRP 20 -2017), ainsi que des conduites à risque et des mises en danger (scarifications, auto-mutilations, jeux dangereux, sport extrême, conduites sexuelles à risque, etc.), et des troubles alimentaires (anorexie, boulimie et obésité), elles sont également un facteur de risque majeur pour de nombreuses pathologies somatiques : diabète, troubles cardio-vasculaires, immunitaires, endocriniens, digestifs (colopathies, anisme), neurologiques, gynéco-obstétricaux, cancers, douleurs et fatigue chroniques, sans compter le risque d’infection sexuellement transmissible et de grossesse sur viol (Finkelhor, 1990, Campbell, 2008, Felitti et Anda, 2010, MacFarlane 2010, Hailes, 2019).

Ce qui fait des violences sexuelles un problème majeur de droits humains, de société et de santé publique (OMS, 2014, 2016).

Les victimes de violences sexuelles citent comme premier recours le médecin et le psychiatre (ONDRP, 2019). Et il a été prouvé qu’une protection et une prise en charge adaptée avec des soins spécialisés permettent d’éviter la majeure partie des conséquences sur la santé des victimes (Ehring, 2014 ; OMS, 2016 ; Hillis, 2016). Or très rares sont les victimes de violences sexuelles qui bénéficient immédiatement de soins médico-psychologiques, il leur faut en moyenne suivant les enquêtes de 10 à 13 ans pour trouver des soins spécialisés en raison du manque d’information, de professionnels formés et et d’offre de soins spécialisés accessibles. Au final ce sont plus de 30 % des victimes de violences sexuelles qui n’auront jamais accès à des soins spécialisés. Même s’il est souhaitable qu’une prise en charge spécialisée soit la plus précoce possible, il n’est jamais trop tard pour la mettre en place, ne pas en bénéficier représente pour les victimes une perte de chance considérable et intolérable en terme de santé et de qualité de vie, et un risque important de subir à nouveau des violences et d’aggravation des situations de vulnérabilité.

L’absence de protection, de prises en charge des victimes de violences sexuelles et l’impunité dont les agresseurs bénéficient sont en plus de lourdes conséquences sur leur santé, un facteur majeur de mise en danger des victimes (risque de subir de nouvelles violences, de mort précoce par homicides, suicides, maladie, accidents), d’aggravation des inégalités et des situations de vulnérabilité et de précarité. C’est également un facteur   d’impunité et de perpétuation des violences. 

Il est très difficile voire impossible à des victimes menacées et traumatisées de dénoncer les violences et d’avoir recours à la justice, et si elles arrivent à le faire, leurs troubles psychotraumatiques non soignés (sidération, dissociation, mémoire traumatique et conduites de survie) se retournent fréquemment contre elles pour disqualifier leur parole et les mettre en cause (culture du viol).

Ne pas offrir aux victimes de violences sexuelles les soins spécialisés qui leur sont nécessaires est une atteinte à leurs droits, une grave perte de chance pour leur santé, leur sécurité et leur avenir. Cette perte de chance est d’autant plus intolérable que la plupart des conséquences catastrophiques sur leur santé et leur qualité de vie sont parfaitement évitables avec une prise en charge adaptée et respectueuse de leurs droits.

Il est donc essentiel de former des professionnels de santé pour identifier, protéger et prendre en charge les enfants et les adultes victimes de violences sexuelles que ce soit au niveau des soins spécifiques et d’une expertise médico-légale, et de proposer une offre de soins médico-psychologiques spécifiques accessibles et gratuits dans un cadre holistique associant également une prise en charge socio-économique et juridique. 

En droit international, les Etats ont l’obligation de prévenir ces violences, de prendre en charge les victimes, de poursuivre les agresseurs et de les condamner. Et une directive (article 25) de la Convention européenne d’Istanbul que la France a ratifié, explique « le caractère traumatisant des violences sexuelles, notamment les viols qui exige un personnel formé sur ce point et spécialisé, qui saura faire preuve de délicatesse. Les victimes de ce type de violence ont besoin de soins médicaux immédiats et d'un soutien lié au traumatisme subi, associé à un examen médicolégal destiné à recueillir des éléments de preuve indispensables aux poursuites. De plus, les besoins sont immenses en matière de conseils psychologiques et de thérapie, et ils peuvent surgir des semaines voire des mois après l’événement » (rapport explicatif art 25, 138).

L'article 25 souligne donc la nécessité de fournir ce type de soutien spécialisé en obligeant les Parties à mettre en place en nombre suffisant des centres d'aide d'urgence accessibles aux victimes de viols et de violences sexuelles

En conséquence la convention d’Istanbul exige que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour permettre la mise en place de centres d’aide d’urgence pour les victimes de viol et de violences sexuelles, appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, afin de leur dispenser un examen médical et médico-légal, un soutien lié au traumatisme et des conseils » (art 25). « La disposition exigeant la mise en place de ces centres oblige les Parties à la convention à veiller à ce que ceux-ci soient en nombre suffisant, d'accès facile et que leurs services soient mis en œuvre de manière appropriée » (rapport explicatif art 25, 139). Le rapport final d’activité de la Task Force du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (EG-TFV (2008)6) recommande qu'un tel centre soit disponible pour 200 000 habitants et que le centres soient répartis géographiquement pour être accessibles aux victimes vivant en zone rurale ou en ville. Le terme « approprié » vise à garantir que les services offerts satisfont aux besoins des victimes (rapport explicatif art 25, 142).

Or l’Etat français est loin de remplir toutes ses obligations que ce soit au niveau sanitaire, social ou judiciaire. 

Nous attendons au cours de l‘année la création des 5 centres du psychotraumatisme pour les enfants promis, le déploiement dans chaque département d’unités d’Accueil Médico-Judiciaires Pédiatriques (UAMJP)  et le démarrage d’une expérimentation sur 4 ans pour améliorer le parcours de soins coordonné des enfants et adolescents protégés.


Mais cela reste très insuffisant des mesures urgentes doivent être mises en œuvre.

Les violences sexuelles sont une urgence médicale et médico-légale qui exige des soins spécialisés, accessibles et gratuits par des professionnels formés :

Les soins doivent s’inscrire dans une prise en charge multidisciplinaire (médicale, psychologique, socio-économique et juridique) dite holistique (cf le modèle holistique de prise en charge développé par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, à l’hopital Panzi), le plus tôt possible après l’agression. Cette prise en charge idéalement doit se faire en urgence et s’inscrire ensuite dans la durée tant que l’état de santé de la personne victime le nécessite, mais elle peut se faire à distance de l’agression, quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis. 

« Il a été prouvé que les chances de guérison chez les victimes de violences sexuelles qui recevaient des soins multidisciplinaires étaient meilleures, qu’elles récupéraient plus rapidement et risquaient également moins, de subir une violence » (Keygnaert et Van Melkebeke, 2018, p.29).

Toutes les victimes doivent pouvoir y avoir accès ce qui nécessite une offre de soins 

  • spécialisée par des professionnels formés et expérimentés ;
  • de proximité, suffisante en nombre, répartie sur tout le territoire français (métropole et outremer) ; 
  • accessibles en urgence 24h/24 et 7j/7 et en dehors des urgences dans des délais les plus courts possibles et dans une continuité des soins sur la durée ;
  • adaptés pour tous les types de traumatismes (aigus, différés, chroniques et complexes) et pour toutes les victimes sans aucune discrimination quelque soient leur âge, leurs handicaps, leur état de santé, leur situation de précarité et de marginalisation, leur situation d’hébergement (hospitalisation, placement en institutions ou en famille d’accueil, détention, personnes demandeuses d’asile, sans papier, personnes sans domicile fixe) ;
  • avec des parcours de soins simplifiés et balisés : listes des centres et des professionnels faciles d’accès avec site dédié, numéro vert d’information dédié et affichage dans les structures et institutions publiques ;
  • sans frais avec des soins médicaux ET psychologiques pris en charge à 100% par l’assurance maladie ou par l’aide médicale d’Etat

Il existe des recommandations internationales sur la prise en charge des  psyhotraumatismes, la Haute autorité de santé (HAS) prépare avec un groupe de travail des recommandations pour l’évaluation et prise en charge des syndromes psychotraumatiques - Enfants et adultes les adultes et les enfants qui ont subi des traumatismes (cf la note de cadrage à laquelle j’ai participé) et le site PsyCom qui est une ressource publique nationale d’information sur la santé mentale vient de publier un article sur la prise en charge du troubles de stress post-traumatique le 21 décembre 2021. 

En ce qui concerne la prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles une expérimentation pour un parcours de soins coordonné des enfants et adolescents protégés (placés en protection de l'enfance et suivis par la PJJ) est mise place pour 4 ans par un arrêté du décembre 2022. Dans  et arrêté il est reconnu que l’offre de soins actuelle est insuffisante, mal adaptée, trop tardive. Cette expérimentation a pour objet « d'améliorer la prise en charge en santé des enfants en protection de l’enfance, de former les professionnels, améliorer les connaissances des professionnels de santé et des acteurs de la protection de l'enfance sur les maltraitances et leurs conséquences sur la santé et d'expérimenter un parcours de soins coordonné pour les enfants et les adolescents protégés ou sous protection judiciaire, incluant une prise en charge somatique et en santé mentale précoce, reposant sur la création d'un forfait annuel par enfant ou adolescent pris en charge à 100 % par la sécurité sociale ».

Enfin en ce qui concerne la gratuité des soins, actuellement il existe une prise en charge par la sécurité sociale à 100% (sans participation financière de l’assuré(e) pour les soins consécutifs aux violences sexuelles subies par les mineurs victimes (article L 160-14-15° du code de la sécurité sociale). Par contre, les remboursements ne concernent que les actes remboursables par l’Assurance Maladie (les séances par un·e psychologue ne sont pas remboursées). Afin de bénéficier de cette prise en charge à 100%, un protocole de soins est rédigé par le médecin traitant et c’est le médecin conseil de l’Assurance Maladie qui, après concertation avec le médecin traitant, validera les différentes modalités de cette exonération. Pour les adultes victimes de violences sexuelles une demande motivée d’Affection Longue Durée permettant une prise en charge à 100% peut être faite par le m médecin traitant. 

Une prise en charge à 100% des séances par des psychologues a été annoncée par le président de la République en février 2021 pour les mineurs victimes de violences sexuelles.

Actuellement un dispositif PsyEnfantAdo donne accès jusqu’à 10 séances de soutien psychologique sans avance de frais chez le psychologue pour les enfants et adolescents de 3 à 17 ans en souffrance psychique d’intensité légère à modérée à condition d’être adressé par un médecin traitant mais ce dispositif est mis en place transitoirement pendant la crise sanitaire jusqu’au 31 janvier 2022.

Par ailleurs la prise en charge pour l’ensemble de la population de séances chez le psychologue en ville est prévue dans le cadre du dispositif « MonPsySanté » qui sera mis en place à partir du printemps 2022, il s’agit de 8 séances remboursées par la sécurité sociale dans le cadre d’un parcours de soins (orientation par un médecin vers des psychologues conventionnés) avec un ticket modérateur (40%) qui sera pris en charge par les complémentaire santé ou pour les publics précaires par la complémentaire santé solidaire ou AME. La prise en charge des psychothérapies par des psychologiques pour les mineurs victimes de violences sexuelles

Nécessité d’une prise en charge holistique 

Tout doit être fait dans le respect de la volonté, des droits de la personne victime de violences sexuelles, de sa sécurité, de sa dignité, de son intimité, de sa sécurité, de ses besoins primordiaux de réconfort, de protection, de soutien, de confidentialité, d’informations et de ses besoins spécifiques (prise en compte de l’état traumatique, de l’âge, du handicap, d’un état de grossesse, de maladies et de leurs antécédents médicaux et d’expériences traumatiques, des besoins d’accompagnants, d'interprètes, de techniques d’examen adaptés, etc.), en s’assurant de son information et de son consentement libre et éclairé lors de tous les soins et à toutes les étapes de sa prise en charge. 

La prise en charge holistique d’urgence (moins de 72h) et/ou d’une première consultation par des professionnels formés aux violences sexuelles et à la prise en charge spécifique des victimes de ces violences consiste dans un cadre sécurisé, bienveillant, confidentiel et non discriminatoire et à :

  • Recueillir le témoignage de la victime et ses plaintes somatiques et psychologiques, l’écouter sans jamais la forcer à parler, en lui laissant le temps nécessaire pour le faire (en lui disant combien c’est difficile normal d’avoir besoin de temps, d’avoir du mal à s’exprimer, à trouver les mots), sans mettre sa parole en doute (il faut la croire jusqu’à preuve du contraire et non attendre ou demander des preuves pour la croire), sans jugement, sans contrainte, en posant des questions et en reformulant ses réponses pour valider sa parole et reconnaître son état de souffrance (il est normal de pleurer, d’être en détresse, confuse) et sa légitimité à parler et à se considérer comme victime (rien ne peut justifier de tels actes, en aucun cas elle en est responsable ou coupable), en la rassurant, en expliquant que les réactions et les ressentis qu’elle a eu sont des réactions et symptômes traumatiques normaux face à une situation terrifiante et/ou incompréhensible (peur, sidération, dissociation, confusion, état de choc, impossibilité de fuir, de réagir, de dire non, sensation d’être absente, anesthésiée, comme indifférente ou au contraire agitation, fébrilité…), en lui disant que tout va être fait pour la protéger et en prenant soin de ne pas avoir de propos ni de comportement véhiculant des stéréotypes sexistes, discriminatoires et une culture du viol, en la félicitant et en la valorisant d’avoir pu parler, en faisant référence loi et en l’informant précisément sur ce qui est interdit. Ne jamais oublier que la victime du fait de son état traumatique a du mal à réaliser ce qui lui est arrivé, à y croire, à se sentir victime, qu’elle a le plus souvent un sentiment de culpabilité et de honte.
  • Rechercher et évaluer les atteintes physiques et psychologiques par un examen somatique et psychiatrique, évaluer le niveau de la souffrance et du traumatisme : recherche de lésions et de blessures, d’atteintes gynécologiques, de maladies liées au stress, recherche d’un état de choc traumatique (état de stupeur, état confusionnel, état de détresse émotionnelles, d’agitation anxieuse) et de troubles psychotraumatiques (mémoire traumatique - réminiscences, intrusions, flaschbaks, cauchemars -, dissociation traumatique, hyper-réactivité neuro-végétative, conduites d’évitement) ; de co-morbidités psychiatriques (troubles anxieux, phobiques, dépressifs, idées suicidaires, troubles du sommeil, troubles cognitifs, troubles alimentaires, addictions et conduites à risque…). Il est essentiel de prendre en compte la souffrance, la reconnaître et la légitimer
  • prodiguer tous les soins nécessaires, soulager la souffrance, diminuer le stress, prévenir le risque de séquelles physiques et psychologiques et plus particulièrement le risque de maladies sexuellement transmissibles, de grossesse, de suicides et de troubles psychotraumatiques chroniques qui auront de lourdes conséquences sur la santé des victimes et le risque de subir à nouveau des violences;
  • collecter toutes les preuves médico-légales nécessaires pour une procédure judiciaire et leur permettre de témoigner et de porter plainte dans les meilleures conditions possibles de sécurité, sans réactiver leurs traumatismes. Selon les recommandations de la Convention d’Istanbul « Selon certaines recherches, une bonne pratique consiste à procéder aux examens médicolégaux indépendamment du fait de savoir si l'agression sera déclarée ou non à la police, et à offrir la possibilité d'effectuer et de conserver les prélèvements nécessaires afin que la décision de déclarer ou non le viol puisse être prise à une date ultérieure » (Rapport explicatif, article 25, 141).
  • protéger efficacement les victimes de violences sexuelles, les mettre à l’abri et éviter le risque de réitération des violences en tenant compte des risques qu’elles encourent de leurs demandes et de leurs besoins immédiats ;
  • évaluer et traiter les besoins urgents familiaux, éducatifs et socio-professionnels (arrêt maladie, aménagement scolaire), administratifs et économiques ;
  • informer les victimes de leurs droits et de toutes les démarches nécessaires et des ressources et des aides (médicales, psychologiques, juridiques, sociales, administratives, éducatives et professionnelles) dont elles peuvent bénéficier et avoir besoin).
  • Assurer la continuité des soins avec un suivi dans la durée.

Une prise en charge holistique la plus précoce possible est donc essentielle, ne pas la proposer aux victimes représente une perte de chance intolérable en termes de santé, de risque de re-victimisation, de risque socio-professionnels, affectifs et familiaux. Pourtant, en France, l’offre de soins est très insuffisante, trop peu de professionnels sont formés et des centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles en nombre suffisant et accessibles n’ont pas été mis en place (la Belgique en a mis en place 5 centres de prises en charge de victimes de violences sexuelles ouverts 24h/24 et 7 jours/7 depuis 2017).

Soigner les conséquences psychotraumatiques 

Les violences sexuelles sont d’autant plus traumatisantes et ont des conséquences d’autant plus lourdes qu’elles ont été subies par des personnes vulnérables comme les enfants, les personnes en situation de handicap (qui subissent le plus de violences sexuelles), commises par des membres de la famille (50% des violences sexuelles sont incestueuses ou conjugales), de façon répétées et sur une longue durée (traumas complexes) et que ce sont des viols. 

La prise en charge des troubles psychotraumatiques est nécessaire et efficace, elle permet de les traiter et d’éviter de nombreuses conséquences sur la santé mentale et physique et sur la vie des victimes, mais elle ne peut se faire que si la victime est protégée. 

Devant toute victime de violences sexuelles il est impératif de rechercher des troubles psychotraumatiques ainsi que toutes les autres conséquences habituelles sur la santé mentale et physique des violences sexuelles.

Les psychotraumatismes sont dus à des atteintes psychologiques, neurologiques au niveau du cerveau (avec des pertes neuronales, des atteintes des connexions dendritiques et des circuits émotionnels et de la mémoires) et métaboliques. Des preuves documentent la biologie de la violence, démontrant que le stress traumatique subi en réponse à la violence peut nuire à l'architecture du cerveau, au statut immunitaire, aux systèmes métaboliques et aux réponses inflammatoires (Anda, 2010, Némeroff, 2016).

Les violences sexuelles entraînent une effraction psychique et un stress dépassé qui représentent un risque vital. Pour échapper à ce risque vital le cerveau met en place des mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde exceptionnels qui vont interrompre les circuits émotionnels et de la mémoire. 

Ces mécanismes de sauvegarde sont à l’origine des principaux symptômes du trouble de stress post traumatique (DSM V et CIM 11) : souvenirs intrusifs ou mémoire traumatique (réminiscences, flash-bak, cauchemars), hypervigilance, sentiment de  danger permanent et hyper-réactivité neurovégétative, dissociation traumatique et des conduites d’évitement et conduites à risque dissociantes (qui sont des stratégies de survie); et de nombreux troubles co-morbides : troubles anxieux généralisés et troubles phobiques et obsessionnels, dépression et tentatives de suicides (dans 50% des cas), troubles cognitifs, troubles du développement et des comportements, addictions (dans plus de 40% des cas), troubles alimentaires, troubles du sommeil, troubles sexuels, maladies liées au stress (troubles cardio-vasculaires, endocriniens, immunitaires, neurologiques, digestifs, gynéco-obstétricaux, ORL, dermatologiques, douleurs chroniques, et.). La mémoire traumatique en est le symptôme principal responsables de la plupart de toutes les conséquences sur la santé mentale, physique et sur la vie des victimes. 

L’ensemble de ces troubles sont à l’origine d’une très mauvaise estime de soi, d’un manque de confiance en soi et aux autres, d’une grande insécurité, d’échecs scolaires et professionnels, de risque important de subir de nouvelles violences (surtout pour les filles et les femmes) et d’en commettre (surtout pour les garçons et les hommes), de précarité et de marginalisation, d’une absence de recours aux soins, d’une aggravation de la vulnérabilité et des handicaps, de solitude et d’exclusion. Les violences renforcent les inégalités et aggravent les discriminations. 

Le traitement des traumas est essentiellement psychothérapique (psychothérapies spécialisées centrées sur le trauma) et doit être associé à une psycho-éducation des victimes traumatisées et de leur entourage concernant les psychotraumatismes et leurs mécanismes ainsi que la gestion du stress et des symptômes psychotraumatiques. Il est essentiel que les personnes victimes et leur entourage soient rassurées en sachant que leurs symptômes sont des symptômes habituels et universels des psychotraumatismes et qu’ils se traitent (ce ne sont pas les victimes qui sont à l’origine de leurs souffrances de leurs symptômes mais les violences subies et l’intentionnalité de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité de l’agresseur, ces troubles étant majorés par le manque de soutien, voire la maltraitance de l’entourage et de certains professionnels, ainsi que par les fausses représentations, les stéréotypes sexistes et la culture du viol ayant cours dans la société) (Campbell, .

Si la prise en charge spécifique est suffisamment précoce, dans les 12 heures qui suivent les violences, elle peut même éviter l’installation d’un psychotraumatisme. Mais il n’est jamais trop tard pour soigner les troubles psychotraumatiques, que ce soit quelques mois après les violences, quelques années, voire cinquante ou soixante-dix ans après, les circuits neuronaux et émotionnels ont de grandes capacités de réparation. Il a été démontré qu’une prise en charge spécialisée permettait de récupérer des atteintes neuronales liées au stress extrême lors du traumatisme, avec une neurogenèse et une amélioration des liaisons dendritiques visibles sur des IRM (Ehling et al., 2003) ! 

Il existe des recommandations internationales sur la prise en charge des  psyhotraumatismes fondée sur les preuves, sur les faits, ou sur des données probantes (evidence-based practice (EBP), et la Haute autorité de santé (HAS) prépare avec un groupe de travail des recommandations pour l’évaluation et prise en charge des syndromes psychotraumatiques - Enfants et adultes les adultes et les enfants qui ont subi des traumatismes (cf la note de cadrage à laquelle j’ai participé). Le site PsyCom qui est une ressource publique nationale d’information sur la santé mentale vient de publier un article sur la prise en charge du troubles de stress post-traumatique le 21 décembre 2021.

La prise en charge médico-psychologique doit être centrée sur les violences subies et le traumatisme, plus particulièrement sur la mémoire traumatique qui en est la principale conséquences et fait revivre sans cesse les violences comme si elles étaient en train de se reproduire avec la même charge émotionnelle, les mêmes sensations, perceptions et douleurs comme une torture sans fin obligeant les victimes à avoir recours à des conduites d’évitement et/ou conduites dissociantes à risque pour l’éviter ou l’anesthésier.

En plus d’un soutien psychologique le traitement spécialisé du psychotraumatisme repose d’une part une verbalisation sécurisée et une analyse contextualisée des violences subies et des émotions et ressentis qui s’y rapportent en tenant compte de l’intentionnalité et de la stratégie des agresseurs, des réactions de l’entourage, du déni, de la loi du silence et des injustices subies, et d’autre part sur la compréhension et la gestion pour la personne traumatisée de ses symptômes, de ses réactions et comportements en les reliant aux traumatismes, et enfin sur le décryptage et l’intégration de la mémoire traumatique non consciente et non contextualisée en mémoire autobiographique. Pour cela, nul besoin de médicament, si ce n’est un traitement pour diminuer la souffrance et le stress lorsqu’ils sont trop importants (anxiolytiques de façon ponctuelle, anti-dépresseurs quand c’est nécessaire, antalgiques et bêtabloquants pour diminuer la sécrétion d’adrénaline). 

Nous l’avons vu la prise en charge par des professionnels formés est essentielle, elle doit être spécifique et pluridisciplinaire : médicale, psychologique, socio-économique et judiciaire. Elle doit se référer clairement à la loi et aux droits des victimes, qu’il s’agit de respecter et de faire respecter tout au long de la prise en charge. 

Elle nécessite que les victimes soient dans un climat de sécurité, de bienveillance et de confiance, et qu’elles soient protégées des violences, des agresseurs et de situations de stress trop importantes. 

En dehors de l’urgence médicale somatique sur laquelle nous allons revenir, le soignant (médecin psychiatre ou d’une autre spécialité, psychologue ou thérapeute) devra avant tout s’assurer que la victime est protégée, la soutenir et la réconforter, prendre en charge sa souffrance psychologique et traiter son traumatisme psychique et l’orienter pour qu’elle puisse bénéficier des autres prises en charge qui lui sont nécessaires  médicales, para-médicales, sociale, et juridique, et d’aides associatives si elle le souhaite. 

Les incontournables de la prise en charge des psychotraumatismes des victimes de violences sexuelles

De nombreuses techniques individuelles psychothérapique de prises en charge des psychotraumatismes et d’intégration de la mémoire traumatique existent et ont reçu des validations (CDG et evidence-based practice EBP) ou sont en cours de validation sur leur efficacité pour réduire les symptômes (Canini, 2017, El Hadge, 2018): la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie d’exposition prolongée (TEP), l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires (eye movement desensitization and reprocessing, EMDR), la thérapie des processus cognitifs (TPC), la psychothérapie narrative. Ces psychothérapies doivent être centrées sur le trauma et adaptée à chaque patient en fonction de ses choix et de situations spécifiques (âge, handicap, personnes non-verbale, ne parlant pas le français, psychotraumatismes complexes) et à l’expérience du psychothérapeute. Mais toutes ces psychothérapies ne doivent pas se contenter de réduire les symptômes, elles doivent toutes pour but d’intégrer le traumatisme dans l’histoire de la personne victime (intégrer la mémoire traumatique en mémoire autobiographique) et s’accompagner d’une thérapie de soutien humaniste. Il est important de rappeler que les facteurs d’efficacité les plus significatifs en psychothérapie relèvent de l’expérience et de la qualité du thérapeute et non du type de thérapie (Michaud, 2015). 

D’autres thérapies adjuvantes peuvent se révéler utiles : les thérapies de groupes, les thérapie médiation corporelle, par le jeu pour les enfants, à médiation artistique, les scénothérapies et les thérapies par la création littéraire (romans, nouvelles, récits, poésie) sont utiles pour exprimer des émotions du vécu traumatique, en leur redonnant du sens au travers d’une création dans un champ protégé et sécurisé. La kinésithérapie, les techniques de relaxation et de gestion du stress sont très utiles également. De même les groupes de parole sont plébiscités par les victimes.

Plusieurs règles fondamentales sont à respecter lors des prises en charge des psychotraumatismes : 

  • Les professionnels du soins (psychiatres, psychologues, thérapeutes) doivent être formés spécifiquement aux violences, à la victimologie, aux psychotraumatismes et à leur prise en charge, ils doivent connaître la loi et les droits des victimes et s’y référer, savoir faire les certificats médico-légaux et/ou les attestations qui seront nécessaires ; ils doivent être également formés aux inégalités, aux situations de vulnérabilité, au sexisme et aux autres discriminations, et sensibilisés pour ne pas adhérer aux stéréotypes sexistes et racistes, aux fausses représentation sur les violences sexuelles et à la culture du viol ainsi qu’aux théories anti-victimaires ; 
  • la prise en charge doit se faire en face-à-face, en situation d’égalité dans un lieu sécurisé et accueillant, et être adaptée à chaque situation présentée par les patient·e·s (liée à l’âge, au handicap, à la langue, aux discriminations) et à leurs besoins spécifiques en fonction de leur histoire personnelle et de leur état de santé ; elle doit comporter une psycho-éducation concernant les psychotraumatismes et être centrée sur les violences subies par la victime et leurs conséquences psychotraumatiques (mémoire traumatique) (Bradley, 2005) ; 
  • l’accompagnement doit être de qualité et reposer sur des valeurs humanistes (écoute, respect, absence de jugement et de discrimination), il doit être exempt de toute forme de violence et être engagé dans la lutte contre toutes les violences, et respecter à tout moment le consentement éclairé des victimes et ses besoins, 
  • l’accompagnement doit être bienveillant et solidaire : il ne s’agit pas de laisser les victimes face au silence et à l’abandon par rapport aux violences et aux agresseurs, et il est essentiel de recueillir et de prendre en compte le témoignage des victimes sans le mettre en doute, en le validant ; 
  • la mise en sécurité des victimes est impérative et pour cela il faut s’enquérir des dangers qu’elles courent et les évaluer pour les en protéger (violences, menaces de mort, risques suicidaires, conduites à risque, mises en danger professionnelles), connaître les numéros et les plateformes d’urgence, les conduite à tenir pour protéger les victimes et les obligations de signalement pour les victimes mineurs, les personnes vulnérables et les personnes en grand danger  ; 
  • la prise en charge des psychotraumatismes doit s’accompagner d’une prise charge médicale et psychologiques de toutes les co-morbidités par des professionnels du soin spécialisés, et d’une prise en charge socio-économique et juridique comprenant toutes les aides administratives, sociales, juridiques et associatives et nécessaires  ;
  • un travail en réseau est nécessaire avec des professionnels et des associations qui pourront aider les victimes dans toutes leurs démarches administratives  sociales et juridiques est nécessaire ; 
  • les victimes doivent être informées de leurs droits, des ressources et des aides qu’elles peuvent avoir, des techniques thérapeutiques qui vont être utilisées, mais aussi des conséquences psychotraumatiques des violences qu’elles ont subies (psycho-éducation) en leur expliquant leurs symptômes et les mécanismes neurobiologiques des psychotraumatismes, en leur apprenant à identifier et à gérer au mieux les épisodes de mémoire traumatique et de dissociation traumatique et à gérer les situations de stress ; 
  • les proches protecteurs et les professionnels venant à leur aide devront également être informés et soutenus, c’est essentiel pour les victimes, pour qu’elles soient mieux comprises et accompagnées. De plus, les proches, une fois bien informés, pourront être d’une aide précieuse pour participer au travail d’analyse et d’identification de la mémoire traumatique, dont ils sont souvent les témoins ; 
  • La souffrance des victimes doit être prise en compte et être le plus possible soulagée, tout en faisant attention de ne pas – par facilité – utiliser de façon systématique des médicaments ou des techniques certes efficaces pour anesthésier la souffrance, mais très dissociants. 
  • toutes les violences, les inégalités et les rapports de domination doivent être dénoncés et les stratégies des agresseurs démontées (il s’agit de remettre le monde à l’endroit) ; 

Le risque de traiter en surface les psychotraumatismes en ne traitant que les symptômes de souffrance et les troubles du comportement, ou en dissociant les victimes traumatisées (pour anesthésier leurs souffrances) est un écueil fréquent qui porte préjudice aux victimes. Si, effectivement, elles semblent aller mieux dissociées car anesthésiées, elles se retrouvent bien plus vulnérables face aux agresseurs. La dissociation n’empêche nullement d’être traumatisée, et c’est même le contraire, les victimes dissociées ont une tolérance aux violences et à la douleur qui font qu’elles ne pourront pas se protéger au mieux de situations dangereuses, et qu’elles seront encore plus traumatisées, avec une mémoire traumatique qui se rechargera d’autant plus, se transformant en une bombe à retardement... 

C’est un problème préoccupant, car la tendance à vouloir des soins efficaces et rapides, et à centrer la prise en charge sur la disparition des symptômes les plus gênants et les moins tolérés par les proches et les soignants, fait que les traitements dissociants sont souvent plébiscités. Il est nécessaire d’être particulièrement vigilants : en ces temps d’économie sur la santé, nous pourrions, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays, avoir des « packs thérapeutiques » remboursés sur la base de techniques dissociantes et comportementalistes : 10 séances pour des violences conjugales, 15 séances pour un viol, etc. 

Les prises en charges qui ne respectent pas le consentement éclairé et libre des patent·e·s et celles qui portent atteinte à l’intégrité physique et mentale des patient·e·s (contraintes, contentions, chambres d’isolement, menaces et manipulations) et qui sont discriminatoires sont à proscrire. 

Pour l’instant, le soin des victimes n’est pas une priorité de santé publique, alors que cela devrait l’être, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2010, 2017). Un effort a été fait avec la MIPROF (la Mission interministérielle de protection des femmes victimes de violences et de lutte contre la traite des êtres humains) créée en 2013 par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, pour améliorer la formation des médecins et des sages-femmes au dépistage des victimes de violences et pour créer des médecins référents formés dans tous les services d’urgence (j’ai participé à ces formations et à l’élaboration d’outils pour les professionnels). 

En 2021, il y a toujours très peu de professionnels formés à la prise en charge, que ce soit lors de leurs études ou en formation continue, et les centres de prises en charge adaptées restent très rares, même si dix centres du psychotraumatismes viennent d’être créés en 2018 et qu’il est prévu d’en créer cinq autres pour les enfants. 

Pour assurer une offre de soins suffisante en métropole et outre-mer, il en faudrait au moins cent, un par territoire de santé mentale, comme nous l’avions prévu lors de l’élaboration du cahier des charges de ces centres, dans le groupe de travail auquel j’ai participé avec la Délégation à l’offre de soin en 2017. La France ne suit toujours pas les directives de la Convention européenne d’Istanbul, qui demande instamment de mettre à la disposition des victimes de viols des centres d’urgence spécifiques ouverts 24 h/24, avec au moins un centre par bassin de 200 000 habitants. Les psychiatres et les médecins sont pourtant considérés comme les premiers recours pour les femmes victimes de violences sexuelles (CVS-ONDRP, 2014). Ils ont un rôle essentiel médico-psychologique et médico-légal à jouer en termes de prévention, de dépistage, de protection, de signalements pour les mineurs et les personnes vulnérables, d’évaluation du danger, de diagnostic, d’orientation et de traitement. 

En 2014, selon La lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, seules 30 % des victimes de viol et de tentatives de viol ont pu bénéficier d’une prise en charge psychothérapique, la majorité de ces victimes sont donc livrées à elles-mêmes, souffrant en silence des conséquences de leur traumatisme et développant de nombreuses pathologies psychiques et somatiques sans forcément faire le lien avec les violences subies. 

Le manque de professionnels formés et la difficulté d’accéder à des soins spécialisés en raison du manque d’offre de soins représentent une perte de chance en termes de santé et qualité de vie intolérable, d’autant plus qu’il a été démontré que traiter les psychotraumatismes permettait d’éviter une très grande part des conséquences des violences à court, moyen et long termes (Hillis, OMS, 2017). 

La moitié des personnes victimes de violences sexuelles ayant répondu à notre enquête IVSEA de 2015 jugent que les prises en charge n’ont pas été satisfaisantes, et 41 % rapportent avoir souffert de maltraitances dans le cadre du soin. Seules 22 % d’entre elles ont bénéficié d’une prise en charge en urgence. 

La plupart des professionnels du soin ne font pas auprès de leurs patients de dépistage systématique des violences subies, ils identifient rarement des symptômes comme traumatiques, et ne proposent pas de traitement spécifique. D’après nos enquêtes IVSEA de 2015 et MTV/IPSOS de 2019 sur les violences sexuelles dans l’enfance : seules 23 % des victimes de viol ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée et il leur a fallu attendre entre 10 et 13 ans en moyenne pour en bénéficier. 

Enfin, 79 % des professionnels de la santé ne font pas le lien entre les violences subies dans l’enfance et leur état de santé (MTV/IPSOS de 2019. 

De plus, professionnels de la santé et patients sont rarement informés que les soins consécutifs à des violences sexuelles subies dans l’enfance bénéficient d’une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale sans frais pour l’assuré, que ces violences aient fait ou non l’objet de plaintes, et aient été condamnées ou non (article L. 322-315 du Code de la Sécurité sociale). Alors que nous demandions depuis de nombreuses années la prise en charge des consultations par des psychologues formés au psychotraumatisme, le mouvement #MeTooInceste de janvier 2021 a enfin permis de l’obtenir pour les enfants victimes de violences sexuelles. 

Or, les bienfaits d’une prise en charge adaptée sont incontestables : dans notre enquête, les victimes qui sont parvenues à en bénéficier soulignent que cela a changé leur vie et les a sauvées (IVSEA, 2015). 

Il s’agit donc d’un scandale de santé publique et d’une perte de chance intolérable pour les victimes, qui sont laissées à l’abandon avec des conséquences très lourdes sur leur santé, sans soins spécifiques, alors que des traitements efficaces pourraient leur être prodigués ! 

C’est pour cela que nous avons lancé plusieurs pétitions en 2015 et 2017, pour que les victimes de violences sexuelles puissent accéder à des soins de qualité par des professionnels formés. 

Du fait de l’absence de formation des professionnels de la santé en psychotraumatologie, et de leurs représentations souvent discriminatoires et plus particulièrement sexistes des victimes, les diagnostics sont souvent erronés et les prises en charge proposées inappropriées. Des diagnostics de dépressions, psychoses maniaco-dépressives, schizophrénie, troubles graves de la personnalité borderline, démences chez les adultes et plus spécifiquement chez l’enfant des diagnostics d’hyperactivité TDAH, TSA, troubles du comportement alimentaires TCA, troubles du comportement avec opposition et provocation TOP, mythomanie, affabulation, psychose…) sont établis sans référence aux troubles psychotraumatiques que présentent les victimes de violences sexuelles ou sont mis uniquement sur le compte des handicaps quand ils en existent, et des traitements dissociants sont souvent utilisés pour faire disparaître transitoirement les symptômes les plus gênants et anesthésier les douleurs et les détresses les plus graves. 

Pour traiter les symptômes tels que la souffrance mentale, les intrusions et les conduites dissociantes, des traitements psychotropes sont souvent prescrits à haute dose : anxiolytiques, antidépresseurs et neuroleptiques. En milieu hospitalier psychiatrique, la sismothérapie est encore fréquem- ment utilisée (ce sont des électrochocs qui font durablement disjoncter le circuit émotionnel, ils anesthésient rapidement la douleur mentale et sont souvent responsables d’amnésies), et en raison du manque de personnel, les patients traumatisés sont de plus en plus confinés en chambre d’isolement ou mis sous contention (attachés). Ils subissent des chantages (comme pour les anorexiques : « vous n’aurez droit à un appel ou une visite que si vous prenez 1 kg »). Aux États-Unis, la lobotomie, qui consiste en une interruption chirurgicale définitive du circuit émotionnel (comme ce que subit le patient indien dans le film Vol au-dessus d’un nid de coucou) est encore utilisée. En France elle n’est plus utilisée depuis les années 1950, et se pratiquait surtout sur des femmes (dans 80 % des cas), ces dernières présentant plus fréquemment des troubles psychotraumatiques sévères à la suite de violences sexuelles. Pour les enfants hyperactifs présentant des troubles de l’attention, qui sont souvent traumatisés, le recours aux amphétamines est de plus en plus fréquent (les amphétamines ont un effet de stress, qui fait disjoncter le circuit émotionnel de l’enfant et entraîne une anesthésie émotionnelle). 

Mais revenons à la prise en charge des psychotraumatismes : les soins consistent, dans un travail commun entre le thérapeute et le patient – le thérapeute servant de guide et d’éclaireur dans les moments les plus difficiles, et de « cortex » de secours (comme un disque dur externe qui prend le relais en cas de nécessité) – à identifier la mémoire traumatique, qu’il faut localiser puis patiemment désamorcer. Ce travail de repérage et de décryptage permet aux victimes de revisiter les violences sans que la sidération les envahisse à nouveau. Cela peut se faire grâce à la construction d’une analyse précise et pertinente, et d’une organisation chronologique cohérente du déroulement des violences, des mises en scène des agresseurs et du vécu émotionnel et comportemental des victimes, qui permettent à ces dernières de récupérer une capacité de contrôle émotionnel. Avec cette capacité, les circuits émotionnels et de la mémoire ne disjonctent plus à chaque évocation, les victimes ne sont plus dissociées et la mémoire des violences peut s’intégrer petit à petit en mémoire autobiographique. Parallèlement, l’identification de la mémoire traumatique permet aux victimes de séparer ce qu’elles sont de ce qui les colonise et provient des violences et des agresseurs (Salmona, 2013, Van der Hart, 2014). Elles sont alors libérées de la culpabilité, de la honte et de tout ce que l’agresseur a déversé en elles, et peuvent s’éprouver à nouveau telles qu’elles sont (parfois, quand les violences ont commencé très tôt dans leur enfance, elles se découvrent), retrouver leur personnalité et leur estime de soi. 

Il s’agit donc, en d’autres termes, de faire des liens en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique (remise en sens), de « réparer » l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences (Van der Kolk, 1991, 2018 ; Foa, 2000, Salmona, 2013, 2018). Pour revisiter le vécu des violences, le thérapeute accompagne pas à pas les victimes tel un « démineur professionnel », dans le cadre sécurisant de la psychothérapie, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, leurs réactions, le comportement de l’agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l’hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l’amygdale cérébrale, et d’encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. 

Le but de la prise en charge psychothérapique est donc de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à remettre en sens. Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement ou ce que l’on devrait être, toute pensée, réaction, sensation incongrue doit être disséquée pour la relier à son origine, pour l’éclairer par des liens avec les violences subies. Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l’agresseur, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l’agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences, comme un bruit de pluie s’il pleuvait. Une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou entraîner une prise d’alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des automutilations s’il s’agit de l’heure de l’agression. Une sensation d’irritation, ou d’échauffement au niveau des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaines situations peut se rapporter aux agressions subies. Des « fantasmes sexuels » violents, très dérangeants, dont on ne veut pas, mais qui s’imposent dans notre tête, ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions sexuelles subies, comme le témoignage nous l’a si bien montré. 

Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement chez la victime et permet de sécuriser le terrain psychique, car lors de l’allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra désormais contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse, sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. Cette capacité de modulation peut être visualisée par des IRM dans un avant/après, lors de l’exposition d’une personne traumatisée par des viols dans l’enfance à un récit de violences sexuelles. Un « avant », avec un hippocampe qui, à l’allumage de la mémoire traumatique, est totalement hors circuit, et une amygdale énorme, non contrôlée et très active (très colorée sur l’IRM fonctionnelle) entraînant une attaque de panique et une dissociation. Et un « après-traitement », avec un hippocampe très actif et très coloré lors de l’allumage d’une amygdale de petite taille et peu colorée, car bien modulée, et dont le contenu est intégré aussitôt en mémoire autobiographique par l’hippocampe. Non seulement le récit de violences sexuelles n’entraîne pas de réaction émotionnelle explosive chez la jeune femme, mais il permet d’intégrer les nouvelles réminiscences des violences qu’il a déclenchées, et de déminer un peu plus sa mémoire traumatique. 

Peu à peu le patient devient expert en « déminage », puis poursuit le travail seul ; les conduites dissociantes ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus, la sensation de danger permanent s’apaise et petit à petit, il devient possible de retrouver sa cohérence, et d’arrêter de survivre pour vivre enfin. 

Avec ce travail d’intégration et de reconnexion psychique, émotionnelle et corporelle, les personnes traumatisées retrouvent un fonctionnement psychique, une vie émotionnelle et relationnelle, un schéma corporel libéré des violences, des souffrances, et des mises en scène des agresseurs, elles peuvent à nouveau s’investir et habiter leur pensée, leurs émotions et leur corps. 

Dans son bouleversant et remarquable livre, La petite fille sur la banquise, Adélaïde Bon, qui a été violée enfant par un pédocriminel en série, nous permet de suivre pas à pas ce travail de mise en sens, de déminage, de décolonisation et enfin de libération : 

« Quand on n’a pas les mots, on se tait, on s’enferme, on s’éteint, alors les mots, je les ai cherchés. Longtemps. Et de mots en mots, je me suis mise à écrire. Je suis partie du dimanche de mai et j’ai traversé mon passé, j’ai confronté les faits, et phrase après phrase, j’ai épuisé la violence à force de la nommer, de la délimiter, de la donner à voir et à comprendre. Page après page, je suis revenue à la vie. » (Bon, 2018). 

La prise en charge en urgence 

Les violences sexuelles – particulièrement les viols – sont une urgence médico-légale qui ne peut pas être reportée, il est essentiel que la victime soit prise en charge dans les 72 h. Il faut conseiller à la victime de ne pas se laver (et si possible de ne pas uriner ou de garder le papier toilette utilisé, de ne pas se laver les dents), et de ne pas laver ou jeter ni les vêtements qu’elle portait, ni tout tissu ou tout objet ayant été en contact avec l’agresseur lors des violences sexuelles (draps, coussins, serviettes, préservatif) et de les conserver dans un sac pour les remettre à la police. Il est impératif que la victime, qu’elle souhaite ou non porter plainte soit vue en consultation d’urgence à l’hôpital, par un médecin, et si possible dans une unité médico-judiciaire ou aux urgences d’un centre hospitalier (soins médicaux et psychotraumatologiques indispensables, contraception d’urgence, prévention de maladies sexuellement transmissibles, examen médico-légal pour collecter des preuves et établir un certificat). 

Il faut, en premier lieu, donner les premiers soins, rechercher et prévenir un risque suicidaire et évaluer les dangers courus, mettre en place si besoin une contraception d’urgence (dans les 5 jours qui suivent le viol), une prévention et un traitement des infections sexuellement transmissibles (dans les 72 heures pour le traitement post-exposition pour le VIH (virus d’immunodéficience humaine), une prophylaxie vaccinale du tétanos et de l’hépatite B, et donner un arrêt de travail en évaluant une durée d’ITT (interruption totale de travail). 

Il faut aussi, et c’est essentiel, prendre en charge le choc psychotrauma- tique initial, la détresse et la souffrance psychologique, l’état de sidération, la dissociation traumatique et le stress aigu, ce qui permet de prévenir la mise en place d’une mémoire traumatique. 

Et dans le cadre médico-légal, il faut recueillir des preuves en décrivant dans un certificat les lésions physiques et les atteintes neuropsychiques observées, et en recherchant des traces de sperme et d’autres substances susceptibles de constituer des preuves ADN. Lors de cet examen, la victime sera informée de ses droits, de l’évolution possible de ses symptômes, de la surveillance à mettre en place et elle devrait être orientée vers des consultations spécialisées (Trinquart, 2002). 

Cette prise en charge en urgence est indispensable, mais les victimes n’en bénéficient que trop rarement. Dans notre enquête IVSEA de 2015, 78 % des victimes n’ont eu aucune prise en charge médicale rapide après les violences. 

Après un viol, seules 18 % des victimes ayant eu une prise en charge en urgence ont bénéficié d’un examen et de soins physiques, 11 % d’une contraception d’urgence et 6 % de soins de l’état de choc psychotraumatique. Quant à la prévention du VIH et des autres MST (maladies sexuellement transmissibles), elle n’est intervenue que dans respectivement 14 et 12 % des cas. L’information des patients n’a pas non plus été considérée comme une priorité, et seules 5 % des victimes se sont vu expliquer les gestes médicaux qui allaient être pratiqués sur elles. On voit donc que la prise en charge d’urgence des victimes pourrait être largement améliorée par la mise en place de protocoles spécifiques. La notion de consentement aux examens et aux soins est fondamentale tout au long de la prise en charge, les victimes doivent être informées de leurs droits à les refuser sans qu’il y ait de conséquences sur leur prise en charge, particulièrement judiciaire. 

Et pour celles qui vont consulter un médecin en urgence, ou font appel à la police et sont orientées vers une unité médico-judiciaire, l’offre de soins n’est souvent pas à la hauteur, particulièrement pour la prise en charge de l’état de choc psychotraumatique. 

Hors des soins d’urgence, les professionnels de santé sont, nous l’avons vu, des interlocuteurs privilégiés et un recours essentiel pour les victimes de violences : dans 18 % des cas, c’est à eux ou elles qu’elles se sont adressées lorsqu’elles ont parlé pour la première fois des violences subies, et beaucoup considèrent qu’ils ou elles les ont sauvées. 

Malheureusement, le manque de formation des professionnels de la santé, la méconnaissance de la mémoire traumatique et des conduites dissociantes, la propension au déni vis-à-vis des violences sexuelles et l’adhésion fréquente à de fausses représentations et à des stéréotypes sexistes entraînent des effets néfastes pour les victimes : les violences subies sont rarement dépistées ou prises en compte, les victimes ne sont donc pas correctement orientées et prises en charge, et elles peuvent même être maltraitées lorsqu’elles parviennent à parler des violences sexuelles. 

L’amélioration de la prise en charge des victimes de violences sexuelles 

Afin que soit améliorée la prise en charge des victimes de violences sexuelles, les préconisations de celles qui ont répondu à notre enquête IVSEA sont les suivantes : 

  • faciliter toutes les démarches médico-sociales, administratives, éducatives et professionnelles, judiciaires des victimes en les rendant disponibles, accessibles et adaptées pour toutes les victimes quel que soit leur âge, leurs handicaps, leur langue, une meilleure information sur les conduites à tenir, les ressources, les droits, les lois et les procédures judiciaires ainsi qu’une information sur les conséquences des violences sur la santé et la vie et sur la clinique du psychotraumatisme et de ses mécanismes (brochures, affichages, sites, numéro vert, plateforme internet, modules et vidéos, permanences…) ; mettre en place dans toutes les institutions, lieux de soins, éducatifs, de formations, de travail ou dans le cadre des parcours judiciaires des référents et des personnes susceptibles d’aider et d’assister les victimes dans leurs parcours ;
  • instaurer la gratuité de tous les soins (100%) concernant les conséquences médicales et psychologiques sur la santé des violences sexuelles pour les mineurs et les adultes qui en sont ou en ont été victimes sans limite de temps (les victimes déplorent que jusqu’à très récemment les soins par un psychologue libéral n’étaient pas remboursés) y compris sur toutes les soins autres que ceux en santé mentale ;
  • mettre en place en urgence des centres pluridisciplinaires de prise en charge des victimes de violences sexuelles accessibles et gratuits au moins dans chaque département (seuls 10 centres de prise en charge des psychotraumatismes ont été mis en place et 5 autres sont prévus pour les enfants, ce qui reste totalement insuffisant et ne couvre pas la spécificité des besoins des victimes de violences sexuelles), développer des espaces de soutien, de rencontres, des groupes de paroles, d’activités dans des espaces sécurisés ;
  • améliorer la protection des victimes (mesures de protection spécifiques concernant les enfants, éloignement des agresseurs, réponses judiciaires (pas d’impunité), information sur les procédures, sur les sorties de détention de l’agresseur, changement de lieu de vie, changement de nom, sécurisation du logement, des trajets, des espaces de vie) et mettre en place des aides spécifiques socio-éducatives et professionnelles, garantie de revenus suffisants, aménagement scolaire et professionnel, accès à la reprise des études et à une formation professionnelle, accès à des postes adaptés, accès à des logements adaptés;
  • former les professionnels de santé (formation initiale et continue) au dépistage systématique des violences, à la réalité des violences et de leurs conséquences, à l’accueil et l’écoute des victimes, à l’accompagnement et à la prise en charge des personnes vulnérables, à la clinique du psychotraumatisme et au soin spécifiques des psychotraumatismes liés aux violences sexuelles, à la victimologie, au respect des droits des victimes, 
  • Adapter les conditions de pratique des professionnels de santé et des psychiatres et des psychologues et thérapeutes qui font une prise en charge spécifique : proposer une formation continue, faciliter la prise en charge pluridisciplinaire, l’accompagnement, l’information et le soutien de l’entourage des victimes mettre en place des parcours de soins spécifiques, prévoir des consultations longues avec une nomenclature spécifique, proposer des supervisions, des groupes d’analyses des pratiques, une ligne ou une plateforme d’assistance spécifiques pour les dossiers complexes et les actes médico-légaux,  une obligation de signalement pour les mineurs et les personnes vulnérables assortie d’une protection efficace pour tous les actes médico-légaux ; 
  • former également tous les professionnels des secteurs du social, du juridique, de l’administratif, de l’éducatif, de la formation et du travail, des activités de loisir susceptibles d’accueillir et d’accompagner les victimes de violences sexuelles ;
  • rompre le silence qui entoure les violences sexuelles via des campagnes d’information et de prévention. 
  • le respect des droits des victimes à être protégées tout au long des procédures judiciaires, à obtenir justice et réparations à hauteur des préjudices et une garantie de non-réitération.
  • la lutte contre l’impunité des agresseurs, l’amélioration et l’application effective des lois (imprescriptibilité, inscription des crimes et délits d’inceste dans le code pénal, arrêt des déqualifications, meilleure prise en compte de la notion de contrainte morale), l’amélioration des procédures policières et judiciaires, ainsi que des expertises judiciaires en prenant en compte la spécificité des violences sexuelles et de leur impact traumatique, le risque traumatique des procédures, la nécessité de les protéger des dangers qu’elles courent.
  • la création d'un observatoire national sur l'impact des violences sur la santé, et sur l’accompagnement et le soin des victimes, voué à la conduite de programmes de recherche et de collecte de données.

Sortir du déni, protéger et soigner les victimes de violences sexuelles est une urgence humanitaire et de santé publique.

Que penser alors de la résilience ? 

La résilience serait la capacité d’une personne à résister à des événements traumatisants et à les surmonter. Ce concept, qui a fait entre autres le succès de Boris Cyrulnik, a de quoi rassurer : non, vous n’êtes pas définitivement détruit par un grave traumatisme, oui, vous pouvez vous relever, et même cela peut être « un merveilleux malheur » qui vous permettra de vous dépasser et de vous réaliser (Cyrulnik, 2002). 

À première vue, ce concept combat l’idée fausse véhiculée par la mise en scène des agresseurs, qui renvoie à la victime qu’elle est détruite à tout jamais, qu’elle n’a plus aucune dignité, ni valeur, et qu’elle sera rejetée par tous, partout, tout le temps. 

Il est tout à fait vrai que chaque être humain a des capacités de réparation extraordinaires, le cerveau lui-même peut activer une neurogenèse pour réparer les atteintes neurologiques liées aux traumas, mais il est scandaleux que des victimes de crimes ou de délits soient obligées de développer des stratégies hors normes toutes seules pour y survivre. 

Que dirait-on si une victime d’accident de la route était laissée à l’abandon malgré ses polytraumatismes, à devoir mourir sur place, ou rentrer chez elle dans les pires conditions pour sa sécurité et sa santé, et survivre seule à ses blessures, et se réparer comme elle peut sans aide, ni aucune solidarité ? Peut-être pourrait-elle réussir à remarcher, mais après quelles souffrances indicibles ? 

Alors oui à la résilience, mais à condition qu’elle soit assistée, que les victimes bénéficient de cette capacité de guérir et de se libérer de leurs traumatismes grâce à une solidarité et une prise en charge de qualité par des professionnels formés, et qu’elles soient tout au long de leur parcours protégées, soutenues, comprises, reconnues. Oui à la résilience, mais si le monde est remis à l’endroit, si les victimes de crimes et délits obtiennent justice et réparation, si leurs agresseurs ne bénéficient pas d’une impunité totale. 

Il ne faut pas s’y tromper, des victimes de violences graves pourront paraître bien s’en sortir, bien réussir malgré tout, et on les qualifiera alors de résilientes. Dans ce groupe, un petit nombre n’aura pas développé de mémoire traumatique, soit parce qu’elles auront pu moduler ou éteindre leur réponse émotionnelle et échapper à un survoltage, soit 

– dans les cas où une disjonction s’est produite – parce qu’elles feront partie des rares (moins de 17 % selon notre enquête) qui auront bénéficié de protection, d’une reconnaissance immédiate et d’une prise en charge spécialisée et efficace, ce qui aura permis d’éviter la mise en place d’une mémoire traumatique. Mais d’autres victimes, qui ont bien réussi leur vie et paraissent heureuses et épanouies, sont considérées à tort comme résilientes. Aux prix d’efforts énormes et épuisants, elles donnent le change pour se présenter comme indemnes avec une façade parfaite, mais on peut découvrir chez elle des souffrances incommensurables, une solitude effroyable et parfois des conduites dissociantes destructrices cachées et méconnues de tout leur entourage. 

D’autres enfin sont les seules vraies et rares résilientes : il s’agit des seules qui, ayant développé une mémoire traumatique, arrivent, au prix d’un travail psychique personnel acharné, à découvrir comment moduler et éteindre leur réponse émotionnelle à chaque fois qu’elle est déclenchée. Cette modulation sera mise en place en verbalisant leurs émotions, en identifiant et en comprenant les traumatismes subis, en faisant des liens entre leurs symptômes et les violences, en se parlant, en écrivant et en échangeant, en ayant recours à l’art et à la littérature, à la philosophie, en ne renonçant jamais à comprendre, à rechercher et à reconstruire la vérité. Souvent ces personnes ont la chance d’avoir eu accès à plus d’informations sur leur passé, avec parfois des agresseurs qui acceptent de parler, de leur dire la vérité, au moins en partie. Elles ont pu aussi, et c’est souvent essentiel, bénéficier d’un soutien de qualité et être aidées dans leur démarche de recherche de leur vérité. 

Enfin, rares également sont celles qui ont eu accès à des soins psycho- thérapiques spécifiques, centrés sur les violences et sur le traitement de la mémoire traumatique, et qui vont en guérir. Dans une société humaine et solidaire idéale où ne règnent pas le déni, la loi du silence et la culture du viol, elles devraient être très nombreuses. 

Il faut donc se battre pour que les violences sexuelles soient considérées et traitées comme un problème de santé publique majeur, et pour que les victimes soient protégées, reconnues et reçoivent des soins spécialisés, gratuits, accessibles par des professionnels formés. 


Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, auteure de Le livre noir des violences sexuelles (Dunod 2ème éd. 2018) et de Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables (Dunod, 2ème éd. 2021); membre du comité scientifique de la chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » dite Chaire Mukwege et de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE



Bibilographie

le site de l’association Mémoire traumatique et Victimologie avec de nombreux articles, documents, ressources, enquêtes et rapport (IVSEA) plaquettes et brochures d’information, fiches pratiques, vidéos et modules de formation à consulter et télécharger : http://www.memoiretraumatique.org

À consulter également l’article de Psycom du 21/12.2021 sur la prise en charge du troubles du stress post traumatique (Psycom est une ressource publique nationale d’information sur la santé mentale) :https://www.psycom.org/comprendre/la-sante-mentale/les-troubles-psy/trouble-de-stress-post-traumatique/

La fiche sur les 20 incontournables de la prise en charge des victimes : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/20-Incontournables-web.pdf

L’article de la Dre Muriel SALMONA LES VIOLENCES SEXUELLES :un psychotraumatisme majeur qu’il est essentiel de prendre en compte pour rendre justice aux victimes, les secourir, les protéger et les soigner https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2021_violences_sexuelles_un_psychotraumatisme_majeur.pdf

La fiche Comment venir en aide secourir protéger une victime de violences intra familiales, conjugales, institutionnelles et/ou sexuelles https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-comment-secourir-victime-de-violences.pdf

Pour voir le texte et le rapport explicatif de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) : https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/text-of-the-convention


Et sur les centres de prises en charge de victimes de violences sexuelles belges :

Site de présentation : https://www.violencessexuelles.be/centres-prise-charge-violences-sexuelles

Pirmez, Mérédith. Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles: Dissociabilité des réponses, à court et long terme, aux besoins et droits des victimes? Analyse du discours des professionnels. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2021. Prom. : Renard, Bertrand. http://hdl.handle.net/2078.1/ thesis:32419 


Enquêtes

  • Enquête AMTV/Ipsos : « Violences sexuelles dans l’enfance » Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org.
  • Enquête CSF, « Contexte de la sexualité en France de 2006 », Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés, 445, mai 2008.
  • Enquête Baromètre Santé 2016 : Bajos N, Rahib D, Lydié N. Genre et sexualité. D’une décennie à l’autre. Baromètre santé 2016. Saint‐Maurice : Santé publique France, 2018. 6 p. 
  • Enquête CVS Insee-ONDRP, Cadre de vie et sécurité de l’Observatoire national de la dé- linquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France – 2017.
  • Enquête IVSEA, « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », conduite par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, 2015, Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org.
  • Enquête VIRAGE INED « Premiers résultats sur les violences sexuelles » : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al., Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages.
  • Infostats Justice, « Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n° 160, 2018.
  • Infostats Justice, « Les condamnations pour violences sexuelles », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n°164, 2018.
  • REDRESS, « Réparation pour viol, Utiliser la jurisprudence internationale relative au viol comme une forme de torture ou d'autres mauvais traitements », 2013., disponible à l’adresse suivante : www.redress.org
  • World Health Organization, « Global Status Report on Violence Prevention »,Genève, WHO, 2014, 2016.

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