lundi 14 décembre 2020

Commission Guigou : la commission de trop ! Votre déni et votre inaction protègent les pédocriminels. article de la Dre Muriel Salmona, 14 décembre 2020


Commission Guigou : 

la commission de trop ! 

Votre déni et votre inaction protègent les pédocriminels. 





Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 14 décembre 2020



En cette journée du 10 décembre, qui est à la fois la journée internationale des droits humains et le dernier des 16 « orange days » de la campagne de l’ONU contre les violences faites aux femmes et aux filles centrée en 2020 sur le viol et les autres violences sexuelles, le lancement par le secrétaire d’État chargé de l'Enfance et des Familles Adrien Taquet d'une commission indépendante sur l’inceste et toutes les autres violences sexuelles faites aux enfants présidée par Elisabeth Guigou nous a fait l’effet d’une claque.


C’est hallucinant que nous en soyons encore là, à créer une telle commission alors que nous avons déjà toutes les connaissances toutes les analyses tous les témoignages nécessaires, que nous savons ce qu'il faut faire, que c'est une urgence absolue de lutter contre une pédocriminalité qui ne fait que s'aggraver avec une impunité quasi totale, et qu'il faut une volonté politique forte, des réformes ambitieuses, des lois et des moyens humains et financiers vraiment à la hauteur.


Avec cette instance créée sur le modèle de la « commission Sauvé », la réponse apportée à la lutte contre la pédocriminalité, au lieu d’agir, est une fois de plus en toute indécence de créer une commission chargée de recueillir pendant deux ans la parole des victimes avant d’élaborer « une véritable politique publique » pour lutter contre ces violences. 


Mais de qui se moque-t-on ? Deux années pour découvrir tout ce qui est déjà connu de longue date, faire tout ce qui a déjà été fait, et élaborer des solutions qui ont été à de nombreuses reprises proposées, quel mépris ! Et la nomination à sa tête d’une personnalité comme Elisabeth Guigou qui s’est illustrée par des déclarations qui entretiennent la culture du viol à propos de l’affaire DSK  achève de nous faire l’effet d’une provocation.


Quand prendrez-vous enfin vos responsabilités et remplirez-vous vos obligations ? L’heure n’est plus aux rapports aux grenelles aux consultations aux commissions… Cela suffit ! #TimesUP


À quoi va servir cette commission, si ce n’est :


  • À constater ce sur quoi nous vous avons, en tant qu’expert.es, militant.es, associations, déjà maintes fois alerté depuis tant d’années.
  • À refaire des énièmes auditions, à collecter des données que nous avons déjà, à demander des énièmes enquêtes et recherches alors que depuis plus de 10 ans nous disposons de toutes les informations sur la réalité des violences sexuelles faites aux enfants en France, sur leur nombre effarant, sur leurs très graves conséquences à long terme, sur leur incroyable impunité, et sur l’absence de dépistage, de protection, de soins, de justice et de réparations, et sur la dramatique perte de chance que subissent les victimes (les enquêtes de Felitti et Anda, celles de l’Inserm CSF, VIRAGE, etc. nos enquêtes détaillées récentes, celle de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie « Violences sexuelles dans l’enfance » menée en 2019 par Ipsos et ses résultats édifiants, celle de l’association Face à l’inceste en 2020 menée aussi par Ipsos). 
  • À faire des groupes de travail pour réfléchir à des pistes d’action alors que la France a signé et ratifié des conventions internationales et européennes qui ont fait des recommandations et en exigent l’application ce qui n’est toujours pas fait, et que nous savons très bien ce qu’il faut faire, ayant réfléchi à toutes les solutions et actions que n’arrêtons pas de proposer (cf nos Manifestes, dont celui contre l’impunité des crimes sexuels co-signé par 29 asso et soutenu par plus de 104 700 personnes, présenté à Marlène Schiappa en 2017, et ceux de nombreux autres collectifs). 
  • À demander encore et encore aux victimes de témoigner alors qu’elles sont si nombreuses à s‘épuiser à le faire de toutes les manières possibles depuis si longtemps…Pour rappel, en 2015 nous avons fait avec le soutien de l’UNICEF et de la défenseure des droits des enfants une grande enquête sur l’impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA) auprès de 1214 victimes de violences sexuelles dont 81% les avaient subies avant 18 ans, et qui ont répondu à plus 180 questions sur les violences subies leurs conséquences, leur vie, leur santé, sur tous leurs parcours maltraitant médical, administratif et judiciaire, avec également de longs témoignages et de nombreuses propositions pour améliorer tous les graves dysfonctionnements et injustices auxquelles elles ont été confrontées. Nous avons fait avec Laure Salmona un rapport de plus de 300 pages dont elle est l’auteure qui a été présenté lors d’un colloque au Sénat, faute de temps et de moyens de nombreuses réponses n'ont pas pu être totalement étudiées, il est toujours temps de le faire.


Que vous faut-il d’autre ? 


C’est particulièrement usant pour nous mais surtout cruel et inhumain pour les victimes de devoir encore attendre ! Quand on pense qu'il a fallu attendre mars 2017 pour qu'il y ait un  premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants et pour que l’on parle enfin de psychotraumatismes, de problème de de santé publique, d’inceste, de centres de prises en charge, et que ce plan n’est toujours pas appliqué en 2020.


Le but n’est-il pas de masquer une absence de volonté d’agir, en donnant l’illusion de faire quelque chose afin de nous faire patienter encore et encore ? Pendant ce temps, chaque année plusieurs centaines de milliers d’enfants sont violés, agressés sexuellement, et des millions d’anciennes victimes, presque toutes abandonnées, essaient au prix de quels efforts et de quelles souffrances de survivre, quand elles n’en sont pas mortes ! Alors qu’avec les victimes nous dormons mal, hanté.es par toutes les violences et les injustices subies, terrifiées à l’idée que les agresseurs qui n’ont jamais été inquiétés fassent d’autres victimes, vous, comment dormez-vous ? 


Ces commissions, Grenelles, consultations nationales, groupes de travail, etc, ne sont à l’évidence que des pertes de temps, des mises en scène inutiles et coûteuses, et des mascarades présentées comme de belles avancées dont nous devrions nous contenter. Et il faudrait qu’en tant qu’expert.es, responsables d’asso, militant.es, victimes, nous y participions à nouveau pour refaire les mêmes bilans, proposer les mêmes solutions ?


Aussi, quand nous apprenons que cette commission Guigou est financée à hauteur de 4 millions d'euros sur 2 ans pour "briser le tabou de l'inceste et des violences sexuelles sur mineurs" nous avons de  quoi être écœuré ! Et nous devrions attendre gentiment encore deux ans ? Mais qui brise le tabou, et fait le travail depuis tant d'années ? Si ce n'est les victimes, les militant.es et les associations qui les soutiennent. 


Quand on sait tout ce que notre association Mémoire Traumatique et Victimologie a fait en 10 ans depuis sa création en 2010 avec essentiellement du bénévolat et en tout et pour un budget total de 250 000 euros provenant de dons et du fruit des formations et des conférences que font les membres du bureau et le soutien de nos 700 adhérents, et de quelques maigres subventions. À savoir : créer un site performant continuellement mis à jour d’information, de formation et de ressources pour les victimes et les professionnel.les les prenant en charge, faire d’innombrables formations (des professionnels des secteurs médico-social, de la police et de la gendarmerie (dont la formation à deux reprises des policiers de la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles), judiciaires (ENM, PJJ, TGI, barreaux, CNDA, etc.), de l’éducation nationale et de la protection de l’enfance, et j’ai formé gratuitement au ministère de la santé tous les médecins référents violences faites aux femmes des services hospitaliers d’urgence et les formateur.trices des écoles de sage-femmes, d’infirmier.es et dentaires (au total nous faisons plus de 80 formations et sensibilisation par an, cf nos bilans), organiser quatre colloques, réaliser une grande enquête de victimation auprès 1214 victimes de violences sexuelles en 2015 citée plus haut, ainsi que quatre autres enquêtes menées par Ipsos auprès des français, publier d’innombrables articles et vidéos, diffuser des centaines de milliers de plaquettes et de brochures d'infos, deux modules de formation en ligne (un troisième est en cours), le tout étant accessible et distribué gratuitement ; faire de très nombreux plaidoyers manifestes, auditions, et groupes de travail (MIPROF, DGOS, HAS, Grenelles, etc.) pour répéter éternellement les mêmes analyses, données, recherches et enquêtes, pour porter la voix des victimes, transmettre leurs témoignages et dénoncer les injustices encore et encore au niveau des plus hautes instances nationales et internationales ; faire quantité de lettres ouvertes, de manifestes, de pétitions, faire des propositions, demander des mesures urgentes, témoigner de notre expertise auprès des parlementaires, de toutes les instances décisionnaires, en cour d'assise, se battre sans fin… Alors que nous ne sommes pas que des expertes, des militantes, mais pour leur plus grande part des victimes qui ont été fracassées dans l’enfance, nous tenons bon malgré tout pour lutter pour la cause des victimes, lutter contre l’impunité, pour la justice, malgré les traumas, les obstacles, les avanies, les menaces, les maltraitances et les injustices, et nous sommes toujours là, debout survivantes, solidaires, combattantes, unies et déterminées pour lutter pour notre dignité, nos droits et pour remettre le monde à l’endroit et le rendre plus juste plus égalitaire. Malgré tout cela, nous ne baissons pas les bras, nous ne cédons pas au découragement, et nous continuons à monter au créneau pour porter la voix et les droits de tous les enfants qui ont été victimes, qui sont victimes et qui risquent de l’être. Heureusement que nous ne vous attendons pas !!! 


Mais là, c’est trop ! 


Nous n’en pouvons plus d’alerter et de crier dans le désert, de témoigner, de faire des recherches, des enquêtes, des analyses, des manifestes, des propositions qui ne servent finalement qu’à si peu de choses, puisque très rapidement rangées ou oubliées.


Il y a une outrecuidance tout à fait française de ne pas tenir compte de tout ce qui a déjà été étudié, pensé, analysé, dénoncé et proposé depuis des décennies au niveau national et international, de toutes études les recherches, les travaux et les expertises qui ont déjà faites, de tout le travail des asso, de tous les combats menés essentiellement par les victimes elles-mêmes et il faudrait encore et encore qu'elles témoignent expliquent convainquent après tant d'années à crier et alerter mais c'est d'une indécence inouïe ! C’est cruel et inhumain ! 


Les derniers rapport et commission en date sont de trop ! Ce sont des exemples indéniables d’une absence de volonté politique pour lutter contre ces violences sexuelles et en protéger les enfants : celui d’Alexandra Louis sur la loi Schiappa dont nous avions dit dès le départ qu’elle serait un fiasco, qui ne fait même pas le bilan des décisions judiciaires iniques depuis la loi, et qui ne prend à aucun moment en compte l’urgence absolue d’agir ; et cette commission Guigou censée servir à « mieux comprendre l’ampleur du phénomène et ses mécanismes, appréhender les conséquences traumatiques, et ainsi impulser un changement de société » qui ne fait que ré-inventer l’eau chaude et ne rendra ses conclusions que dans deux ans… Les victimes de violences sexuelles peuvent bien attendre pour être protégés, soignés et accéder à une justice et des réparations. Ceux qui seront encore protégés et en sécurité, ce sont les innombrables prédateurs sexuels qui bénéficient du déni, de la loi du silence et d’une impunité quasi totale avec des lois inappropriées, une non application et un détournement inconcevable des lois en vigueur, une justice sinistrée et en échec continuel. 


Et nous ce que nous demandions, c’est une toute autre commission indépendante pluridisciplinaire qui aurait été chargée pour rendre justice aux victimes de reprendre toutes les plaintes classées sans suite, déqualifiées, ayant fait l’objet d’un non lieu, d’acquittement ou de condamnations légères avec sursis, d’enquêter sur les maltraitances, les manquements institutionnels et sur toutes les décisions de justice qui n’ont pas permis de protéger les enfants, et sur les mises en cause de personnes protectrices et de lanceur-ses d’alerte. 


Vous n’avez donc pas peur pour les enfants ?


Alors que les chiffres de la pédocriminalité ne font que s’aggraver, de même que son impunité, le risque que cela fait courir sur tous les enfants, particulièrement sur les filles et les enfants les plus vulnérables et discriminés, ne vous émeut donc pas plus que ça ? Et que faites-vous de vos obligations internationales de prévenir et de punir ces graves violations de masse des droits humains, et de tout faire pour en éviter les conséquences catastrophiques à long terme sur la santé et la vie des ses innombrables victimes ? Vous pourriez être poursuivi pour cela par une cour internationale sous l’inculpation de tortures. Vous mettez en péril les valeurs humaines fondamentales d’égalité et de solidarité.


Vous n’avez donc aucune conscience, aucune pitié pour ces enfants dont la vie est détruite par ces violences et qui, du fait de l’incurie de toutes nos institutions, vont devoir survivre dans une grande souffrance à ces violences et à leurs conséquences psychotraumatiques avec un risque important de mourir prématurément, de développer de nombreuses et lourdes pathologies mentales et somatiques, et des conduites addictives, de se retrouver en situation de précarité, de pauvreté, de marginalisation, de handicap, de peupler les hôpitaux psychiatriques, les institutions, d’être en situation de subir sans fin de nouvelles violences, discriminations et injustices.


Vous n’avez aucun état d’âme, aucune honte, à laisser tous ces pédocriminels en liberté, à leur permettre de continuer à agresser et violer en toute impunité des enfants et des adultes, des filles et des femmes pour leur très grande majorité, en ciblant d’autant plus les plus vulnérables, handicapées et discriminées ? Vous n’avez pas peur pour vos enfants, vos filles, petites-filles, sœurs, nièces, conjointes, mères, amies, collègues ? Cela ne vous donne pas la nausée d’être forcément en contact avec ces criminels et de les protéger par votre inaction, quand ce n’est pas de les soutenir ?.


Des scandales ont beau se succéder plus intolérables les uns que les autres, il y a une volonté manifeste de continuer à cacher ces violences, à invisibiliser les victimes, à ne pas prendre en compte les témoignages des victimes, les signalements des proches et des professionnels, de ne pas rechercher les preuves et de ne pas traiter ces violences en en classant sans suite et pour celles qui bénéficient d’une procédure judiciaire de les déqualifier et d’en minimiser la gravité.


Vous faites semblant d’y réagir, vous nous faites des promesses non tenues comme pour le seuil d’âge du non-consentement à 15 ans, vous n’abrogez pas le délit d’atteinte sexuelle et toutes les autres déqualifications, vous maintenez la prescription, refusez que l’amnésie traumatique soit reconnue par la loi comme obstacle insurmontable suspendant la prescription, vous ne réformez pas pas toutes les institutions qui ont gravement failli, police, justice, protection de l’enfance, santé. 


Vous n’avez toujours pas imposé une formation sur les violences sexistes et sexuelles, leur dépistage systématique, et leurs conséquences psychotraumatiques pour tous les professionnels qui prennent en charge les victimes et les enfants. Il est scandaleux qu’en faculté de médecine les étudiants ne reçoivent toujours pas de formation systématique sur toutes les violences faites aux enfants, sur les violences sexistes et sexuelles et sur les psychotraumatismes qu’en sont la conséquence, et hallucinant, que les spécialistes les plus concernés pédiatres et psychiatres n’y soient pas dans leur très grande majorité formés, alors que ces violences et ces traumas sont reconnus comme des problème de santé public majeurs et urgents, et que les médecins sont considérés par les victimes comme leur première ressource. Vous n’avez toujours pas mis en place un remboursement des psychothérapies spécialisées réalisées par des psychologues. Alors que les soins pour les victimes de violences sexuelles doivent être gratuits comme le prévoit le code de sécurité sociale. il a fallu attendre mars 2017 pour qu'il y ait un 1er plan de lutte contre les violences faites aux enfants, pour qu’on reconnaisse qu’il s’agisse d’un problème de santé publique majeur et pour qu'on parle enfin de psychotraumatismes.


Pour autant, vous n’avez toujours pas mis en place des centres spécifiques pluridisciplinaires accessibles 24h/24 et gratuits pour prendre en charge les victimes de violences sexuelles de façon holistique (associant les 4 piliers médical, psychologique, social et juridique, comme le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix les a mis en place à l’hopital de référence Panzi en RDC) et traiter spécifiquement les psychotraumatismes. Il en faudrait au moins 100 (un par territoire de santé mentale) comme le recommande la convention d’Istanbul et comme il en était question dans le groupe de travail de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) auquel j’ai participé pendant près d’un an en 2017. Au lieu de cela vous n’avez créé en 2018 pour toute la France et l’outremer. que 10 centres du psychotraumatisme, et plus récemment rajouté 5 plus spécifiquement pour les enfants. Or ces centres ne sont pas des centres spécifiques pour les victimes de violences sexistes et sexuelles et ils sont dans l’incapacité de prendre en charge les psychotraumatismes complexes que ces victimes présentent le plus souvent depuis la petite enfance (51% des violences sexuelles ont été subies avant 11 ans), et qui nécessitent des soins très spécialisés au long cours. 


Et les victimes de ces violences sont toujours abandonnées sans protection, sans reconnaissance ni aides spécifiques alors qu’elle devraient bénéficier de réparations et d’aide sociales tout au long de leurs parcours à la hauteur des énormes préjudices qu’elles ont subis, et que le risque pour elles de précarité, de pauvreté, d’exclusion est énorme sans ces aides. C’est une injustice d’autant plus intolérable que l’Etat a failli à tous niveaux pour les protéger et les soigner.


L’absence de prise en compte des conséquences et des mécanismes psychotraumatiques universels que présentent la très grande majorité des victimes de violences sexuelles dans l’enfance (de 80 à plus de 90% et la totalité lors de viols) qui sont pourtant parfaitement connus depuis près de 20 ans et dont j’ai amélioré la compréhension et l’interprétation depuis plus de 10 ans grâce à mes travaux, nuit gravement aux victimes., est non seulement une perte de chance pour leur protection et leur santé, mais également pour leur accès à la justice. Dans un retournement cruel on met en cause la parole des victimes en leur reprochant des réactions, des symptômes et des comportements qui sont des preuves médico-légales des psychotraumatismes qu’elles ont subies (sidération, dissociation, amnésie, mémoire traumatiques, conduites de survie). 


Plus les victimes sont traumatisées, moins elles sont entendues, crues et protégées, plus elles sont ignorées, décridibilisées, soupçonnées, maltraitées et culpabilisées. Cela justifie des classements sans suite et des déqualifications des agressions sexuelles et des viols, et une discrimination voire psychiatrisation des victimes. C’est d’une cruauté sans nom ! De ce fait, les procédures judiciaires augmentent significativement le risque de passage à l’acte suicidaire pour les victimes de violences sexuelles (IVSEA, 2015). C’est une très grave violation de leurs droits fondamentaux.


En 2020, avec les innombrables études internationales, toutes les alertes de l’OMS, mon plaidoyer acharné depuis près de 15 ans, et celui du Dr Denis Mukwege, prix Sakharov en 2014 et prix Nobel de la Paix 2018 avec qui je travaille et qui est menacé de mort pour son combat au service des filles et des femmes victimes de violences sexuelles, cette absence de reconnaissance des psychotraumatismes lors de violences sexuelles faites aux enfants et de leurs graves conséquences sur leur santé à long terme ne peut plus être expliqué par l’ignorance. Il y a une volonté patente à nier, invisibiliser et ne pas traiter les psychotraumatismes chez les victimes de violences sexistes et sexuelles qui participe au maintien d’une domination masculine et de l’exploitation domestique et sexuelles des filles et des femmes. Ce comportement négationniste particulièrement présent en France profite aux agresseurs et particulièrement aux pédocriminels



Comment pouvez-vous tolérer une telle impunité ?


Pour finir, la justice n’est pas du tout au rendez-vous, elle échoue totalement à protéger les enfants de ces violences sexuelles en tolérant une impunité quasi totale. Pour les viols sur mineurs, alors que nombre de plaintes est très faible, bien moins que 10% (autour de 4% selon les estimations), 74% de ces plaintes sont classées sans suite et la moitié de celles instruites sont déqualifiées. Nous en sommes encore à rechercher le consentement d'un enfant quelque soit son âge parce que nous n'avons toujours pas de seuil d’âge du non-consentement (nous demandons un à 15 ans, et à 18 ans en cas d’inceste, d’adultes ayant autorité et de handicap. La prescription continue à empêcher de nombreuses victimes, particulièrement celles, et elles sont nombreuses, ayant eu des amnésies traumatiques. Depuis 10 ans les condamnations pour viols ont diminué de 40% alors que les enquêtes de victimation montrent que le nombre de viols a beaucoup augmenté. Il y a une incapacité sidérante de la justice à prendre en compte les témoignages et les récits des victimes (d’autant plus si celles-ci sont très traumatisées, vulnérables, non-verbales, handicapées mentales, étrangères,) sans se donner les moyens pour s’adapter à la spécificité de chaque victime, chaque situation, chaque contexte, et des témoignages de ceux et celles qui veulent les protéger. Tout est bon pour déclarer le manque de preuve, de réduire l’enquête à parole contre parole sans chercher sans prendre en compte l’inégalité tous les faisceaux d’indices.


L’impunité, et c’est reconnu internationalement, est une des premières causes de la perpétuations de ces violences sexuelles et de leur aggravation d’année en année. La pédocriminalité sur le net en est un exemple effrayant, chaque année les vidéos et les photos disponible sur les sites pédocriminels double, si leur nombre était évaluer à 1 million en 2014, nous en sommes 70 millions en 2019 (les filles représentent plus de 80% des victimes et la moitié ont moins de 10 ans !). La France qui était le 4 ème pays du monde en nombre de site et de consommateurs, est passé à la 2 ème place ! Si en 2015 on pouvait évaluer à 4 millions le nombre de français.es ayant été victimes d’inceste, en 2020 il est évalué à 6,7 millions.


Cette impunité est une violation très grave des droits des victimes et des obligations européennes et internationales de la France. Elle met en danger tous les enfants par le risque de réitérations des violences sexuelles par les pédocriminels. 


Arrêtez de protéger les pédocriminels !


Que vous faut-il encore ! Arrêtez de protéger les pédocriminels. Nous réclamons justice et réparations pour toutes les victimes. La France doit répondre au niveau international de son inaction. Aux termes du droit international, l’Etat peut être tenu responsables d’actes de violence sexuelle perpétrés par des particuliers s’il a manqué à son obligation d’empêcher ces actes ou de protéger les victimes. S’il peut être démontré que les autorités de l’Etat ont une conduite passive ou discriminatoire de manière constante, alors l’Etat peut être pris à partie. Un acte illégal qui viole les droits humains et qui est perpétré par un individu peut conduire à engager la responsabilité de l’Etat, non pas à cause de l’acte en lui-même, mais à cause de l’absence de mesures pour empêcher cette violation ou du manque de réaction des autorités. Les Etats sont soumis à l’obligation de protéger toutes les personnes contre des violations des droits humains (notamment le viol et autres formes de violence sexuelle). Cette obligation s’applique, qu’il s’agisse d’actes perpétrés par des individus agissant en leur qualité de fonctionnaires, en dehors du cadre de cette fonction ou à titre privé. Un tel devoir est aussi assorti d’une obligation d’agir avec la diligence nécessaire.


Car il est possible de lutter efficacement contre cette impunité en dépistant un grand nombre de victimes (par un dépistage systématique universel auprès de tous les enfants mais également de tous les adultes), on pourra ainsi protéger et soigner précocement les victimes et casse ainsi la reproduction des violences puisque l’on sait que le premier facteur de risque pour subir des violences c’est d’en avoir subies et que le premier facteur de risque de commettre des violences c’est aussi d’en avoir subies, en sachant que les rôles de victimes et d’agresseurs sont distribués dans le cadre d’une société inégalitaire ou le privilège d’exercer des violences est dévolu aux hommes (90 % des agresseurs sont des hommes, 80 % des victimes sont des femmes). Il faut rappeler que ce système de reproduction des violences est une des conséquences des psychotraumatismes par l’intermédiaire de la mémoire traumatique des violences (qui fait revivre sans fin comme une torture les pires souffrances) et de conduites dissociantes pour l‘anesthésier, les traiter le plus tôt possible est donc crucial. Tout en sachant  que, si on est jamais responsable des violences que l’on subit, ni des psychotramatismes qui en sont la conséquences, on est responsable du choix de ses stratégies de survie dissociantes (conduites à risque et mise en danger pour s’anesthésier) quand elle s’exercent contre autrui, en portant atteinte à son intégrité mentale et physiqiue. 


Ce dépistage systématique permet aussi d’identifier un grand nombre de prédateurs et de les poursuivre. Contrairement à ce qui nous est tout le temps asséné, les preuves existent et ce n’est pas parole contre parole. Ces preuves, il suffit de les chercher, de prendre réellement en compte les témoignages des victimes, d’étudier la stratégie des agresseurs, de rechercher d’autres victimes et de développer comme nous le faisons avec le Dr Denis Mukwege, la recherche de preuves médico légales en analysant les symptômes psychotraumatiques (cf mon article : Analyse des symptômes psychotraumatiques : technique thérapeutique et médico-légale au secours des droits des victimes de viol. Au lieu de cela, en faisant preuve d'une injustice sans nom, comme nous l’avons vu, les symptômes psychotraumatiques universels des victimes sont retournés contre elles.


Il est essentiel également, les violences s’exerçant toujours dans le cadre d’un rapport de force et de domination, de lutter contre les inégalités, le sexisme et toutes les autres discriminations, sinon le système s’aggrave sans fin, les violences aggravant les inégalités et le risque de discrimination. Sans oublier de déconstruire dès le plus jeune âge toute l’idéologie sexiste dominante et sa propagande colonisatrice qui impose des stéréotypes et des fausses représentations catastrophiques pour les femmes et les victimes (les deux enquêtes de notre association sur les représentations des français.es sur les violences sexuelles menées par Ipsos en 2016 et 2019 sont édifiantes quand à la persistance des stéréotypes sexistes et des fausses représentations qui alimentent la culture du viol). Et de ne pas oublier que ce n’est pas la victime qui fabrique un agresseur (du fait de son sexe, son physique, son comportement, etc.) mais un agresseur qui est est un prédateur qui fabrique de nombreuses victimes, ce qui rend urgent de stopper son parcours criminel.


Cette absence de protection, d’offre de soin, de réparations et de justice est une grave atteinte aux droits des personnes et une discrimination odieuse envers les victimes. C’est une perte de chance scandaleuse et criminelle quand on sait les risques de morts précoces et de pathologies graves pour ces victimes si une prise en charge de qualité n’est pas mise en place.


Vous avez l’obligation d’agir ! Pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants il faut lutter en priorité contre l’impunité et il faut protéger et prendre en charge les enfants victimes. Il faut remettre en urgence le monde à l’endroit et protéger les enfants de ces violences sexuelles si destructrices. Il est intolérable que ce soit encore aux victimes de de se défendre, de survivre seules et à quel prix, de  tout porter, de tout prouver, de lutter. Il est temps d’aller à leur secours, de lesreconnaître par un dépistage systématique, de les protéger, de les soigner, de réparer leurs préjudices et de leur rendre justice. C’est une question de volonté politique. Si vous ne le faites pas vous répondrez de votre inaction.


Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 14 décembre 2020




Pour en savoir plus


Sur la loi Schiappa, le seuil d’âge du non-consentement, l’imprescriptibilité, l’amnésie traumatique


Afin de mieux lutter contre l’impunité de la pédocriminalité sexuelle et de mieux protéger les enfants article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202012_Lutter_contre_impunite_pedocriminalite_sexuelle_web.pdf



Protéger les enfants des violences sexuelles est un impératif : avant 15 ans un enfant n’est jamais consentant à des actes sexuels avec un adulte ; article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf


Le fiasco d’une loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles, article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20180729-Le-fiasco-d-une-loi-censee-renforcer-la-protection-des-mineurs-contre-les-violences-sexuelles.pdf


Un an après la loi dite Schiappa, l’article 2 de cette loi est bel et bien un échec… article écrit par Muriel Salmona 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien 

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20190801-loi-schiappa-bilan-un-an-apres.pdf


Affaire Matzneff Pour mieux lutter contre la pédocriminalité et son impunité : il est impératif d’instaurer un seuil d’âge du non- consentement et de créer un crime et un délit spécifiques, article écrit par Muriel Salmona 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202001_article_affaire_Matzeff.pdf 


#JusticePourJulie : Une décision judiciaire cruelle, inique et scandaleuse Notre lettre ouverte au Président de la République novembre 2020 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org  etsur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-justice-pour-Julie-lettre-ouverte.pdf 




Sur le psychotraumatisme, les arguments médico-légaux concernant les traumas et l’amnésie traumatique


Le psychotraumatisme du viol : des conséquences majeures à long terme sur la vie et la santé des enfants victimes

Conférence introductive de Muriel Salmona pour la 2ème journée du 1er Congrès de la chaire internationale Mukwege, Le 14 novembre 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-psychotraumatisme-du-viol-chaire-Mukwege.pdf


L’analyse de la mémoire traumatique et des autres symptômes psychotraumatiques : une technique thérapeutique et médico-légale au secours des droits des victimes de viol pour obtenir soins, justice et réparations

Article de Muriel Salmona (2019) écrit dans le cadre du travail de la chaire internationale Mukwege sur la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux filles sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020_analyse_memoire_traumatique_au_secours_des_droits_viol_soins_justice_reparations.pdf


L’amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ; Article de Muriel Salmona (2018) téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018-l-amnesie-traumatique.pdf



Manifestes de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie


  • Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels : https://manifestecontrelimpunite.blogspot.com avec ses 8 mesures pour lutter contre l’impunité avec 29 associations qui l’ont co-signé et sa pétition https://www.mesopinions.com/petition/justice/stop-impunite-crimes-sexuels/35266 soutenue par plus de 103 600 signataires.


  • Manifeste pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels : https://manifesteimprescriptibilite.blogspot.com avec 28 associations qui l’ont co-signé et sa pétition : https://www.mesopinions.com/petition/justice/imprescriptibilite-crimes-sexuels/25896 soutenue par plus de 43 300 signataires.


  • Manifeste contre les violences envers les enfants  : https://manifestestopvfe.blogspot.com  avec ses 10 mesures co-signé par 26 asso et sa pétition : https://www.mesopinions.com/petition/politique/manifeste-stop-aux-violences-aux-enfants/28367 soutenue par près de 65 900 signataires



Campagne et Manifeste #StopPrescription :


  • Campagne vidéos et notre Manifeste #StopPrescription : https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2020-stop-prescription-2020.html initiée en juin 2020 par des responsables d’association, militant.e.s et personnalités engagées, et accompagnés de vidéos de témoignages de victimes d'amnésie traumatique suite à des violences sexuelles dans l’enfance.



Enquêtes et rapports :



  • Enquête AMTV/Ipsos : « Violences sexuelles dans l’enfance » Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les Français.es et le projet de loi sur les violences sexuelles concernant les muneur.e.s Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2018, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les représentations des français.es sur le viol 1 et 2  Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2016 et 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;


  • Enquête CSF, « Contexte de la sexualité en France de 2006 », Bajos N., Bozon M. et l’é- quipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés, 445, mai 2008.
  • Enquête CVS Insee-ONDRP, Cadre de vie et sécurité de l’Observatoire national de la dé- linquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France 2012 – 2017.
  • Enquête IVSEA, « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », conduite par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, 2015, Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites http://www.memoiretraumatique.org.
  • Enquête VIRAGE INED « Premiers résultats sur les violences sexuelles » : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al., Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages.
  • Infostats Justice, « Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n° 160, 2018.
  • Infostats Justice, « Les condamnations pour violences sexuelles », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n°164, 2018.
  • REDRESS, « Réparation pour viol, Utiliser la jurisprudence internationale relative au viol comme une forme de torture ou d'autres mauvais traitements », 2013., disponible à l’adresse suivante : www.redress.org
  • World Health Organization, « Global Status Report on Violence Prevention », Genève, WHO, 2014, 2016. OMS. INSPIRE : Sept stratégies pour mettre fin à la violence à l’encontre des enfants : résumé d’orientation. Genève, Suisse : OMS 2016.



Ouvrages et articles :



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- Briere, J., Conte, J., « Self-reported amnesia for abuse in adults molested as children » in Journal of traumatic stress, Janvier 1993, Vol. 6, Issue 1, p. 21-31.

- Brown D. W., Anda R. F., et al., « Adverse Childhood Experiences and the Risk of Premature Mortality » in American Journal of Preventive Medicine, Novembre 2009, Vol. 37, Issue 5, p. 389-396.

- Campbell R., « The co-occurence of childhood sexual abuse, adult sexual abuse, intimate. partner and sexual harassement », Journal of consulting and clinical psychology, vol.76,

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- Danmeyer J., « A national survey on violence and discrimination among people with disabilities », EMC. Public Health, 18, 2018, p. 355.

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- Nemeroff CB, Neuron, Paradise Lost, Neuron, Volume 89, Issue 5, 2 March 2016, Pages

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- Renard N., Pour en finir avec la culture du viol, ed Les petits matins, 2018.

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-Salmona M. Mémoire traumatique et conduites dissociantes. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Traumas et résilience. Paris : Dunod, 2012

-Salmona M. Dissociation traumatique et troubles de la personnalité post-traumatiques. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Les troubles de la personnalité en criminologie et en victi- mologie. Paris : Dunod, 2013

- Salmona M., Le livre noir des violences sexuelles Paris, Dunod, 2ème édition 2018.

- Van der Hart, Le soi hanté, Paris, De Bœck, 2010.

- Van der Kolk, Le corps n’oublie rien, Paris, Albin Michel, 2018.

- Williams L. M., « Recall of childhood trauma : a prospective study of women’s memory of child sexual abuse » in Journal of consulting and clinical psychology, 1994, Vol. 62, n°6, p.1167-1176.

- YEHUDA, R. et LEDOUX, J.. Response variation following trauma: A translational neuroscience approach to understanding PTSD. Neuron, 2007, 56(1), 19-32.


Rapport Alexandra Louis sur la loi Schiappa Une déception de plus, une déception de trop ! article de la Dre Muriel Salmona, 6 décembre 2020


Rapport Alexandra Louis sur la loi Schiappa Une déception de plus, une déception de trop !



Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 6 décembre 2020


Le rapport d’évaluation de la loi Schiappa renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes du 3 août 2018 pour lequel Alexandra Louis a été missionnée au début de cette année vient d’être remis le 4 décembre 2020 au gouvernement. Nous espérions qu’il allait acter les failles importantes de cette loi concernant la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants (article 1 et 2), failles que nous n’avons jamais arrêté de dénoncer et de documenter


Nombre d’entre nous (professionnel.les, expert.es, responsables d’association, militant.es, victimes) ont été auparavant auditionné·es malgré la pandémie et les confinements, devant l’échec manifeste de cette loi, nous attendions de nouvelles propositions fortes pour y remédier. Pour cela nous avions fait un énorme travail de constats et de bilans, d’expertises, d’enquêtes d’études et de plaidoyers, nous avions transmis nos revendications portées par de très nombreuses associations, par les centaines de milliers de personnes qui ont signé des pétitions et soutenu des manifestes. 


Tout ça pour ça !… Quelle déception ! Que trouvons-nous dans le rapport d’Alexandre Louis  : en premier lieu elle insiste surtout sur le bilan positif de la loi, lui décernant un certificat d’auto-satisfecit, sans faire le bilan des décisions judiciaires concernant les violences sexuelles sur mineurs ce qui permet une absence criante de constat sur l’ampleur de l’échec du fameux article 2 de la loi qui n’a pas mis en place la mesure phare promise sur le seuil d’âge du non-consentement à 15 ans. 

Il y a certes des préconisations qui vont dans le bon sens telles que : 

  • La création de crimes et délits autonomes pour les moins de 15 ans mais distincts du viol et des agressions sexuelles sans seuil d’âge du non-consentement et tout en maintenant le délit d’atteinte sexuelle pour les 15-18 ans dont nous voulions l’abrogation. 
  • Un mécanisme de prescription glissante en cas de crimes en série, mais un refus d’introduire l’amnésie traumatique ans la loi comme obstacle insurmontable permettant la suspension du délai de prescription ( article 9-3 du CPP), Alexandra Louis préconise juste de supprimer la référence à la force majeure (qui nécessite une intervention extérieur) pour caractériser un obstacle insurmontable ce qui pourrait rendre possible que les juges puissent interpréter l’amnésie traumatique comme un obstacle majeur.
  • Ainsi qu’une nouvelle définition du délit d’exhibition sexuelle pour viser non pas la nudité mais bien plus l’obscénité et la commission d’actes ou gestes sexuels en public.
  • Et une refondre du délit de corruption de mineur pour réprimer notamment l’auto-pénétration imposée par autrui à distance et ce, avec un niveau délictuel de répression maximal.


Ces préconisations représentent quelques avancées mais sans réelle envergure, elles contournent comme nous le verrons les failles juridiques sur le seuil d’âge du non-consentement ou la prescription sans y remédier. L’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs est balayée, de même l’inscription dans la loi de l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable pour suspendre le délai de prescription, avec toujours les mêmes arguments d’autorité assénés qui ont pourtant déjà été maintes fois démontés. Le scandale du nombre effarants classements sans suite et de déqualifications des plaintes pour viols est ignoré. Et enfin nous notons une absence d’appel à une volonté politique forte pour mettre en urgence tous les moyens humains et financiers nécessaires. L’impasse est faite sur l’urgence de la situation pour lutter contre l’inconcevable impunité dont bénéficient les pédocriminels. 


Pourquoi un tel déni face à l’urgence de la situation ?


Comment rester aussi aveugle face à des faits et des chiffres aussi catastrophiques qui s’aggravent d’années en années concernant la pédocriminalité (pour rappel l’impunité est quasi totale moins de 1% des viols sur enfants sont jugés comme tels, alors qu’on estime que 130000 filles et 35 000 garçons sont victimes de viols et de tentatives de viols chaque année, et la France détient un triste record celui d’être le deuxième pays au monde à héberger le plus de sites pédocriminels et à avoir le plus de téléchargements de vidéos et de photos pédocriminelles, en sachant que chaque année le nombre de ces vidéos et photos, nous en sommes à plus de 70 millions en circulation sur le net) ? La dernière enquête de l’association Face à l’inceste menée par Ipsos de novembre 2020 fait état de plus de 6 millions de Français.es qui ont été victimes d’inceste. 


Combien de temps allons-nous continuer à tolérer de vivre entourés de pédocriminels qui ne sont jamais inquiétés et qui peuvent continuer à agresser des enfants de proche en proche, de génération en génération et de faire des dizaines voire des centaines de victimes ? Et combien de temps allons-nous continuer à tolérer à supporter que des générations d’enfants soient détruits et traumatisés, et deviennent des adultes aux vies brisées ?


À l’évidence le nombre effarant d'enfants victimes de violences sexuelles, les tortures, la dégradation la destruction et le traumatisme majeur qu’ils ont subis et qui vont transformer leur vie en un enfer et dégrader gravement leur santé à long terme, quand ils ne vont pas en mourir précocement, ne vous empêche pas de dormir ! 


Pourquoi rester dans le déni et ne pas faire le constat que nos lois ne sont pas adaptées aux enfants et que notre justice échoue à protéger les enfants victimes de violences sexuelles, à punir les auteurs et à empêcher la réitération de ces violences, ce qui met tous les enfants en danger : pour rappel ce sont au moins 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 qui subissent des violences sexuelles (OMS 2014) et selon 1 enfant sur 5 selon le Conseil de l’Europe (2010). Et reconnaître enfin qu’il y a eu et qu’il y a toujours une volonté de ne pas prendre en compte la réalité de cette pédocriminalité et de s’y attaquer enfin avec les moyens nécessaires.


Pourquoi la lutte contre l’impunité de la pédocriminalité n’est-elle toujours pas une priorité politique ?


Alors que le 19 mai 2020, la commission des affaires sociales du Parlement européen a considéré que lutter contre la violence sexuelle à l’égard des enfants est une priorité politique. Elle exhorte les États membres à utiliser pleinement les ressources et à intensifier la coopération, et à développer et à améliorer les lois existantes pour protéger les enfants contre la violence sexuelle, afin de garantir que l’âge du consentement sexuel ne soit pas inférieur à 18 ans et à abolir le délai de prescription pour les violences sexuelles contre les enfants.


Face à cette exhortation, la France fait pâle figure, en 2020 nous sommes toujours un des très rares pays d’Europe à ne pas avoir inscrit dans la loi un seuil d’âge du non-consentement pour définir et qualifier les agressions sexuelles et les viols et l’imprescriptibilité est systématiquement rejetée. Pourquoi une telle complaisance des responsables politiques, des magistrats et juristes qui préfèrent protéger et défendre en priorité les droits des pédocriminels en imposant leurs arguments d’autorité de dominants, et en véhiculant une culture du viol et des stéréotypes sexistes éculés, plutôt que de protéger et défendre les droits des victimes, d’autant plus quand il s’agit d’enfants. Cette complicité omniprésente à tous les niveaux avec les pédocriminels et leurs discours mystificateurs est desespérante et monstrueuse.


Car pour arriver à cette situation d’impunité, il faut s’en donner du mal ! Il faut et ne pas avoir mis en place tout ce qui aurait permis d’améliorer depuis longtemps le dépistage des victimes, leur protection, leur prise en charge et de ce fait le nombre des plaintes et leur traitement judiciaire. Or cela fait plus de 20 ans que nous avons toutes les connaissances nécessaires pour agir, et 10 ans que toutes les instances internationales et européennes alertent sur la gravité de la situation et l’urgence d’agir avec des recommandations précises et contraignantes que la France s’est engagée à appliquer. Force est de constater une véritable intention politique à ne pas faire tout ce qu’il faut pour lutter efficacement contre cette pédocriminalité. Aux termes du droit international, l’Etat français pourrait être tenu responsable d’actes de violence sexuelle perpétrés par des particuliers s’il a manqué à son obligation d’empêcher ces actes ou de protéger les victimes par une conduite passive ou discriminatoire de manière constante, or c’est bien le cas.


Les enfants et les femmes ont bien peu de valeur dans ce sytème et leurs droits ne pèsent pas bien lourds face aux privilèges et aux rapports de force de dominants déterminés à exploiter leurs corps. Les enfants, les femmes devront encore attendre pour réellement être protégés des violences sexuelles, les prédateurs sexuels pourront continuer à violer et agresser sans risque, le déni et l’impunité ont de beaux jours devant eux… Et la propagande pédocriminelle peut continuer à minimiser et manier le déni en détournant les mots, en parlant d’abus sexuels (langage courant) ou d’atteintes sexuelles (langage juridique) quand il s’agit de violences sexuelles (d’agressions sexuelles et de viols) envers des enfants, de ne disserter que sur la contrainte ou la surprise et le risque d’atteinte à la présomption d’innocence.


Cela suffit de faire l’impasse sur la cruauté et la torture qui sont infligées à tous ces enfants victimes dont a utilisé le corps en les transformant en objet sexuel en les dégradant et en les privant de leur dignité. Il ne s’agit pas de sexualité, de pédophilie, d’abus sexuels, de contrainte et de surprise, il s’agit de violences sexuelles faisant parties des plus graves violation des droits humains, reconnus comme des actes cruels dégradants cruels et inhumain (droit européen) et des tortures (droit international). De violences qui sont exercées dans le cadre d’un rapport de force, de discriminations et d’exploitation avec des mises en scène de privilèges, d’inégalité de droits, de valeurs naturalisées comme étant normales et légitimes alors qu’elles sont construites dans le cadre d’une société patriarcale. Les enfants, les filles surtout, les femmes, et encore plus celles qui sont les plus vulnérables et discriminées du fait de handicap et de situation de grande précarité sont présentées dans ce système dominant comme ayant moins de valeur, moins de droits, pas de dignité pouvant être réduites à des objets sexuels, à des corps à exploiter, dégrader, piller avec le pire des sadisme.


Pourquoi une telle indifférence face à cette impunité et à ce que subissent tant d’enfants ?


À l’évidence le nombre effarant d'enfants victimes de violences sexuelles, les tortures, la dégradation la destruction et le traumatisme majeur qu’ils ont subis et qui vont transformer leur vie en un enfer et dégrader gravement leur santé à long terme, quand ils ne vont pas en mourir précocement, ne vous empêche pas de dormir ! 


De même, le risque important que tous les enfants, particulièrement les filles, d’autant plus quand ils sont en situation de grandes vulnérabilités et de discriminations (50% des violences sexuelles commises sur les mineurs le sont sur des enfants de moins de 10 ans, les enfants handicapés subissent de 3 fois plus de violences sexuelles et jusqu’à 6 fois s’ils ont des handicaps mentaux),du fait de l’impunité quasi totale dont bénéficient les pédocriminels, ne vous fait pas peur, et là aussi ne vous empêchent pas de dormir.


Bah moi si ! Je n’en dors pas ! Et nous sommes nombreux.ses à ne pas en dormir en tant que victimes de pédocriminalité et militant.es. À ce stade on ne peut même plus parler de déception !


Rappel sur la loi Schiappa 


Inscrite dans la grande cause nationale du quinquennat, avait suscité l’espoir de voir enfin corriger une faille majeure et scandaleuse de notre arsenal juridique concernant les viols et les agressions sexuelles commis sur des enfants par des adultes : l’absence d’un seuil d’âge du non-consentement permettant de considérer que toute pénétration sexuelle sur un enfant par un adulte est un viol et que tout contact sexuel est une agression sexuelle, avec son corollaire, la recherche malheureusement habituelle du consentement d’un enfant. 


Un seuil d‘âge de 15 ans avait été promis par le gouvernement et le Président de la République mais l’article 2 n’en a pas instauré, il a juste juste précisé que « pour un mineur de 15 ans la contrainte morale ou la surprise étaient caractérisés par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes sexuels » (phrase difficile à comprendre à la première lecture qui a permis Mme Schiappa de surfer allègrement sur le sens qu’on pourrait lui donner en invoquant l’existence désormais d’un seuil d’âge, un enfumage qui n’a trompé que les naïfs !), laissant aux magistrats la possibilité de continuer à rechercher le consentement d’un enfant et de qualifier les viols et les agressions sexuelles en délit d’atteinte sexuelle. La loi Schiappa, immédiatement applicable aux procédures judiciaires en cours, n’a donc pas empêché de nouveaux scandales semblables à ceux suscités en 2017 par Sarah et Justine, petites filles de 11 ans considérées comme consentantes à des viols par des adultes de 27 et 21 ans, scandales qui avaient été à l’origine de la loi. Et ce rapport vient d’être remis en plein nouveau scandale, celui de Julie violée de 13 à 15 ans par 20 pompiers, seuls 3 d’entre eux ont été mis en examens pour viols, viols finalement  déqualifiés en atteinte sexuelle après 10 ans de procédure.


Nous avions également eu l’espoir avec la loi Schiappa d’une abrogation ou tout au moins d’un allongement des délais de prescription pour les crimes sexuels et les délits sexuels aggravés, ainsi que d’une levée de prescription pour les crimes en série et en cas d’amnésie traumatique reconnue comme un obstacle majeur. Avec l’article 1 de la loi, l’imprescriptibilité a été rejetée et nous avons obtenu un allongement à 30 ans des délais de prescription après la majorité pour les crimes sexuels mais pas pour les délits sexuels aggravés. Quant aux levées de prescription en cas de crimes en série ou d’amnésie traumatique, alors qu’elles avaient été votées par le Sénat et elles ont mystérieusement disparu en Commission Mixte Paritaire et n’ont donc pas été votées. Espoir déçu là aussi… 


Devant la fronde de toutes celles et ceux qui dénonçait l’article 2, la loi étant immédiatement applicable Mme Schiappa avait promis une évaluation des décisions judiciaires au bout d’un an, il a fallu près de deux ans et demi pour l’avoir enfin, entre temps que s’est-il passé ?


La loi Schiappa n’a pas empêché de nouvelles décisions judiciaires scandaleuses scandales semblables à ceux suscités en 2017 par Sarah et Justine, petites filles de 11 ans considérées comme consentantes à des viols par des adultes de 27 et 21 ans, scandales qui avaient été à l’origine de la loi. Pendant ces deux années grâce à Mie Kohiyama présidente de l’association Moi Aussi Amnésie et Marie Rabatel présidente de l’Association Francophone des Femmes Autistes (AFFA) de nombreuses décisions judiciaires ont été recensé à partir de la presse : on y trouve toujours des plaintes pour viols et agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans déqualifiées en atteintes sexuelles ce que la loi Schiappa était censée éviter, des correctionnalisations de viols sur mineurs en agressions sexuelles qui sont légion, des condamnations avec sursis, nous y trouvons également des comparutions immédiates pour viols et ce qui est particulièrement choquant des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) également pour viols alors que les crimes sont exclus de ce dispositif.

 

En 2018 Infostat Justice a publié les chiffres chocs sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, et il y a avait déjà de quoi tirer la sonnette d’alarme et réagir pour les parlementaires (dont la députée Alexandra Louis) et pour le gouvernement, on n’a rien entendu. Pourtant ces chiffres étaient effarants : 74% des plaintes pour viols (plaintes de mineurs ou d’adultes) étaient classées sans suite, 50% des plaintes instruites étaient déqualifiées, et au total 10% seulement de ces plaintes étaient jugées pour viols. En prime on a eu le coup de grâce, l’information qu’en 10 ans les condamnations pour viol avaient diminué de 40% alors que selon les enquêtes de victimation de l’Insee/ONDRP, le nombre de viols ne fait qu’augmenter d’année en année.


Et en ce qui concerne la prescription, des affaires pédocriminelles récentes et en cours (comme celle de l’ex chirurgien Le Scouarnec) montrent la nécessité d’abroger les délais de prescription (l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs existe déjà dans plusieurs pays d’Europe, Belgique, Royaume-Uni, Suisse) ou tout au moins d’instituer une levée de prescription dans le cas de crimes en série ou de situations d’amnésie traumatique. En effet Le Souarnec aurait violé ou agressé sexuellement plus de 300 enfants en 30 ans. Pour beaucoup de victimes les faits sont prescrits alors qu’elles ont subi les mêmes violences par le même agresseur, que nombreuses sont celles qui ont été totalement amnésiques parce qu’elles étaient sous anesthésie générale pendant les violences ou parce qu’elles étaient gravement traumatisées et ont développé une amnésie dissociative. Toutes ces victimes ont été répertoriées dans les carnets de Le Scouarnec, celui-ci ayant décrit précisément les actes qu’il avait commis sur eux. L’injustice de la prescription apparaît dans toute son ampleur : elle entraîne une grave inégalité de droits entre les victimes, une bonne partie ne pouvant obtenir justice. Là aussi nous attendions un constat implacable et des préconisations fortes, et ce n’est pas le cas.


Et en ce 4 décembre 2020 le rapport d’Alexandra Louis est remis en plein nouveau scandale, celui de Julie violée de 13 à 15 ans par 20 pompiers, dont seuls 3 d’entre eux avaient été mis en examens pour viols, viols finalementdéqualifiés en atteinte sexuelle après 10 ans de procédure.


Comment le rapport d’Alexandra Louis évalue-t-il les articles 1 et  2 ?


Le premier choc à la lecture de l’intégralité du rapport d’évaluation de la loi Schiappa est de constater qu’aucun chiffre n’y figure concernant les traitements des plaintes pour agressions sexuelles et viols sur mineurs de moins de 15 ans : nombre des classements sans suite, déqualifications, non-lieux, condamnations, aucun chiffre ni aucune analyse n’apparaît dans ce rapport malgré un recul de plus de 2 ans et le fait que nous lui ayons remis les nombreux exemples de procédures judiciaires prouvant que la loi Schiappa n’évitait pas l’a recherche de consentement des enfants de moins de 15 ans et les qualifications en atteintes sexuelles de pénétrations par des adultes. Son rapport qui met en avant des retours positifs des magistrats, concède que des voix s’élèvent contre l’article 2 et préconisent avec force la mise en place d’un seuil d’âge du non-consentement en dessous duquel toute pénétration commise par un adulte serait un viol et tout contact sexuel une agression sexuelle. 


La grande majorité demandent un seuil d’âge à 15 ans et en cas d’inceste, d’auteur en position d’autorité et de victime en situation de handicap et de grande vulnérabilité à 18 ans. et avec des situations spécifiques de seuil et d’écart d’âge quand l’auteur est lui même mineur. Cet ensemble permettrait l’abrogation du délit d’atteinte sexuelle, ce fourre-tout bien trop commode pour ne pas qualifier les viols et agressions sexuelles sur mineurs.


Une voix discordante est rapportée celle du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les homme qui propose, et c’est incompréhensible, un seuil d’âge à 13 ans et une présomption simple de contrainte


Quelles préconisations Alexandra Louis propose-t-elle dans son rapport pour améliorer ce fameux article 2 ?


Elle rejette le seuil d’âge du non-consentement avec les mêmes arguments, que ceux assénés ad nauseam avant le vote de la loi Schiappa de risque d’anticonstitutionnalité et d’atteinte de la présomption d’innocence. 


Et nous propose une fois encore des aménagements, en conservant à nouveau l’écœurant délit d’atteinte sexuelle entre 15 et 18 ans, qui implique que des mineurs pourraient consentir à des contacts ou des pénétrations sexuelles avec des adultes ayant autorité ou dans une situation d’inceste ou de handicap, et pour les moins de 15 ans la création de délits et de crimes autonomes qui ne seraient pas nommés viols ou agressions sexuelles.


Dans ce pays qui se préoccupe si peu des victimes, qui tolère la pédocriminalité et ne se scandalise pas de son impunité, tout semble bon pour éviter à tous les niveaux de qualifier des faits d’agressions sexuelles et encore plus de viols par un adulte sur un mineur.


Si on peut parfaitement comprendre qu’une personne accusée de viol ou d’agression sexuelle sur un mineur de 15 ans puisse être présumée innocente des actes dénoncés : à savoir avoir utilisé les parties sexuelles du corps d’un enfant en les touchant ou en les pénétrant avec son sexe ses doigts ou un objet pour son seul plaisir et pour en jouir. Et qu’il est normal qu’il faille prouver que les faits se soient bien produits. Il est beaucoup plus incompréhensible alors que les faits ont été établis, d’être présumé innocent d’avoir commis des violences sexuelles telles que les agressions sexuelles et le viol en ayant utilisé la violence la contrainte la menace ou la surprise pour utiliser et pénétrer un enfant. Grâce à l’existence du délit qui implique qu’il peut y avoir un consentement d’un mineurs de moins de 15 ans à des contacts et des pénétrations sexuelles par un adulte.


Le délit d’atteinte sexuelle énonce que ces faits sont interdits mais que ce ne sont pas des violences sexuelles (ni des agressions sexuelles, ni des viols), que ce sont des actes sexuels que leur auteur a pu pensé comme consenti par l’enfant puisqu’il n’a pas eu à utiliser de violence, contrainte menace ou surprise, et c’est à l’enfant de prouver qu’il n’a pas consenti à ces actes, il doit donc prouver qu’il n’a pas consenti à être utilisé, réduit à un objet,  gravement atteint dans sa dignité et son intégrité, torturé. C’est d’une cruauté sans nom.


Tout se passe comme s’il était a priori particulièrement injuste et infamant d’accuser un coupable d’agressions sexuelles ou plus encore de viol, quant à le condamner, n’en parlons pas ! Nos législateurs, nos magistrats, nos policiers s’entendent à merveille pour éviter toute mise en examen des pédocriminels. Et quand ils sont mis en examen (ça arrive quand même parfois, dans 26% des plaintes pour les viols), ils font tout pour  éviter que les actes commis soient appelés par leur nom, et qualifiés comme des agressions sexuelles ou des viols ! Les viols sont déqualifiés à tour de bras en atteintes sexuelles ou en agressions sexuelles. Il est à leurs yeux bien plus grave de condamner un homme pour viol que de ne pas rendre justice à un enfant qui a été agressé ou violé. Tout cela fait courir un grand risque de réitérations sur la victime et sur d’autres enfants, mais ils s’en moquent, ce n’est pas si grave à leurs yeux, c’est normalisé sous couvert de difficultés à qualifier les violences sexuelles, à rassembler des preuves, avec l’arme absolue de la présomption d’innocence dont on se demande parfois si elle permet une seule mise en accusation pour quelque délit ou crime sexuel que ce soit.


Pour protéger les agresseurs les instruments juridiques abondent : prescription, définitions du viol et des agressions sexuelles totalement inadaptées pour les mineurs, absence de seuil d’âge du non-consentement, délit d’atteinte sexuelle, possibilité de déqualification et de correctionnalisation du viol…


Il est incroyable que la définition actuelle du viol permette encore de considérer que des contacts et des pénétrations sexuelles sur un enfant soient de la sexualité qui pourrait être consentie, que ce serait juste interdit pour un adulte sans être de la violence. C’est fou qu’il faille sans cesse répéter qu’il ne s’agit en aucun cas de sexualité mais de graves violations des droits humains commises sur des enfants qui ont des conséquences gravissimes à long terme.


On ose en toute indécence signifier à l’enfant qu’il aurait consenti à ces actes destructeurs, inhumains et dégradants, et que l’auteur de cette destruction n’aurait pas eu la conscience d’avoir été violent ou d’avoir usé de contrainte. C’est monstrueux, il n’y a pas d’autres mots.


Ces juges et ces législateurs croient-ils un seul instant que ces pauvres adultes innocents victime de leurs désirs ne se rendent pas compte de ce qu’il font, de leur cruauté et de leur violence, et que les enfants, particulièrement ces petites filles, ces « Lolitas » peuvent les pervertir, les séduire, les provoquer et les tromper en leur faisant croire qu’elles sont consentantes, bien sûr que non ! 


En fait, ceux qu’il veulent protéger d’urgence, ce sont ces adultes bernés par des enfants qui ne pensent qu’à être détruits et dégradés, c’est cela ? On ne va pas leur coller l’étiquette infamante de pédocriminel, ce serait vraiment trop méchant et trop injuste pour eux, alors qu’il ne pensent qu’à utiliser innocemment un privilège qu’ils ont sur le corps des enfants et plus particulièrement des filles et des femmes. A la rigueur ils veulent bien entendre qu’en raison d’un ordre moral rétrograde (dont on nous bassine avec le retour supposé), ce soit interdit, mais certainement pas qu’ils ont commis une des pires violences ! Être considérés comme des agresseurs sexuels, des violeurs, ah non ! c’est une atteinte à leur honneur de dominant, un lèse-majesté.


Et il y a un nombre incroyable de complices pour accourir à leur secours et leur dire «  mais non ne vous inquiétez pas, on va vous arranger cela, on ne va pas dire que vous êtes des agresseurs sexuels ou des violeurs, mais que vous êtes de gentils pédophiles qui aiment les enfants et sont attirés sexuellement par eux, et qui sont piégés par leurs pulsions et par les attitudes et les comportements des enfants, qu’on a d’ailleurs plein d’amis qui ont été accusés à tort ». On va tordre la réalité et la vérité, on va transformer ces agressions sexuelles et ces viols sur mineurs que vous avez commis en atteintes sexuelles pour la justice, et bien sûr en simple abus, en pédophilie pour le grand public.


Quel joli tour de passe-passe pour transformer en consentement la sidération et la dissociation traumatique des enfants que vous avez terrorisés 



Qu’en est-il dans le rapport d’Alexandra Louis de l’évaluation de l’article 1 concernant les délais de prescription ?



Pourquoi, en ce qui concerne la prescription, avoir balayé avec toujours les mêmes arguments éculés l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs (en raison du dépérissement des preuves, d’une insécurité juridique  et de l’attachement de la France a réserver l’imprescriptibilité qu’aux crimes contre l’humanité) alors que de plus en plus de pays l’ont mise en place dont dernièrement la Belgique le 7 novembre 2019 (rejoignant en cela la Suisse, la Grande Bretagne et les Pays-Bas), et que le rapport de la mission de consensus  de Jacques Calmette et Flavie Flamant sur le délai de prescription des crimes sexuels commis sur les mineur.es de 2017 avait conclu de façon très argumentée que rien n’empêchait de rendre ces crimes imprescriptibles en France ? 


Le point positif du rapport c’est de préconiser la levée de prescription en cas de crimes sexuels en série d'un même prédateur avec la mise en place d’un mécanisme de « glissement de prescription » (pour rappel un amendement du gouvernement sur cette levée de prescription en cas de crimes en série avait été proposé en juin 2018 dans le cadre de la proposition de loi Schiappa et avait été voté par le Sénat, mais il avait disparu sans explication lors de la commission mixte paritaire, ce qui fait qu’il ne faisait plus partie de la loi lors de son vote définitif le 3 aout 2018 !). 


En revanche, a été écartée des préconisations du rapport d’Alexandra Louis la reconnaissance de l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable suspendant la prescription pour permettre à la victime d’exercer ses droits à déclencher une action publique en s’appuyant sur Art. 9-3. « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription » (la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale,). Le Sénat avait voté pourtant un amendement en ce sens en juin 2018 demandant que l’amnésie traumatique soit prise en compte comme obstacle insurmontable après expertise médicale, cet amendement voté a disparu lui aussi en commission mixte paritaire, et donc de la loi définitive. 


Les raisons évoquées dans le rapport d’Alexandra Louis pour refuser d’inscrire dans la loi l’amnésie traumatique sont très bien analysées par la présidente de l’association Moi Aussi Amnésie Mie Kohiyama, je reprends avec son autorisation une grande partie de son analyse. 


Les raisons évoquées dans le rapport montrent la non-reconnaissance du caractère médical et indépendant de la volonté des victimes de l’amnésie traumatique puisque les arguments avancés se basent essentiellement sur le caractère « subjectif » de ce mécanisme alors qu’il est objectivable cliniquement par une expertise médicale, voici les arguments présentés  :


Un magistrat de la Cour de cassation va même jusqu'à justifier les décisions successives défavorables aux victimes d'amnésie traumatique en parlant de "déclarations subjectives" et de phénomènes qui "n'existent que dans leur esprit ». Un deuxième argument porté par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes est que reconnaître l'amnésie traumatique créerait une inégalité entre les victimes d'amnésie traumatique et les autres qui n'auraient pas pu parler pour d'autres raisons subjectives. Selon les rapporteurs du rapport du HCEf/h Ernestine Ronai et Edouard Durand la reconnaissance de l’amnésie traumatique dans la loi  « violerait de façon évidente le principe d’égalité créant un déséquilibre entre les victimes qui ont connu une amnésie traumatique et celles qui ne l’ont pas vécu » « La prescription doit être la même pour tous » insistent-ils. 


Pour rappel, ce mécanisme psychotraumatique fréquent (qui a été l’objet d’un article référencé que j’ai écrit et qui a été publié chez Dunod) est une conséquence médicale liée à des mécanismes de sauvegarde neuro-biologiques que le cerveau met en place en situation de stress extrême. Ce mécanisme est donc directement lié à des atteintes cérébrales lors des violences et totalement indépendant de la volonté des victimes. Cette amnésie traumatique empêche les victimes de se souvenir des violences subies, elles sont donc dans l’incapacité de porter plainte. Cette amnésie traumatique représente donc bien un obstacle insurmontable objectivable cliniquement qui empêche les victimes de porter plainte dans les délais. Il est reconnu comme faisant partie des états de stress post-traumatiques dans le cadre du DSM 5 et de la CIM (les manuels de diagnostiques psychiatriques qui sont des références internationales de l’APA association de psychiatrie américaine et de l’OMS)de Les crimes sexuels sont extrêmement traumatisants, ils sont à l’origine d’amnésies traumatiques dissociatives fréquentes  : 40% des  ont des amnésies complètes, quand ils ont subi un viol ils sont 47% à déclaré en avoir eu une amnésie, 52% quand les violences étaient incestueuses et 61% quand ils avaient moins de 10 ans, dans la grande majorité des cas cette période d’amnésie a duré plus d’un an, et pour 1/3 d’entre eux cela a duré plus de 20 ans (MTV/Ipsos, 2019), elle peut durer plus de 40 ans (IVSEA, 2015). 


L’argumentation du HCEf/f est totalement retournable, le fait de ne pas prendre en compte l’amnésie traumatique pour interrompre la prescription le temps de l’amnésie traumatique représente une rupture du principe d’égalité devant la loi et une discrimination : alors que le principe d’égalité garantit que toutes les personnes sont égales devant loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi, on voit bien au contraire qu’il serait discriminatoire pour les victimes présentant une amnésie traumatique indépendante de leur volonté et qui les prive de leur capacité de saisir la justice dans les délais avant que les faits soient prescrits, de ne pas leur permettre d’avoir à partir du moment où elles recouvrent leurs souvenirs des violences de bénéficier des mêmes droits en terme de délais de prescription que les victimes qui ont toujours eu connaissance de ces faits.


Benjamin Moron-Puech, un chercheur en droit d'Assas avec lequel nous avons travaillé et qui a été auditionné lance un avertissement clair : "La France s'expose au regard de ses positions sur l’amnésie traumatique à une prochaine condamnation par la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme). Grâce à ce chercheur le rapport préconise toutefois de supprimer la référence du code pénal à la force majeure pour définir ce qui entre dans le cadre d’un obstacle insurmontable. Sans rentrer dans les détails la force majeure est une notion de droit civil qui suppose un événement imprévisible, irrésistible et extérieur aux personnes concernées. En supprimant cette notion, les magistrats disposeront d'une plus grande latitude pour apprécier l'obstacle insurmontable, c'est à dire l'élément suspendant la prescription qui pourra être l'amnésie traumatique.


« Il faut, selon nous, aller plus loin que cette recommandation en introduisant l'amnésie traumatique dans la loi car rester dans le flou ne bénéficiera pas aux victimes. »



Et pour terminer, une réflexion sur la place des conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles dans le rapport


L’OMS a fait de la prise en charge des conséquences psychotraumatique des violences sexuelles faites aux enfants une priorité de santé publique (OMS, Hillis, 2014), avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance ayant de graves répercussions sur la santé mentales et physique des victimes tout au long de la vie. Ne pas pas protéger les enfants et ne pas leur apporter des soins médicaux et psychologiques spécialisés précoces représente une très grave perte de chance pour eux à court moyen et long terme.


Offrir des soins accessibles aux victimes par des professionnel.les formés, informer le grand public sur les conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles, former les professionnels du soin au dépistage et à la prise en charge des psychotraumatismes, former également tous les professionnels qui prennent en charge les victimes pour les protéger, lors de leurs parcours judiciaire et leur reconstruction serait une véritable révolution pour secourir les victimes, les accompagner et préserver tous leurs droits à la santé, à la justice, aux réparations, et leur éviterait une très grande partie des conséquences des violences sur leur santé et leur vie, de subir de nouvelles violences et des maltraitances sans fin, une aggravation sans fin des inégalités, de leur précarité et de leurs handicaps, et permettrait de mieux leur rendre justice. Mais cela permettrait également de mieux dépister les violences, de mieux identifier les prédateurs, de rendre les procédures judiciaires plus performantes et de pouvoir mieux prendre en compte le récit des victimes, de disposer de nombreuses preuves médico-légales et de pouvoir qualifier les violences, incriminer les prédateurs et les condamner, et éviter ainsi qu’ils réitèrent des violences et fassent de nombreuses autres victimes.


En d’autres termes, prendre réellement en compte les psychotraumatismes, permettrait de lutter contre l’impunité. Cela permet de comprendre à quel point la psychotraumatologie a été maintenue dans l’ombre pendant tant d’années. Que tout a été fait pour une pas développer cette spécialité, ne pas diffuser les connaissances et les recherches la concernant, ne pas l’enseigner dans les facultés de médecine et ne pas former tous les professionnels des secteurs médico-sociaux, éducatifs, judiciaires, de la protection de l’enfance, de la police et la gendarmerie. 


C’est pour cela qu’en 2020, alors que depuis plus de 20 ans nous avons accumulé toutes les recherches et toutes les connaissances nécessaires les médecins ne sont toujours pas formés en initial (en sachant qu’ils sont désignés dans toutes les enquêtes de victimation comme le premier recourspar les victimes de violences sexuelles) et très peu en ciontinu. Et que, ce qui est totalement inconcevable, les professionnels du soin les premiers concernés, à savoir les psychiatre, ne sont toujours pas formés systématiquement à la psychotraumatologie lors de leurs études de spécialisation (ils sont même rares encore à l’être) alors que suivant les études entre 60 et 70% des patients suiviis en psychiatrie le seraient à la suite de graves traumatismes subis le plus souvent dans l’enfance et tr!s majoritairement dus à des violences, particulièrement sexuelles. 


Il est donc symptomatique par exemple de voir à quel point tout a été fait en France pour maintenir intentionnellement un niveau de connaissances catastrophiques sur les psychotraumatismes et sur leur traitement, de ne toujours pas former en initial tous les professionnels de santé, de ne pas avoir mis en place des centres de soins spécifiques pour les victimes de violences sexuelles ouverts 24h/24, accessibles et sans frais pour les victimes comme le recommande la convention d’Istanbul et de n’avoir créé que 15 centres du psychotrauma au lieu des 100 dont nous avions fait le cahier des charges, de ne pas exiger que les experts psychiatres et psychologues soient formés aux psychotraumatismes, de ne pas former  tous les professionnels de la chaîne judiciaire aux mécanismes psychotraumatiques. 


Tout cela est inacceptable et représente une très grave perte de chance pour les victime non seulement en terme de santé mais également en terme de d’accès à la justice et à des réparations. Cette absence de connaissance et ce déni des conséquences psychotraumatismes est une véritable aubaine pour ne pas dépister les victimes et pas prendre en compte les symptômes qu’elles présentent comme des preuves médico-légales performantes pour traiter leur plainte et faire condamner leurs agresseurs. Au lieu de cela, les symptômes psychotraumatiques universels et pathognomoniques des victimes (sidération, dissociation, mémoire traumatiques, conduites dissociantes de survie sont injustement et cruellement retournés contre elles pour prouver l’absence de contrainte et démontrer leur consentement, mais également décrédibiliser leurs récits, pour les psychiatriser et pour prouver qu’elles ne disent pas la vérité. (Il est à noter que dans le rapport d’évaluation alors que je suis une experte reconnue sur les conséquences psychotraumatiques des victimes de violences sexuelles pour mes travaux et mon expérience clinique tant au niveau national qu’international, que je forme depuis longtemps les professionnels prenant en charge les victimes dont les magistrats à l’ENM - j’ai même reçu la légion d’honneur par le ministère de la justice en 2018 - et que je fais partie du comité scientifique de la chaire internationale Mukwege et que je travaille avec le Dr Denis Mukwege qui a reçu le prix Nobel de la Paix pour son combat en faveur les victimes de violences sexuelles, que  l’ensemble de l’expertise, des enquêtes, des travaux et des plaidoyers que j’ai partagés lors de mon audition ne soient jamais cités ou repris, et que la seule occurence où j’apparais concerne le dépistage systématique, où on m’utilise pour dire qu’il est nécessaire uniquement avant 10 ans alors que je milite depuis 20 ans pour qu’il concerne toutes les victimes quelque soit leur âge !).


Il est grand temps de réformer de fond en comble la santé et la justice, d’opérer une révolution sociale et de ne plus tolérer les inégalités, le sexismes et toutes les autres discriminations, de sortir du système patriarcale et de mettre fin à tous ses privilèges, pour enfin lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles.


Il n’est plus possible que les victimes de ces violences soient, au choix, implacablement :


  • Abandonnées à leur sort sans secours ni protection, ni soins, ni réconfort à devoir survivre seules sommées de se taire de ne pas se plaindre, de souffrir en silence sans gêner leur entourage au risque d’être critiquées, rejetées, psychiatrisées enfermées, exclues, marginalisées
  • Jamais entendues ni crues
  • Manipulées par le discours de propagande de la culture du viol pour se sentir coupables et illégitimes à se percevoir comme victimes, à dénoncer leurs agresseurs, à demander justice 
  • Privées de justice et de réparation, 
  • Condamnées à subir des injustices, des violences et des maltraitances sans fin, et à avoir peur pour toutes les autres victimes…


Ni que ce soient à elles qu’incombent de tout faire : 


  • De se défendre et se protéger seules 
  • mais également de défendre les autres victimes, parler de façon à être étendues, 
  • De se battre pour trouver de l’aide et des soins, 
  • De porter plainte dans les délais, d’être crédible au regard de tous les stéréotypes sexistes, d’être la bonne victime qui se soumet sans rien dire à toutes les exigences maltraitantes des procédures le plus souvent pour rien 
  • Et enfin d’être celles qui vont combattre sans relâche pour changer la société et les lois…


Et il n’est pas possible que toutes les personnes (professionnel.les, milita,t.es, proches) qui luttent contre la pédocriminalié et son impunité aux côtés des victimes, qui revendiquent et demandent justice, qui essaient de leur porter secours de les protéger, de les accompagner et de les soigner soient continuellement mises en cause, invisibilisées, attaquées, accusées, condamnées voire tuées (comme la jeune femme psychologue assassinée par l’agresseur d’une de ces patientes mineures alors qu’elle s’apprétait à signaler aux autorités les violences sexuelles incestueuses que sa patiente subissait…).


Il est temps de sortir du déni, de l’inaction et de remettre le monde à l’endroit. Et ce rapport n’en prend pas réellement le chemin !


Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 6 décembre 2020




Pour en savoir plus


Sur la loi Schiappa, le seuil d’âge du non-consentement, l’imprescriptibilité, l’amnésie traumatique


Afin de mieux lutter contre l’impunité de la pédocriminalité sexuelle et de mieux protéger les enfants article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202012_Lutter_contre_impunite_pedocriminalite_sexuelle_web.pdf



Protéger les enfants des violences sexuelles est un impératif : avant 15 ans un enfant n’est jamais consentant à des actes sexuels avec un adulte ; article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf


Le fiasco d’une loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles, article écrit par Muriel Salmona 2018 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20180729-Le-fiasco-d-une-loi-censee-renforcer-la-protection-des-mineurs-contre-les-violences-sexuelles.pdf


Un an après la loi dite Schiappa, l’article 2 de cette loi est bel et bien un échec… article écrit par Muriel Salmona 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien 

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20190801-loi-schiappa-bilan-un-an-apres.pdf


Affaire Matzneff Pour mieux lutter contre la pédocriminalité et son impunité : il est impératif d’instaurer un seuil d’âge du non- consentement et de créer un crime et un délit spécifiques, article écrit par Muriel Salmona 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/202001_article_affaire_Matzeff.pdf 


#JusticePourJulie : Une décision judiciaire cruelle, inique et scandaleuse Notre lettre ouverte au Président de la République novembre 2020 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org  etsur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-justice-pour-Julie-lettre-ouverte.pdf 




Sur le psychotraumatisme, les arguments médico-légaux concernant les traumas et l’amnésie traumatique


Le psychotraumatisme du viol : des conséquences majeures à long terme sur la vie et la santé des enfants victimes

Conférence introductive de Muriel Salmona pour la 2ème journée du 1er Congrès de la chaire internationale Mukwege, Le 14 novembre 2019 téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020-psychotraumatisme-du-viol-chaire-Mukwege.pdf


L’analyse de la mémoire traumatique et des autres symptômes psychotraumatiques : une technique thérapeutique et médico-légale au secours des droits des victimes de viol pour obtenir soins, justice et réparations

Article de Muriel Salmona (2019) écrit dans le cadre du travail de la chaire internationale Mukwege sur la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux filles sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2020_analyse_memoire_traumatique_au_secours_des_droits_viol_soins_justice_reparations.pdf


L’amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ; Article de Muriel Salmona (2018) téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org sur ce lien :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018-l-amnesie-traumatique.pdf



Manifestes de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie


  • Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels : https://manifestecontrelimpunite.blogspot.com avec ses 8 mesures pour lutter contre l’impunité avec 29 associations qui l’ont co-signé et sa pétition https://www.mesopinions.com/petition/justice/stop-impunite-crimes-sexuels/35266 soutenue par plus de 103 600 signataires.


  • Manifeste pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels : https://manifesteimprescriptibilite.blogspot.com avec 28 associations qui l’ont co-signé et sa pétition : https://www.mesopinions.com/petition/justice/imprescriptibilite-crimes-sexuels/25896 soutenue par plus de 43 300 signataires.


  • Manifeste contre les violences envers les enfants  : https://manifestestopvfe.blogspot.com  avec ses 10 mesures co-signé par 26 asso et sa pétition : https://www.mesopinions.com/petition/politique/manifeste-stop-aux-violences-aux-enfants/28367 soutenue par près de 65 900 signataires



Campagne et Manifeste #StopPrescription :


  • Campagne vidéos et notre Manifeste #StopPrescription : https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2020-stop-prescription-2020.html initiée en juin 2020 par des responsables d’association, militant.e.s et personnalités engagées, et accompagnés de vidéos de témoignages de victimes d'amnésie traumatique suite à des violences sexuelles dans l’enfance.



Enquêtes et rapports :



  • Enquête AMTV/Ipsos : « Violences sexuelles dans l’enfance » Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les Français.es et le projet de loi sur les violences sexuelles concernant les muneur.e.s Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2018, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;
  • Enquête AMTV/Ipsos : Les représentations des français.es sur le viol 1 et 2  Association Mémoire Traumatique et Victimologie/Ipsos, 2016 et 2019, Rapports téléchargeables sur les sites http:// www.memoiretraumatique.org ;


  • Enquête CSF, « Contexte de la sexualité en France de 2006 », Bajos N., Bozon M. et l’é- quipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés, 445, mai 2008.
  • Enquête CVS Insee-ONDRP, Cadre de vie et sécurité de l’Observatoire national de la dé- linquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France 2012 – 2017.
  • Enquête IVSEA, « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte », conduite par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, 2015, Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites http://www.memoiretraumatique.org.
  • Enquête VIRAGE INED « Premiers résultats sur les violences sexuelles » : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al., Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages.
  • Infostats Justice, « Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n° 160, 2018.
  • Infostats Justice, « Les condamnations pour violences sexuelles », Bulletin d’information statistique du ministère de la Justice, n°164, 2018.
  • REDRESS, « Réparation pour viol, Utiliser la jurisprudence internationale relative au viol comme une forme de torture ou d'autres mauvais traitements », 2013., disponible à l’adresse suivante : www.redress.org
  • World Health Organization, « Global Status Report on Violence Prevention », Genève, WHO, 2014, 2016. OMS. INSPIRE : Sept stratégies pour mettre fin à la violence à l’encontre des enfants : résumé d’orientation. Genève, Suisse : OMS 2016.



Ouvrages et articles :



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