STOP AU CYBER-HARCÈLEMENT, AU REVENGE-PORN ET AU SLUT-SHAMING :Twitter doit s’engager pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles que les femmes subissent sur son réseau #TwitterAgainstWomen
Le collectif @FeminismVsCyberBully a lancé Le 3 janvier 2016 une campagne de sensibilisation de l’opinion sur le cyber-harcèlement !le «slutshaming», le «revengeporn» et l’incitation à la haine sexiste et au viol) sur Twitter avec le Hashtag #TwitterAgainstWomen et un compte Twitter dédié @VsCyberB.
Les objectifs de cette campagne sont à la fois de permettre : une prise de conscience du phénomène du cyber-harcèlement dont sont victimes les femmes, particulièrement les plus jeunes et celles qui sont racisées et discriminées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ; de l’impact grave qu’il a sur les victimes ; de l’impunité dont bénéficient les internautes à l’origine de ces tweets violents, et du laxisme de Twitter qui, dans la plupart des cas, tolère ce cyber-harcèlement.
En 3 jours, le Hashtag a été placé plus de 350 000 fois sur la timeline des utilisateurs. Il a permis aux internautes de soutenir les victimes de ces violences, de prendre connaissance avec des captures d’écran du contenu intolérable de nombreux tweets, et de diffuser des informations sur les conduites à tenir pour signaler les comptes violents et porter plainte.
La vidéo de viol diffusée sur Snaptchat et Facebook le soir-même du lancement de la campagne illustre bien malheureusement la violence extrême de la haine des femmes qui peut aller jusqu’à un crime aggravé que l’on poste comme un trophée de chasse. Elle illustre également le déni de Facebook face aux premiers signalements qui a répondu que le contenu ne contrevenait pas aux règles du réseau, et la salutaire mobilisation des internautes choqués qui ont réussi en quelques heures à déclencher une enquête, faire s’auto-saisir la plateforme Pharos, retrouver la victime (en état de choc qui a dû être hospitalisée, et arrêter et mettre en examens les agresseurs de la vidéo.
Sur les réseaux sociaux, les femmes sont nombreuses à être exposées à du harcèlement sexuel, à des injures sexistes, à des propos dégradants et humiliants sur leur personne, leur corps et leur sexualité (ce qui définit le slutshaming), à des diffusions de photos et de vidéos intimes volées ou prises à leur insu (revenge-porn), à des menaces de viol, voire de meurtre. Ces cyber-violences s’accompagnent comme toujours de tout ce qui constitue la culture du viol, organisant la mise en cause de la victime et permettant de nier, de minimiser ou de justifier les agressions masculines en culpabilisant les victimes.
Ces violences sexistes et sexuelles sur les réseaux sociaux sont des atteintes graves aux droits, à la vie privée, à la dignité et à l’intégrité psychique et physique de jeunes femmes, et sont donc interdites par la loi et condamnables.
Si nous n’avons pas de chiffre sen France sur la fréquence de ces violences sur les réseaux sociaux (ce qui serait nécessaire), nous savons que les violences sexuelles sont très fréquentes et commencent très tôt : 20% des femmes subissent des agressions sexuelles au cours de leur vie (1) ; dans notre enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte de 2015, 81% des victimes ont subi les premières violences sexuelles avant l’âge de 18 ans (2) ; 100% des femmes rapportent avoir subi un harcèlement sexiste et des violences sexuelles dans les transports en commun (3). Et nous savons que les victimes de violences sexuelles sont plus de 80% à rapporter qu’elles n’ont jamais été reconnues, ni protégées (2).
Elles sont faites avec l’intention de faire souffrir, de nuire, d’humilier et de dégrader les victimes. Parfois elles revendiquent même clairement l’intention de pousser des victimes au suicide comme dans ce tweet « et si elle se suicide, jdirai à son enterrement bien fait sale pute». Elle créent un climat d’insécurité, et des sentiments d’isolement et d’exclusion. Elles attaquent gravement l’estime de soi des victimes, et elles entraînent fréquemment chez elles un impact psychotraumatiques avec un retentissement sur leur santé mentale et physique qui peut être grave et entrainer des conséquences, non seulement à court terme, mais également à long terme, avec l’installation d’une mémoire traumatique (avec celle-ci les victimes seront hantées par les propos injurieux et dégradants et resteront avec un sentiment de danger permanent), de conduites d’évitement et de contrôle (retrait, phobies, troubles obsessionnels), de conduites à risque dissociantes pour s’anesthésier (troubles addictifs, alimentaires et mise en danger) accompagnés de troubles anxio-dépressifs, de troubles du sommeil, d’un impact sur leur vie sociale, affective et sexuelle (4).
Un déferlement de violence sur les réseaux sociaux de cette ampleur n’est possible qu’en raison du déni de ce phénomène, de l’anonymat et de l’impunité dont bénéficient tous les internautes agresseurs, ces violences n’étant que très rarement judiciarisées Leurs comptes sont parfois bloqués pour quelques heures, ou plus rarement supprimés, ce qui ne les empêche pas d’en recréer d’autres et de recommencer.
Déjà en septembre 2015, j’avais alerté le gouvernement et les pouvoirs publics avec la lettre ouverte pétition "Stop aux menaces et aux appels au meurtre et au vio de femmes sur les réseaux sociaux, cette pétition soutenue par le collectif national des droits des femmes et reçu à ce jour près de 30.000 signatures. Je leur avais alors demandé :
"de dénoncer très fermement ces appels au meurtre et au viol, et de faire en sorte que les comptes soient fermés et que les menaces et les appels au meurtre et au viol ne restent pas impunis. Toutes les femmes et les filles doivent être protégées de ces violences sexistes et de ces menaces de crimes qui attisent un climat de haine envers les femmes et les filles et qui alimentent la culture du viol".
Puisque Twitter s’est engagé le 29 décembre 2015 à limiter les propos violents et haineux sur son réseau en ce qui concerne l’apologie du terrorisme, le collectif féministe contre le cyber-harcèlement demande au réseau social Twitter de faire face à ses responsabilités en ce qui concerne les propos violents sexistes, la haine des femmes et la culture du viol, et d’apporter des solutions concrètes à ce problème. Les réseaux sociaux sur internet ne doivent pas être des zones de non-droit où la violence à l’encontre des femmes, des filles et des personnes racisées, affrodescendantes, issues de l’immigration, homosexuelles et transgenres peut s’exercer en toute tranquillité.
Dre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie
- INSEE-ONDRP, enquêtes Cadre de vie et sécurité de 2010 à 2013. et enquête CVS 2008.
- Enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, soutenue par l’UNICEF. Rapport rédigée par Laure Salmona consultable sur les sites stopaudeni.com et memoiretraumatique.org
- sondage mené par le Haut Conseil à l’Égalité femmes/hommes en 2015 : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/actualites-69/article/avis-du-hcefh-relatif-au
- cf dans mon dernier ouvrage : Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables paru chez Dunod en 2015
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