Voici un texte co-signé par Sandrine Goldschmidt et Muriel Salmona suite aux derniers éléments de l'affaire de New York, alors qu'on l'on vient d'apprendre par l'avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, que le procureur va demander l'abandon des charges contre Dominique Strauss-Kahn à l'audience de mardi 23 août , suite à sa rencontre lundi soir avec elle.
PAS DE JUSTICE, PAS DE PAIX
Mobilisons-nous !
http://www.lapetition.be/petition.php?petid=10319
lundi 22 août 2011, 22h
« Motif des blessures. Agression. Viol . »
Ceci est un rapport médical.
Ce n'est pas un avis juridique, mais les constatations d'un médecin après avoir reçu une femme qui se dit victime de viol. Le rapport médical du 14 mai (selon ce qu'en ont dit les journaux) concernant Nafissatou Diallo, suite à sa rencontre avec Dominique Strauss-Kahn dans un hôtel de New York. La personne qui l'a reçue, habituée à accueillir des victimes d'agressions sexuelles, s'est dite convaincue d'avoir en face d'elle une femme victime de violences .
Il semblerait que ces éléments ne soient pas susceptibles de permettre d'écarter un « doute raisonnable » et empêcheraient un jury de 12 personnes d'arriver à la conclusion que Nafissatou Diallo aie bien été agressée sexuellement par l'ex directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn.
Il ne suffisent pas à lui offrir la possibilité de défendre sa plainte lors d'un procès pénal.
Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il y ait eu rapport sexuel dans la suite 2806 du Sofitel de New York. Seulement, le presque ex-accusé affirme que c'était un rapport consenti.
En revanche, le fait que son accusatrice ait menti en apprenant par cœur le récit d'un viol collectif pour pouvoir pénétrer aux Etats-Unis semble devoir instiller le doute raisonnable dans la tête des potentiels jurés de Manhattan.
Pour cette raison -la peur de perdre un procès- le procureur américain Cyrus Vance aurait décidé de laisser tomber les charges contre DSK. Ce dernier va récupérer son passeport, il pourra rentrer en France.
Aujourd'hui, on commence à lire que la plainte de Tristane Banon sera classée sans suite. Parce qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments pour accréditer la qualification juridique de « tentative de viol ».
Chaque jour, cela arrive à des plaignantes. Elles ne sont pas crues, on classe sans suite les affaires, pour « manque de preuves », quand on ne les accuse pas en retour de dénonciation calomnieuse (ce qui normalement, ne devrait plus être possible désormais). Pour cela, relire l'article « la nausée » de Muriel Salmona de l'association mémoire traumatique et victimologie et « Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce » le roman de Lola Lafon.
Chaque jour, la vie de ces victimes est épluchée, on guette leur moindre mensonge, leur moindre incohérence, pour tenter de remettre en cause leur plainte.
En face, les accusés ou mis en examen sont-ils soumis au même interrogatoire ? À la même mise en cause de leur crédibilité ? Tant mieux s'ils sont présumés innocents, mais pour faire la justice, peut-on se contenter de leur phrase : « elle était consentante » ? Ne doit-on pas aussi les interroger ? Sur comment ce consentement s'est manifesté ? Car le présumé consentement, ça n'existe pas. Et céder ce n'est pas consentir, ni désirer. Le présumé non-consentement, dans la tête des hommes lui, pourrait peut-être exister ? Est-il possible que les charges soient abandonnées et que de la présomption de crime sexuel on bascule aussi facilement dans la présomption de sexualité, comme nous le dit Annie Ferrand, sans tenir compte des traces de violences et sans que jamais on n'ait posé à DSK les questions suivantes, en écoutant si ses réponses ont un début de cohérence ?.
Qu'est-ce qui lui a permis de raisonnablement penser que ce rapport était consenti ?
Lui a-t-il demandé en sortant nu de la douche et en la trouvant là « ça te dirait que je te mette mon pénis dans la bouche et que je t'attrape violemment le vagin ? »
« Comment se sont-ils séparés ? » « la connaissait-il avant ? »
« Comment a-t-il pu penser qu'une femme de chambre 30 ans plus jeune que lui pouvait consentir à un rapport brutal et bref dans une chambre d'hôtel entre deux nettoyages de chambre ? »
Heureusement, tout espoir de justice n'est pas perdu. Parce qu'aux Etats-Unis, un procès civil peut suivre un procès pénal. Ce n'est plus le parquet qui est plaignant, c'est directement Nafissatou Diallo. Et là, DSK devrait s'expliquer. Et l'unanimité ne serait plus requise. S'il retourne aux Etats-Unis pour le procès...
Début septembre, va sortir au cinéma un film, « présumé coupable », inspiré d'une autre affaire qui a défrayé la chronique médiatique, celle d'Outreau. Un film qui raconte le calvaire d'Alain Marécaux - "l'huissier" de l'affaire d'Outreau - arrêté en 2001 ainsi que sa femme et 12 autres personnes pour d'horribles actes de pédophilies qu'ils n'ont jamais commis. Le résumé indique : « C'est l'histoire de la descente en enfer d'un homme innocent face à un système judiciaire incroyablement injuste et inhumain, l'histoire de sa vie et de celle de ses proches broyée par une des plus importantes erreurs judiciaires de notre époque. »
Quels que soient les doutes qui subsistent sur cette affaire, les enfants d'Outreau ont bel et bien été victimes des pires sévices sexuels, la justice l'a reconnu. Le film ne s'intéresse qu'à l'erreur judiciaire, et semble ainsi agiter le chiffon rouge en disant : attention en dénonçant les crimes sexuels que subissent les enfants, en prenant en compte leur parole, on enferme des hommes innocents.
Et c'est bien ce que les tenants du système de domination s'évertuent à faire, en matière de crimes sexuels : tenter, par tous les moyens, d'étouffer les voix qui s'élèvent pour les victimes.
Mais quelle que soit l'image qui sera véhiculée, dans la réalité ou dans la fiction, ces voix ne mourront pas. Nous continuerons à entendre la parole des victimes, à la porter sur le devant de la scène, à demander à la justice de les protéger, à la société de leur offrir les soins dont elles ont besoin. C'est une question d'humanité, de dignité, de santé publique, une condition de notre avenir.
Mobilisons-nous !
PAS DE JUSTICE , PAS DE PAIX !
Sandrine Goldschmidt, journaliste et militante féministe, http://sandrine70.wordpress.com/
Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, http://memoiretraumatique.org/
Vous pouvez apporter votre soutien à ce texte en envoyant un mail à :
et en signant la pétition :
8 commentaires:
Merci pour ce texte.
une énorme colère
un énorme dégout
où puiser encore
l'envie d'avancer ?
partagée entre passivité
pour ne plus rien sentire
larmes pour se laver
et résignation
Merci poue votre voix
qui refuse de se taire
pour toutes celles
qui n'ont plus l'énergieb de crier
Sauf que... sauf que... sauf que nous ne sommes pas tous juristes, et que le droit n'est pas une matière simple.
Pour le coup, je ne sais vraiment pas qui croire depuis le début de cette affaire dont le seul fait avéré semble être la relation sexuelle.
Et quand on lit le rapport qui demande le classement sans suite, on comprend que la crédibilité de la plaignante pose REELLEMENT problème...
http://www.nycourts.gov/whatsnew/pdf/dsk_motion_to_dismiss.pdf
Je vous en recommande la lecture, ça parle de faits justement et
ça ne se résume pas au "fait que son accusatrice ait menti en apprenant par cœur le récit d'un viol collectif pour pouvoir pénétrer aux Etats-Unis "...
Cela étant, comme vous le signalez à juste titre, cela n'innocente pas DSK, procès civil à suivre, et d'ici là, nombre de nos politiques français vont rater moult occasions de la fermer...
"Pas de justice, pas de paix" , voila une affirmation bien définitive et totalement fausse historiquement parlant.
de paix intérieure
ça va sans dire...
Bonjour,
Merci pour ce beau texte. Vous dénoncez à juste titre l'asymétrie scandaleuse qui existe entre les hommes et les femmes, mais pourquoi avoir omis de mentionner que DSK a lui-même menti, puisqu'il a d'abord prétendu qu'il ne se trouvait pas dans sa suite au moment où Mme Diallo y est entrée pour travailler ?
De la part d'une femme victime d'agression sexuelle, merci du fond du cœur pour votre aide et votre investissement.
Extrait de mon témoignage :
Exploitation Sexuelle dans une relation de soins :
"Quelques lignes pour vous décrire mon expérience d’abus sexuel, d’agression sexuelle par un professionnel de la santé. Il y a quelques années une telle exploitation sexuelle m’aurait semblée improbable. J’ai été victime de la manipulation de ce thérapeute.
J’espère que ce récit vous aidera à mieux comprendre le caractère insidieux de telles agressions commises par certains professionnels de la santé dans un cadre où la patiente est vulnérable, confiante face à son thérapeute qui a le pouvoir et l’autorité. Pourtant, tout professionnel de la santé doit agir dans le respect et l’intérêt de sa patiente
(...).
Que m’a-t-il fait ce jour là ? Une attitude inattendue de la part de ce professionnel de la santé. Un effet de surprise pour moi, une incompréhension de la situation, une confusion sur l’interprétation de ses gestes (...).
Je considère néanmoins ses gestes comme des actes thérapeutiques (...)
Je ne perçois pas sa manipulation (...). Malheureusement il profitera de mon besoin de réconfort pour sexualiser cette relation (...).
Ses discours paradoxaux créent chez moi une confusion croissante, une incompréhension de la situation (...). J’ignore les lois, l’éthique, la déontologie (...).
il a profité de ma vulnérabilité pour obtenir de moi des faveurs sexuelles qu’il n’aurait pu obtenir dans aucun autre contexte (...)
Abus de Confiance, Abus de Pouvoir, Abus d’Autorité, Agression Sexuelle, Exploitation Sexuelle dans une relation de soins : Une Manipulation qui a permis à ce kinésithérapeute d’abuser de moi sexuellement, si insidieusement."
L'INTEGRALITE DE CE TEMOIGNAGE SUR :
http://revasquebec.blogspot.com/2011/08/exploitation-sexuelle-dans-une-relation_28.html
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