lundi 29 novembre 2021

Actualisation du Manifeste et la pétition POUR UNE IMPRESCRIPTIBILITÉ DES CRIMES SEXUELS

 



Manifeste et sa pétition

Pour une imprescriptibilté des crimes sexuels 


Actualisation 

Avec la récente affaire Hulot, la question de la prescription revient dans les débats, plus que jamais elle apparait comme injuste et cruelle pour les victimes. 



#StopPrescription  #Imprescriptibilité



À tous nos signataires (vous êtes plus de 66 700 à avoir signé la pétition) un grand merci pour votre soutien dans ce combat pour supprimer une prescription particulièrement injuste, cruelle et discriminatoire pour les victimes de crimes sexuels et de délits sexuels aggravés.


Cette prescription en assurant une impunité aux prédateurs sexuels met en danger de nombreuses personnes, en très grande majorité des filles et des femmes et des personnes vulnérables : enfants, personnes en situation de handicap.


Nous avons obtenu avec les lois Schiappa en 2018 et Billon de maigres victoires sur la prescription avec une prolongation à 30 ans après la majorité pour les seuls crimes sexuels sur mineurs (les délits sexuels aggravés restent prescrits 20 ans après la majorité) et une prescription glissante pour les crimes et délits sexuels en série sur les mineurs : le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par un acte ou une décision de procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.


Malgré notre campagne #StopPrescription, malgré l’impressionnante vague #metooinceste qui a déferlé après la parution du livre de Camille Kouchner début janvier 2021, malgré le fait le garde des Seaux Eric Dupont Moretti et le secrétaire d’État chargé à l’enfance et aux familles Adrien Taquet, à la demande du président de la République ont été chargés de nous auditionner et de présenter des pistes pour changer la loi afin d’améliorer la lutte contre l’impunité des violences sexuelles concernant la mise en place d’un seuil d’âge du non-consentement et la prescription, malgré des propositions de lois au Sénat et à l’Assemblée Nationale dont certaines ont été votées en première lecture, l’imprescriptibilité des crimes sexuels et la levée de prescription en cas d’amnésie traumatique pour obstacle majeur ont été rejetées avec toujours les mêmes arguments dont un nouveau particulièrement indécent, à savoir :


  • la difficulté de prouver l’infraction qui risquerait de ne pas permettre d’instruire les plaintes ce qui décevrait les victimes alors que pour les faits non prescrits cet argument sert déjà à classer sans suite plus de 70% des plaintes pour viols sans que la justice ne s’émeuve dans ces cas de décevoir les victimes ;

  • Le fait que l’imprescriptibilité pourrait considérée comme inconstitutionnelle, alors que la mission sur la prescription en 2017 a bien spécifié que rien ne s’opposait constitutionnellement à une suppression de la prescription ;

  • le fait que l’imprescriptibilité soit réservée aux seuls crimes contre l’humanité, nous ne voyons pas en quoi cela affaiblirait la portée de ces crimes qui ne pas définis uniquement par leur imprescriptibilité, de très nombreux pays ont rendu les crimes de guerre imprescriptibles contrairement à la France, le droit pénal anglo-saxon ne prescrit pas les crimes les plus graves, et de plus en plus de pays ont voté l’imprescriptibilité pour des crimes sexuels sur mineurs  nous ne voyons pas en quoi cela affaiblirait la portée de ces crimes ;

  • et comme dernier argument, l’argument inacceptable et fallacieux que le garde des Sceaux a avancé pour balayer l’imprescriptibilité sous prétexte que la prescription, qui acte pour les victimes la perte du droit de poursuivre leur agresseur, serait bénéfique pour les victimes en les incitant à porter plainte avant le couperet de la date de prescription

Avec la récente affaire Hulot, la question de la prescription revient dans les débats, plus que jamais elle apparait comme injuste et cruelle pour les victimes. 


Tous les témoignages de victimes montre à quel point tout s’oppose à ce qu’elles puissent dénoncer ces violences, il leur faut un temps considérable pour arriver à porter plainte. La difficulté à identifier et nommer ces violences, la dépendance, la peur de ne pas être crues d’autant plus si l’agresseur est connu et puissant, la honte et la culpabilité, les menaces et l’emprise, la gravité des traumatismes, l'amnésie traumatique présente chez 40% d'entre elles (souvent pendant des dizaines d’années) font que moins de 10% portent plainte. Il est alors souvent trop tard, les faits sont prescrits. La prescription est d’autant plus injuste que pour la très grande majorité des victimes rien n’a jamais été fait pour dépister les violences qu’elles ont subies, les secourir, les soutenir, les protéger, les soigner, les informer et leur rendre justice.


Pourtant l’enjeu est de protéger toutes les victimes de violences sexuelles, (d’autant plus quand ce sont les plus vulnérables comme les enfants et les personnes en situation de handicap), de leur rendre justice et de lutter plus efficacement contre l’impunité de ces crimes (moins de 1% des viols sont jugés en cour d’assise). Le droit international les assimile à de la torture, et oblige les états à les prévenir et à en punir les auteurs. La Cour européenne des droits de l’homme qualifie les violences sexuelles faites aux enfants d’actes cruels, dégradants et inhumains, le droit international de torture, et le Conseil de l’Europe exhorte tous les États européens à en faire une lutte prioritaire, et à rendre ces crimes imprescriptibles dans sa résolution 2330 votée le 26 juin 2020 


Cette impunité doit être combattue en se donnant les moyens politiques pour le faire, l’imprescriptibilité en est un majeur ainsi que la levée de prescription pour obstacle majeure en cas d’amnésie traumatique.

Les victimes de crimes et délits sexuels sont fréquemment atteintes d’amnésie traumatique, particulièrement dans l’enfance. Ce symptôme psychotraumatique lié à un mécanisme de sauvegarde mis en place par leur cerveau pour survivre et qui peut durer des dizaines d’années met, pendant toute la durée de cette amnésie, les victimes dans l’incapacité de dénoncer les crimes qu’elles ont subis et de poursuivre en justice leur agresseur. Quand les souvenirs reviennent et qu’elles sont enfin en état de porter plainte, il est alors souvent trop tard, les délais de prescription pouvant être dépassés. 


Si les viols ou les agressions sexuelles sont prescrits quand la victime a retrouvé ses souvenirs et a pu enfin produire un récit cohérent de ce qu’elle a vécu pour pouvoir porter plainte, l’amnésie traumatique devrait être reconnue comme un obstacle majeur suspendant la prescription pour permettre à la victime d’exercer ses droits à d déclencher une action publique : Art. 9-3. « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription » (la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale,).


L’argument que l’on nous renvoie pour ne pas reconnaître l’amnésie traumatique comme obstacle insurmontable dans loi, repose d’après le gouvernement serait qu’il existe des controverses sur ce symptôme traumatique. 


Pourtant les amnésies traumatiques dissociations ont été très bien documentées depuis des décennies par la recherche scientifique, elles font partie des symptômes qui entrent dans la définition de l’Etat de Stress Post-Traumatique dans le DSM-5 de 2015 (dernière édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’APA, American Psychiatric Association) et la CIM 11 de 2018 (dernière édition de la classification internationale des troubles mentaux de l’OMS, Organisation mondiale de la santé). Ce sont des conséquences psychotraumatiques fréquentes des violences.

Les connaissances scientifiques sur l’amnésie traumatique doivent être prises en compte. Ne pas la reconnaître comme un obstacle insurmontable permettant de lever la prescription et justifiant l’imprescriptibilité entraîne une inégalité de traitement pour ces victimes les privant d’un accès à leur droit fondamental de réclamer justice pour les crimes sexuels qu’elles ont subis, de déclencher des poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, et d’en demander réparation.


La prescription est donc particulièrement injuste pour ces victimes de crimes sexuels présentant une amnésie traumatique qui peuvent durer 20, 30, voire plus de 40 ans, elles ne peuvent en aucun cas être tenues pour responsables de ne pas avoir porter plainte dans les délais, elles étaient en incapacité de le faire en raison des conséquences psyhotraumatiques des graves atteintes physiques et mentales qu’elles ont subies et qui les ont privées de leurs souvenirs. 


De plus, cette amnésie traumatique a été d’autant plus longue qu’elles ont été abandonnées sans protection, ni prise en charge, ni soins spécifiques, du fait des manquements de l’État à ses obligations. Enfin, ces victimes privées de leurs droits , des femmes en très grande majorité sont victimes de discrimination (puisque les violences sexuelles dans l’enfance concernent dans 80% des filles et sont commises dans plus de 90% par des hommes) : la prescription des crimes sexuels est donc discriminatoire puisqu’elle porte donc atteinte de façon disproportionnée à l’accès au droit d’accès à la justice pénale à des femmes, qui plus est mineures. L’État peut être poursuivi pour cette discrimination indirecte.


Les délais de prescription sont donc particulièrement injustes pour les victimes de violences sexuelles non seulement en raison de l’ampleur de ces graves violation des droits humains, de leur lourdes atteintes à la dignité et à l’intégrité physique et mentale des victimes, et des conséquences très lourdes à long terme sur leur santé, leur vie, ainsi que des répercussions sur leurs proches et la société toute entière, mais également en raison de leurs cratères sexistes et discriminatoires.


Plus que jamais faisons entendre nos voix pour obtenir une imprescriptibilité des crimes et délits sexuels aggravés et une levée de prescription en cas d'amnésie traumatique ! Merci de diffuser et de partager cette pétition:


POUR UNE IMPRESCRIPTIBILITÉ DES CRIMES SEXUELShttps://www.mesopinions.com/petition/justice/imprescriptibilite-crimes-sexuels/25896

 

Dre Muriel Salmona, psychiatre, psychotraumatologue

Présidente et fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie

Membre du Comité scientifique de la Chaire Internationale Mukwege

Auteure du Livre noir des violences sexuelles paru chez Dunod, 2ème édition 2018



Pour en savoir plus sur l’amnésie traumatique et sur les violences sexuelles, des articles téléchargeables sur le site de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie : https://www.memoiretraumatique.org

Manifeste de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie contre l'impunité des crimes sexuels et sa pétition à signer +++

 

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