ETAT DES LIEUX DES VIOLENCES SEXUELLES FAITES AUX ENFANTS
Il est urgent d’agir ! #TimesUp
#WhyIDidnotReport
#PasdeJusticePasdePaix
Dre Muriel Salmona, le 26 septembre 2018
drmsalmona@gmail.com
La lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants n’est toujours pas une urgence majeure en terme de droits humains, de société, de justice et de santé publique malgré l’ampleur du nombre d’enfants qui en sont victimes et la gravité des conséquences à long terme sur leur santé mentale et physique et sur leur vie.
Les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles :
81% des violences sexuelles sont subies avant l’âge de 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans (IVSEA, 2015),
60% des viols et des tentatives de viols pour les femmes et plus de 70% des viols et des tentatives de viols pour les hommes ont été subis avant l’âge de 18 ans, 40% des viols et tentatives de viols déclarés ont été subis avant 15 ans pour les femmes, et près de 60 % de ceux déclarés par des hommes (Enquêtes CSF, 2008, Virage, 2017).
Ces violences sexuelles sur des mineurs sont commises dans 94% des cas par des proches, et par des membres de la famille dans plus de 50% des cas avant 18 ans (IVSEA, 2015), et avant 15 ans dans plus de 80 % des cas pour les filles et 86 % pour les garçons (Enquête Virage, 2017).
Elles s’exercent majoritairement sur les filles et sur les enfants les plus vulnérables et les plus discriminés : les filles ont 3 à 4 fois plus de risque de les subir que les garçons, les enfants handicapés ont 4 fois plus de risque de subir des violences sexuelles et plus particulièrement les filles ayant un handicap mental et neuro-developpemental (jusqu’à 90% des femmes ayant des troubles du spectre de l'autisme ont subi des violences sexuelles, 78% tout sexe confondu, Brown-Lavoie, 2014) et sont commises avant tout (dans plus de 95% des cas) par des hommes (dont 25% sont mineurs).
Les chiffres de violences sexuelles faites aux enfants sont effarants :
- on peut estimer que près de 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols et des tentatives de viols chaque année ( estimation à partir des enquête de victimation CSF, 2008 ; ONDRP 2012-2017 ; VIRAGE 2017),
- une fille sur cinq et un garçon sur 13 ont subis des agressions sexuelles et des viols (OMS, 2014),
- 6% des Français déclarent avoir été victimes d’inceste, une proportion qui monte à 9% chez les femmes, soit 4 millions de français (AIVI,2016).
Les violences sexuelles ont de graves conséquences sur la santé physique et mentale des enfants, c’est un problème de santé publique majeur
Les violences sexuelles faites aux enfants sont extrêmement traumatisantes à court, moyen et long terme.
Les conséquences psychotraumatiques des viols sont les mêmes que celles des tortures. Les violences sexuelles ont un impact majeur tout au long de la vie sur la santé mentale et physique des enfants qui en sont victimes, sur leur scolarité, leur vie affective, sexuelle et sociale, et génèrent un risque important de re-victimisation et de précarité.
Elles entraînent des atteintes graves à leur intégrité mentale et physique : 96% des victimes déclarent un un impact sur leur santé mentale, 70% sur leur santé physique, 50% font des tentatives de suicides, 50% des dépressions à répétition, 50% présentent des conduites addictives (IVSEA, 2015).
Le cerveau des enfants est très vulnérable aux violences. Elles entraînent des atteintes de certaines structures du cerveau et des circuits de la mémoires et de la réponse émotionnelle, et la mise en place de mécanismes neuro-biologiques de sauvegarde exceptionnels très coûteux pour échapper au risque vital lié au stress extrême qui s’apparente à une disjonction pour interrompre la sécrétion d’hormones de stress, cette disjonction est à l’origine d’une dissociation et d’une mémoire traumatique qui sont au coeur de toutes conséquences sur la santé mentale et physique. Ces atteintes sont réversibles si un traitement spécialisé est mis en place.
Les violences subies dans l’enfance quand plusieurs formes de violences sont associées ou quand elles sont particulièrement graves comme un viol, sont le premier facteur de morts précoces, de risque de suicide, de dépression à répétition, de conduites addictives, de conduites à risque et de mises en danger, de risque de subir à nouveau des violences tout au long de leur vie, de grande précarité et de marginalité, d’obésité, et de nombreuses pathologies somatiques : diabète, troubles cardio-vasculaires, immunitaires, endocriniens, digestifs, neurologiques, gynéco-obstétricaux, etc., elles peuvent faire perdre jusqu'à 20 ans d'espérance de vie. La communauté scientifique internationale et l’OMS les reconnaissent comme un problème de santé publique majeur (Brown, 2009 ; Felitti et Anda, 2010, Hillis, 2016, Fulu, 2017, cf Manifeste stop aux violences envers les enfants).…
Et plus l’enfant est petit, moins il a d’outils intellectuels pour identifier et comprendre ce qu’il subit par manque de discernement, d’expériences et de maturité, plus il sera gravement traumatisé et sera sidéré et dissocié pendant les violences et donc dans l’incapacité de se défendre et de dénoncer les violences subies en raison de l’intensité du traumatisme et de la fréquence d’amnésies traumatiques : 40% d’amnésies totales, 60% d’amnésies partielles (Brière, 19, Williams, 1994 ; Widom, 1996 ; IVSEA, 2015).
Et avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance est le risque principal d’en subir à nouveau tout au long de la vie pour les filles, et d’en commettre pour les garçons (Felitti et Anda, 2010 ; OMS, 2010, 2014 ; 2016, IVSEA, 2015, Fulu, 2017).
Les enfants victimes de violences sexuelles sont abandonnés sans protection, sans aide, sans reconnaissance et sans soin
85% des victimes de violences sexuelles rapportent n’avoir jamais été protégées, ni reconnues (IVSEA, 2015).
Les enfants victimes de violences sexuelles dans leur grande majorité sont donc abandonnés.
Ils vivent dans la peur de parler : peur de représailles, peur d’être blâmés ou de ne pas être crus, peur que l’extrême violence qu’ils ont subie ne soit pas reconnue ou soit minimisée, peur d’être pris pour des menteurs, des fous, des idiots incapables de se protéger, des méchants, peur d’être culpabilisés, humiliés, accusés, rejetés… Personne ou presque n’entend, ne croit ni ne protège ces enfants victimes, personne ou presque ne s’enquiert face à des enfants présentant des signes de souffrance des violences qu’ils ont pu subir, personne n’a peur pour ces enfants. Ils sont donc condamnés à survivre seuls aux violences et à leurs lourdes conséquences psychotraumatiques, à l’aide de stratégies de survie qui les handicapent lourdement.
L’offre de soins très insuffisante participe au déni et à l’abandon des victimes
L’absence de dépistage, de protection et de prise en charge de ces enfants est une lourde perte de chance pour eux, d’autant plus que les soins dont ils pourraient bénéficier sont efficaces.
Idéalement la prise en charge des troubles psychotraumatiques doit être la plus précoce possible, pour autant il n’est jamais trop tard pour proposer des soins, même 50, 60, 70 ans après…
Mais les troubles psychotraumatiques et leurs mécanismes sont encore trop méconnus, et cela porte lourdement préjudice aux victimes. Les professionnels de la santé ne sont toujours pas formés au dépistage systématique des victimes de violences, à leur protection et à la prise en charge des conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles, ni en formation initiale, ni en formation continue, et l’offre de soins adaptés est bien trop rare. De nombreux diagnostics sont portés à tort et des traitements essentiellement dissociants et anesthésiants proposés, quand ils ne sont pas maltraitants.
Or une prise en charge de qualité permet de traiter la mémoire traumatique et de réparer les atteintes cérébrales, et d’éviter ainsi la majeure partie de toutes les conséquences des violences sur la santé, ainsi que de leurs conséquences sociales. La méconnaissance de tous ces mécanismes psychotraumatiques, l’absence de soins, participent donc à l’abandon où sont laissées les victimes, à la non-reconnaissance de ce qu’elles ont subi et à leur mise en cause comme nous l’avons vu.
C’est un scandale humain et de santé publique.
Les violences sexuelles faites aux enfants bénéficient d’un déni, d’une loi du silence d’une impunité quasi totale : la société et la justice échouent à protéger ces enfants, à leur rendre justice et à réparer leurs graves préjudices
Moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (CSF, 2008, ONDRP, 2016, infostat justice, 2016, Virage, 2017).
70% des plaintes sont classées sans suite, 30% sont instruites, dont la moitié sont déqualifiées et correctionnalisées (infostat justice, 2018);
Et finalement 10% des plaintes sont jugées pour viol en cour d’assises ou au Tribunal pour enfants, soit 0,3% de l’ensemble des viols ( CSF, 2008, ONDRP, 2016, infostat justice, 2018, Virage, 2017).
Les victimes rapporteront que 82% ont mal vécu le dépôt de plainte, 77% ont ma vécu l’enquête policière, les auditions, les confrontations et la procédure judiciaire et sur les rares qui ont pu avoir un procès 89% l’ont mal vécu (IVSEA, 2015)
La faillie de la justice est donc presque totale. Quand on sait depuis peu que les condamnations pour viols ont diminué de 40% depuis 10 ans (de façon concomittante à la loi Perben qui a permis la déqualification des viols et du procès d’Outreau) alors que les plaintes ont augmenté de près de 40%, il est évident que la justice échoue à protéger et à reconnaître les victimes de viols et à punir les agresseurs (infostat justice, septembre 2018)
Il est très difficile, voire impossible pour les enfants de parler avant souvent de longues années et quand ils le font ils ne sont souvent pas entendus ni crus : c’est aux adultes d’aller vers eux et de leur poser régulièrement des questions (un dépistage universel est nécessaire)
Les raisons pour lesquelles les enfants n’ont pas pu parler ni dénoncer les violences sexuelles pendant souvent de nombreuses années (par ordre décroissant, IVSEA, 2015) :
- ils n’avaient pas les mots pour décrire ni réaliser ce qui s’était passé
- ils se sentaient honteux et coupable, ils pensaient que c’était de leur faute, qu’ils avaient été naïfs, bêtes, incapables de réagir
- ils avaient peur de ne pas être crus, que ce ne soit pas pris en compte, d’être confrontés à de l’indifférence ou à des jugements négatifs
- c’était trop dur d’en parler, ils n’étaient pas en état de le faire et ils ne comprenaient pas et avaient peur de leurs émotions et de leurs réactions
- ils étaient amnésiques d’une partie ou de la totalité des violences
- ils étaient bien trop petits
- ils croyaient que ce n’était pas si grave
- ils craignaient que ce soit insupportable ou impossible à entendre
- ils pensaient que ce n’était pas des violences
- ils pensaient que c’était mérité
- ils étaient l’objet de menaces et de pressions de la part du ou des agresseurs
- ils avaient peur de réactions violentes de leurs proches
- ils étaient l’objet de menaces et de pressions de la part de leurs proches
- leurs proches étaient menacés et ils avaient peur pour eux
Dans un retournement pervers, le projecteur est braqué avant tout sur les victimes au lieu de l’être sur les agresseurs (culture du viol qui culpabilise les victimes et disculpe les agresseurs).
Et les conséquences psychotraumatiques comme la sidération, la dissociation et la mémoire traumatique vont souvent être retournés contre les victimes pour les mettre en cause alors que ce sont des preuves du grave traumatisme qu’elles ont subi, telles :
- la sidération qui paralyse leurs fonctions supérieures et les empêche de se débattre, de crier et de fuir ;
- la dissociation traumatique qui les anesthésie émotionnellement et physiquement tant qu’ils restent en contact avec les agresseurs, les met sous mode automatique, déconnecte leur mémoire avec une amnésie traumatique (que l’on retrouve comme on l’a vu chez 40% d’entre eux et qui peut durer des années voire des dizaines d’années), et leur fait tolérer des niveaux très élevés de violences donnant l’impression à leurs interlocuteurs que les victimes sont indifférentes et pas suffisamment traumatisées pour considérer comme crédible leur parole ;
- mais également la mémoire traumatique qui leur font revivre à l’identique, avec des flashbacks incontrôlables, les pires moments des violences comme une machine à remonter le temps à chaque fois qu’un lien rappelle les violences, une véritable torture à laquelle les victimes vont devoir échapper en mettant en place des stratégies de survie très coûteuses pour leur santé qui leur seront souvent reprochées : conduites d’évitement et de contrôle pour que la mémoire traumatique ne se déclenche pas, et conduites dissociantes pour s’anesthésier et ne plus la ressentir, qui sont des conduites addictives (drogues, alcool, tabac) et des conduites à risque (mises en danger, violences contre soi, contre autrui). En fait, ces conduites dissociantes, en créant un état de stress extrême, re-déclenchent un mécanisme de sauvegarde et provoquent à nouveau une dissociation et une anesthésie émotionnelle.
La non-prise en compte de ces mécanismes participe grandement à la mise en cause des victimes, particulièrement lors des procédures judiciaires. Et l’absence de soins les maintient dans des processus de dissociation et d’emprise qui sont un facteur de risque important de re-victimisation.
Et si les Français sont 95% à reconnaître que les violences sexuelles envers les enfants sont graves et entraînent de lourdes conséquences sur la santé (enquête Ipsos pour l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, 2016), et sont tous d’accord que les violeurs, les incestueurs, les pédocriminels doivent être fermement condamnés, ce positionnement n’est valable que pour certaines violences sexuelles, celles qui ne toucheraient pas des personnes proches, ni des victimes et des agresseurs connus.
Dans ce système de dénégation, les crimes et les délits sexuels existent mais « pas dans notre monde, pas dans notre entourage, pas chez nous, pas dans notre famille, pas dans notre univers professionnels, pas dans nos institutions, pas chez ceux que nous côtoyons et encore moins chez ceux que nous admirons… ». Les enfants victimes y sont invisibles, leurs souffrances jamais reliées à d’éventuelles violences, et même si les enfants parlent, ils ne seront pas pris au sérieux, et les dangers qu’ils courent ne seront pas reconnus, d’autant plus si les enfants présentent une dissociation traumatique qui, en les anesthésiant émotionnellement, fait que les personnes avec lesquelles ils sont contact, ne ressentiront aucune émotion, ni empathie envers eux. Ils n’auront pas peur pour eux et considéreront qu’il n’est pas nécessaire de les protéger.
Toujours dans ce système de dénégation, les violences sexuelles existent mais seulement dans un espace social de personnes « peu civilisées, sans éducation, de malades mentaux, ou bien d’ennemis ». Or les crimes et les délits sexuels sont uniformément répandus dans tous les milieux socio-culturels sans exception, et sont le fait de proches dans la très grande majorité des cas, comme nous l’avons vu dans 94 % des cas pour les victimes mineures et de personnes de la famille dans 50% des cas (IVSEA, 2015). La famille et les institutions, d’autant plus si elles sont très hiérarchisées, peuvent être des zones de non-droits où s’exercent les pires violences,. La proximité des agresseurs avec leurs victimes, leur pouvoir et leur position d’autorité leur permet d’exercer sur elles une emprise souvent totale, et de leur imposer d’autant plus facilement le silence, et de les dissocier avec souvent des amnésies traumatiques qui peuvent durer des décennies et les empêcher de dénoncer les violences subies et de faire valoir leurs droits.
Les violences sexuelles faites aux enfants
sont des actes cruels, dégradants et inhumains
Le code pénal en définissant le viol sur des mineurs de moins de 15 ans et sur des mineurs en cas d’inceste, de handicap et en relation d’autorité comme le viol pour les adultes ne tient pas compte de la spécificité des enfants et ne protège pas les enfants les plus jeunes et les plus en situation de vulnérabilité d’actes de nature sexuelle cruels, inhumains et dégradants. C’est une faille majeur de notre code pénal qui n’a malheureusement pas été corrigé par la nouvelle loi sur les violences sexuelles et sexiste dite loi Schiappa votée le 3 aout 2018 (cf mon article Fiasco d’une loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles, juillet 2018), il n’y a toujours pas de seuil d’âge du consentement et une pénétration sur un mineur de moins de 15 ans ou en cas d’inceste de handicap ou de relation d’autorité n’est pas considérée automatiquement comme un viol, alors que plus de 80% des Français y était favorables (cf sondage Ipsos pour l’association Mémoire Traumatique et Victimologie de juin 2018).
En dessous d’un seuil d’âge et en fonction du contexte (inceste, handicap, relation d’autorité) un enfant ne saurait consentir à des relations sexuelles avec un adulte, et il ne saurait en aucun cas s’agir de sexualité.
Trop souvent la recherche des éléments destinés à caractériser viols et agressions sexuelles (l’utilisation de violence, menace, contrainte et surprise) revient à une recherche de la preuve du non-consentement de l’enfant. Cela porte atteinte à sa dignité et méconnaît son immaturité, sa vulnérabilité et sa dépendance face au monde adulte qui font qu’un enfant ne peut pas avoir comme un adulte la capacité à donner un consentement libre et éclairé, ni la capacité à s’opposer et à se défendre face à un adulte qui est forcément en rapport très inégal de pouvoir sur lui, et qui a la possibilité le manipuler aisément et de trahir sa confiance. L’enquête de victimation VIRAGE 2017 montre que les modes opératoires mentionnés le plus fréquemment par les victimes lors des viols et tentatives de viols quand il étaient mineurs « relèvent de l’abus de confiance : le fait de « profiter [du] jeune âge » est cité 7 fois sur 10, celui de « profiter de [la] confiance » est cité plus d’une fois sur deux. Cet abus de confiance est d’autant plus fréquent que la victime est jeune et que les faits se sont déroulés dans l’espace familial ou des relations avec les proches. » Et le fait de profiter de leur jeune âge est cité plus de 8 fois sur 10.
De plus par méconnaissance, cette recherche des éléments destinés à caractériser viols et agressions sexuelles (l’utilisation de violence, menace, contrainte et surprise) se fait fréquemment sans prendre en compte la gravité des traumatismes sexuels et de leurs conséquences psychotraumatiques : en effet la sidération traumatique paralyse l’enfant et l’empêche de réagir, et la dissociation traumatique, mécanisme de sauvegarde mis en place par le cerveau qui déconnecte et anesthésie émotionnellement l’enfant, le rend incapable d’exprimer sa volonté et de s’opposer, ces éléments étant interprétés à tort comme un consentement.
Et surtout cette recherche sous-entend qu’une pénétration sexuelle sur un enfant de moins de 15 ans, ou de mois de 18 ans en situation d’inceste, de handicap ou de relation d’autorité de l’adulte sur l’enfant, pourrait ne pas être un acte violent en soi qui porte atteinte à son intégrité physique et psychique contrairement à une pénétration sexuelle sur un adulte ou sur un enfant de plus de 16 ans en dehors des situations d’inceste, de handicap ou de relation d’autorité de l’adulte sur l’enfant qui, elle, peut être un rapport sexuel qui ne porte pas atteinte à son intégrité physique et psychique (il est alors légitime de rechercher si cette pénétration a pu être imposée par la violence, la menace, la contrainte et la surprise pour la qualifier de viol.
La littérature scientifique internationale qualifie de précoces les actes sexuels avant 15 ans et a démontré qu’ils sont un facteur de grande vulnérabilité pour l’enfant :
- ils sont fortement reliés à des violences sexuelles subies antérieurement et aux conduites sexuelles à risque dissociantes qui en sont une conséquence psychotraumatique fréquente (Dalhe, 2010)
- ils sont un facteur de risque pour la santé mentale et physique de l’enfant, avec des risques de grossesse précoce et d’infections sexuellement transmissibles, des risque accrus de conduites addictives et à risque, de mauvaise estime de soi, et de violences sexuelles réitérées (Lowry, 2017).
Les enfants sont impérativement à protéger, ce n’est pas à eux de se défendre c’est aux adultes de tout mettre en œuvre pour le faire. Il est donc urgent de se préoccuper des enfants, de les protéger des violences sexuelles, de soigner et rendre justice à ceux qui en ont été victimes.
Il est temps que les droits fondamentaux des personnes à ne subir aucune forme de violence soient enfin respectés, il est temps de ne laisser aucun enfant de violence sans protection, ni soins, ni justice.
Protéger les enfants victimes nécessite la volonté politique de mettre en place d’urgence des réformes ambitieuses pour améliorer la prévention des violences sexuelles, pour ne laisser aucun enfant victime de violences sexuelle sans protection, ni prise en charge médico-sociale et judiciaire de qualité avec des professionnels formés.
Ne pas offrir aux enfants victimes de violences une protection, des aides et des soins de qualité, et laisser les violences sexuelles impunies représentent une lourde perte de chance inacceptable, pour leur santé et leur avenir, et cela met les victimes en danger de subir à nouveaux des violences.
Jusque là toutes les institutions ont été défaillantes pour protéger efficacement les enfants victimes de violences sexuelles et pour prendre en compte l’ampleur et la gravité du problème humain, de santé publique, de l’atteinte aux droits fondamentaux que représentent ces violences sexuelles faites aux enfants : la perte de chance en terme de santé mentale et physique, de développement et d’avenir pour les enfants qui en sont victimes est énorme et inacceptable, l’impunité quasi totale dont bénéficient les agresseurs met tous les enfants en grand danger.
Pour sortir du déni, de la loi du silence et de l’impunité, pour lutter contre l’abandon où sont laissées les victimes, pour qu’elles soient enfin protégées et qu’elles puissent accéder à des soins et à une justice, il faut être à l’écoute, solidaire et :
- ne plus tolérer les violences sexuelles quelles qu’elles soient et mettre en place des procédures judiciaires adaptées et respectueuses des droits des victimes et de leur protection, et lutter contre l’impunité en améliorant les lois et les moyens de la justice et son accès pour les victimes (seuil d’âge du consentement, imprescriptibilité, arrêt des déqualifications, reconnaissance de l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable levant la prescription, etc. Cf le manifeste contre l’impunité et ses 8 mesures urgentes qui a été présenté le 20 octobre 2017 au secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui est co-signé par 28 associations et qui a recueilli près de 60 000 signatures) ;
- informer sans relâche sur la réalité des violences sexuelles et de leurs conséquences psychotraumatiques, faire de la prévention dès la maternelle ;
- lutter contre toutes les inégalités, les discriminations et les stéréotypes, lutter contre touselles formes de violences ;
- former tous les professionnels prenant en charge les victimes ;
- mettre en place une offre de soin adaptée et accessible à toutes les victimes (cf les 10 centres du psychotraumatisme qui vont s’ouvrir prochainement dont on avait avec la DGOS le cahier des charges, mais ce sera encore très insuffisant, il faut au moins 100 centres un dans chaque département ou par bassin de 200 000 habitants comme le recommande la convention d’Istanbul) ;
- et il est impératif de protéger les victimes et pour cela d’aller vers elles pour les identifier, et non d’attendre qu’elles viennent parler, pour cela il faut rechercher auprès de toutes les personnes si elles ont subi ou si elles subissent des violences sexuelles en leur posant régulièrement la question.
Dre Muriel Salmona
psychiatre, présidente de l’association
Mémoire Traumatique et Victimologie
Pour consulter et signer le Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels :
https://manifestecontrelimpunite.blogspot.fr
Pour lire et signer le Manifeste pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
https://manifestecontrelimpunite.blogspot.fr
Pour lire et signer le Manifeste stop aux violences faites aux enfants :
http://manifestestopvfe.blogspot.fr/
BIBLIOGRAPHIE:
Enquêtes « Cadre de vie et sécurité » CVS Insee-ONDRP, de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France – 2017 : http://www.inhesj.fr/fr/ondrp/les- publications/rapports-annuels
Enquête CSF Contexte de la sexualité en France de 2006, Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques), 445, mai 2008. http://www.ined.fr/fichier/ t_publication/1359/publi_pdf1_pop_soc445.pdf
Enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015, conduite auprès de plus de 1200 victimes de violences sexuelles par Association Mémoire Traumatique et Victimologie avec le soutien de l’UNICEF France: Salmona Laure auteure, Salmona Muriel coordinatrice, Rapport et synthèse téléchargeables sur les sites : http://stopaudeni.com et http://www.memoiretraumatique.org
Enquête VIRAGE INED et premiers résultats sur les violences sexuelles : Alice Debauche, Amandine Lebugle, Elizabeth Brown, et al. Documents de travail n° 229, 2017, 67 pages https://www.ined.fr/fr/publications/document- travail/enquete-virage-premiers-resultats-violences-sexuelles/
INFOSTATS JUSTICE, Violences sexuelles et atteintes aux mœurs : les décisions du parquet et de l’instruction, mars 2018, Bulletin d’information sta du ministère de la Justice numéro 160 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/ stat_infostat_160.pdf
INFOSTATS JUSTICE, Les condamnations pour violences sexuelles, septembre 2018, Bulletin d’information sta du ministère de la Justice numéro 164 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/ stat_infostat_164.pdf
Les publications et rapport de Véronique Le Goaziou : rapport final de la recherche "Les viols dans la chaîne pénale" 2016 consultable sur le site de l’ORDCS
Les viols en justice : une (in)justice de classe ? in Nouvelles Questions Féministes 2013/1 (vol.32)
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Williams, L. M., « Recall of childhood trauma : a prospective study of women’s memory of child sexual abuse » in Journal of consulting and clinical psychology, 1994, Vol. 62, n°6, p. 1167-1176.
Pour en savoir plus sur les violences sexuelles la culture du viol et les mythes sur le viol :
Pour télécharger l'article complet de la Dre Muriel Salmona : « Le Fiasco d’une loi censée renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles »
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https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-
Dr-MSalmona/201807-Le-fiasco-d-une-loi-censee-renforcer-la- protection-des-mineurs-contre-les-violences-sexuelles.pdf
Salmona M. La mémoire traumatique. In Kédia M, Sabouraud-Seguin A (eds.). L’aide-mémoire en psychotraumatologie. Paris : Dunod, 2008.
Salmona M. Mémoire traumatique et conduites dissociantes. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Traumas et résilience. Paris : Dunod, 2012, téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org.
Salmona M. Dissociation traumatique et troubles de la personnalité post- traumatiques. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Les troubles de la personnalité en criminologie et en victimologie. Paris : Dunod, 2013, téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org.
Salmona M. « Le viol, crime absolu » in doss. « Le traumatisme du viol », Santé Mentale, Mars 2013, n°176. téléchargeable sur le site memoiretraumatique.org.
Salmona M. Impact des violences sexuelles sur la santé des victimes in Pratique de la psychothérapie EMDR, sous la direction de Cyril Tarquinio et Al., Dunod, 2017 ; 19, pp 207-218.
Salmona M., La mémoire traumatique, violences sexuelles et psychotraumas in Dossier « Maltraitantes infantiles » des Cahiers de la justice, éditions Dalloz numéro 2018/1,2018.
Salmona M. L’amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre, Dunod, 2018 ; in Victimologie, évaluation, traitement, résilience, sous la direction de Roland Coutanceau et Claire Damiani, Dunod, 2018: pp 71-85
À lire et consulter sur la culture du viol et les violences sexuelles l’excellent blog féministe : Sexisme et Sciences humaines http://antisexisme.net et son livre et ses articles très documentés sur les : Mythes sur les viols.
À lire POUR EN FINIR AVEC LE DÉNI ET LA CULTURE DU VIOL en 12 points article de Muriel Salmona de 2016 réactualisé en 2017 sur le blog stopauxviolences.blogstop.fr : https://stopauxviolences.blogspot.fr/2017/03/ pour-en-finir-avec-le-deni-et-la.html
À lire également Le livre noir des violences sexuelles de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.et Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
En quoi connaître l’impact psychotraumatique des viols et des violences sexuelles est-il nécessaire pour mieux lutter contre le déni, la loi du silence et la culture du viol, pour mieux protéger les victimes et pour que leurs droits soient mieux respectés ? de Muriel Salmona 2016 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/2016-Necessaire- connaissance-de-limpact-psychotraumatique-chez-les-victimes-de-viols.pdf
Ces viols que les Français ne sauraient voir : ce déni alimente la honte des victimes de Laure Salmona mars 2016 : http://leplus.nouvelobs.com/ contribution/1490893-ces-viols-que-les-francais-ne-sauraient-voir-ce-deni- alimente-la-honte-des-victimes.html
JUSTICE, VOUS AVEZ DIT JUSTICE ? de Muriel Salmona, 2017 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/ v1/Articles-Dr-MSalmona/20170321-lettre_ouverte_viol_en_re%CC %81union.pdf
La victime c’est la coupable de Muriel Salmona, 2011 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/ La_victime_c_est_la_coupable_4_septembre_2011_Muriel_Salmona.pdf
Pour en savoir plus sur les violences
• Les sites de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie avec de nombreuses informations disponibles et des fiches pratiques sur les violences, leurs conséquences sur la santé, leur prise en charge, et des information sur les campagnes et les actions de l’association :
• http://www.memoiretraumatique.org • http://stopaudeni.com
• Les blogs de la Dre Muriel Salmona :
• http://stopauxviolences.blogspot.fr
• http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com avec une
bibliographie générale
• Le Livre noir des violences sexuelles, de Muriel SALMONA Paris, Dunod,
2013.
• Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel
SALMONA Paris, Dunod, 2015.
• Le rapport d’enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015 SALMONA Laure auteure, SALMONA Muriel coordinatrice Enquête de l’association Mémoire Traumatique et victimologie avec le soutien de l’UNICEF France dans le cadre de sa campagne #ENDViolence (téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http:// www.memoiretraumatique.org
• L’enquête Les français-e-s et les représentations du viol et des violences sexuelles, 2016 conduite par IPSOS pour l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, SALMONA Muriel, directrice et SALMONA Laure coordinatrice et auteure du rapport d’enquête et du dossier de presse téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http:// www.memoiretraumatique.org (3)
• De nombreux articles de la Dre Muriel Salmona, ainsi que des vidéos de formation sont consultables et téléchargeables sur le site http:// www.memoiretraumatique.org à la page http://www.memoiretraumatique.org/ publications-et-outils/articles-de-la-dre-muriel-salmona.html
• Des brochures d’information éditées par l’association, sur les conséquences des violences sur la santé à destination des adultes et des jeunes à télécharger sur le site http://www.memoiretraumatique.org et stopaudeni.com
• Des films témoignages Stop au déni-les sans voix de Catherine Zavlav, 2015 sur http://stopaudeni.com