numéro 335
Face à l’inaction des pouvoirs publics et aux tabous sociaux, la violence devient un frein pour la nation : économique (dépenses de santé, pertes de productivité, etc. pèseraient entre 1 et 4 % du PIB) et humain (morts directes et indirectes, souffrances). L’enjeu de la prise en charge des victimes de violence est déterminant. Il s’agit à la fois d’une question de santé publique — considérer, reconnaître et soigner les souffrances qui ont été imposées, subies et protéger de futures victimes — et d’une question de démocratie en marquant le refus de toutes violences et de leur reproduction comme étant la norme dans les relations entre les personnes.
Entretien avec Muriel SALMONA
Troubles psychotraumatiques
Des réactions normales face à des situations de violences anormales
Extrait
Muriel Salmona est psychiatre, spécialisée dans la prise en charge des victimes de violences. Elle a effectué des recherches sur les troubles psychotraumatiques. Auteure du « livre noir des violences sexuelles », Éd. Dunod, 2014, elle y expose leurs effets sur les personnes. Elle est présidente de l’association « mémoire traumatique et victimologie » qui lutte contre les violences et qui promeut la reconnaissance du vécu des victimes et une meilleure prise en charge.
NVA - Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les troubles psychotraumatiques ?
Muriel SALMONA - J’insiste beaucoup sur le fait que les réactions psychotraumatiques sont des réactions normales. On vit dans une société qui est très tolérante à la violence : pendant très longtemps, les personnes qui subissaient les conséquences psychiques liées à la violence étaient considérées comme trop fragiles. On considérait qu’elles n’étaient pas assez résistantes face à ces violences. C’est faux, les troubles psychotraumatiques sont une conséquence normale des violences, comme il est normal d’avoir des hématomes et des fractures après avoir reçu des coups de barre de fer.
La réaction traumatique est universelle. Toute personne qui sera soumise à une situation de violence ou de danger extrême aura une réaction traumatique. Cette réaction sera plus ou moins importante en fonction de l’intentionnalité de l’agresseur et de la mise en scène des violences et de son caractère insensé et sidérant, de l’absence de protection, de solidarité et du déni de l’entourage. Certaines violences peuvent être anticipées, et l’on peut s’armer contre elles. D’autres sortent complètement du domaine de la compréhension de l’individu, elles n’ont pas de sens pour la personne : ces violences seront alors traumatisantes. Les conséquences n’ont pas uniquement un impact psychologique ; il est aussi neurobiologique. On peut les observer aujourd’hui grâce à l’imagerie IRM et aux marqueurs biologiques. Ces atteintes touchent principalement les circuits émotionnels et de la mémoire.
Il est donc normal d’avoir des traumas et de les prendre en charge, comme il est normal de soigner une fracture ou une plaie. C’est absolument scandaleux et anormal de laisser les victimes seules, à devoir se protéger, à survivre et se débrouiller seules alors qu’elles pourraient être accompagnées et soignées. Tout comme une fracture doit être soignée, les troubles psychotraumatiques devraient l’être aussi. Le cerveau est doté d’une capacité de réparation comme le tissu osseux.
… La suite à lire dans NVA 335 ICI
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