dimanche 26 mars 2017

POUR EN FINIR AVEC LE DÉNI ET LA CULTURE DU VIOL en 12 points artcle de Muriel Salmona de 2016 réactualisé en 2017



POUR EN FINIR AVEC 
LE DÉNI ET LA CULTURE DU VIOL 
en 12 points



Crédit : Intérieur, Edgar Degas, www.philamuseum.org.



Dre Muriel Salmona, psychiatre et psychotraumatologue, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
janvier 2016 réactualisé en mars 2017


Pour bien trop de personnes encore, qu’elles soient ou non des professionnelles susceptibles de prendre en charge des victimes, il y a un véritable refus à penser les violences sexuelles, à en reconnaître la réalité et les conséquences, mais également à les entendre lorsqu'elles sont révélées. Imposer le silence aux victimes, les culpabiliser leur permet de se débarrasser très facilement du problème : plus besoin de remettre en cause l’opinion favorable qu’elles peuvent avoir des personnes désignées comme agresseurs, et du monde dans lequel elles pensent vivre en sécurité. Le refus d’intégrer que de telles violences aient lieu dans des espaces que ces personnes veulent continuer à penser comme protecteurs et fiables, le sentiment d’horreur face à des crimes et des délits qui les rendent impensables et inconcevables, la peur des conséquences d'une dénonciation des violences, font que par angoisse, lâcheté, colonisation par le discours agresseur ou complicité, tout sera mis en place pour dénier les violences. Et c’est comme cela que la grande majorité des victimes se retrouvent abandonnées à leur sort et à leurs souffrances, sans protection ni réconfort, et souvent maltraitées, et que la quasi totalité des agresseurs bénéficient d’une impunité.

De fait, nous sommes dans une société où le déni du viol - « et si ce n’était pas un viol ? » - la mise en cause de la victime - « et si la victime n’en était pas une ? » - et   la méconnaissance des mécanismes psychotraumatiques qui permettraient de comprendre les réactions et les souffrances des victimes - sont encore très répandus, trop de personnes diffusent des idées fausses qui nuisent gravement aux victimes et garantissent l’impunité aux agresseurs. Ce système organisant le déni et la mise en cause des victimes, on le nomme « culture du viol ». Cette culture du viol colonise les esprits et édicte qu’il y a de "bonnes" et de "mauvaises" victimes, aux "bons" ou "mauvais" comportements, et qui correspondent à de "vrais" ou de "faux" viols. En générant un manque cruel de solidarité et d’empathie envers les victimes, cette mise en cause des victimes leur nuit gravement et les renvoient au silence et à la solitude.

Les résultats de l’enquête "Les Français et les représentations sur le viol et les violences sexuelles" conduite par IPSOS à la demande de notre association Mémoire Traumatique et Victimologie et rendus publics le 2 mars 2016, ont choqué les médias et l’opinion publique, en révélant à quel point les fausses idées sur les viols, les stéréotypes sexistes et la culture du viol ont la vie dure et sont répandus ! Il paraît incroyable, qu’en 2016 les Français-e-s soient :
  • 40% à penser qu’une attitude provocante de la victime en public, atténue la responsabilité du violeur, et que si elle se défend vraiment elle peut le faire fuir ;
  • - 30%, qu’une tenue sexy excuse en partie le violeur ;
  • - plus des 2/3 à adhérer au mythe d’une sexualité masculine pulsionnelle et difficile à contrôler, et d’une sexualité féminine passive ;
  • - et plus de 20% à considérer que des femmes aiment être forcées et ne savent pas ce qu’elles veulent, etc.

La culture du viol se définit comme l’adhésion d’une société à de nombreux mythes sur le viol. Ces mythes sur le viol sont analysés de façon très complète  dans  le blog féministe d’Antisexisme. Elle nous rappelle que Lonsway et Fitzgerald (1994) ont défini les mythes sur le viol comme étant des : « Attitudes et croyances généralement fausses, mais répandues et persistantes, permettant de nier et de justifier l’agression sexuelle masculine contre les femmes » mais c’est valable pour toutes les victimes : femmes et hommes, adultes et enfants. Et on peut regrouper ces attitudes et croyances en trois grandes catégories :
  1. « Il ne s’est rien produit » : un certain nombre de mythes promeuvent l’idée que les femmes accusent souvent les hommes à tort de viol.
  2. « Elle était en fait consentante, elle l’a voulu ou elle a aimé ça » : il s’est bien passé quelque chose mais ce n’est pas de la violence sexuelle, c’est de la sexualité consentie. Ce sont les mythes particulièrement pervers qui prétendent qu’une femme qui dit « non » pense « oui » ; que la violence est sexuellement excitante pour les femmes ; que la victime aurait pu et su résister si elle n’était pas consentante.
  3. &« Elle l’a bien mérité, elle est responsable de ce qui s’est passé » : ce sont les mythes comme « Elle était habillée de manière trop sexy » ou « Elle marchait seule la nuit », et c’est elle qui a provoqué la violence qui s’est abattue sur elle, violence qu’elle aurait pu éviter si elle s’était protégée.`

Dans un univers où la très grande majorité des victimes des violences sexuelles - 83 % dans notre enquête (enquête IVSEA, 2015) - n’ont jamais été ni protégées, ni reconnues, le peu de victimes qui révèlent ce qu’elles ont subi courent le risque d’être mises en cause et maltraitées. Dans un retournement pervers, le projecteur est braqué avant tout sur les victimes au lieu de l’être sur les agresseurs. Nous assistons à des raisonnements organisant un déni généralisé des violences sexuelles.

Les propositions « oui, le viol et les agressions sexuelles existent, tout comme les incestes et la pédocriminalité ; oui, c’est grave pour les victimes ; oui, les violeurs, les incestueurs, les pédocriminels doivent être fermement condamnés », font consensus, quasiment personne ne les remet en question, mais elles ne sont valables que pour certaines violences sexuelles, celles qui ne toucheraient pas des personnes proches, ni des victimes et des agresseurs connus. 

Dans ce système de dénégation, les crimes et les délits sexuels existent mais « pas dans notre monde, pas dans notre entourage, pas chez nous, pas dans notre famille, pas dans nos couples, pas dans notre univers professionnels, pas dans nos institutions, pas chez ceux que nous côtoyons et encore moins chez ceux que nous admirons… ». Les violences sexuelles existent mais seulement dans un espace social de personnes «peu civilisées, sans éducation, de malades mentaux, ou bien d’ennemis». Or les crimes et les délits sexuels sont uniformément répandus dans tous les milieux socio-culturels sans exception, et sont le fait de proches le plus souvent, dans 90 % des cas pour les victimes adultes (ONDRP 2014), dans plus de 90 % des cas pour les victimes mineures (enquête IVSEA, 2015).


I Pour en finir avec le mythe du «vrai viol».

Le mythe du « vrai viol » qui a lieu dans une ruelle sombre ou un parking sous la menace d’une arme ou de violences physiques, par un homme inconnu sur une jeune femme séduisante est particulièrement tenace. Pourtant, comme le montrent toutes les études de victimation (ce sont des enquêtes qui consistent à interroger un échantillon de personnes représentatif de la population que l’on cherche à étudier), ce n’est pas dans la rue en rentrant d’une soirée qu’une femme est le plus en danger d’être violée, c’est quand elle est enfant, chez elle, dans sa famille, à l’école, dans le cadre de ses activités parascolaires, dans les institutions de soins, ou quand elle est adulte dans son couple, avec un partenaire, une connaissance, ou au travail. L’agresseur est presque toujours connu de la victime et du fait de la stratégie de contrainte de l’agresseur, nombre de viols se font sans violence physique autre que le viol lui-même sur des personnes qui ne sont pas en mesure de s’opposer, ni de se défendre (ENVEFF, 2000 ; INSEE-ONDRP, 2010 - 2015).

Avec ce mythe du « vrai viol » la grande majorité des viols sont escamotés, les viols sans violence physique, ni menace. Seule la moitié des viols sont commis avec violence, et seulement 12 % sous la menace d’une arme (CFCV, 2003). Comme nous venons de le voir, ce sont les viols par des proches qui sont de loin les plus fréquents, dans 80 % des cas pour les adultes et 94 % des cas pour les enfants, ils sont commis par des membres de la famille pour plus de 50 % des violences sexuelles commises sur les enfants, et par des partenaires pour près de 50 % des violences sexuelles commises sur les adultes (enquête IVSEA, 2015). Les viols se produisent le plus souvent au domicile de la victime, à son travail (65 %), dans son école ou dans une institution et 50 % se produisent de jour (Zucker, 2005, CFCV, 2003). De même, ne sont pas identifiés comme des « vrais viols » ceux commis sur des enfants alors qu’ils sont les plus fréquents (59 % des viols et des tentatives de viols commis sur les femmes le sont avant 18 ans, 67% pour les hommes, CSF, 2008), sur des personnes considérées comme pas assez séduisantes, des personnes handicapées (qui subissent quatre fois plus de viols), des hommes, et ceux commis par des pénétrations autres que vaginales, c’est-à-dire orales ou anales, et pas seulement avec un pénis mais avec des doigts, ou des objets.

Nul n’est pourtant censé ignorer la loi qui, depuis 1980, définit le viol par l’article 222-23 du code pénal comme : « Tout acte de pénétration de quelque nature que ce soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », auquel s’ajoute le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir un viol de la part d'un tiers.

Cela n’empêche pas des personnalités publiques comme le journaliste Ivan Levaï de déclarer à l’antenne en 2011 à propos de l’affaire DSK : « Un viol, c’est avec un couteau ou un pistolet », ou une intellectuelle comme Catherine Millet de dire : « Tant qu’un homme n’est pas muni d’une arme, d’un couteau ou d’un revolver, une femme peut toujours se défendre »…



II Pour en finir avec : «il ne s’est rien produit» 

La grande majorité des violences sexuelles sont ignorées et les victimes sont soumises à une loi du silence qui les rend invisibles, considérées comme des menteuses, des folles, ou bien comme des séductrices capables, par leurs conduites provocantes, de pervertir des personnes bien sous tout rapport. De toute façon dans ce système, tout sera de leur faute.

Pour maintenir ce déni, il faut donc faire disparaître les victimes, ce qui a l’avantage de faire disparaître les violences et les agresseurs et de restaurer son monde idéalisé : « circulez, il n’y a rien à voir ! ». Soit tout a été inventé, soit, si la réalité des actes sexuels ne peut pas être niée, ce ne sont pas des violences. Pour cela il suffit de les maquiller et de les transformer en sexualité, amour, soins, jeux, etc. D’où le foisonnement de théories pour dire combien les enfants et les femmes peuvent mentir ou présenter des pathologies pouvant les pousser à raconter n’importe quoi : fausses allégations, syndrome d’aliénation parentale, faux souvenirs, troubles mentaux comme l’hystérie, les psychoses, les démences, les troubles de la personnalité, etc. Cela aboutit souvent, comme nous le verrons, à une situation particulièrement perverse et cruelle, où pour décrédibiliser les victimes, on leur tient rigueur de symptômes ou de comportements qui relèvent des conséquences psychotraumatiques de ce qu’elles ont subi, qui en sont des preuves médicales, et que l’on détourne.  Le monde à l’envers…

Pourtant dans ce monde «idéal», les chiffres sur les violences sexuelles sont effarants : Sur les personnes de 18 à 69 ans interrogées par l’enquête Contexte de la Sexualité en France en 2008, 20,4 % des femmes, soit une femme sur 5, et 6,8 % des hommes âgé-e-s, soit un homme sur 14, rapportent avoir été victimes d’agressions sexuelles durant leur vie. Et 16 % des femmes rapportent des viols et des tentatives de viols (avec respectivement 6,8 % de viols et 9,1 % de tentatives de viols) dont 59 % avant 18 ans, et 5 % des hommes (avec respectivement 1,5 % de viols et 3,0 % de tentatives de viols) dont 67 % avant 18 ans. Dans cette enquête, les violences sexuelles touchent également toutes les catégories sociales, avec des chiffres un peu plus élevés pour les catégories supérieures.

Et chaque année, 102 000 personnes adultes de 18 à 75 ans - 84 000 femmes et 16 000 hommes - sont victimes d’un viol ou d’une tentative de viol en France métropolitaine. Ces derniers chiffres proviennent des données collectées annuellement par les enquêtes Cadre de vie et sécurité et sont rapportés par La lettre n°4, n° 6 et n°8 de 2014 et 2015 de de l’Observatoire national des violences faites aux femmes (CVS, INSEE-ONDRP, 2013).

Grâce à l’enquête CSF de 2008, nous savons, qu’en France, la majorité des viols et des tentatives de viols sont commises avant l’âge de 18 ans : 59 % pour les femmes et 67 % pour les hommes. Si l’on tente de croiser ces données avec celles de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on obtient les chiffres impressionnants suivants : plus de 120 000 filles et plus de 30 000 garçons de moins de 18 ans seraient victimes d’un viol ou d’une tentative de viol chaque année, ce qui, en extrapolant, porterait le chiffre global de victimes de moins de 75 ans à près de 260 000 chaque année.

Et ces chiffres sont sous-estimés : il manque les territoires d’Outre-Mer DOM-COM où les violences sexuelles seraient plus fréquentes encore (la prochaine enquête VIRAGE qui reprend l’enquête ENVEFF en tiendra compte), et toutes les personnes qui ne sont pas interrogées dans ces enquêtes : personnes de pls de 75 ans, personnes marginalisées et en situation de grande précarité sans abri, sans-papier, en institutions, en foyers, etc.

De fait, dans le cadre des plaintes pour viols - 10 % seulement des viols font l’objet de plaintes, et pour les viols conjugaux moins de 2 % (INSEE - ONDRP, 2010 - 2015) - les rares crimes sexuels qui entraînent une condamnation aux assises (entre 1,5 à 2 % de l’ensemble des viols subis, en 2014 765 hommes et 6 femmes ont été condamnés pour viol sur des personnes de plus de 15 ans, ONDRP) sont majoritairement ceux qui ont été commis par des personnes issues d’une classe sociale défavorisée, comme l’a montré l’étude sociologique de Véronique Le Gaouziou faite en 2011. Pour les autres, la parole de la victime, son comportement, ses capacités mentales vont être mises en cause pour aboutir à : « la victime c'est la coupable !… » pour paraphraser le slogan totalitaire du roman d’Orwell «1984» : « La guerre c'est la paix, la liberté c'est l'esclavage, l'ignorance c'est la force ».

III Pour en finir avec la culpabilisation de la victime 

 Dans ce système où règne la culture du viol, si la victime ne s'est pas défendue, n'a pas crié parce qu’elle était paralysée, c'est qu'elle était consentante. Si la victime n'est pas capable de se rappeler précisément la date, l'heure, la configuration des lieux (ce qui est habituel lors des traumas), c'est qu'elle ment. Si la victime n'a pas parlé aussitôt parce qu'elle était menacée, par peur de ne pas être crue ou d'être rejetée, par honte, pour protéger sa famille ou parce qu'elle était trop dissociée, incapable de réaliser ce qui lui était arrivé, c'est qu'elle invente. Si la victime, qui était sous emprise, a continué à voir ou à vivre avec l'agresseur, c'est bien la preuve qu'elle voulait ces actes sexuels et qu’elle aimait ça. Si la victime est un enfant, une personne handicapée ou malade mentale, sa parole n'a pas de valeur. Si la victime est une personne prostituée ou considérée comme de « mauvaise vie », elle n'a pas pu être violée, elle était forcément consentante. Si la victime était séduisante, « trop court-vêtue », « trop décolletée », c'est elle qui a provoqué le viol, elle l’a bien cherché. Si la victime est âgée ou si elle est considérée comme trop moche ou trop grosse, elle n'a pas pu être violée, personne n'a pu « vouloir d'elle ». 

La victime de viol serait donc toujours coupable ! Par bétise, méchanceté, vengeance ou vénalité, pour se rendre intéressante, parce qu'elle n'assume pas d’avoir eu des rapports sexuels ?… Et les rares victimes de viol qui arrivent à porter plainte seraient très majoritairement des menteuses et ceux ou celles qu'elles accusent des innocents ? Où sont -ils alors tous les violeurs responsables des chiffres effarants de viols chaque année : 84000 femmes adultes et 124 000 mineures, 16 000 hommes adultes et 30 000 mineurs soit  256 000 (INSEE-ONDRP, 2014 - 2012 et CSF, 2008) ? Cela n'inquiète personne ? Comment se fait-il que personne n’ait peur à ce point pour toutes les nouvelles victimes à venir qui, statistiquement, pourraient être des personnes de leur entourage ?

Et même si l’agression ou le viol sont avérés, et que la victime ne peut pas être considérée comme menteuse, elle est malgré tout fautive : de s'être exposée, d'avoir provoqué, de l'avoir cherché, d'être celle par qui le scandale arrive, d'être celle qui détruit tout, qui n'est pas capable de se relever, de tourner la page, de pardonner, d'aller mieux… 

Qu'elle soit reconnue ou non comme victime de viol, pour ses détracteurs elle est de toute façon porteuse d'une faute morale. Cela justifie l’absence cruelle de solidarité envers elle, et toutes les maltraitances et l'abandon qu’elle subit, elle ne vaut pas grand-chose… Tout ce système est efficace pour imposer le silence aux victimes qui n'ont d'autre solution que de s'autocensurer pour ne pas être exclues !

Et c’est ainsi que les droits des victimes de violences sexuelles sont bafoués et qu’elles subissent des injustices en cascade, injustice d'être des victimes de crimes et de délits, injustice d’une non-reconnaissance, d’un entourage qui ne veut ni voir, ni savoir, ni entendre, ni dénoncer ce qu'elles subissent dans l'intimité d'une famille, d'un couple, d'une relation ou dans l'espace clos d'un travail, d'une institution, injustice désespérante de voir des agresseurs bénéficier le plus souvent d'une impunité totale, injustice d'être celles qui se retrouvent condamnées à souffrir, à se battre et à devoir se justifier sans cesse, à supporter mépris, critiques et jugements, à entendre des discours moralisateurs et culpabilisants pour des symptômes que personne ne pense à relier aux violences, injustice d’être considérées comme responsables de leur victimisation et de leur propre malheur et injustice d’être abandonnées sans réconfort ni soin.


IV Pour en finir avec «ce sont des affaires privées», «c’est culturel», «les hommes c’est comme ça»

Bien sur que les violences sexuelles, y compris si elles s’exercent dans la sphère privée, comme la famille, le couple, les communautés ou les entreprises, concernent la puissance publique, la société tout entière, et donc chaque citoyen. Ce sont des crimes et délits qui tombent sous le coup de la loi. Sphère privée ne signifie en aucun cas zone de non-droit, la loi s’applique à tous et en tous lieux.

La liberté que chacun revendique pour gérer comme il l’entend sa vie familiale, son couple et sa sexualité ne peut pas justifier une atteinte aux droits et à la sécurité d’autrui. La liberté de chacun est soumise à des limites, elle s'arrête là où commencent la liberté et les droits d'autrui. Le droit, y compris le droit international des droits humains, prévoit des restrictions de droits et surtout de libertés. Il en est ainsi de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La liberté n'a de sens que dans un monde juste où l'égalité de droits de chacun est respectée, sans discrimination. La liberté suppose le respect de la loi et elle doit être la liberté de tous, des forts aussi bien que de ceux qui sont en position de vulnérabilité : liberté, loi et égalité sont indissociablement liées. Si tel n'est pas le cas, on aboutit « à la liberté du renard libre dans le poulailler libre… ». Et nous pouvons reprendre la phrase célèbre de Lacordaire « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » (Lacordaire, 1848).

De même, l’argument « les gens font ce qu’ils veulent chez eux, cela ne nous regarde pas » pour justifier l’absence d’intervention ne tient pas, et ne dispense pas d’une obligation d’assistance à personne en danger, de dénonciation de crimes et de signalement d’enfant en danger comme l’impose la loi.

Aucun lien, qu’il soit familial, conjugal, communautaire ou religieux, aucun contrat de travail, aucun contrat tacite, aucune situation de dépendance ou de privation de liberté, pour quelque raison que ce soit (éducative, amoureuse, soins, sécurité, économique, d’État…), ne donne le droit d’exercer des violences, ni d’échapper à la loi et au respect des droits de chaque être humain. Les droits des personnes sont universels et ne souffrent pas d’exception. Le corps des enfants n’appartient pas aux parents, ni aux institutions qui s’en occupent, le corps des femmes n’appartient pas à leur conjoint ou partenaire, le corps des personnes prostituées n’appartient pas à leur client ou à leur proxénète, le corps des patients n’appartient pas aux soignants, etc.

Pourtant, pendant longtemps, les violences sexuelles au sein de la famille et du couple étaient censées être du domaine du privé et ne pas concerner qui que soit d’extérieur : « on fait ce qu’on veut chez soi et entre-soi ».

De même la culture d’origine, les traditions, l’appartenance religieuse ou ethnique pouvaient servir de justification à de nombreux comportements qui portent atteinte aux droits des personnes comme les mariages forcés ou précoces, les mutilations sexuelles féminines, sous le prétexte que c’était comme ça et que cela avait toujours été comme cela.

Mais encore aujourd’hui un certain relativisme culturel permet de considérer que des violences n’en sont pas, puisque dans ce contexte elles sont normalisées, voire même qu’elles sont nécessaires pour la cohésion du groupe. C’est le cas pour la prostitution qui est présentée comme le plus vieux métier du monde, comme permettant à certaines femmes d’échapper à la pauvreté et à la précarité, et à toutes les autres d’éviter d’être violées. De plus, la prostitution, suivant ces mythes, sortirait de leur misère sexuelle de pauvres hommes esseulés ou des personnes handicapées. Pourtant rien n’est plus faux : l’argent de la prostitution ne profite pas aux personnes prostituées, les viols ne sont pas dus à de prétendus manques sexuels, les clients en grande majorité sont en couple ou ont des relations sexuelles en dehors de la prostitution, les personnes handicapées ont d’autres recours pour accéder à une sexualité faite de désirs réciproques, et quand bien même ce serait le cas, cela ne justifierait en aucun cas la violence et l’atteinte à leur dignité que subissent les personnes prostituées (Legardinier, 2006 ; Ekman K. E., 2013).

Ce relativisme culturel, parfois empreint de racisme et presque toujours de sexisme et de misogynie ne reconnaît pas l’universalité des droits des personnes à ne subir aucune atteinte à leur intégrité psychique et physique. Il ne reconnaît également pas l’universalité de la définition de la violence (définie par l’OMS en 2012 comme «la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre autrui qui entraîne ou risque d’entraîner un traumatisme ou un décès, des dommages psychologiques, un mal-développement ou des privations»), et l’universalité de ses conséquences traumatiques à court, moyen et long termes (état de stress post-traumatique avec ses troubles anxieux, mnésiques sous formes de souvenirs intrusifs, de flash-back et de cauchemars, et ses troubles dissociatifs). 

Dans cette optique, l’impact traumatique de certains comportements serait culturel, c’est-à-dire qu’ils n’entraîneraient des traumas que si une société les considère comme anormaux. En d’autres termes, il suffirait qu’ils soient tolérés pour qu’il n’y ait plus de conséquences psychotraumatiques, c’est d’ailleurs le discours de ceux qui défendent la « pédophilie » si mal nommée, mais également le discours de certaines personnalités pour qui le viol pourrait n’avoir aucune conséquence si les féministes arrêtaient de trouver cela horrible. C’est faux, les violences sexuelles et leurs impacts traumatiques sont universels. Ce qui change, c’est la reconnaissance de leur réalité et de leur gravité, et donc à la fois l’importance du déni des atteintes à l’intégrité de certaines catégories de personnes au sein de certaines cultures et traditions, et le silence imposé aux victimes qui sont condamnées à survivre avec des mécanismes de sauvegarde très coûteux comme la dissociation, mais suffisamment peu visibles et peu lisibles pour ne pas être trop gênants. Les victimes dissociées sont bien pratiques, comme elles sont anesthésiées émotionnellement et physiquement, il est facile de dire que les violences n’ont pas d’impact sur elles (alors que celui-ci est encore plus important), qu’elles y sont habituées, qu’elles peuvent sans problème les supporter, voir même qu’elles sont faites pour cela, c’est aussi ce qui se passe dans le cadre de la prostitution.

De plus, ce relativisme culturel, traditionnel mais également social sert à dédouaner des hommes au comportement machiste sous prétexte que leurs origines ou leur appartenance à certaines classes sociales privilégiées (hommes blancs, artistes, élites intellectuelles, politiciens, magnats de la finance, sportifs de haut niveau, etc.) les rendraient plus enclins à être « des grands consommateurs de femmes, jeunes de préférence » et à harceler sexuellement… : « Ils sont comme ça… c’est leur culture, leurs traditions, leurs privilèges…, ce sont des personnes importantes, ils ont bien le droit de se servir, de s’amuser… c’est de la séduction à la française… ! ». Et ces comportements de domination sexiste, ces droits d’accés aux corps des femmes, n’ont pas à être remis en cause, cela fait partie d’un certain folklore qui suscite une grande tolérance, un amusement complice, voire même une fascination, on peut en plaisanter… sur le dos des victimes dont presque personne ne se soucie !

Nous l’avons vu en 2011, lors de l’accusation de viol portée par Nafissatou Diallo, femme de ménage d’un hôtel new-yorkais, mettant en cause Dominique Strauss-Kahn : le réflexe de classe a fonctionné à plein régime pour minimiser ce qui n’aurait été qu’un « troussage de domestique » comme a pu le dire Jean-François Kahn, fondateur du magazine Marianne, interviewé sur France Culture. Christine Delphy en a fait un livre éponyme qui compile les écrits féministes en réaction au concert de propos de la classe politico-médiatique (Delphy, 2011).

Une étude de l’Organisation des Nations Unies conduite sur 10 000 hommes vivant en Asie et dans le Pacifique en 2013 démontre parfaitement cette banalisation du viol et ce privilège de violer revendiqué par certains hommes. Alors que 24 % des hommes interrogés reconnaissent avoir violé au moins une fois une femme dans leur vie, la première raison que 75 % d’entre eux invoquent pour l’avoir fait, est qu’ils estimaient que c’était leur dû, et qu’ils avaient droit à une relation sexuelle avec une femme, peu importait si elle était consentante ou non. La deuxième raison que 58 % d’entre eux rapportent, est qu’ils voulaient s’amuser, le viol était pour eux un divertissement pour les sortir de leur désœuvrement. Ensuite viennent comme raisons : la volonté de se venger et de punir pour 37 % d’entre eux, et l’alcool pour 27 % d’entre eux (ONU, 2013 ; Jeweks R., 2013).

Rappelons que la Convention du Conseil de l’Europe dite Convention d’Istanbul applicable depuis 2014, énonce clairement qu’aucune personne « ne pourra valablement invoquer ce qu’elle perçoit comme un élément de sa culture, de sa religion ou toute autre raison personnelle pour justifier la commission de ce qui constitue en réalité un élément d’une infraction pénale, à savoir la violence à l’égard des femmes et des enfants ».


V Pour en finir avec «je le connais, ce n’est pas possible, il n’a jamais pu faire ça» et la prétendue fréquence des  fausses allégations


Très souvent l’agresseur désigné, d’autant plus s’il est connu, bien inséré, d’un bon niveau socio-professionnel et intellectuel, s’il est considéré considéré comme quelqu’un d’important et s’il rend de nombreux services à la communauté, bénéficie spontanément d’un mouvement pour le défendre et d’une solidarité de classe. Il est forcément innocent de ce crime sexuel et victime d’une accusation injuste : « je le connais, ça ne lui ressemble pas, il n’est pas capable de faire une chose pareille » ; « il a toutes les femmes qu’il veut, pourquoi irait-il en violer une ? » ; « ça n’existe pas chez nous ! ».

Cette réaction s’appuie sur des idées fausses : sur le fait que les viols n’existent justement pas dans ce milieu, mais également que les femmes, les enfants qui se disent victimes de viol mentent fréquemment, et qu’il y a un nombre important de fausses allégations. Ce mythe est tenace, nombreuses sont les personnes qui disent connaître une personne qui a été accusée à tort. Des rationalisations viennent alors alimenter ces idées fausses : les femmes mentent par vengeance, pour de l’argent, parce qu’elles ont honte d’avoir « fauté », les filles mentent parce qu’elles sont manipulées par leur mère lorsque les violences sexuelles sont révélées lors d’une séparation (syndrome d’aliénation parentale), ou bien manipulées par des psychothérapeutes (faux souvenirs).

Pourtant les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares : une étude aux USA de 2010 très documentée les estime à moins de 6 %, et une autre de Rumney en 2006 les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évaluent à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant (Lisak, 2010 ; Rumney P. 2006, Trocmé N., 2005). Et pourquoi au nom de ce petit nombre de personnes qui font des fausses accusations faudrait-il soupçonner toutes les autres et être indifférent à ce qu’elles ont subi ? Les violences sexuelles sont les seuls crimes ou délits pour lesquels on soupçonne a priori la personne qui s’en déclare victime.

L’assertion de départ étant le plus souvent « il est forcément innocent » et non présumé innocent, la victime est donc automatiquement soupçonnée et mise en question. Et quand bien même le rapport sexuel est prouvé, comme nous l’avons vu, tout est bon pour dire qu’il ne s’agit pas d’un vrai viol mais d’une relation consentie.


VI Pour en finir avec : «Pourquoi n’a-t-elle pas dit non, n’a-t-elle pas crié, ne s’est-elle pas défendue, n’a-t-elle pas fui ? N’était-elle pas consentante ?»


Et bien non, si une personne n’a rien dit, ne s’est pas opposée explicitement, n’a pas crié, ne s’est pas débattue, n’a pas bougé, cela ne signifie pas qu’elle a consenti à un acte ou un comportement sexuel, ni qu’elle ment en dénonçant une agression sexuelle ou un viol ! Bien au contraire, plus l’agresseur est terrorisant et inquiétant, plus la violence est extrême ou la situation est insensée, plus la victime sera paralysée par une sidération psychique qui est un phénomène normal et universel en cas de violences. C’est le caractère inconcevable et terrifiant de ce que subit la victime qui produit cet état de sidération, cela peut être aussi bien lié à la violence physique, aux menaces, qu’à la violence psychologique, ou au caractère totalement incongru, impensable et déplacé des actes sexuels, même si ceux-ci sont commis avec « douceur ».

Pourquoi ces fausses croyances sont-elles aussi tenaces ? Au mieux, les personnes qui y souscrivent manquent d’imagination, de mémoire (car la sidération est une expérience que tout un chacun vit fréquemment, ne serait-ce que face à des propos intolérables d’un interlocuteur qui peuvent nous choquer tellement qu’ils nous sidèrent et nous laissent sans-voix et sans réaction appropriée) et d’information sur la sidération et la dissociation traumatiques lors de violences, au pire, elles adhèrent au déni de la réalité des viols et aux stéréotypes sexistes, en sont complices et projettent la culpabilité sur la victime.

Le minimum serait déjà de se représenter le risque encouru par la victime face à un violeur armé ou non qui menace sa vie, à un violeur dont la détermination criminelle et la haine en font un individu extrêmement dangereux (les victimes décrivent presque toutes un regard de tueur qui les a tétanisées), à un violeur qui les nie, les chosifie, les méprise, les humilie et veut jouir de leur détresse. Oublie-t-on que lors d’un braquage, d’un cambriolage, la première recommandation est de ne surtout rien tenter, de se soumettre et d’obéir en raison des risques graves encourus ?

Faudrait-il, pour laver une victime de viol de tout soupçon de consentement et de complicité, qu’elle soit grièvement blessée ou morte ? Les stéréotypes catastrophiques ont la vie bien dure…

Ensuite, les sceptiques pourraient réfléchir à ce qui se passe dans la tête du violeur plutôt que de se focaliser sur la victime et sur ce qu’elle a fait ou pas fait. Ils pourraient se rendre compte qu’il s’agit d’un prédateur qui, très rarement, agit de façon impulsive, mais qui, tel un chasseur, prémédite, organise sa traque, affûte ses stratégies pour choisir sa victime, pour l’isoler, la contraindre et assurer son impunité, et attend son heure pour que les meilleures conditions soient réunies. Les scénarios qu’il imagine font déjà partie de sa jouissance perverse. Et dans ses stratégies, il va élaborer des plans pour faire en sorte que la victime ne puisse pas crier, ni se débattre ou fuir, et que personne ne puisse venir la secourir. S’il connaît la victime (c’est le cas dans plus de 80 % des viols), il va organiser son impunité en lui imposant le silence, en la manipulant, en l’embrouillant, en faisant en sorte de créer chez elle des doutes et un sentiment de culpabilité et de honte.


VII Pour en finir avec «si elle n’a pas porté plainte plus tôt ou si elle est restée si longtemps avec lui c’est bien la preuve qu’elle n’a pas été violée».

Une victime violée ou agressée sexuellement est censée partir, fuir son agresseur, parler et porter plainte aussitôt. Si elle reste en contact avec son agresseur après les violences sexuelles, c’est donc qu’elle le voulait bien. Penser cela, c’est encore une fois être très injuste pour les victimes de violences et faire l’impasse sur la réalité de ce qu’elles vivent, la gravité des menaces, des pressions et des manipulations qui pèsent sur elles, sur les nombreuses stratégies des agresseurs qui organisent leur impunité et qui imposent leur présence indécente aux victimes, et sur l’impact traumatique qu’elles subissent et qui les piège également. 

Comme presque toujours, le focus est mis sur la victime, et c’est à elle qu’on demande des comptes, la sommant d’expliquer pourquoi elle est restée en contact avec un agresseur qui l’a violée ou agressée, pourquoi elle est revenue avec lui, pourquoi elle n’a rien dit pendant si longtemps, ni porté plainte plus tôt.

Bien sûr qu’une personne qui vient de subir un viol et une agression sexuelle n’a qu’une idée, échapper à l’agresseur, ne plus le revoir, et qu’elle souhaite avant tout être entendue, crue, reconnue, protégée, entourée, rassurée, aidée, réconfortée, soignée, bien sûr qu’elle veut obtenir justice, mais encore faudrait-il que ce soit possible, et quand on sait que ce sont plus de 83 % des victimes de violences sexuelles qui n’ont jamais été protégées, ni reconnues, nous sommes loin du compte ! Et il est particulièrement cruel de faire peser sur elle des soupçons parce qu’elles n’ont pas pu échapper à leurs agresseurs.

Dans un monde à l’endroit, les victimes devraient être immédiatement protégées des agresseurs et ceux-ci empêchés d’entrer en contact avec elle. Dans notre réalité, c’est très loin d’être le cas, même si la victime trouve la force d’alerter ses proches, de dénoncer les violences et l’agresseur, il est très rare que sa sécurité soit assurée, les agresseurs bénéficient pour la plupart d’une totale impunité et peuvent rester tranquilles là où ils sont. Hormis les rares cas de violences sexuelles commises par une personne que la victime n’a jamais vue (20 % pour les femmes adultes et 6 % pour les mineurs) et que la victime est assurée de ne jamais revoir (ce qui est rare, sauf en cas de décès de l’agresseur ou à moins d’être à l’autre bout du monde, et encore, on ne peut jamais être sûr que l’agresseur ne retrouvera pas la victime), et les cas encore plus rares où l’agresseur est immédiatement arrêté et emprisonné, la victime doit vivre avec le risque de revoir l’agresseur ou doit composer avec sa présence. Or être en présence de l’agresseur, non seulement terrifie la victime mais réactive sa mémoire traumatique et lui fait revivre les pires moment des violences, c’est une torture.

La victime, qui dans 90% des cas connaît son agresseur, n’a que rarement la possibilité de lui échapper, d’autant plus si elle est un enfant ou une personne en situation de vulnérabilité, et que l’agresseur fait partie de sa famille. Pour ne plus être en contact, il faudrait que la victime quitte ses lieux de vie, déménage, démissionne, perde tous ses contacts, son travail. Elle est souvent contrainte de le faire à ses dépens car c’est souvent impossible sans se mettre en danger et en situation de grande précarité.

Il faut également prendre en compte les menaces et les contraintes physiques des agresseurs qui, en permanence, contrôlent, séquestrent, privent d’argent et de papiers les victimes. Ils organisent ainsi des dépendances financières et économiques qui gardent les victimes à leur merci. De même, il ne faut pas oublier que lors de violences intra-familiales et conjugales, la présence de violences sexuelles est un fort indice de dangerosité, et que parler ou partir fait souvent courir aux victimes le risque d’être encore plus violentées, voir d’être tuées (beaucoup d’homicide conjugaux sont commis après une séparation). Les menaces peuvent concerner également d’autres membres de la famille, des amis ou bien des animaux de compagnie et les agresseurs s’assurent qu’elles soient prises très au sérieux et soient un frein puissant à toute tentative de fuite. Souvent, les fuites des enfants sont qualifiées de fugues et sont banalisées, les professionnels ne cherchant pas à savoir ce que vit l’enfant chez lui, pour prendre le risque énorme de partir de son domicile et se retrouver seul et sans abri.

Et deux autres raisons empêchent les victimes de partir en dehors des stratégies de l’agresseur et des risques que cela comporte : la dissociation traumatique et la mémoire traumatique.

Tout d’abord la dissociation traumatique. Tant que la victime reste en contact avec son ou ses agresseurs, le danger et la sidération persistent ainsi que le stress extrême, et le mécanisme de sauvegarde neurobiologie continue d’être enclenché produisant chez la victime un état de dissociation traumatique chronique. Cet état, nous l’avons vu, déconnecte la victime de ses émotions, l’anesthésie et l’empêche d’identifier et de prendre la mesure de ce qu’elle subit, les faits les plus graves semblent si irréels qu’ils perdent toute consistance et paraissent n’avoir jamais existé (amnésie dissociative). Et comme la victime ne ressent ni les émotions, ni les douleurs provoquées par les violences, elle les banalise et les tolère d’autant plus : « ce n’est pas si grave puisque je supporte ». L’absence de réactions et de dénonciation des proches achèvent de les piéger dans cette banalisation émotionnelle.

De plus la dissociation est une véritable hémorragie psychique qui vide la victime de tous ses désirs, et qui annihile sa volonté. Elle se sent vide, perdue, elle ne se reconnaît plus, elle est comme un pantin ou un zombie, comme morte (Lanius, 2010 ; Van der Hart, 2010). De ce fait, il lui est très difficile de se projeter dans un autre espace, dans une autre vie, elle s’en sent incapable. Cet état facilite grandement l’emprise par l’agresseur qui en profite pour coloniser sans rencontrer de résistance le psychisme de la victime et la réduire en esclavage.

Ensuite la mémoire traumatique des violences scelle plus encore cette emprise : lors des violences, la disjonction empêche la mémoire émotionnelle, sensorielle et cénesthésique d’être intégrée par l’hippocampe, cette mémoire reste donc bloquée dans l’amygdale cérébrale, hors temps, hors toute possibilité d’analyse et de tri. Elle est indifférenciée comme un magma qui contient, mélangés, à la fois le vécu et les ressentis de la victime (terreur, détresse, désespoir, nausées, dégoût, douleurs, odeurs, etc.), les violences et leur contexte, et les paroles et les émotions de l’agresseur ou des agresseurs (cris, injures, phrases assassines, haine, mépris, excitation perverse, manipulations), ainsi que ceux d’autres victimes et des témoins s’il y en a.

Cette mémoire traumatique se charge de plus en plus lors des épisodes de disjonction qui peuvent durer de quelques minutes à des mois, voire des années si les violences se répètent en continu. Et, telle une bombe à retardement, aussitôt que la victime n’est momentanément plus en état de dissociation (par exemple si l’agresseur est absent, si elle est avec une personne protectrice, ou si une violence encore plus extrême dépasse les capacités de disjonction), elle explose et envahit l’espace psychique de la victime en lui faisant revivre ce qui a été enregistré de façon indifférenciée, à l’identique. La victime ressent alors la terreur et les douleurs avec une acuité intolérable, la dissociation n’étant plus là pour les atténuer, mais elle ressent également la haine et le mépris de l’agresseur, ses paroles et ses mises en scène culpabilisatrices et méprisantes « tout est de ta faute, tu l’as bien mérité, c’est bien fait pour toi, tu ne vaux rien, tu n’es bonne qu’à ça, etc. ». Mais comme elle ne peut pas identifier ces propos comme ceux de l’agresseur, elle va le plus souvent les considérer comme sa propre production puisqu’ils sont là, dans sa tête. Cela explique la culpabilité, la honte et la haine d’elle-même que ressent la victime, culpabilité et mépris qui ne proviennent pas d’elle-même mais des paroles et des mises en scène de l’agresseur (Salmona, 2013). 

La victime, dès qu’elle n’est pas avec l’agresseur, se retrouve envahie par les violences et les réactions émotionnelles liées à celles-ci, avec ce discours intérieur qui l’attaque et la disqualifie en permanence et qu’elle pense être le sien. La victime se pense coupable, folle, incapable, débile, elle a honte d’elle-même, ce qui rend toute prise de conscience de ses droits et toute fuite extrêmement difficile à envisager. Les seuls moments où elle pourrait récupérer, organiser sa défense et sa fuite, se transforment en enfer, la mémoire traumatique lui faisant revivre la terreur et la détresse ressenties lors des violences, ce qui la plonge dans une très grande souffrance. 

Comment dans ces conditions, la victime peut-elle échapper à l’emprise de l’agresseur, comment peut-elle envisager son autonomie ? Elle est sans cesse sous son contrôle même quand il n’est pas là ! Et si elle réussit à se sauver et trouver un refuge où elle est en sécurité, elle sortira alors de sa dissociation, mais elle sera envahie par la mémoire traumatique de toutes les violences qu’elle a subies. Au lieu d’être plus sereine, elle ressentira une détresse intolérable et subira des attaques intra-psychiques qui la culpabiliseront et lui renverront une image de soi catastrophique. Il y a alors un grand risque qu’elle retourne avec son agresseur qui en ayant le pouvoir de la dissocier aussitôt va l’anesthésier ; elle pourra croire qu’elle l’a dans la peau et ne peut se passer de lui, alors que c’est dans son amygdale cérébrale qu’elle l’a, la structure qui contient la mémoire traumatique. 

Ce comportement, en apparence paradoxal, est un processus psychotraumatique habituel qui aurait pu être traité par des psychothérapeutes formés, ou tout au moins expliqué ce qui aurait permis à la victime d’anticiper et de contrôler ces sentiments et émotions contradictoires. 

Cette oscillation entre dissociation traumatique et mémoire traumatique explique pourquoi la victime est souvent condamnée à rester sous l’emprise de l’agresseur, si celui-ci reste en contact régulier ou permanent avec elle. Tant que ce contact existe, la victime aura les plus grandes difficultés à identifier les violences et à réaliser leur gravité, à reconnaître ses droits et à pouvoir se défendre, parler des violences sera très difficile et porter plainte encore plus.



VIII Pour en finir avec la méconnaissance des mécanismes psychotraumatiques : sidération, dissociation traumatique qui porte préjudice aux victimes

La méconnaissance des symptômes psychotraumatiques explique que les victimes restent le plus souvent incomprises, et participe largement aux idées fausses les concernant. Pire, elles sont mises en cause pour des réactions et des comportements qui sont des conséquences psychotraumatiques normales des les violences sexuelles (McFarlane, 2010). 

De plus cette coupable ignorance est responsable d’une disqualification de la parole des victimes dans le cadre des procédures policières et judiciaires, puisque des réactions normales dues au traumatisme comme la sidération, la mémoire traumatique ou la dissociation mettront en cause leur crédibilité.
La sidération

Contrairement au commun des mortels, et malheureusement de bien des professionnels censés prendre en charge les victimes, l’agresseur connaît bien l’état de sidération qui paralyse la victime, c’est ce qu’il cherche à obtenir. Ce serait donc peu demander que tout le monde s’informe sur les conséquences et les mécanismes psychotraumatiques des violences, qui sont parfaitement connues et décrites depuis plus de 30 ans, et que tous les professionnels au contact des victimes soient formés, cela éviterait pour les victimes beaucoup de questions injustifiées, empreintes des pires soupçons : « Pourquoi vous n’avez pas dit non ? Pourquoi vous n’avez pas crié ? Pourquoi vous ne vous êtes pas débattue ? Pourquoi vous n’avez pas fui ?.

Car le viol crée avec le choc traumatique, une effraction psychique, et balaie toutes les représentations mentales, toutes les certitudes, le cortex se retrouve en panne. Il est dans l'incapacité d'analyser la situation et d'y réagir de façon adaptée. La victime est comme pétrifiée, elle ne peut pas crier, ni parler, ni organiser de façon rationnelle sa défense.

Pour sidérer une victime, il faut :
  • soit la terroriser par la soudaineté et la brutalité de l’agression, la réduire à l’impuissance par des menaces de mort, par des violences physiques et par une volonté de destruction inexorable ;
  • soit la paralyser par le non-sens, le caractère incongru, incompréhensible, impensable de l’agression et de sa mise en scène, qui est alors impossible à intégrer, comme dans les situations de viols incestueux et de viols commis par des adultes dans le cadre de leurs fonctions de responsabilité et d’autorité pour les enfants et les adolescents (parents, enseignants, éducateurs, responsables sportifs, religieux, soignants, etc.) ou dans le cadre de relations de confiance où la sécurité devrait normalement être assurée (amis, conjoint, médecins, kinésithérapeutes, collègues de travail, employeurs, policiers, etc.).
Les violences les plus sidérantes sont celles qui sont les plus "folles", celles qui n'ont aucun sens par rapport au contexte, aucun sens par rapport à la victime, par rapport à son histoire, à ce qu'elle a fait ou pas, à ce qu'elle a dit ou pas. Les violences sexuelles en font partie. Ces violences impensables n’ont rien à voir avec la victime, ce sont des violences qui viennent d'une autre scène, celle de l'agresseur ! Ce dernier impose à la victime de jouer de force un rôle, dans un scénario inconnu d'elle, incompréhensible, qui n'appartient qu'à l'agresseur et qu'il met en scène pour son propre compte.

Une patiente, violée sous la menace d’un couteau par un inconnu entré par effraction dans sa chambre d’hôtel, me rapportait qu’au bout de quelques minutes, alors qu’elle commençait à sortir de son état de sidération et cherchait autour d’elle un objet pour tenter d’assommer l’agresseur, celui-ci s’en étant rendu compte, il avait suffi à ce dernier de murmurer "je t’aime" et "tu aimes ça, hein ?", pour qu’elle retombe dans son état de sidération.

Des expériences effectuées par des scientifiques américains ont permis de mettre en évidence cette paralysie corticale sur des IRM encéphaliques fonctionnelles qu’ils ont faites à chaque fois à deux vétérans de la guerre du Vietnam, l’un présentant des troubles psychotraumatiques importants, et l’autre n'en ayant pas. Ces IRM fonctionnelles permettent de visualiser les zones du cerveau qui s'activent (Bremner JD, 2003).

Lors de l'examen, les chercheurs font écouter simultanément aux deux vétérans un enregistrement commençant par un récit neutre, puis soudain suivi d’un récit d’une scène de guerre violente. Le récit de guerre entraîne une réponse émotionnelle chez les deux personnes.

On voit sur l’IRM du vétéran qui n'a pas de troubles psychotraumatiques, de nombreuses zones corticales s'activer pour répondre au stress déclenché par le récit ce qui lui permet d'analyser la situation (il ne s'agit que d'un récit) et de moduler la réponse émotionnelle, il développe un discours intérieur qui lui permet de se calmer. En revanche, sur l'IRM du vétéran traumatisé, on constate une absence d'activité des zones corticales concernant les prises de décision (le cortex frontal ne se colore pas) et une hyperactivation de la zone émotionnelle (amygdale cérébrale), le vétéran est sidéré, comme lors de son traumatisme initial, il ne pourra pas calmer la réponse émotionnelle que le récit a déclenchée, il risque de faire une attaque de panique ou de se dissocier.

Cette sidération recherchée par l’agresseur, est à l’origine de tous les troubles psychotraumatiques dont il va pouvoir bénéficier, en particulier d’une dissociation et d’une mémoire traumatique.

Avec cette sidération, le cortex en panne ne peut pas contrôler la réponse émotionnelle, qui continue de monter en puissance. L'organisme se retrouve rapidement en état de stress extrême avec des sécrétions de plus en plus importantes d'hormones de stress, adrénaline et cortisol qui deviennent rapidement toxiques pour le système cardio-vasculaire et le cerveau et représentent un risque vital pour l'organisme (Shin, 2006 ; Rauch, 2006). Pour y échapper, le cerveau (comme lors d'un survoltage dans un circuit électrique) va faire disjoncter le circuit responsable du stress, ce qui va avoir pour effet d'éteindre la réponse émotionnelle, mais aussi de déconnecter les fibres qui informent le cortex des émotions, entraînant une anesthésie émotionnelle et une analgésie : les émotions et les douleurs sont là, elles sont bien présentes mais elles ne peuvent pas être ressenties, ni intégrées, ni exprimées, ni partagées comme telles (Yehuda, 2007). Cela entraîne chez la victime un sentiment d’être déconnectée du monde extérieur, de son corps, de ses émotions ; ce qui crée une sensation d’irréalité, de dépersonnalisation, de vide, et d’être spectateur des événements (Salmona M., 2008, 2012),.

La dissociation traumatique.

La victime se retrouve comme gelée, déconnectée de ses émotions, de ses douleurs, dans l’impossibilité d’y réagir. Cela entraîne une sorte de pseudo-tolérance, et empêche d’autant plus la victime de se protéger et d’avoir des réactions de défense adaptées. La victime se retrouve comme un pantin, livrée totalement à son agresseur qui peut faire ce qu’il veut. L’agresseur a alors la possibilité d’assurer son contrôle et son emprise et d’imposer facilement son scénario culpabilisant (c’est de ta faute, tu m’as cherché, tu mérites ce que je t’ai fait, tu aimes ça…) ou mystificateur (c’est parce que je t’aime, c’est normal, ce n’est pas grave…). Il peut même parvenir à lui faire jouer un rôle actif, à la faire participer aux violences, à lui imposer des comportements qui seront ensuite des sources de culpabilisation et de honte pour elle, et qui pourront lui être reprochés ensuite. 
L’agresseur ne sera pas gêné par ses neurones miroirs et par l’empathie automatique qu’ils génèrent face aux émotions d’autrui, puisque la victime dissociée ne peut donner aucune émotion à lire si ce n’est un sentiment de vide et de détachement. Cette dissociation de sauvegarde permet à la victime de survivre mais elle est dangereuse : la victime restant sans réaction face aux pires violences tandis que l’agresseur pourra commettre les pires sévices sans entrave émotionnelle. De plus, cette absence de réaction et ces sentiments d’irréalité aggravent les doutes et les sentiments de culpabilité chez la victime et l’empêchent d’identifier la réalité de ce qu’elle a subi, de dénoncer l’agresseur, de revendiquer ses droits et de se reconnaître comme victime.

Ces phénomènes de sidération psychique et de dissociation traumatique servent de prétexte par nombre de proches et de professionnels pour mettre en cause les victimes et considérer qu’elles étaient consentante, alors qu’il s’agit de symptômes psychotraumatiques qui sont pathognomoniques de la gravité des violences subies !

Au total, soutenu par tous les stéréotypes sur les violences sexuelles et la méconnaissance des phénomènes de sidération et de dissociation, l’agresseur a tout intérêt à invoquer le consentement de la victime pour assurer son impunité.

IX Pour en finir avec «céder c’est consentir» 

Céder n’est pas consentir, de nombreuses contraintes physiques, morales ou économiques peuvent permettent à une personne d’imposer des actes ou des comportements sexuels à une autre personne qui ne les veux pas, et qui les subira sans dire mot, ni s’opposer. 

La loi ne définit pas le viol ou l’agression sexuelle par rapport aux actes et paroles de la victime mais uniquement par rapport aux agissements de l’agresseur. L’infraction d’agression sexuelle ou de viol est constituée si l’agresseur a usé de violence, contrainte (qui peut être physique ou morale), menace ou surprise pour atteindre son but, pour mettre la victime dans l’impossibilité de manifester sa réelle volonté et lui imposer (c’est-à-dire l’obliger à faire ou à subir) des actes sexuels. C’est bien là, la lettre de la loi pénale :
Article 222-22 « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».
Article 222-23 « Tout acte de pénétration, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».

La loi reconnaît une contrainte morale invalidant l’absence de manifestation de non-consentement de la part de la victime, ou le consentement lui-même, si celui-ci est vicié du fait de la vulnérabilité de la victime et de l’emprise qu’exerce l’agresseur sur celle-ci.

Aujourd’hui la loi pénale est claire. Peu importe le passé de la victime, l’infraction est constituée exclusivement en fonction des stratégies mises en œuvre par l’agresseur pour atteindre son objectif « quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage » (loi pénale). Celui-ci ne peut donc plus se défendre en disant qu’il a légitimement pu croire au consentement de la victime du fait de ces relations.

C’est bien le cas, quand un homme adulte ose dire qu’un enfant était consentant alors qu’il a tout mis en place pour le manipuler ; quand un homme de soixante ans ose dire qu’une toute jeune fille était consentante alors qu’il a usé de son autorité pour faire pression sur elle ; quand un psychiatre ose dire qu’une patiente était consentante lors des consultations alors qu’il abuse de ses fonctions et de la vulnérabilité de sa victime qu’il connaît bien ; quand un client, un supérieur hiérarchique ose dire qu’une employée était consentante alors qu’il profite de sa situation de dépendance professionnelle et financière ; quand des hommes osent dire qu’une femme ou une adolescente était consentante à des actes sexuels en réunion, dans une cave, à même la terre ; quand un homme ose dire que sa femme était consentante après une scène de violences…

La violence sexuelle est analysée sous l'angle de la sexualité, du désir ou de la pulsion, alors qu'il s'agit de violence, de volonté de détruire, d’instrumentaliser et de soumettre. C’est la haine ou la toute puissance qui sont érotisées (Dworkin, 2007). On n’enquête pas sur la stratégie de l'agresseur, sa préméditation, ni sur l’existence d’autres victimes. Le droit n'est pas pris en compte : la victime avait le droit de s'habiller en mini-jupe, de prendre un pot avec un homme, de boire, de faire confiance a priori, etc. En revanche, l'agresseur n'avait absolument pas le droit de lui imposer des actes sexuels, et il le savait…

Le consentement à une relation sexuelle doit être libre et éclairé, et la volonté de la personne ne doit pas être abolie, entravée ou forcée. Une relation sexuelle ne s’extorque pas.

Avoir une relation sexuelle avec une personne qui a trop bu, qui est droguée ou inconsciente, et donc dans l’incapacité de donner son consentement, de s’opposer et de réaliser ce qui se passe, c’est un viol.

Les stratégies de « séduction » qui utilisent la pression et qui acculent une personne à céder à des demandes de nature sexuelle par un chantage affectif : « tu ne peux pas me faire ça, regarde dans quel état tu m’as mis… », ou par une mise en scène de dette, en contrepartie d’un dîner au restaurant, d’une aide, d’un service, d’un travail, d’un logement, d’une protection « tu ne peux pas me refuser ça avec tout ce que j’ai fait pour toi… », sont des violences sexuelles.

De même, les stratégies utilisant la surprise, la tromperie, avec des mises en scène éducatives, de jeux, ou de soins, et qui profitent de la méconnaissance de la victime et de sa confiance.

Avec le mythe du « vrai viol », la méconnaissance de la définition du viol et des agressions sexuelles, et les mises en scène de « séduction » forcée ou de dette obligée, les victimes ne peuvent pas s’y retrouver, et de ce fait, parce qu’on peut appeler un « déni imposé », nombre d’entre elles considèrent que ce qu’elles ont subi n’est pas une violence sexuelle. Elles se retrouvent alors avec un mal-être, des souffrances et des symptômes psychotraumatiques qu’elles ne peuvent pas relier au trauma grave qu’elles ont subi, puisqu’elles ne peuvent pas l’identifier comme tel, et elles se considèrent comme anormales, incapables de bien aller, responsables de leur propre malheur.

Parallèlement les agresseurs sont dédouanés de toute culpabilité, ils se sont servis et personne ne vient leur demander des comptes sur la gravité de leurs actes et des conséquences sur la santé des victimes. Ils peuvent donc continuer tranquillement à se servir au gré de leur envie, à considérer qu’ils ont bien le droit d’instrumentaliser le corps d’autrui pour leur unique plaisir, de le faire souffrir et de le souiller, d’humilier et de porter atteinte à la dignité d’une personne, sous couvert de sexualité tout est « permis », peu importe ce que veut la victime, sa souffrance et les conséquences qu’il est pratique d’ignorer.

Un consentement doit être libre, éclairé et encadré par le respect des droits de la personne

Le consentement, non seulement ne doit pas être extorqué sous la violence, la menace, la contrainte physique et morale ou la surprise comme le stipule la loi française, mais il doit « être donné volontairement, comme résultat de la libre volonté de la personne, évaluée dans le contexte des circonstances pertinentes », c’est-à-dire qu’il doit être exprimé clairement et provenir de la volonté d’une personne libre, éclairée et ayant toutes ses compétences intellectuelles, affectives et émotionnelles pour le donner, et toutes les connaissances pour en connaître les implications, comme l’exige la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dite Convention d’Istanbul, ratifiée par la France, applicable et contraignante depuis le 1er août 2014. Cette Convention rappelle que la notion de consentement doit être étudiée en fonction du contexte, de l’état de la personne et de l’impact psychotraumatique qu’elle présente, ainsi qu’en fonction de la contrainte morale exercée par l’agresseur sur elle. Ces éléments doivent être pris en compte lors des procédures d’enquête et considérées comme des indices : « Une évaluation contextuelle des preuves afin de déterminer, au cas par cas, si la victime a consenti à l’acte sexuel accompli. Une telle évaluation doit tenir compte de toute la série de réactions comportementales à la violence sexuelle et au viol que la victime peut adopter et ne doit pas se fonder sur des hypothèses relatives au comportement typique en pareil cas. Il convient également de veiller à ce que les interprétations de la législation relative au viol et les poursuites engagées dans les affaires de viol ne soient pas inspirées par des stéréotypes et des mythes sexistes concernant les sexualités masculine et féminine. »
Cela signifie qu’à tout moment une personne doit être en capacité de pouvoir donner ou retirer son consentement. Seront donc considérés comme invalides les consentements à un acte ou un comportement sexuel d’un enfant, d’une personne handicapée mentale, d’une personne sous l’emprise de toxiques (alcool, drogues, médicaments), d’une personne inconsciente (endormie, anesthésiée, évanouie), d’une personne dans une situation de contrainte - que celle-ci soit physique (par de la violence, des menaces, une contention ou une séquestration), morale (dans des situations d’emprise, avec des personnes ayant autorité, dans des situations de dépendance liée à l’âge ou à des situations de vulnérabilité) ou économique - et des personnes en situation de sidération psychologique ou de dissociation traumatique.
Donner l’accès à son corps, à son intimité signifie accepter d’être dans une grande vulnérabilité et prendre le risque d’être utilisée et aliénée au cœur même de ce qui doit être le plus protégé et ne subir aucune effraction, son enveloppe corporelle et surtout ses orifices et l’intérieur de son corps. Cela ne se fait pas volontairement sans une grande confiance en la personne à qui l’on confie son corps, et sans la conviction qu’elle n’abusera pas de cette situation et qu’elle respectera à tout moment sa volonté et son intégrité physique et psychique. Sans compter les risques d’infections sexuellement transmissibles et, pour les femmes et les filles pubères le risque de développer une grossesse.

Ce respect absolu des droits de la personne est valable dans le cadre de rapports intimes mais également dans le cadre d’actes médicaux, paramédicaux et de soins qui nécessitent l’accès au corps, d’autant plus s’ils sont invasifs avec effraction de ses orifices et de son enveloppe corporelle. En aucun cas, en dehors d’urgences vitales extrêmes et de perte de conscience, un médecin ne peut accéder au corps d’un patient sans son consentement explicite et éclairé, les soins ne doivent pas couvrir des atteintes aux droits des personnes qui les reçoivent, ils doivent être strictement encadrés et nécessitent de demander l’accord des patients ou de leurs ayant-droits, de leur donner une information complète et honnête en regard des connaissances scientifiques, et de s’assurer qu’ils ont bien compris. Dès qu’ils sont en âge de comprendre, les enfants doivent être informés et leur avis doit être pris en compte comme l’impose la Convention Internationale des Droits de l’enfant. Le scandale en 2015 des touchers vaginaux sur patientes anesthésiées sous prétexte de formation des étudiants en médecine, est un exemple d’atteintes graves de l’intégrité physique, psychique et sexuelle de patientes.

Le consentement est donc encadré par les droits de la personne. Ce n’est pas parce qu’une personne accepte de renoncer à ses droits au bénéfice d’une autre personne que cette dernière peut être dédouanée, elle reste entièrement responsable du respect de la dignité et de l’intégrité physique et psychique d’autrui. Pour pousser l’exemple à l’extrême, ce n’est pas parce qu’une personne accepte d’être mutilée, mise en esclavage, tuée, découpée en morceaux, privée de ses yeux, que quiconque peut en profiter pour la mutiler, l’esclavagiser, la tuer, la découper en morceaux, la priver de ses yeux. Ces actes n’en restent pas moins des crimes punis par la loi, et le fait de rétribuer financièrement la personne pour ce faire n’y change rien, au contraire, le corps est inaliénable et ne peut s’acheter. 

Seules quelques exceptions sont tolérées pour des raisons médicales : pour soigner et sauver la vie d’une personne des médecins peuvent être amenés à la mutiler par exemple (amputations de membres, d’organes, etc.) et également pour sauver la vie d’une personne ou la soigner, des médecins peuvent avec son consentement libre et éclairé, prélever sur une autre personne son sang, ses gamètes, son rein à condition que cela ne nuise en aucun cas à la santé physique et psychique de celle-ci et que cela ne fasse pas l’objet d’une transaction financière ou que cela ne se produise pas dans le cadre de contrainte morale et de situations d’inégalité de droits. Ces situations sont donc soumises à des règles d’éthiques strictes et ne peuvent être justifiées que dans des cas de forces majeures et pour des raisons de santé. Cela exclut toute mutilation sexuelle génitale et toute atteinte corporelle, qui ne peuvent en aucun cas être justifiées en invoquant tradition, culture, religion, éducation ou sexualité (dans le cadre de relations sadomasochistes). Cela exclut aussi toute vente d’organe, ou tout prêt d’organe ou de produits humains rétribué, et non éthiquement et médicalement justifié : le recours à la grossesse pour autrui, à l’assistance sexuelle et à la prostitution entrent dans ce cadre et sont interdites par la loi en France.


X Pour en finir avec «les femmes aiment être violentées»

Avec ces mythes sur la sexualité, une certaine forme de violence est en quelque sorte considérée comme normale, il faut juste ne pas trop exagérer, et encore… ce qui peut explique le succès de 50 nuances de grey, ce roman de E. L. James qui présente aux femmes - comme attractive - une sexualité masculine violente et dominatrice. La sexualité serait donc une activité humaine à part où la violence n’en serait pas, car inhérente à un désir sexuel par nature violent. La sexualité est donc considérée comme une zone de non-droit où les femmes, surtout, pourraient consentir à renoncer à leurs droits, et à ce que leur intégrité physique et psychique ne soit pas respectée, sous prétexte qu’il s’agit de désir sexuel et d’activités sadomasochistes.

Cette conception de la sexualité et du désir sexuel, rend la limite entre sexualité et violence très floue, difficile à identifier, et cela permet de masquer un grand nombre de violences sexuelles. Un viol, « un vrai », pour être reconnu dans ce contexte devra donc forcément être accompagné d’une grande violence ou de menaces de mort, et une victime, « une vraie », pour prouver qu’elle n’était pas consentante devra le démontrer et donc apporter des preuves physiques des violences, des contraintes et des menaces qu’elle a subies, ou bien démontrer la surprise c’est-à-dire l’absence de possibilité à consentir parce qu’elle n’était pas consciente. Dans ce système de pensée le consentement devient extensif : céder aux pressions d’un homme peut être considéré comme y consentir, puisque c’est le mode de sexualité attribué aux femmes : la soumission au désir de l’homme, et le masochisme supposé des femmes permet de reconnaître un consentement à subir des violences. 

La définition des agressions sexuelles et des viols, qui repose sur les notions de violences, menaces, contraintes et surprises, et donc du non-consentement des victimes, pourra être détournée dans de nombreuses situations, puisque les femmes sont supposées consentir à des situations dégradantes et humiliantes. Leur volonté et leur désir réel ne seront pas reconnus : une femme, une adolescente qui dit non, peut vouloir dire oui, une femme, une adolescente qui ne veut pas d’un acte sexuel, peut l’aimer malgré elle… Et parler de viol dans ces situations, serait avoir une vision moralisatrice de la sexualité.

Une bonne partie de la société est colonisée par cette vision catastrophique d'une sexualité de prédation et de violence, journalistes y compris.

La sexualité est saturée de violence depuis si longtemps, qu’elle est très souvent perçue au travers du filtre déformant de mises en scène de prédation. Les stéréotypes sexistes, la domination masculine et les idées fausses concernant la sexualité masculine permettent une équivalence entre sexualité et conduite agressive « légale », et amènent à tolérer la prostitution, la pornographie et les conduites sexuelles violentes entre adultes dits « consentants ». 

De plus les femmes racisées, victimes de discriminations en raison de leurs origines, de leur couleur de peau, de leur religion, sont victimes de formes d’hypersexualisation spécifiques (Laure Salmona, 2016). Les femmes afrodescendantes représentent pour les blanc-he-s l’emblème d’une sexualité « sauvage » et "exotique » : leur corps est fréquemment animalisé, avec des métaphores les comparant par exemple à des panthères noires et décrivant leur démarche féline. Les femmes d’origine maghrébine, elles aussi considérées comme exotiques, incarnent également dans l’imaginaire des hommes un fantasme transgressif : vierges, voilées, soumises, elles seraient au fond frustrées et auraient soif de sexe. Ainsi elles sont fantasmées comme objets sexuels transgressifs au point que « beurette » (surnom donné à des jeunes femmes d'origine, supposée ou réelle, maghrébine) soit le mot-clé le plus recherché par les français qui fréquentent des sites pornographiques. Quant aux femmes d’origine asiatique elles incarnent le fantasme de la femme soumise, de la « Geisha » que l’on peut dominer à souhait et qui n’existe que pour combler les désirs des hommes.

La pornographie définit la sexualité masculine comme une agression envers les femmes, une pénétration frénétique de plus en plus violente et extrême de toutes les façons possibles, y compris, et surtout, les plus dégradantes. Elle banalise la violence contre les femmes en diffusant l'idée qu'elles sont masochistes, qu'elles aiment avoir mal et être humiliées. Elle emploie aussi les femmes prostituées qui simulent la jouissance à l'écran. Donc elle banalise la violence intrinsèque à la prostitution en diffusant l'idée que les femmes peuvent jouir sur commande, par simple paiement. Rares sont les personnes consommatrices de pornographie qui se préoccupent des conditions effarantes de tournage pour les femmes et de tout ce qu’elles y subissent comme violences, atteintes à leur dignité et conséquences traumatiques, et de toutes les violences qu’elles ont vécues auparavant, le plus souvent dans leur enfance, pour être suffisamment dissocées et anesthésiées pour supporter la douleur et les mises en scène dégradantes et humiliantes. Toutes ces violences sont couvertes au plan légal par l'alibi du consentement. 

Cette confusion entre sexualité et violence est entretenue par l’utilisation d’un vocabulaire et d’un discours dégradant sur la sexualité. La majorité des injures sont à connotation sexuelle, les blagues, les sous-entendus, les remarques « graveleuses » abondent. Les mots pour dire la violence sexuelle sont extrêmement confusionnants comme l’a si bien décrit Marilyn Baldeck (déléguée générale de l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, AVFT) dans Les mots pour dire les violences sexuelles (Baldeck M., 2010). Au lieu d’agressions sexuelles et de viols on parle d’attouchements, de caresses, de fellations, de relations sexuelles qui sont des termes appartenant au registre de l’amour et de la sexualité. Inversement on utilise un vocabulaire violent du registre de la guerre et de la chasse pour parler de sexualité (comme « tirer un coup », « défoncer », «transpercer»). Cette confusion générale véhicule une image dégradée de la femme, réduite et morcelée en tant qu'objet sexuel (omniprésente dans les médias, la publicité, le cinéma et une bonne partie de la presse). Elle crée aussi une vision prédatrice et pulsionnelle de la sexualité masculine avec des rôles caricaturaux distribués aux hommes et aux femmes dans lesquels nombreux sont ceux qui ne s’y reconnaissent pas, mais dont un grande partie y adhèrent malgé tout, par conformisme imposé. Cette représentation pornographique de la sexualité, infecte les relations homme-femme et les relations amoureuses. Et elle banalise de nombreuses violences sexuelles.

Les crimes sexuels bénéficient donc d'un traitement de faveur, d'un statut à part, où les crimes n'en sont pas, au prétexte que ces actes seraient dits consentants, sans référence aux droits universels des êtres humains à l'intégrité et à la dignité (comme si être consentant pour être tué ou être torturé pourrait justifier ces crimes), où des dominants pourraient avoir le privilège de réduire en esclavage, de séquestrer, d'exercer des sévices, d'injurier, d'humilier sous couvert de désir sexuel, de jeux, voire même d'amour, et, pire encore, pour le bien de celles ou ceux qui en sont victimes puisque ces violences sont censées les faire jouir par masochisme, érotisation de la subordination et de la douleur, la pornographie est là pour en faire la preuve.

Cette confusion entre violence et sexualité favorise des addictions graves à la prostitution et la pornographie, avec une industrie du sexe florissante proposant des pratiques, des films et des images de plus en plus violents avec des femmes de plus en plus jeunes. Il en résulte une aggravation de la traite des enfants et des femmes, du tourisme sexuel, de la criminalité sexuelle et d'une grande part des violences faites aux femmes, dont relèvent la prostitution et la pornographie.

Enfin, cette confusion entre violence et sexualité participe au maintien de l'inégalité entre les sexes, et prive aussi une majorité d'hommes et de femmes d'un accès à une sexualité authentique et à une véritable rencontre amoureuse faite de respect, d'échanges et de découverte de l'autre.

Quand les premières expériences sexuelles dans l'enfance sont des violences, la sexualité peut se retrouver entièrement colonisée par la mémoire traumatique des agressions, et chaque situation sexuelle charrie alors des images violentes ou des propos dégradants qui s'imposent et semblent indissociablement liés à sa propre sexualité. Pire encore, la jouissance perverse de l'agresseur, qui a été extrêmement traumatisante (jouissance de torturer, de détruire, de terroriser, de salir et de dégrader), peut envahir toute expérience de jouissance ultérieure et la rendre intolérable, impossible à assumer, au point de n'avoir parfois d'autre choix que d'y renoncer pour ne pas s'y perdre puisque cette jouissance infectée par les violences pourrait faire croire que l'on jouit de sa propre dégradation ou de douleurs infligées. Tout cela est faux, bien sûr, mais la mémoire traumatique est difficile à décoder et peut paraître convaincante. Cela génère une image et une estime de soi catastrophiques qui rendent les victimes encore plus vulnérables, et qui peuvent être à l'origine de passages à l'acte suicidaires.

Les violences qui saturent la sexualité entretiennent donc une confusion entre désir véritable et addiction au stress pour s’anesthésier, avec une excitation douloureuse liée à une mémoire traumatique sensorielle de l’excitation sexuelle de l’agresseur qu’il s’agit d’éteindre à tout prix. Elles créent aussi une confusion entre un plaisir et une jouissance bien réels, et un soulagement brutal orgasmique-like lié à une disjonction et une anesthésie émotionnelle, et enfin une confusion entre les fantasmes et les réminiscences visuelles et sensorielles provenant d’une mémoire traumatique (Salmona, 2013).
Une sexualité gravement traumatisée

Nombreuses sont les personnes qui, ayant subi des violences sexuelles, doivent donc composer avec une sexualité gravement traumatisée et infectée de symptômes psychotraumatiques non identifiés comme tels. Comme elles se retrouvent seules face à cette sexualité traumatisée, sans aucun outil pour la comprendre, pour la relier aux violences subies dans le passé et pour séparer et libérer ce qui est leur sexualité, de ce qui est colonisé par la mémoire traumatique des violences et de l’agresseur, elles n’auront d’autre possibilité que de l’intégrer telle quelle ou de la rejeter en bloc. Elles se retrouvent également seules face à une société baignant dans le déni, qui ne leur fournit aucun repère pour s’y retrouver, et qui les enfonce encore plus dans des représentations sexuelles aliénantes. Car stéréotypes mystificateurs sur la sexualité féminine sans cesse relayés par la société sont construits à partir de symptômes psychotraumatiques : la vierge, la frigide, la femme passive, la nymphomane, la fille facile, la bombe sexuelle, la traînée, la salope, la prostituée, etc. Et tous ceux qui ne veulent pas renoncer à une rencontre véritable et à l'amour, et heureusement ils sont nombreux, doivent se battre pour sortir de ces schémas réducteurs et emprisonnants. Les femmes, ainsi que les hommes, pourraient y gagner beaucoup, en récupérant une sexualité non traumatique, enfin libre, avec un plein accès à leur désir et à leur plaisir.
Il faut donc lutter contre tous les mythes et toutes les idées reçues sur la sexualité et les violences sexuelles, sur les fausses représentations du désir sexuel chez les hommes et les femmes, mettre en place une éducation à une sexualité non-violente et respectueuse des droits de chacun, et lutter contre les systèmes prostitueurs et la pornographie, qui sont une violence faite aux personnes, et qui entretiennent une image violente de la sexualité et dégradante des femmes, considérées comme des objets sexuels naturellement à disposition du désir masculin.

L’alibi de la sexualité et de sa libération, du désir sexuel, de l’amour, de la tendresse, de l’éducation, du jeu, de la punition est une mystification très efficace qui permet de justifier et maquiller les violences, de s’assurer une impunité quasi parfaite pendant de longues années. Les agresseurs savent très bien ce qu’ils font. Intentionnellement, ils organisent des pièges et des mises en scène qui ne laissent aucune chance à leurs proies.

Ils manipulent et enrobent leurs crimes de discours mensongers, ils font croire aux adultes et aux adolescents qu’ils les agressent par amour, jalousie, frustration sexuelle. Ils font croire aux enfants que c’est pour leur bien, pour les éduquer, qu’ils leur font vivre une expérience exceptionnelle que le commun des mortels ne peut pas comprendre

Non, des actes sexuels imposés à des victimes adultes n’ont rien avoir avec un désir impérieux, un besoin sexuel, une frustration trop intense, un excès d’amour, il s’agit d’une volonté de détruire, d’annihiler la volonté d’autrui, de soumettre, d’esclavagiser, d’utiliser la victime pour son propre compte, pour en jouir.

Non, des actes sexuels commis sur des enfants n’ont rien à voir avec de la tendresse, de l’amour ou de l’éducation, ni avec le désir sexuel. Il s’agit d’une excitation perverse face à l’interdit, à la transgression. Il s’agit de volonté de salir, d’avilir, de profaner ce qui est le plus précieux : un enfant sans défense. Ces actes transgressifs font basculer l’enfant dans un monde où tous les repères de son enfance explosent, où il est réduit à un objet, un « jouet » entre les mains des agresseurs, où ceux qui sont censés le protéger le détruisent.
Des privilèges sexuels à abolir

On peut se demander pourquoi aussi peu de personnes se mobilisent pour révolutionner les rapports hommes-femmes et reconsidérer la sexualité en la décolonisant de toute violence, pour lutter contre les inégalités et protéger en priorité les plus vulnérables, pour dénoncer les mises en scène de ceux qui se présentent comme des êtres supérieurs ayant droit à des privilèges « innés » comme celui de pouvoir soumettre et posséder le corps d’autrui pour son propre plaisir ? Pourquoi le féminisme, la lutte contre les discriminations sexistes et la protection de l’enfance ne sont-elles pas des priorités absolues ?




XI Pour en finir avec le détournement des «Lolitas» et de «l’Œdipe» pour justifier des violences sexuelles


La prétendue attitude de séduction des petites petites filles et des adolescentes vis-à-vis d’adultes ou de leurs pères, fait partie de ces idées fausses et de ces « détournements » qui permettent d’escamoter la réalité des violences exercées sur les filles (18 % des femmes ont subi des violences sexuelles en tant que mineures, OMS, 2014). Ferenczi parlait de « Confusion de langue entre les adultes et l'enfant, le langage de la tendresse et de la passion » en 1932, en décrivant le traumatisme que l'enfant subit quand, à sa demande d'amour et de tendresse (langage de la tendresse de l'enfant), il reçoit de la part d'adultes qui s'occupent de lui un comportement sexuel pervers de séduction (langage de la passion de l'adulte). Ferenczi parle d'un choc, d'une commotion émotionnelle en réaction à cette agression qui entraîne un anéantissement du moi, cette commotion pouvant être physique et psychique, l'angoisse étant sa réaction immédiate (Ferenczi S., 1932).

Une enfant, une jeune adolescente, que veut-elle, certainement pas être pénétrée, ni subir des attouchements sexuels par un adulte, elle veut de la reconnaissance, de l’amour filial, elle aimerait qu’un adulte la rassure la trouve belle, intelligente, digne d’attention. Alors que ces enfants et ces adolescentes cherchent de l’affection, certains adultes en profitent pour retourner de façon perverse cette demande légitime en demande sexuelle. Il s’agit d’une immense escroquerie, ces adultes trahissent la confiance des enfants en détournant leur demande pour leur propre compte.
Un détournement du livre de Nabokov

Le terme de « Lolita » est emblématique du grave détournement opéré une société qui prend pour argent comptant les mystifications des pédocriminels. Le titre du roman de Nabokov « Lolita » est devenu un nom commun désignant une adolescente séductrice qui piège par ses charmes un homme adulte qui ne pourra pas y résister, la perversion est du côté de l’adolescente et la victime du côté de ce pauvre homme… Pourtant le roman de Nabokov est à l’opposé de cette mise en scène de l’adolescente séductrice, Lolita est une petite fille de 12 ans victime de la stratégie diabolique d’un prédateur qui a jeté son dévolu sur elle dès qu’il l’a vue, et qui, pour arriver à ses fins, va épouser la mère de sa proie. Il s’agit donc d’un inceste aux conséquences dévastatrices (Fall, 2010). Nabokov décrit avec précision la mécanique perverse du prédateur Humbert Humbert qui est animé d’une volonté de transgression, de domination et de destruction qu’il va maquiller en amour (Nabokov, 1955).

Le pédocriminel n’aime pas les enfants comme pourrait le faire croire le terme mal nommé de pédophile, il les méprise en tant que personnes vulnérables, il veut jouir de leurs corps, les dégrader, les salir en les réduisant à des objets sexuels qu’il utilise quand il veut, comme il veut, peu importent les conséquences. Et pour les dégrader encore plus, quoi de plus cruel et monstrueux que de les rendre responsables de leurs malheurs à leurs yeux et à ceux de tous les autres, leur imposant ainsi une culpabilité et une honte infernales. Le tour est joué, toute défense et toute parole de la victime est cadenassée, elle est alors totalement à sa merci.

Laissons la parole à Sokhna Fall - qui a écrit plusieurs articles sur ce roman - pour remettre le monde à l’endroit : « L’histoire de cette petite victime de papier me semble exemplaire de celle des enfants victimes d’agressions sexuelles et des représentations qui s’y attachent. Au premier « détournement » sexuel de Lolita par Humbert Humbert (…) va succéder une série interminable d’autres détournements qui assignent éternellement cette adolescente, comme tant d’autres, à une place de victime accusée de sa propre victimation. Qu’en dit Humbert Humbert pour sa part ? Il avoue par exemple : « Pourquoi sa façon de marcher – ce n’est qu’une enfant, notez bien une simple enfant ! m’excite-t-elle si abominablement ? Analysons-la. Les pieds légèrement rentrés. Une sorte de tortillement élastique en dessous du genou qui se prolonge jusqu’à la chute de chaque pas. Une démarche un tantinet traînante. Très infantile, infiniment racoleuse ». Humbert ne décrit nullement une « adolescente amoureuse d’un quadragénaire qui cherche à le séduire par ses manœuvres perverses ». Il décrit exactement comment c’est lui qui souhaite s’approprier l’innocente désinvolture de cette fillette. Ce que Lolita a de si « racoleur » pour Humbert comme pour tous les pédocriminels, c’est son « infantilisme» (Fall S., 2010).
Un détournement du mythe d’Œdipe

Le complexe d’Œdipe décrit par Freud a opéré le même détournement du mythe et du vécu de ses patientes en transformant un Œdipe victime de ses parents biologiques en coupable de parricide et d’inceste, et l'hystérique victime d'agression sexuelle incestueuse ayant refoulé les souvenirs de ce traumatisme, en coupable de désirs sexuels interdits devenus inconscients. D’une sexualité traumatisée par des agresseurs chez l'hystérique, il passe à une sexualité traumatisante agressive générant des conflits inconscients qui va être réprimée (Masson, ). Ce ne sont plus des traumatismes réels qui sont écartés de la conscience par des mécanismes de défense mais des désirs sexuels chez l'enfant qui menacent le moi et qui doivent être refoulés (Freud, 1897).

Tout comme Lolita est la victime innocente d’un criminel, l’Œdipe de l’Antiquité est la victime innocente de parents infanticides et d’un père violeur. Si Œdipe tue son père Laïos (en situation de légitime défense) et devient roi en épousant sa mère Jocaste (en récompense, pour avoir résolu l’énigme du sphinx et débarrassé la ville de Thèbes de ce fléau), c’est en toute méconnaissance puisqu’il ne sait pas que ce sont ses parents. 

 Œdipe avant de devenir parricide et incestueux ne sait rien de son histoire, rien de la mort certaine à laquelle il avait été exposé nouveau-né par ses parents biologiques, le couple de rois Laïos et Jocaste, ces derniers l’ayant abandonné aux bêtes sauvages après avoir pris soin de lui transpercer les pieds pour être surs que personne ne le recueillerait. 

Si Laïos et Jocaste exposent leur fils nouveau-né, c'est pour échapper à ce fameux oracle de la Pythie les concernant : si un enfant mâle naissait, devenu adulte il tuerait son père et épouserait sa mère. Dans la Thébaïde, nous apprenons la raison de cet oracle d’Héra interdisant à Laïos d’avoir un enfant mâle, il s’agit d’une punition divine en réponse à une grave transgression que celui-ci a commise alors qu'il était, pour des raisons politiques, réfugié chez le roi Pélops. Lors de ce séjour, il a « séduit » et enlevé le fils de Pélops, le beau et jeune Chrisoppe alors qu'il devait l'initier à la course de char. Suivant une version, Chrisoppe, de honte, se serait suicidé, et Pélops aurait demandé à Héra de le venger, d’où l’oracle. Et comme Laïos et Jocaste ne respectent pas l’interdit divin et ont quand même un fils, leur solution pour échapper à l’oracle sera de s’en débarrasser en l’exposant à la mort.

Et voilà donc le portrait des parents biologiques d' Œdipe : un père violeur, et un père et une mère transgresseurs d’interdit divin, et infanticides, des criminels.

Œdipe n’a jamais voulu tuer son père, ni épouser sa mère, mais il a été la victime bien réelle d'une tentative d'infanticide, et il ne devra la vie sauve qu’à la compassion d'un berger qui le délivrera avant de le confier ensuite à un couple de rois de Corinthe, Polybe et Mérope, qui l’adoptent sans jamais lui révéler la vérité. Aussi, quand devenu jeune adulte, Œdipe entendra à un repas un convive lui dire qu'il est un enfant trouvé, il ira interroger l'oracle de Delphes pour en savoir davantage et c'est à cette occasion qu'il apprendra la terrible prophétie "tu tueras ton père et tu épouseras ta mère" sans en savoir plus. Horrifié par cet oracle, il s'enfuira de Corinthe. Lors de sa fuite, il croisera l'équipage d'un vieillard irascible qui, trouvant qu’Œdipe ne s'était pas suffisamment effacé pour le laisser passer, le menacera et tuera son cheval. Et c'est ainsi qu'Œdipe pour se défendre tuera Laïos puis épousera Jocaste après avoir trouvé la réponse à la question du sphinx…  Quand il apprendra par Thyrésias qu’il a tué son père et épousé sa mère, il va en ressentir un tel effroi et une telle culpabilité que dans la version de Sophocle, il se crèvera les yeux. 

Du côté des parents d’Œdipe, les violences sont bien préméditées et intentionnelles, et du côté d’Œdipe, rien n'est intentionnel, au contraire il cherche à respecter la loi. S'il se crève les yeux et se bannit de Thèbes après avoir appris la vérité, c'est pour se punir de crimes qu'il n’a pas voulu commettre.

La pédophilie, si mal nommée

S’il fallait encore une fois le clamer, avec la pédophilie, la si mal nommée, il ne s’agit pas de sexualité, ni d’orientation sexuelle, mais de l’exercice d’un pouvoir d’instrumentalisation et de destruction dans le cadre d’un rapport de force. Les violences sexuelles sont utilisées comme une arme hyper-efficace (utilisée également dans les tortures, les crimes de guerre et contre l’humanité) pour détruire, nier la dignité et les droits d’une personne, la posséder et la réduire à une situation d’esclave sur laquelle l’agresseur a tout pouvoir, et qu’il peut consommer quand il veut, comme il veut.

L’alibi de la sexualité et de sa libération, du désir sexuel, de l’amour, de la tendresse, de l’éducation est une mystification très efficace qui permet de s’assurer une impunité quasi parfaite pendant de longues années, de même qu’invoquer la prétendue responsabilité ou complicité de la victime. 
Les pédocriminels sexuels sont des prédateurs et ils savent très bien ce qu’ils font. Intentionnellement, ils organisent des pièges et des mises en scène qui ne laissent aucune chance à leurs proies. Ils manipulent et enrobent leurs crimes de discours mensongers. Ils approchent les enfants masqués, en mettant en scène qu’ils sont des adultes aimables, sympathiques, attentionnés, et ils s’arrangent pour créer chez les enfants une admiration, une dépendance affective et une disqualification telles que leurs sentiments d’angoisse et de terreur face aux violences sexuelles seront recouverts d’un rideau de fumée d’incompréhension et de doutes.

Non, répétons-le, des actes sexuels commis sur des enfants n’ont rien à voir avec de la tendresse, de l’amour ou de l’éducation, ni avec du désir sexuel. 

Le but de l’agresseur est de se mettre en scène comme un tyran et de régner sans partage sur un ou des esclaves utilisés comme une drogue pour s’anesthésier et alimenter sa toute puissance.


XII Pour en finir avec elle l’a bien cherché


Toutes les questions qui sont posées aux victimes sur leurs comportements, sous-entendent qu’elles sont pour quelque chose dans la survenue des violences, qu’elles en sont responsables d’une façon ou d’une autre, qu’elles ne se sont pas comportées de la bonne façon, qu’elles se sont exposées de façon irresponsable, qu’il y avait sûrement autre chose à faire qui aurait permis d’éviter ces violences, et qu’en dernier ressort c’était à elles de se protéger plus efficacement ou de mieux faire comprendre à l’auteur des violences qu’elles ne voulaient pas ou qu’il ne fallait pas qu’il se comporte ainsi… Donc «tant pis pour elles, elles le savaient bien, il fallait faire plus attention, elle n’ont pas à se plaindre !…»

Non, bien sûr aucune victime de viol ne l’a cherché ! Ces raisonnements sont faux et particulièrement injustes et cruels puisqu’ils rendent la victime responsable des violences qu’elle a subies. Dans ce système qui fonctionne à l’envers ce n’est pas aux agresseurs de contrôler leur violence, c’est aux victimes de le faire pour eux, et si elles n’y parviennent pas tant pis pour elles si elles sont agressées ou violées, elles n’auront qu’à s’en prendre à elles-mêmes, elles l’auront bien mérité… Ce système repose sur l’ensemble de stéréotypes que nous avons déjà vus : la sexualité est violente, la violence sexuelle est une fatalité, les hommes sont comme ça, avec des pulsions irrépressibles, les femmes sont prévenues du danger, à elles de se préserver et d’assurer leur sécurité, si elles ne le font pas c’est qu’elles prennent le risque d’être violées…
Dans ce système pervers, on escamote tranquillement le fait que porter une jupe courte ou boire un verre avec un homme n’est pas interdit par la loi alors qu'agresser sexuellement ou violer une femme est un délit ou un crime !

Le point aveugle principal de ce système est donc l'absence de recours à la loi. Il fait l'impasse sur le fait qu'en tout état de cause l'agresseur n'a pas le droit de commettre ces violences et que, comme tout citoyen, il n'est pas censé ignorer la loi ! Alors que la victime n'a transgressé aucune loi. Une femme a tout à fait le droit de se promener seule la nuit, de porter une jupe fendue ou une robe décolletée, d'être très maquillée, de boire de l'alcool, de prendre un café chez un ami. En aucun cas, cela ne signifie qu'elle est disponible sexuellement, et la violer est un crime. De même qu’être dans une situation de vulnérabilité ne donne absolument pas le droit d’en profiter, il s’agit alors d’un crime assorti de circonstances aggravantes.

Un autre point aveugle de ce système est l'absence de reconnaissance de la responsabilité et de l'intentionnalité de l'agresseur. Sa volonté de nuire, de détruire, de faire souffrir le plus possible, d'opprimer, de réduire sa victime à une chose, de la déshumaniser pour son intérêt et son plaisir, et même, comble de la cruauté, d'en jouir, est escamotée. Seules ses rationalisations et la mise en scène mensongère montée pour s'absoudre de toute culpabilité sont relayées et prises pour argent comptant (Sironi, 1999).

Un agresseur prémédite très souvent son acte, et ce qui déclenche l’agression, je le répète, ce n’est pas ce qu’est la victime, ou ce qu’elle a fait, mais de nombreux éléments stratégiques qui appartiennent à l’agresseur, allant de « je l’ai sous la main, ce sera celle-là », à « avec elle, gentille comme elle est, isolée comme elle est, ce sera plus facile », à des choix correspondant à un scénario d’agression bien spécifique et calculé, nécessitant un casting précis, et à des situations qui pourront garantir son impunité « elle est dépendante de moi, elle ne pourra pas m’échapper, ni me dénoncer », « elle est inconsciente, c’est parfait ». La victime est le plus souvent interchangeable, et choisie sur des critères de facilité et de proximité pour jouer par contrainte ou par manipulation un rôle dans un scénario qui ne la concerne pas, monté par l’agresseur.

Pourtant en cas de violences sexuelles, la victime est très fréquemment considérée comme pouvant être à l’origine des violences, c’est d’ailleurs la conséquence logique de l’idée reçue que les violences sont une fatalité : si la sexualité masculine est une sexualité de prédation, si les agresseurs sont sous l’emprise de pulsions sexuelles impossible à contrôler, si une femme les « provoque et les excite », le moyen pour les victimes d’y échapper, est de les anticiper et de s’en protéger en ne se mettant pas en danger, mais également de s’auto-censurer pour ne pas risquer de les provoquer, et d’être chaperonnées en permanence. Aux femmes de bien se garder d’avoir des comportements considérés comme à risque. Puisqu’elles sont prévenues, à elles d’assurer leur protection, la charge de ne pas être violées leur incombe, et tant pis pour elles si elles n’ont pas développé tous les moyens de s’en prémunir, elles l’auront bien mérité.

Quels sont ces moyens qu’elles doivent mettre en œuvre sous peine d’être violées ou agressées :
  • ne pas être trop excitante, donc ne pas être trop sexy (jupe trop courte, trop moulante, décolleté trop plongeant, talons trop hauts, maquillage trop suggestif, etc.), mais gare à elles si, malgré tous leurs efforts, elles sont trop jeunes, trop jolies, trop appétissantes (à une patiente violée à 16 ans par quatre hommes, sa grand mère avait dit : « c’est normal, tu es comme un bonbon ! ») ;
  • ne pas provoquer de situations à risque, c’est-à-dire ne pas être trop souriantes, trop séduisantes, ne pas flirter, ne pas accepter de sortir avec quelqu’un qu’on ne connaît pas suffisamment, et encore moins d’aller chez lui ce qui équivaudrait à être présumée consentante pour des relations sexuelles ;
  • ne pas se mettre en danger, c’est-à-dire ne pas sortir seule le soir dans des endroits isolés, éviter des lieux malfamés, ne pas s’alcooliser ni prendre de la drogue, ne pas faire son jogging seule, ne pas faire de l’auto-stop, etc. ;
  • être capable de dire clairement non, de façon répétée et suffisamment fort, de se défendre efficacement, d’être capable de trouver des secours, les agresseurs étant, selon ces fausses représentations, incapables de se contrôler, c’est aux victimes potentielles de savoir se défendre ;
  • être protégée en permanence, c’est-à-dire être sous la protection de sa famille, d’un conjoint et de sortir accompagnées ;
  • éviter bien sûr de prendre le métro ou tout autre transport en commun, de fréquenter des lieux dévolus aux hommes, de faire des métiers d’hommes !…
Rappelons que les violences sexuelles ont lieu dans tous les milieux, à tous les âges et ne concernent pas uniquement les femmes "attractives" selon le canon de la séduction ; que les enfants et les femmes handicapées subissent bien plus de violences sexuelles ; que ce sont des proches qui en très grande majorité commettent ces violences et dans 50 % des cas une personne de la famille pour les enfants et un conjoint ou un partenaire pour les adultes, le plus souvent au domicile de la victime…

Rappelons qu’au moins une femme sur cinq a subi des agressions sexuelles dans sa vie et un homme sur , et près d’une femme sur six un viol ou une tentative de viol, et un homme sur vingt (enquête CSF, 2008) ; que chaque année 84 000 femmes adultes, 16 000 hommes adultes, 124 000 mineures et 30 000 mineurs subissent un viol ou une tentative de viol (INSEE-ONDRP, 2014, CSF, 2008), et que 81 % des premières violences sexuelles sont subies avant 18 ans, 51 % avant 11 ans, 21 % avant 6 ans (enquête IVSEA, 2015).

Ces réalités montrent à quel point ces raisonnements qui mettent en cause les victimes sont absurdes et indécents. Ils ont pour objet de ne pas reconnaître les victimes comme telles pour maintenir des façades rassurantes. Dans cet univers de déni, les victimes de violences sexuelles sont d’autant plus escamotées, que reconnaître une victime implique de désigner un ou des agresseurs. Or, comme la grande majorité des agresseurs sont des proches - et plus particulièrement des personnes avec qui l’on partage sa vie familiale, conjugale, amoureuse, professionnelle - les dénoncer mettrait en péril toute une vision « idyllique » de notre société où il s’agit faire croire que la famille, le couple protège toujours les plus faibles, que le travail hiérarchisé protège toujours les salariés les plus dépendants et vulnérables. Pourtant, chacun le sait, rien n’est plus faux. La violence est nécessaire pour soumettre et créer de toutes pièces des personnes qui seront considérées comme inférieures et ayant moins de droits et de valeur. Aussi, pour continuer cette mystification qui permet à de nombreuses personnes de s’octroyer d’énormes privilèges aux dépens des personnes qu’ils sont censés protéger, il ne faut surtout pas qu’il y ait une visibilité trop importante des violences et des victimes. Il faut donc que les victimes soient escamotées, qu’elles n’existent pas, s’il n’y a pas de victimes, il n’y a pas de violences et donc pas d’agresseurs ni de criminels !

Et si, malgré ce déni, certaines victimes arrivent à être visibles, il faut alors qu’elles portent la responsabilité de leur situation, qu’elles apparaissent comme coupables. De toute façon, puisqu’elles sont censées vivre dans un système hiérarchisé où elles auraient dû être protégées, si tel n’est pas le cas c’est que quelque chose cloche chez elles ! Elles sont alors soupçonnées : elles n’ont pas fait ce qu’il fallait, elles sont trop faibles ou irresponsables, elles sont provocantes ou bien trop bêtes, elles n’ont pas assez de valeur. Tout est de leur faute, tout aurait pu être évité, rien n’aurait dû arriver. Cette mise en cause systématique des victimes va aggraver encore plus le risque de subir des violences extrêmes pour les personnes les plus vulnérables, comme les personnes handicapées, en situation d’exclusion ou de marginalisation, et toutes les autres victimes de discriminations. Il n’y aura aucune solidarité envers elles !

Ces mises en cause font l’impasse totale sur le fait que, quoi qu’il en soit, l’auteur des violences n’avait absolument pas le droit de les commettre, un point c’est tout ! Elles sont le reflet aussi de la non-prise en compte de la différence de position entre la victime et l’agresseur. La victime essaie désespérément de comprendre, se culpabilisant spontanément, ressentant très douloureusement les conséquences traumatiques des violences qui brouillent toutes les certitudes et la conscience de soi, rendent le discours imprécis et génèrent des doutes. En face, l’agresseur ne cherche pas à comprendre mais à se disculper et à rationaliser son comportement ; ayant commis les violences intentionnellement et souvent de façon préméditée, il ne se culpabilise pas et méprise la victime, puisqu’il estime en son for intérieur que sa position de supériorité lui a donné le privilège de l’instrumentaliser. De plus, il bénéficie des conséquences psychotraumatiques des violences qu'il commet, particulièrement de l’anesthésie émotionnelle, celle de la victime qui lui évite de se confronter trop directement aux conséquences de ses actes, et la sienne qu’il recherche en tant que telle pour se soulager d’une tension ; cette anesthésie lui permet de ne pas être affecté ni angoissé par ses actes et leurs conséquences, de pouvoir mentir de façon éhontée et de jouer tranquillement et sans entrave le personnage de l’innocent, celui qui n’a rien compris, qui n’a jamais voulu faire de mal, rien prémédité, rien contrôlé, qui a été la victime de ses pulsions, de sa colère, de sa jalousie, de sa passion, voire victime de celle qui se prétend mensongèrement victime.

Rappelons-le, le viol n’est pas lié à la testostérone, ni à un désir masculin irrépressible, il est lié à une volonté d’exercer des violences très efficaces pour détruire les victimes, c’est pour cela que le viol est utilisé comme arme de torture, comme arme de guerre et comme arme de destruction lors des crimes contre l’humanité. Si les femmes paient un très lourd tribut à ces crimes d’états, les hommes en sont les cibles également, et comme toujours, en nombre important les enfants : filles et garçons.


CONCLUSION


Il est impératif de lutter contre cette culture du viol, d’être solidaire des victimes, et d’informer sans relâche pour que les idées fausses et les stéréotypes disparaissent. Une société qui n’est plus dans le déni de la réalité des viols et de leurs conséquences sur les victimes, une société qui prend résolument fait et cause pour les victimes, envoie un signal fort aux agresseurs et aux futurs agresseurs : « vous n’avez pas le droit, c’est très grave, les conséquences sur les victimes sont énormes et vont les faire souffrir et les handicaper très longtemps, personne n’a à vivre cela, vous devez renoncer à ces privilèges indus, vous pouvez le faire et nous exigeons que vous le fassiez immédiatement ! ».

Il ne s’agit absolument pas de restaurer un quelconque ordre moral, il s’agit du droit des personnes, c’est-à-dire d’affirmer que la sphère intime et privée ne saurait être considérée comme une zone de non-droit, et que toutes les pratiques entre personnes supposées consentantes ne sont possibles que tant qu’elles n’atteignent pas l’intégrité des personnes et qu’elles ne tombent pas sous le coup de la loi.




Pour en savoir plus sur la culture du viol et les mythes sur le viol :


Pour en savoir plus sur les violences 


  • Les sites de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie avec de nombreuses informations disponibles et des fiches pratiques sur les violences, leurs conséquences sur la santé, leur prise en charge, et des information sur les campagnes et les actions de l’association :
  • http://www.memoiretraumatique.org
  • http://stopaudeni.com/
  • Les blogs de la Dre Muriel Salmona :
  • http://stopauxviolences.blogspot.fr/
  • http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com avec une bibliographie générale
  • Le Livre noir des violences sexuelles, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.
  • Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
  • Le rapport d’enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015 SALMONA Laure auteure, SALMONA Muriel coordinatrice Enquête de l’association Mémoire Traumatique et victimologie avec le soutien de l’UNICEF France dans le cadre de sa campagne #ENDViolence (téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org 
  • L’enquête Les français-e-s et les représentations du viol et des violences sexuelles, 2016 conduite par IPSOS pour l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, SALMONA Muriel, directrice et SALMONA Laure coordinatrice et auteure du rapport d’enquête et du dossier de presse téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org (3)
  • De nombreux articles de la Dre Muriel Salmona, ainsi que des vidéos de formation sont consultables et téléchargeables sur le site  memoiretraumatique.org : http://www.memoiretraumatique.org/publications-et-outils/articles-de-la-dre-muriel-salmona.html
  • Des brochures d’information éditées par l’association, sur les conséquences des violences sur la santé à destination des adultes et des jeunes à télécharger sur le site memoiretraumatique.org et stopaudeni.com
  • Des films témoignages Stop au déni-les sans voix de Catherine Zavlav, 2015 sur http://stopaudeni.com
Enquête CSF Contexte de la sexualité en France de 2006, Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques), 445, mai 2008. http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1359/publi_pdf1_pop_soc445.pdf

consultez la lettre de l’observatoire des violences faites aux femmes publiées sur le site gouvernemental stop-violences-femmes.gouv.fr pour les chiffres sur les violences sexuelles : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/no8-Violences-faites-aux-femmes.html 




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