mardi 22 avril 2025

Enrayer la fabrique des agresseurs sexuels : parution le 21 mai du livre de la Dre Muriel SALMONA édité chez Dunod



ENRAYER LA FABRIQUE DES 
AGRESSEURS SEXUELS 

Dre Muriel SALMONA

Parution le 21 mai 2025 chez DUNOD


À paraître chez DUNOD 


disponible en librairie à partir du 21 mai 2025 et en version e-book ou broché sur les sites

 FNAC ; DECITRE ; AMAZON ; FURET DU NORD


Ce livre est un nouveau cri de révolte et une réponse documentée à l’urgence : celle de démontrer, sans détour, comment le système de reproduction des violences sexuelles continue d’imprégner notre société, quels sont ses mécanismes invisibles, et pourquoi, malgré les avancées des dernières décennies, ces violences n’ont jamais cessé de croître, voire de se multiplier.

S’attaquer à plusieurs vérités, même si elles sont dérangeantes, est une absolue exigence, afin de dénoncer :

• le déni, la loi du silence, l’impunité et déconstruire les mythes sexistes autour des violences, des victimes et du « profil » des agresseurs sexuels ;

• l’absence de protection de celles et ceux qui en sont les plus victimes et les moins en capacité de se défendre : les enfants et les personnes les plus vulnérables et discriminées ;

• les plus grands obstacles : l’absence totale de prise en compte du trauma, l’impact de ces violences sur les victimes, mais aussi sur ceux qui les commettent.

Les psychotraumatismes sont un des vecteurs les plus puissants de la reproduction des violences sexuelles. Les reconnaître et les prendre en charge chez les victimes et les agresseurs dès les premières violences, quand elles sont commises dans l’enfance, est un enjeu majeur pour enrayer la fabrique des agresseurs sexuels et en finir avec les violences sexuelles systémiques.

Muriel Salmona nous éclaire sur ce phénomène massif et d’une complexité stupéfiante, pour qu’enfin se brise le cycle de l’impunité et de la souffrance.


Pour découvrir un extrait du livre cliquez ICI

INTRODUCTION


Enrayer la fabrique des agresseurs sexuels n’est pas une utopie. Il est possible de lutter contre la criminalité sexuelle et son impunité, et cela passe avant tout, comme nous allons le démontrer tout au long de cet ouvrage, par la protection des enfants qui en sont les principales victimes, et par le traitement de leurs psychotraumatismes.

Enrayer la fabrique des agresseurs sexuels nécessite donc une meilleure connaissance et une meilleure compréhension des psychotraumatismes, de leurs mécanismes, de leurs conséquences et de leur traitement. Cette prise en compte des psychotraumatismes sera également très utile, comme nous le verrons, pour lutter contre le déni et l’impunité des violences sexuelles et rendre justice aux victimes. De même, face à la domination masculine, aux inégalités, aux discriminations et aux propagandes haineuses sexistes et anti-victimaires qui sont le terreau qui permet aux violences de s’exercer sans frein, la compréhension de leur impact psychotraumatique permettra de mieux identifier leur pouvoir colonisateur sur les agresseurs et de l’enrayer.

Depuis plus de vingt ans, nous savons, grâce à de nombreuses études, qu'avoir subi des violences dans l'enfance est le facteur de risque principal de subir ou de commettre des violences physiques et/ou sexuelles (Felitti et al., 1998, Felitti et Anda, 2010). Une grande étude de l’ONU dirigée par Fulu et publiée dans la revue internationale The Lancet en 2017 a montré que le fait d’avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance avait les conséquences suivantes :

  • pour une femme, le risque de subir à nouveau des violences sexuelles est multiplié par 4,5 ;
  • pour un homme le risque de commettre des violences sexuelles est multiplié par 3,5.

Après des violences physiques et sexuelles subies dans l’enfance,

  • le risque de subir à nouveau des violences physiques est multiplié par 16 pour une femme ;
  • celui de commettre des violences conjugales et sexuelles est multiplié par 14 pour un homme (Fulu, et al., 2017). 

On sait également que ce risque de subir ou commettre des violences sexuelles quand on en a subi dans l’enfance est dû principalement à des psychotraumatismes qui n’ont pas été pris en charge (Hillis et al., 2016).

      1. Tant que les enfants seront exposés…

Tant que les enfants seront exposés dans leur entourage à des prédateurs sexuels qui peuvent agir en toute impunité, tant que des centaines de milliers d’enfants seront victimes de violences physiques et/ou sexuelles chaque année et en seront gravement traumatisés, tant que ces enfants devront y survivre seuls, sans secours, protection ni soins, sans que leurs traumas soient identifiés ni soignés, sans que la société reconnaisse qu'ils subissent de graves violations de leurs droits, et sans que la justice poursuive ni condamne ces criminels, la fabrique des agresseurs sexuels fonctionnera à plein rendement, de proche en proche et de génération en génération.

Toutes les enquêtes sur le sujet établissent que les enfants, et avant tout parmi eux les filles et les enfants plus vulnérables sont les principales victimes de violences sexuelles. Les études scientifiques montrent que ces violences font partie des plus traumatisantes, par leur caractère particulièrement cruel, dégradant et inhumain. Elles provoquent d’importantes atteintes du cortex cérébral ainsi que des circuits cérébraux des émotions et de la mémoire (système limbique) qui sont à l’origine de troubles psychotraumatiques. Ces troubles s’installent dans la durée et auront de graves répercussions sur la santé et la vie des victimes. Le cerveau humain est très vulnérable face à ces violences et au stress extrême qu’elles génèrent, d’autant plus si les victimes sont jeunes et en situation de handicap, en particulier de type neurodéveloppemental, et que les violences sont répétées. Le cerveau, face au stress extrême qui représente un risque vital cardiologique et neurologique, met en place des mécanismes neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels ; ces mécanismes s’apparentent à une disjonction qui déconnecte les circuits émotionnels et ceux de la mémoire. La déconnexion des circuits émotionnels crée une dissociation traumatique qui anesthésie émotionnellement la personne traumatisée ; la déconnexion du circuit de la mémoire crée une mémoire traumatique non intégrée qui fait revivre de façon intrusive les violences comme si elles étaient en train de se reproduire.

Cette mémoire traumatique, a la particularité, contrairement à la mémoire normale autobiographique, d’être non consciente, non contextualisée dans le temps et l’espace, non intégrée, incontrôlable, immuable (Ledoux et Muller, 1997). Elle contient, telle une « boîte noire », tout ce qui s’est passé lors des violences, tout ce qu’a vécu, vu et ressenti la victime, mais également – et c’est ce qui va être à l’origine de la reproduction des violences – tout ce qu’a fait, dit et mis en scène l’agresseur, le tout étant mélangé comme un magma. Cette mémoire traumatique, indifférenciée tant qu’elle n’est pas décryptée et intégrée en mémoire autobiographique, a le pouvoir d’envahir le psychisme dès qu’une situation, un lien rappelle les violences ou leur contexte. Les victimes revivent alors les scènes de violences comme si elles étaient en train de se reproduire, comme dans une machine à remonter le temps. Cependant, lors de cette réactivation de leur mémoire traumatique, elles ne sont pas seulement envahies par les mêmes émotions, sensations et perceptions que celles qu’elles ont vécues lors des violences (terreur, pleurs, détresse, douleurs, images, bruits, odeurs…), mais également par la haine et la rage destructrice de leur agresseur, et par ses phrases assassines, ses cris, ses injures, ses menaces, son mépris et son excitation perverse et sadique. C’est ainsi que le psychisme de la victime se retrouve colonisé durablement par l’agresseur, par sa violence, par ses mensonges et ses mises en scène (Salmona, 2022a).

Et les enfants victimes – s’ils ne sont pas soignés – vont devoir grandir et se développer avec une mémoire traumatique qui contient à la fois ce qu’ils ont ressenti et la volonté destructrice de l’agresseur, ce qui va distordre la perception de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ressentent et de ce qu’ils veulent.

Cette mémoire traumatique, qui se déclenche dès qu’un lien rappelle les violences, est un enfer, elle fait croire à l’enfant traumatisé qu’il est à nouveau en danger, lui fait ressentir, comme si elles étaient en train de se reproduire, les mêmes douleurs, la même terreur, la même peur de mourir ou la même sensation de mort imminente que celles qu’il a vécues lors des violences, mais également la rage, les hurlements, les injures, la haine, le mépris, l’intentionnalité de détruire et l’excitation perverse sexuelle de l’agresseur. Cette violence, cette haine et cette excitation perverse qui les envahissent pourront se retourner contre eux ou contre autrui, comme nous le verrons. Elles pourront prendre la forme de tentatives de suicide, de mises en danger, d’automutilations, de pensées et de conduites sexualisées envahissantes, de phobies d’impulsions, ou bien de violences infligées à autrui, suivant les stratégies de survie que les enfants, en grandissant, choisiront dans celles qui seront à leur disposition pour gérer cette mémoire traumatique. Ce choix de stratégies de survie, plus ou moins induit par une société inégalitaire et sexiste, se fera en fonction de leur sexe, de leur milieu, de leur éducation, de leurs parcours individuels, de leurs rencontres et de leurs apprentissages. Ces stratégies de survie aboutissent à une identification principale soit à la victime qu’ils ont été, une victime coupable et honteuse qu’il faudra contrôler ou attaquer, soit à leur agresseur, un agresseur tout-puissant. Car pour échapper à ce tsunami d’émotions terrifiantes, reproduire les violences qui s’imposent dans leur tête sur soi ou sur autrui va recréer un état de stress extrême traumatique, refaire disjoncter le circuit émotionnel et provoquer à nouveau une dissociation traumatique. Ces conduites dissociantes violentes permettent d’éteindre le cerveau et d’anesthésier les émotions intolérables provenant de la mémoire traumatique. Mais ces stratégies de survie violentes ne sont efficaces que momentanément, elles aggravent les traumas, rechargent continuellement la mémoire traumatique et créent une dépendance à la violence, sur soi-même ou sur autrui, de plus en plus importante. Les victimes ne sont pas les seules à utiliser ces stratégies violentes sur elles-mêmes ou sur autrui pour calmer des explosions de leur mémoire traumatique qui génèrent des états de détresse, d’agitation, de colère, des mises en danger ou des tentatives de suicide ; leur entourage, ou encore des professionnels non formés les prenant en charge peuvent y avoir recours pour les calmer (menaces, coups, contention, isolement…).

Quel que soit leur choix de conduites dissociantes violentes pour se calmer, qu’il s’agisse de conduites à risque et violences contre soi-même ou bien de violences contre autrui, les victimes vont se re-traumatiser sans fin et devenir dépendantes de ces conduites dissociantes, ce qui met leur vie ou celle d’autrui en danger.

  • Pour les victimes qui s’agressent elles-mêmes ou se mettent en danger pour se calmer, leurs traumatismes, en s’aggravant, génèrent des états dissociatifs traumatiques quasi permanents qui les anesthésient émotionnellement et les mettent dans l’incapacité de se protéger et de se défendre. Elles seront dès lors ciblées par les agresseurs et en grand danger de subir de nouvelles violences sexuelles, comme nous le verrons.
  • Pour les victimes qui deviennent des agresseurs sexuels, les violences sexuelles qu’ils exercent sur autrui sont également traumatisantes pour eux-mêmes, elles génèrent à chaque passage à l’acte de nouveaux psychotraumatismes avec une mémoire traumatique qui se recharge. Leur mémoire traumatique contient alors les violences sexuelles qu’ils ont subies, les mots et les actes de leur agresseur, les violences sexuelles qu’ils ont commises et la terreur de leurs victimes. Leur mémoire traumatique devient de plus en plus explosive, en s’allumant à chaque fois qu’une situation rappelle des violences, soit subies soit commises, et ils vont continuer à la gérer en l’anesthésiant par de nouvelles violences physiques et sexuelles qu’ils vont commettre dans un processus sans fin.

Il est à noter que si l’on n'est jamais responsable des violences sexuelles que l’on a subies et des psychotraumatismes qu’elles entraînent, on est en revanche responsable – dès que l’on n’est plus un petit enfant – des stratégies de survie que l’on choisit quand celles-ci portent atteinte à l’intégrité d’autrui. On a toujours le choix, car il existe toute une gamme de stratégies de survie, plus ou moins coûteuses pour soi ou pour autrui.

La société porte également une très lourde responsabilité en ne protégeant pas efficacement les victimes de violences sexuelles, en ne traitant pas leurs psychotraumatismes, en ne poursuivant ni ne condamnant les agresseurs sexuels et en laissant une impunité quasi totale régner. Les enfants victimes de violences sexuelles, s’ils sont secourus, protégés et si leurs traumatismes sont traités spécifiquement, n’auront pas à mettre en place de stratégies de survie telles que des conduites dissociantes violentes, ils ne reproduiront pas de violences envers eux-mêmes ou contre autrui.

Et c’est l’environnement patriarcal toxique dans lequel les enfants victimes évoluent, qui, en véhiculant une domination masculine avec des représentations inégalitaires, sexistes et anti-victimaires associées à un déni des violences sexuelles et de leurs conséquences psychotraumatiques, va faciliter la reproduction de violences en fonction de leur sexe : aux filles de s’identifier aux victimes et de subir un continuum de violences tout au long de leur vie, aux garçons de s’identifier aux agresseurs et de devenir les instigateurs de ces violences.

      1. La fabrique des agresseurs se met alors en marche

Cette reproduction des violences passe donc avant tout par le psychotraumatisme. Être traumatisé par des violences c’est le facteur de risque le plus important, à la fois 

  • d’en subir de nouvelles et d’être en situation de vulnérabilité, et
  • d’en commettre sur autrui et d’adhérer à une position dominante. 

La distribution très genrée de ces facteurs de risque passe quant à elle par les inégalités de pouvoir entre les hommes et les femmes dans les sociétés où règnent sexisme, misogynie et exploitation sexuelle et domestique des filles et des femmes.

Et nous verrons comment, à l’échelle de la société et d’une population, les conséquences psychotraumatiques non reconnues ni soignées des violences sexuelles et sexistes entretiennent, voire aggravent de proche en proche et de génération en génération ces violences, ces inégalités, ces stéréotypes sexistes et cette haine des femmes par l’intermédiaire d’une mémoire traumatique qui colonise depuis l’enfance les hommes et les femmes – même si c’est dans une moindre mesure pour ces dernières.

Face au caractère systémique des violences sexuelles, à leur ampleur et à la gravité de leurs conséquences sur la santé mentale et physique des victimes, il est frappant de constater que d’année en année leur nombre est en constante augmentation et leur impunité s'aggrave, malgré tous les mouvements de libération de la parole des victimes, malgré toutes les avancées internationales sur les droits des femmes et des enfants, malgré l’amélioration des lois pénalisant les violences sexuelles, malgré la progression des connaissances sur leurs conséquences psychotraumatiques et leur traitement.

Il est également frappant de voir à quel point les inégalités entre les hommes et les femmes persistent, de même que les stéréotypes sexistes et les discours anti-victimaires, alors que tout permet de les dénoncer comme mensongers, incohérents et injustes.

Pourtant, on pourrait enrayer la fabrique des agresseurs et la progression continue du nombre de violences sexuelles ; il suffirait d’identifier toutes les victimes, de les protéger, de les légitimer, de soigner leurs psychotraumatismes et de leur rendre justice. Mais comme nous le verrons, cela nécessite une bonne connaissance des psychotraumatismes, pour chacune des étapes de la prise en charge des victimes. Et c’est là que le bât blesse : cette connaissance indispensable n’est toujours pas systématiquement enseignée aux professionnels qui sont censés mettre en œuvre ces prises en charge, ni diffusée aux victimes et à un large public, alors qu’elle est bien établie depuis des décennies. Pourquoi ?

Il y a une très forte volonté pour que rien ne bouge. Comme si l’essentiel était de prouver que les violences sexuelles sont une fatalité et de naturaliser la loi du plus fort. Faire l’impasse sur les psychotraumatismes, leurs mécanismes et le fonctionnement de la mémoire traumatique et son traitement permet d’un côté d’invisibiliser et de culpabiliser les victimes, de les rendre plus vulnérables, de délégitimer leurs témoignages, et de l’autre de dédouaner les agresseurs, de saborder les enquêtes et les procédures judiciaires. Il est alors possible en toute sécurité, pour certains hommes, d’utiliser les violences sexuelles comme conduite dissociante et comme un instrument de pouvoir extrêmement efficace pour soumettre, instrumentaliser et exploiter des femmes et des personnes vulnérables. En toute sécurité, car exercer des violences sexuelles se fait sans risque avec une garantie d’impunité : alors que seuls 10 % des viols font l’objet de plaintes, 74 % de ces plaintes sont classées sans suite et seulement 6 % aboutissent à une condamnation, soit 0,6 % de l’ensemble des viols (Infostat justice, 2018). Et cette impunité quasi totale offre aux agresseurs la garantie de pouvoir continuer à anesthésier leurs traumas grâce à de nouvelles violences, dans un processus que presque jamais rien n’arrête.

Les violences sexuelles ne sont donc pas une fatalité, on peut bloquer leur reproduction en reconnaissant et en protégeant les victimes, et surtout en traitant leurs psychotraumatismes.

Dans notre société où règne encore le déni de ces violences sexuelles et de leurs conséquences psychotraumatiques, la très grande majorité des victimes (83 %) ne sont jamais ni reconnues ni protégées (IVSEA, 2015) et quand il s’agit d’enfants victimes, seuls 8 % de ceux qui ont révélé les violences ont été protégés (MTV/Ipsos, 2019). Elles se retrouvent seules à devoir survivre face à leur agresseur, à sa stratégie, à ses discours et à ses violences, qu’elles peinent à identifier et à nommer. Le fait que l’agresseur soit le plus souvent un membre de la famille ou une personne proche rend très difficile pour des victimes le plus souvent en situation de vulnérabilité et de dépendance de se légitimer en tant que telles, de pouvoir dénoncer ce qu’elles subissent et de faire valoir leurs droits. Ainsi, elles se retrouvent seules face aux lourdes conséquences psychotraumatiques des violences, avec des réactions et des conduites qui leur semblent paradoxales et pour lesquelles elles se culpabilisent ou sont culpabilisées, des symptômes et des souffrances qu’elles ne comprennent pas. Mais comme ces conséquences psychotraumatiques sont très peu connues, même par les professionnels de santé qui ne sont presque jamais formés, elles ne sont pas diagnostiquées ni reliées aux violences subies. Alors que les symptômes psychotraumatiques sont des conséquences normales et universelles, 79 % des professionnels de la santé ne font pas de liens entre ces symptômes et les violences sexuelles qui en sont la cause (MTV/Ipsos, 2019). Et de façon particulièrement injuste, ce sont les victimes qui vont se sentir honteuses, coupables, bizarres, nulles, incapables, folles…, qui vont se remettre en question, avoir des doutes et peur d’être des menteuses, des monstres… qui vont devoir se cacher, se contrôler sans cesse, voire disparaître : les violences sexuelles dans l’enfance sont une des premières causes de mort précoce par suicides, accidents ou maladie (Felitti et Anda, 2010 ; Wang et al., 2023 ; Grummit et al., 2024).

      1. Les psychotraumatismes se traitent

Sous traitement, la mémoire traumatique se recontextualise et s’intègre en mémoire autobiographique, les stratégies de survie deviennent inutiles et les atteintes cérébrales se réparent grâce à une neurogenèse et à la neuroplasticité du cerveau. L’absence de protection et de soin qui est malheureusement la norme représente une très grave perte de chance pour les victimes en termes de santé, et aussi pour la société puisqu’elle participe à la production de problèmes majeurs de santé publique et à une reproduction sans fin des violences.

Sans trouble psychotraumatique et si notre société, inégalitaire, ne prônait pas une domination patriarcale tout en véhiculant une fascination pour les privilèges et une tolérance pour la violence envers les plus vulnérables, il n’y aurait nul besoin d’avoir recours à la violence pour survivre aux violences et pour être du « bon côté », celui des dominants.

Dans ce système inégalitaire, être une femme, un enfant ou une personne en situation de vulnérabilité (liée au handicap, à la maladie, à l’âge, à la précarité et à des discriminations) équivaut à être considéré comme de moindre valeur, donc ayant moins de droits, moins de dignité. Les violences sur ces personnes sont alors rationalisées comme « moins graves », voire sont légitimées sous couvert d’éducation, d’amour, de sexualité, de soins… Elles sont présentées de façon mystificatrice comme une nécessité et comme une fatalité.

Et les conséquences psychotraumatiques des violences, et parmi elles plus particulièrement la dissociation traumatique, sont retournées contre les victimes pour rationaliser les discriminations et les nouvelles violences commises contre elles. Les victimes dissociées sont considérées comme indignes et méritant ces violences : « Elles ne comprennent que si on est violent avec elles. » Et la gravité des violences est largement sous-estimée puisque ces dernières semblent n’avoir que peu d’impact sur des victimes anesthésiées émotionnellement par leur psychotraumatisme. Dans ce système inégalitaire et discriminant, commettre des actes dégradants et être cruel envers une femme ou une personne vulnérable, ce n’est pas être inhumain ; cela le serait si la victime était une personne dominante.

L’absence de reconnaissance, de prise en compte et de traitement des psychotraumatismes a pour effet de délégitimer les victimes et de tolérer l’abandon, les injustices, le manque d’empathie et de soins qu’elles subissent.

      1. dissociation et mémoire traumatiques à l’œuvre

La dissociation traumatique est au cœur de ce système de déni et d’invisibilisation de la gravité des violences et la mémoire traumatique est au cœur de la reproduction des violences.

Nous allons voir les rouages de la fabrique de ces systèmes et comment les enrayer. Et nous verrons que cela passe avant tout par la mise à jour des mécanismes psychotraumatiques et leur diffusion pour que personne ne les ignore et que tout le monde acquière une culture sur le psychotraumatisme ainsi que sur la protection et les soins les plus précoces à donner aux victimes. C’est ce qui permettra de leur rendre justice et de respecter leurs droits. Il s’agit de légitimer les victimes pour délégitimer les violences.

En protégeant les victimes, on les sort de la dissociation traumatique et de leur anesthésie émotionnelle, et en soignant leur mémoire traumatique on les décolonise de la violence.

Cet abandon et cette délégitimation des victimes, laissées seules pour survivre aux violences et à leurs conséquences psychotraumatiques, sont un scandale. Ce scandale et cette façon inhumaine de traiter les victimes ont été un choc pour moi quand j’en ai pris conscience dans mon adolescence avec ma propre expérience et la confrontation à la Shoah. J’ai été révoltée par toutes les injustices que subissaient les victimes de viols et de génocide, par le fait qu’elles devaient survivre seules dans une société indifférente. Rendre justice aux victimes des pires crimes est devenu un moteur essentiel de mon engagement et de mon parcours professionnel, associatif et militant.

De plus, depuis ma petite enfance, malgré une confrontation aux pires violences dans ma famille, je n’ai jamais pu adhérer au fait que la violence soit une fatalité humaine. Rien n’a pu me faire renoncer à l’idée que la nature humaine est fondamentalement bonne, pas même le choc de la découverte de la Shoah quand j’avais 13 ans, ni l’expérience quotidienne de la condition féminine, de la violence sexiste et sexuelle omniprésente et des injustices que je pouvais, tout au long de mon enfance et de mon adolescence, constater autour de moi et sur moi-même.

J’étais une petite fille – certes très malheureuse – mais je croyais intensément à un futur meilleur et à un bonheur possible, essayant avec obstination d’attraper au vol la moindre étincelle d’espoir. Pourtant, tout, autour de moi, me renvoyait à un sombre destin tout tracé, misérabiliste et inexorable. En tant que fille unique, piégée dans un milieu sordide et violent, survivant dans une solitude totale avec une mère sans foi ni loi, dans la trahison perpétuelle, capable de me vendre à l’âge de 6 ans à des pédocriminels pour rembourser des dettes abyssales et tenter d’éviter la faillite d’un petit commerce, faillite qui aura quand même lieu. Avec un père, vétéran d’Indochine, dépressif, alcoolo-tabagique, d’une jalousie maladive, obnubilé par ma mère, ayant abdiqué face à elle et qui mourra précocement à l’âge de 48 ans d’un cancer de l’œsophage et des poumons. Ma mère, qui multipliait les amants et me les imposait jusqu’au sein de notre domicile familial, n’avait aucune ambition pour moi et ne m’a jamais apporté aucune aide ni aucun soutien dans ma scolarité, bien au contraire, tandis que mon père, du fait de son addiction à l’alcool, n’en avait pas les capacités. Dans ce contexte les débuts de ma scolarité en primaire ont été catastrophiques. Les conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles que j’avais subies à 6 ans, l’insécurité dans laquelle je vivais liée aux violences intrafamiliales, à la précarité et aux déménagements successifs (nous avons vécu dans le sous-sol insalubre d’un pavillon de banlieue pendant 2 ans) ont fait que j’ai traversé dans un brouillard total ma scolarité jusqu’à la fin de la primaire. Je n’étais littéralement pas là, au point de n’avoir aucun souvenir de mon école, de mes enseignantes, ni de mes camarades de classe. J’étais en permanence réfugiée dans un monde imaginaire, m’inventant une autre vie avec d’autres parents, un royaume magique où j’étais une princesse. Dans la réalité j’étais en échec total, toujours dernière ou avant-dernière de ma classe, comme je l’ai appris par ma maîtresse en arrivant en CM2, lorsque bénéficiant d’un peu plus de stabilité j’ai enfin pu émerger. Mes parents ne m’ont laissé aucune trace des débuts de ma scolarité, rien, aucune photo, aucun bulletin, comme si cela n’avait pas existé, comme si je n’avais pas existé. Et, avec du recul, j’ai compris que j’étais totalement dissociée et qu'il valait mieux que je sois la plus « transparente » possible pour survivre dans ce milieu hostile. C’est moi qui, plus tard, dès que j’ai été en âge de pouvoir le faire, me suis mise à conserver compulsivement, avec mes premiers appareils photo, toutes les traces de ma vie puis de celle de ma famille et de mes enfants, avec un besoin de photographier tous les instants que je vivais, pour en conserver bien plus que le souvenir, l’assurance qu’ils avaient bien existé. Cette expérience de la dissociation et de l’amnésie traumatique allait me marquer profondément et construire une expérience au monde très particulière où rien de ce qui m’entourait ou de ce qui m’arrivait ne devait être ignoré, tout devait être observé, photographié, passé au crible d’une analyse pour être compris et répertorié. C’est ainsi que j’ai commencé à dessiner, écrire dans des cahiers, dévorer des livres et décrypter le monde en permanence.

Quand je suis revenue petit à petit au monde à partir du CM2, ce fut une expérience à la fois merveilleuse et très douloureuse. Je ne pouvais plus échapper à ce qui se passait chez moi et à toutes les souffrances que j’avais déjà endurées. Il a fallu rattraper plusieurs années, j’ai redoublé le CM2 et j’ai enfin pu me faire mes premières amies (les classes étaient non mixtes). Lors de ce redoublement, mes résultats scolaires s’étaient améliorés, mais étaient toujours insuffisants et ma maîtresse a voulu m’orienter vers un CAP (certificat d'aptitude professionnelle, à l'époque) et ne pas me laisser passer en sixième, considérant que je ne serai pas capable de suivre un enseignement général au collège. J’ai alors décidé de me battre, j’ai été ma propre avocate et j’ai plaidé ma cause, demandé qu’on me laisse une chance et je l’ai obtenue, non sans entendre que c’était voué à l’échec.

Grandir, être de plus en plus autonome et pouvoir gérer moi-même ma scolarité au collège, avoir des professeurs passionnants qui ont cru en mes capacités, cela m’a sauvée. Un peu par dérision, lors de mon entrée au collège, ma jeune tante maternelle de 19 ans, qui travaillait déjà et devait quand même être un peu impressionnée par mon obstination à passer en sixième, m’avait promis de m’offrir le chien dont je rêvais toutes les nuits si j’étais dans les cinq premières lors de mon premier bulletin, en étant sûre que cela ne se produirait pas. Contre toute attente de mon entourage, je fus classée 3e de ma classe, inaugurant une longue série de succès scolaires et une passion d’étudier, et j’eus une petite chienne avec laquelle je pus partager l’amour et la complicité qui me manquaient tant. Et c’est ainsi qu’en étant élue déléguée de classe au collège, je pus commencer une longue carrière de défenseure des droits de mes pairs tout au long de ma scolarité, jusqu’en faculté.

C’était parti, j’y croyais, et à l’âge de 13 ans en revenant du collège – je me souviens exactement de la rue et de l’endroit – j’ai scellé un pacte avec moi-même : je combattrais toute ma vie les violences, les inégalités et les injustices, je prendrais au sérieux la parole des enfants qui en sont victimes, et je ferais tout pour les protéger et leur rendre le monde meilleur et pour qu’ils ne soient pas abandonnés à leur sort. Un livre m’avait marqué, Chiens perdus sans colliers de Gilbert Cesbron, qui confortait ce que je pensais : les enfants ne sont pas mauvais, délinquants, violents par nature, ils le sont du fait de leur histoire ; ils ont été massacrés, déportés de leur vie, et il est essentiel et possible de leur rendre leur dignité en reconnaissant ce qu’ils ont subi et en leur permettant de reprendre leur route. Je trouvais particulièrement injuste que la société ne protège pas les enfants des pires violences, qu’elle les laisse survivre seuls et qu’elle vienne ensuite les juger et les considérer comme « perdus » quand ils développent des troubles psychiatriques ou quand ils deviennent alcooliques, toxicomanes, délinquants, marginaux, sans prendre en compte leurs traumatismes ni les soigner, sans leur avoir jamais tendu la main. Ma propre expérience et l’extrême solitude qui avait été la mienne, le parcours de mon père, son alcoolisme, sa dépression et sa mort précoce, que je reliais à son enfance fracassée et à ses années de guerre, et surtout le récit des rares survivants des camps d’extermination nazis qui avaient dû, dans l’indifférence de tous, avancer seuls pour réintégrer à marche forcée un monde qui avait permis ces crimes contre l’humanité, tout cela représentait une injustice intolérable qu’il fallait réparer à tout prix pour éviter qu’elle se reproduise encore et encore. Plus jamais ça.

J’ai pu, au prix de beaucoup d’efforts, en compartimentant le plus hermétiquement possible ma vie au collège, au lycée puis à la fac d’un côté et ma vie dans ma famille catastrophique de l’autre, avancer et envisager un avenir. Je me suis projetée d’abord comme enseignante en secondaire pour donner une chance à tous les laissés-pour-compte, comme on l’avait fait pour moi, puis comme médecin après la maladie et la mort de mon père, pour soigner tous ceux que la vie avait traumatisés. J’ai fait des études scientifiques et médicales et c’est ainsi qu’avec l'aide et le soutien inconditionnel de mon mari puis de mes enfants, je suis devenue médecin psychiatre, spécialisée en psychotraumatologie. J’ai pris en charge pendant plus de 30 ans des victimes de violences et fait des travaux de recherche clinique sur les mécanismes psychotraumatiques et les violences. Et depuis près de 20 ans, je me suis engagée pour la cause des victimes et la lutte contre les violences, j’ai écrit des articles, des livres, fait des formations, organisé des colloques, fondé une association que je préside « Mémoire traumatique et victimologie » et créé avec mon mari un site pour diffuser au plus grand nombre ces connaissances, alors que rien ne semblait m’y conduire au départ.

Mon parcours peut sembler résilient, et les traumas que j’ai subis très jeune être « un merveilleux malheur », comme aime à le développer Boris Cyrulnik ; j’ai été un temps tentée de le croire, mais il n’en est rien. J’ai expérimenté les conséquences psychotraumatiques des violences et de la volonté de détruire des agresseurs, de leur impact sur la santé et des souffrances qu’elles engendrent, de la colonisation par les agresseurs, et du continuum de violences qu’elles entraînent. J’ai expérimenté à quel point elles détruisent l’estime de soi, sapent la confiance en soi, font de son espace psychique et de son corps des ennemis contre lesquels il faut lutter sans cesse, à quel point elles sont aliénantes et nous formatent, nous amenant à nous considérer comme sans valeur ni légitimité, comme des esclaves. Ce sont des machines à fabriquer de la haine de soi, de la peur d’être mauvaise, méchante, perverse, nulle, pas normale, conduisant à des comportements qui semblent incohérents, paradoxaux, masochistes, comme si on se sabotait, se punissait et se détruisait sans fin. Malgré tout, mon sens de la justice et un besoin de cohérence m’ont persuadée que tout ce que je vivais, ressentais, la façon dont je me jugeais et me détestais n’était pas logique, et je retrouvais ces mêmes fonctionnements chez mon père, chez des amies puis chez les patientes et les patients lors de mes études de médecine et en psychiatrie, avec comme dénominateur commun chez toutes ces personnes un passé de violences dans l’enfance, avec presque toujours des violences sexuelles. Je me suis donc attelée à essayer de comprendre et décrypter les mécanismes à l’origine de ces comportements et de ces symptômes paradoxaux, à essayer de les relier, en un fil cohérent et logique, aux violences et aux agresseurs. En ne renonçant jamais à y trouver un sens, en refusant d’adhérer à de nombreuses théories et pseudo-syndromes mettant systématiquement en cause les victimes – comme si c’était elles qui produisaient leur malheur, qui étaient névrosées, folles, masochistes –, et à un incroyable fatras de stéréotypes sexistes présentant les femmes comme des êtres inférieurs dont l’essence est d’être dominées, esclavagisées, des êtres sans dignité aimant souffrir et subir des violences.

Pendant mes études, j'ai découvert un univers médical violent où régnait une domination patriarcale sans partage, un déni et une loi du silence vis-à-vis des violences faites aux femmes, aux enfants et aux personnes les plus vulnérables, et une négation de la réalité des traumas qui n’étaient pas enseignés, pas reconnus et encore moins soignés. En tant que jeune psychiatre en formation, accéder à des connaissances, des recherches sur les psychotraumatismes était une gageure. Seule l’approche psychanalytique de la névrose traumatique permettait, non sans difficulté, d’avoir accès aux travaux de précurseurs comme Janet et Ferenczi. Un ami qui avait fait sa thèse en psychiatrie militaire sur les traumatismes chez les vétérans de la guerre d’Algérie m’a permis, lors de mon internat, d’accéder à de nombreuses recherches sur les traumas de guerre et aux travaux du professeur Louis Crocq. Puis l’arrivée d’internet a permis de démultiplier les possibilités d’accéder à toute une importante littérature internationale méconnue en France, principalement anglo-saxonne, sur les conséquences des violences, sur les avancées en neurosciences et en neuro-imagerie relatives à l’impact des violences sur le cerveau, sur les circuits du stress, et de pouvoir ainsi progresser dans la compréhension des mécanismes neurophysiologiques à l’œuvre dans les traumas (Ledoux et Muller, 1997). À partir de toutes ces connaissances et ces recherches, j'ai essayé de concevoir pas à pas un modèle qui concilie les neurosciences et la clinique pour expliquer les mécanismes en jeu dans le trauma, et enfin rendre justice aux victimes et comprendre la mécanique de la fabrication de violences de génération en génération et de proche en proche.

Ce parcours éreintant et traumatisant, je ne le souhaite à personne et je ne l’érige pas en modèle. Si j’ai eu l’énergie et l’obstination de le faire, c’est uniquement parce que je veux éviter à tout prix que d’autres aient à le faire. Ce parcours n’a de sens que pour témoigner des conséquences psychotraumatiques des violences et éclairer leurs mécanismes, rendre justice aux victimes, les « décoloniser » et démontrer qu’avec une protection, une reconnaissance des psychotraumas et une compréhension de leurs mécanismes et des soins appropriés, toutes ces conséquences sont évitables et que l’on peut protéger efficacement les victimes et particulièrement les enfants et ainsi enrayer une fabrique sans fin de violences, de production d’inégalités, d’injustices et de précarité

Nous allons, tout au long de cet ouvrage, expliquer en détail comment le psychotraumatisme est la clé de voûte de la fabrique des agresseurs et de la reproduction des violences. Identifier les victimes le plus tôt possible, les protéger, reconnaître et traiter leurs psychotraumas sont la façon la plus efficace et la plus rapide d’enrayer cette production de violences (Salmona, 2009). Et c’est d’autant plus efficace qu’on ne laisse aucun enfant victime sans soin ni protection, les enfants étant les principales victimes de violences sexuelles. On peut éviter que les enfants victimes subissent sans fin des violences tout au long de leur vie ou deviennent des agresseurs. De même, dès le premier passage à l’acte, qui a lieu jeune, le plus souvent avant 18 ans, il est primordial de prendre en charge les agresseurs sexuels. Mon expérience clinique auprès de jeunes agresseurs m’a démontré que soigner leurs traumas, leur expliquer les mécanismes psychotraumatiques, la colonisation par l’agresseur et la violence est efficace et peut les sortir d’un parcours de prédateur.


Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie


drmsalmona@gmail.com
https://www.memoiretraumatique.org

lundi 6 janvier 2025

Bonne Année 2025 à vous toutes et tous !

 

Chères toutes et chers tous, 
 
Le bureau de l'association vous souhaite une très belle, heureuse et lumineuse année 2025 , qu'elle vous garde en bonne santé et que la beauté et l'émerveillement que la nature nous offre nous donne en cette nouvelle année l'énergie, la force et la détermination pour affronter le monde et le rendre meilleur, plus juste et plus solidaire.
Avec Dilou le petit bouquetin (qui a grandi depuis le petit album de Muriel Salmona) et son ami le gypaète, tous ensemble allons toujours plus loin et plus haut dans notre lutte contre les violences et pour l'égalité des droits
 
Le bureau 
 
 
 

mardi 26 novembre 2024

POUR OUVRIR LES YEUX SUR L'INCESTE un texte de Muriel Salmona à propos de L’histoire d’un vilain rat de Bryan talbot publiée par Delirium Un livre à mettre dans toutes les mains


 

 

 POUR OUVRIR LES YEUX SUR L'INCESTE 

Un livre à mettre dans toutes les mains

texte de Muriel Salmona

psychiatre, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie

Téléchargeable ICI en PDF sur le site memoiretraumatique.org

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2025-Ouvrir_les_yeux_sur_l_inceste-Histoire_d_un_vilain_rat.pdf



La magnifique traduction française de la création de Bryan Talbot The Tale of one Bad Rat - L’histoire d’un vilain rat, publiée par Delirum - nous fait découvrir une bande dessinée bouleversante, d’une très grande sensibilité et d'une incroyable justesse qui, avec une grande force d’évocation, nous agrippe et nous plonge dans l’univers mental d’une adolescente dont la vie a été fracassée par un inceste paternel.


Elle nous fait approcher au plus près de ce que sont les violences sexuelles faites aux enfants et de la gravité de leurs conséquences psychotraumatiques. 


En apnée nous suivons l’odyssée d’Helen qui, après avoir fugué pour fuir l’horreur, se retrouve à devoir survivre seule à la fois face aux dangers mortels de la rue où de nombreux prédateurs rôdent, et face aux dangers psychiques que représentent la mémoire traumatique principal symptôme psychotraumatique. Mémoire traumatique qui, avec ses intrusions, ses flashbacks, ses cauchemars, lui fait revivre sans cesse, comme une machine infernal à remonter le temps les pires scènes des violences qu’elle a subies avec les mêmes émotions, la mêmes terreurs et la même volonté implacable et cruelles de la détruire dans des scénarios de mort qu’il lui faut sans cesse contenir ou fuir. 


On la suit dans ses périples effrayants au milieu d’adultes indifférents, insensibles ou menaçants. On la voit se raccrocher avec détermination à quelques bribes de vie grâce à de belles et fugaces rencontres improbables et impossibles, et surtout grâce son petit rat, son seul fidèle compagnon de route. La mort de ce dernier le transforme en un compagnon imaginaire géant et protecteur qui va la guider dans les pas de l’auteure de livres pour enfants Beatrix Potter avec pour fil rouge l’histoire métaphorique du vilain petit rat dont elle partage le même prénom. Comme elle, le vilain petit rat fuit une famille où il est menacé en permanence d’être croqué par un chat monstrueux le vieux Griffu, échappe à de grands dangers, fait une belle rencontre qui lui permettra de vaincre le chat monstrueux qui collectionne un grand nombre de victimes et, en en débarrassant toute la population, de passer du statut de vilain petit rat à celui de héros. Dans cette quête de beauté avec de merveilleux paysages, de vérité, de justice et de cohérence, elle rencontrera une nouvelle famille formée par un couple bienveillant et protecteur qui lui permettra de briser le silence, de retrouver une estime de soi et d’avoir la force de confronter son père à ce qu’il lui a fait, à ses mensonges et à ses manipulations et de s’en libérer.


The Tale of one Bad Rat est un livre précurseur qui permet d’ouvrir les yeux sur les réalités indicibles de l’inceste, sur des dénis accumulés depuis la nuit des temps dont on sort à peine en 2025 et qui ont relégués tant et tant d’enfants victimes de violences sexuelles dans une solitude glaçante et un silence de mort, sans secours ni soutien, sans aucune reconnaissance ni accès à une protection, à des soins et à une justice. 


Les grandes enquêtes internationales et nationales nous révèlent des chiffres d’une ampleur effarante, un enfant sur 5 (en très grande majorité des filles) sont victimes de violences sexuelles commises presque exclusivement par des hommes, dans la moitié des cas il s’agit de violences sexuelles incestueuses commises par des membres de la famille, délaissant aucune chance aux enfants d’y échapper. Ce sont au moins 160 000 enfants qui subissent chaque année des violences sexuelles. Ces violences sexuelles sont de graves violations des droits des enfants qui sont reconnues par le droit européen comme des actes cruels, dégradants et inhumains. 


Cela reste encore peu connu mais les enfants sont les principales victimes de ces violences. Les violences sexuelles contrairement à ce que les agresseurs essaient de faire croire ne sont pas du désir ni des pulsions sexuelles, elles n’ont rien à voir avec de l’amour ce sont des armes de destruction qui réduisent les victimes à des objets. Elles sont toujours exercées dans le cadre d’un rapport de force et d’autorité sur des personnes avant tout vulnérables. Plus les enfants sont en situation de vulnérabilité, plus le risque est grand que les enfants subissent des violences sexuelles, les enfants en situation de handicap subissent jusqu’à 5 fois plus de violences, 6 fois s’ils sont autistes. Quand les violences sexuelles sont commises par des parents ou des personnes de confiance elles représentent pour l’enfant, en plus de l’extrême violence et du traumatisme qu’elles entraînent, une trahison et abandon qui le font basculer dans un néant glacé, seul sans repère, sans cohérence, disloqué, déconnecté de son corps, de son histoire, de sa mémoire et du monde qui l’entoure, colonisé par des images, des sensations, et des émotions incompréhensibles, avec un sentiment de vide et de mort intérieure. 


Ces violences sexuelles faites aux enfants font partie des violences les plus traumatisantes et destructrices qui soient. Elles entraînent de graves conséquences à long terme sur la vie et la santé physique et mentale des victimes si elles ne sont pas protégées et soignées. Avoir subi de telles violences peut être le déterminant principal de la santé même 50 ans après avec des risques importants de mort précoces, de dépressions, de tentatives de suicides, de conduites addictives, de troubles cognitifs, alimentaires et du sommeil, de douleurs chroniques et de maladies liés au stress (cardio-vasculaires, digestives, génito-urinaires, neurologiques, immunitaires…). Elles représentent également un risque de précarité, de handicap, de conduites à risque et de subir de nouvelles violences et des situations de discriminations ou d’en commettre (les filles victimes de violences sexuelles ayant beaucoup plus de risque de subir des violences sexistes et sexuelles tout au long de leur vie).  


Les violences sexuelles sont celles qui entrainent le plus de conséquences psychotraumatiques (dans plus de 80% des cas pour les enfants). Les psychotraumatismes sont des réactions normales, universelles à des violences qui génèrent non seulement des blessures psychiques mais également neurologiques avec des dysfonctionnements importants des circuits émotionnels et de la mémoire, et des atteintes de certaines structures corticales (visibles sur des IRM, et qui sont heureusement réversibles grâce à la neuroplasticité du cerveau si la victime bénéficie de soins appropriés et d’un contexte bienveillant et sécurisant).


Que se passe-t-il dans le cerveau lors de violences sexuelles ?


Lors de ces violences inconcevables des mécanismes de survie neuro-biologiques se déclenchent chez la victime pour échapper au risque psychologique, cardiologique et neurologique provoqué par une terreur et un stress extrême impossible à contrôler du fait d’un état de sidération qui paralyse les fonctions de modulation du cerveau. Cet état de sidération qui empêche la victime de crier, de réagir et de se débattre, est provoqué par le caractère terrorisant et inintégrable des violences. L’absence de réponse et de modulation des fonctions supérieures fait que la structure archaïque sous-corticale et non consciente (l’amygdale cérébrale) qui est à l’origine de la réponse émotionnelle en faisant secréter des hormones de stress (adrénaline et cortisol), monte en puissance avec des taux très élevés d’hormones de stress qui deviennent toxiques pour le cœur (adrénaline) et le cortex cérébral (cortisone), ce qui représente un risque vital pour l’organisme : on peut mourir de stress (arrêt cardiaque) et avoir de graves atteintes cérébrales.


Pour échapper à ce risque vital, le cerveau met en place des mécanismes neuro-biologiques exceptionnels de survie qui sont assimilables à une « disjonction » (comme dans un circuit électrique en survoltage qui disjoncte pour protéger les appareils qui y sont branchés). Cette « disjonction » interrompt brutalement les circuits émotionnel et de la mémoire qui sont associés et isole l’amygdale cérébrale qui ne peut plus faire secréter d’hormone de stress. Cette « disjonction »  qui s’accompagne de la production par le cerveau de drogues dures endogènes proches d’un cocktail morphine-kétamine, provoque une anesthésie émotionnelle et physique et entraîne ce qu’on appelle un état dissociatif traumatique. Cet état dissociatif donne à la victime la sensation d’être absente, déconnectée de son corps (elle peut avoir l’impression d’être hors de son cops), elle ne ressent plus ses émotions ni la douleur, elle est comme indifférente et spectatrice d’une situation qui semble alors irréelle. La victime dissociée privée de ses émotions et de ses ressentis est dans l’incapacité de se défendre et d’échapper à l’emprise de l’agresseur qui peut la manipuler et la soumettre à sa guise. La « disjonction » est également à l’origine de troubles temporo-spatiaux et de troubles de la mémoire par l’interruption des circuits de la mémoire qui n’est plus intégrée par une structure corticale importante, l’hippocampe qui est le système d’exploitation de la mémoire et du repérage temporo-spatial : avec des amnésies partielles ou complètes et surtout la constitution d’une mémoire traumatique, symptôme central des psychotraumatismes. Cette mémoire traumatique est une mémoire émotionnelle des violences contenue et piégée dans l’amygdale cérébrale qui n’a pas pu être intégrée par l’hippocampe en mémoire autobiographique, celui-ci étant déconnecté. 


La mémoire traumatique 


Cette mémoire traumatique qui n’est pas consciente, ni contextualisée, est hypersensible et comme une bombe elle est susceptible d’exploser au moindre lien qui rappelle les violences, en faisant revivre de façon incontrôlée, lors de réminiscences (flash-backs, intrusions hallucinatoires, cauchemars) les scènes de violences et la mise en scène de l’agresseur, avec les mêmes émotions (terreur, détresse, douleurs, sentiment de n’avoir aucune valeur, d’être nié, de n’avoir aucun droit, d’avoir mérité ces violences, etc.) comme une machine infernale à remonter le temps. C’est une véritable torture, elle transforme la vie des victimes en champs de mine. Elle contient de façon indifférenciée tout ce qui s’est passé lors des violences non seulement la scène traumatique, son contexte, les émotions, les douleurs, les bruits et les odeurs et toutes les sensations ressenties par la victime, mais également l’agresseur, sa mise en scène, ses paroles, sa haine, son mépris, son excitation. Tout y est mélangé, sans identification, ni tri, ni contrôle possible. Au moment des violences cette indifférenciation empêchera la victime de faire une séparation entre ce qui vient d’elle et de l’agresseur, elle pourra à la fois ressentir une terreur, une douleur, un dégoût et un désespoir qui sont les siens, associée à une rage, un mépris, une haine et une excitation et une jouissance perverses qui sont celles de l’agresseur. De même il lui sera impossible de se défendre des phrases mensongères et assassines de l’agresseur : « tu aimes ça », « c’est ce que tu veux », « c’est de ta faute », « c’est ce que tu mérites», ces phrases s’installeront telles quelles dans l’amygdale cérébrale. Après les violences, cette mémoire traumatique y restera piégée.


Sans soin spécifique pour traiter la mémoire traumatique, les violences sexuelles et l’agresseur continuent à coloniser et à hanter le psychisme de la victime, à la torturer et à la piéger dans une peur et une insécurité permanente. Telle une bombe à retardement elle peut exploser des années, voire des dizaines d’années après, au moindre lien qui rappelle les violences. Une situation anodine comme un lieu, une sensation, une odeur ou quelqu’un qui vous touche sans mauvaise intention et des images et des sensations atroces et insupportables surgissent et viennent envahir tout le champs psychique et font que ces situations ou ces gestes deviennent impossibles.


Avec cette mémoire traumatique, les victimes contre leur gré se retrouve donc à revivre sans cesse les pires instants de terreur, de douleur, de désespoir, comme une torture sans fin, avec des sensations soudaines d'être en grand danger, d'être écrasés, de suffoquer, de perdre connaissance, de mourir, d'avoir la tête ou le corps qui explose, d’être envahi par des douleurs intenses. Avec elles, l'agresseur reste éternellement présent à leur imposer les mêmes actes atroces, les mêmes phrases assassines, la même souffrance délibérément induite, la même jouissance perverse à les détruire, leurs mêmes mises en scène mystificatrices avec une haine, un mépris, des injures, et des propos qui ne les concernent en rien.


Les victimes sont obligées de se construire avec ces émotions et ces sensations de terreur, avec ces actes et ces propos pervers, à devoir lutter contre eux et les contrôler, sans souvent les comprendre et sans ne plus savoir où se trouve la ligne de démarcation entre elles et cette mémoire traumatique. La mémoire traumatique les hante, les exproprie et les empêche d'être elles-mêmes pire elle leur fait croire qu'elles sont doubles, voire triples : une personne normale (ce qu'elles sont), une moins que rien qui a peur de tout, qui ne vaut rien et une coupable dont elles ont honte (ce que l'agresseur a mis en scène et qu'elles finissent par intégrer puisque cela tourne en boucle dans leur tête), une personne qui pourrait devenir violente et perverse et qu'il faut sans cesse contrôler, censurer (ce même agresseur avec sa violence, son excitation et sa jouissance perverse tellement présentes et envahissantes à l'intérieur d'elles- même qu'elles finissent par se faire peur en le confondant avec elles-mêmes). Cette colonisation par l’agresseur génère chez les victimes une atteinte grave de l’estime de soi, et la sensation d’être étrangère à elles-mêmes. Elles se retrouvent à se haïr, se mépriser, se dénigrer, s’injurier, s’accuser comme l’a fait l’agresseur au moment des violences, à considérer qu’elles n’ont aucun droit, juste celui de s’écraser ou de disparaître... Tout se passe comme si l’agresseur les avait programmées, avec cette mémoire traumatique qu’il a crée, pour devenir leur pire ennemi : une torture à vie, si rien n’est fait pour déconstruire ce système, et libérer les victimes de cet enfer par des soutiens, des soins et une solidarité sans faille pour remettre le monde à l’endroit.


Les enfants victimes traumatisés tant qu’ils ne sont pas protégés ni pris en charge, sont condamnés à mettre en place des stratégies de survie handicapantes et épuisantes. Pendant les violences et tant que l’enfant est exposé à l’agresseur, deux mécanismes principaux sont mis en place pour y survivre : 


  • un mécanisme d’adaptation pour éviter la survenue de violences et le risque de rejet et d’abandon, les enfants s’hyperadaptent à leurs agresseurs, ils apprennent à percevoir et à anticiper leurs moindres changements d’humeur. Ils deviennent de véritables scanners, capables de décrypter et d’anticiper les besoins de leurs bourreaux. Il est essentiel que ceux-ci ne soient jamais contrariés, ni énervés, ni frustrés, il faut donc les connaître parfaitement, être en permanence attentifs à ce qu’ils font, à ce qu’ils pensent. Ce phénomène peut donner l’impression aux enfants d’être très attachés à leurs bourreaux puisque ces derniers prennent toute la place dans leur tête (syndrome de Stockholm). Les enfants peuvent croire que leurs agresseurs comptent plus que tout pour eux (c’est ce que leur rappelle sans cesse l’agresseur : « je suis tout pour toi, sans moi tu n’es rien… »), et que ce qu’ils ressentent est un sentiment d’amour alors que c’est une réaction d’adaptation à une situation de mise sous terreur.


  • un mécanisme neuro-biologique de protection face au stress extrême et à des situations intolérables, qui se met en place automatiquement : la dissociation. Ils sont alors déconnectés de leurs émotions, avec une anesthésie émotionnelle et un seuil de douleur est très augmenté. Ils se retrouvent à fonctionner sur un mode automatique, comme robotisés, détachés d’eux-mêmes, comme s’ils étaient spectateurs. Cela entraîne une pseudo-tolérance à l’intolérable : « même pas mal ! ». Tant que dure cette dissociation, la situation paraît irréelle et il est très difficile pour les enfants d’arriver à identifier la gravité des violences qu’ils subissent. De plus cette dissociation traumatique fera que face aux agresseurs ou à toute autre personne, les enfants paraîtront indifférents à leur sort, inertes, puisqu’ils seront coupés de leurs émotions. Nous avons tous la capacité de percevoir de façon innée les émotions d’autrui, grâce à des neurones miroirs, mais si les émotions de la personne qui nous fait face sont anesthésiées, nous ne ressentirons rien émotionnellement, ce n’est qu’intellectuellement que l’on pourra identifier la souffrance de cette personne, mais encore faut-il être informé de l’existence de cette dissociation (dans le film Polisse nous assistons à une scène de ce type avec la jeune ado qui a été obligée de faire des fellations à plusieurs garçons pour récupérer son portable, elle semble si indifférente à la situation que les policiers se permettent de lui faire la leçon et même de se moquer d’elle en lui posant la question : «et si on t’avait pris ton ordinateur portable qu’est-ce que t’aurais fait ?» et toute la salle de cinéma d’éclater de rire...). Grâce à cette dissociation les agresseurs ne sont pas gênés par des signaux de détresse trop importants de leurs victimes, c’est très dangereux pour les enfants car les actes violents pourront devenir de plus en plus extrêmes, sans qu’ils puissent y réagir (en revanche l’anesthésie émotionnelle ne les empêchera pas d’être encore plus traumatisés). De même les proches ne détecteront pas facilement la détresse et la souffrance des enfants, et passeront d’autant plus à côté. Enfin, cette dissociation est un facteur de risque important d’être maltraité, de devenir le souffre-douleur de tout le monde. Tant que les victimes sont exposées à l’agresseur, le processus dissociait perdure.


Après les violences et à distance de l’agresseur, les enfants sortent de leur état dissociatif permanent mais la mémoire traumatique prend le relais et ils continuent d’être colonisés par les violences et l’agresseur aussitôt qu’un lien les rappelle (lieu, situation, sensation, émotion,...), et c’est à nouveau insupportable, crée un sentiment d’insécurité et de peur permanente et donne l’impression de sombrer dans la folie, cela peut même faire croire aux victimes qu’elles ne sont pas capables de vivre sans leur agresseur puisqu’elles semblent aller plus mal loin de lui et de les pousser - si elles ne connaissent pas le mécanismes psychotraumatiques - à retourner vivre avec lui pour être dissociées à nouveau et ne plus rien ressentir. 


Les victimes traumatisées qui ne bénéficient pas de prise en charge doivent alors essayer d’échapper à tout prix cette cette mémoire traumatique, pour cela deux stratégies sont possibles :


  • des conduites d’évitement, de contrôle, d’auto-censures pour l’empêcher de s’allumer, tout ce qui peut rappeler les violences ou l’agresseur est évité, de même que tout stress ou toute douleur, avec des comportements phobiques, des lavages incessants, des vérifications, etc. Les enfants se construisent souvent un petit monde sécurisé où ils ne se sentent pas en danger qui peut être un monde physique (comme leur chambre, entourés d’objets, de peluches ou d’animaux qui les rassurent) ou mental (un monde parallèle où ils se réfugient continuellement), tout changement sera perçu comme menaçant car mettant en péril les repères mis en place. Mais ces conduites d’évitement ont leurs limites, les enfants surtout quand ils deviennent adolescents ou jeunes adultes vont devoir s’exposer, avancer, prendre de l’autonomie et «mettre les pieds sur des mines» et risquer ainsi de subir une «explosion» de leur mémoire traumatique, la deuxième stratégie devient alors nécessaire.


  • des conduites à risque pour s’anesthésier en provoquant coûte que coûte cette dissociation en faisant monter le niveau de stress. Soit en revenant vers l’agresseur qui fera aussitôt disjoncter la victime et l’anesthésiera (ce qui peut s’apparenter à une pseudo-dépendance), ou bien en "re-jouant" physiquement ou en imagination compulsivement une scène de violence comme s’il était présent, en s’auto-agressant, en se mettant en grand danger ou en tentant de se tuer. La victime sera alors perçue en toute injustice comme consentante, masochiste ou co- auteure des violences subies… Les conduites à risque dissociantes dont les victimes expérimentent rapidement l'efficacité permettent de calmer un état de tension intolérable, ou prévenir sa survenue en s’anesthésiant à l’avance, en provoquant une disjonction comme lors des violences. Cette disjonction provoquée peut se faire de deux façons, soit en provoquant un stress très élevé qui augmentera la quantité de drogues dissociantes sécrétées par l'organisme, soit en consommant des drogues dissociantes (alcool, stupéfiants, médicaments à haute dose). Ces conduites à risques dissociantes peuvent être des conduites auto-agressives (se frapper, se mordre, se brûler, se scarifier, tenter de se suicider), des mises en danger (conduites routières dangereuses, jeux dangereux, sports extrêmes, conduites sexuelles à risques, situations prostitutionnelles, fugues, fréquentations dangereuses), des conduites addictives (consommation d'alcool, de drogues, de médicaments, troubles alimentaires, jeux addictifs), des conduites délinquantes et violentes contre autrui (l'autre servant alors de fusible grâce à l'imposition d'un rapport de force pour disjoncter et s’anesthésier). Les conduites dissociantes rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive, les conduites dissociantes sont alors toujours plus nécessaires, créant une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence. Ces conduites dissociantes qui s’imposent sont incompréhensibles et paraissent paradoxales à tout le monde (à la victime, à ses proches, aux professionnels). Elles peuvent entraîner un état dissociatif permanent comme lors des violence avec la mise en place d’un détachement et d’une indifférence apparente qui les mettent en danger d’être encore moins secourues et d’être ignorées et maltraitées. Elles sont chez les victimes à l'origine de culpabilité et d'une grande solitude, qui les rendent encore plus vulnérables.


Du fait de ces stratégies de survie une victime de violences sexuelle dans l’enfance peut en grandissant osciller entre une impossibilité ou une très grande difficulté d’avoir une vie amoureuse et sexuelle avec une personne qu’elle aime, la plupart des gestes d’un acte sexuel entraînant des réminiscences traumatiques les rendant insupportables ou très angoissant, à tel point qu’un rapport sexuel ne sera possible qu’en étant dissociée (droguée, alcoolisée ou après s’être stressée par des images mentales violentes). et lors de situations de grand un mal-être, des conduites à risques sexuelles, avec des rencontres avec des inconnus sans protection, avec des actes sexuels violents (auto-agressifs ou dans le cadre de pratiques «sado-masochistes»), des mises en danger sur internet ou avec des personnes manifestement perverses, voire même des pratiques prostitutionnelles, pour se dissocier.


De plus l’état dissociatif quasi permanent dans lequel se retrouve les victimes leur donne la douloureuse impression de n’être pas elles- mêmes, d’être « as if », comme dans une mise en scène permanente. L’anesthésie émotionnelle les oblige à «jouer» des émotions dans les relations avec les autres, avec le risque de n’être pas tout en fait en phase, de sur ou sous jouer.


Des risques d’auto-agressions, de suicides, et de subir à nouveau des violences ou d’en reproduire. La mémoire traumatique et les conduites dissociantes peuvent être à l’origine de risque vitaux, avec un risque décuplé de mourir précocément d’accidents (avec les mises en danger) ou de suicides. Dans toutes les enquêtes de victimation  au moins 50% des victimes ont fait des tentatives de suicide.


Si certaines tentatives de suicide peuvent être liée à une volonté d’en finir avec une vie de souffrance, la plupart sont dues à l’envahissement par la volonté destructrice et criminelle de l’agresseur qui fait soudain basculer une personne victime dans un passage l’acte reproduisant la mise en scène et la haine subies lors des violences : «Tu ne vaux rien, tu n’es rien, tu ne mérites pas de vivre, tu es indigne, tu n’es qu’un déchet à jeter, etc.» ce qui fait penser à la victime qu’elle doit mourir.


Du fait de ces conduites dissociantes à risque, laisser des victimes de violences traumatisées sans soin est un facteur de risque de reproduction de violences de proche en proche et de générations en générations, les victimes présentant un risque important de subir à nouveau des violences, et aussi d’en commettre pour un petit nombre d’entre elles, ce qui suffit à alimenter sans fin un cycle des violences (cf. Lutter contre les violences passe par la protection et le soin des victimes ). L’OMS a reconnu depuis 2010 que le facteur principal pour subir ou commettre des violences est d’en avoir déjà subi.


Mais ces violences ne sont pas une fatalité et nous pouvons les prévenir et lutter efficacement contre elles.


Il y a encore en France une tradition de sous-estimation des violences faites aux mineurs, de leur gravité et de leur fréquence. Une tradition de banalisation d'une grande partie de celles-ci, à laquelle nous l’avons vu, s'ajoute une méconnaissance de la gravité des conséquences sur la santé des violences. Il y a également une méconnaissance des conséquences sociales des violences sur l'apprentissage, sur les capacités cognitives, sur la socialisation, sur les risques de conduites asociales et de délinquance, sur les risques d'être à nouveau victime de violences ou d'en être auteur et une stigmatisation des troubles de la conduite et des troubles du comportement des enfants et des adolescents, troubles qui masquent une souffrance non reconnue, ainsi qu'une banalisation de signes de souffrance mis sur le compte de la crise d'adolescence, de la personnalité de la victime, de son sexe, ou à l'inverse une dramatisation de symptômes psychotraumatiques (mémoire traumatique, dissociation traumatique) souvent étiquetés à tort uniquement comme des troubles névrotiques anxieux ou bien dépressifs, des troubles de la personnalité (border-line, sensitive, asociale), et parfois étiquetés psychotiques (psychose maniaco-dépressive, schizophrénie, paranoïa, etc.) et traités abusivement comme tels et non comme des conséquences traumatiques qu’il faut traiter. De même les conduites d’évitement et de contrôle sur la pensée associés aux troubles dissociatifs chez les enfants et les adolescents peuvent être tellement envahissant, et entraîner une telle inhibition du contact et de la parole, qu’ils peuvent être pris pour des déficits intellectuels ou des troubles d’allure autistique, ce qu’ils ne sont pas bien sûr. Tous ces troubles sont régressifs dès qu’une prise en charge de qualité permet de traiter la mémoire traumatique. La méconnaissance de tous ces mécanismes psychotraumatiques, l’absence de soins, participent à l’abandon où sont laissées les victimes, à la non- reconnaissances de ce qu’elles ont subi, et à leur culpabilisation. Les victimes condamnées à organiser seules leur protection et leur survie, sont considérées comme responsables de leur propres malheurs.


Une protection et des soins essentiels :


Être secourus, protégés, entourés, informés de leurs droits, des conséquences psychotraumatiques et des soins qui leurs sont nécessaires et qui sont efficaces est fondamental pour les enfants victimes. L’absence de protection, d’information et de soins est une grave perte de chance.


La protection est essentielle et elle incombe aux adultes qui ne doivent pas attendre que les enfants victimes parlent car tout s’oppose à ce qu’ils puissent le faire : le doute, l’impossibilité de mettre des mots sur ce qui leur arrive,  peur, les menaces des agresseurs, la honte et la culpabilisation entretenues par les agresseurs et leurs complices, la peur de ne pas être crus, de faire exploser leur famille et la gravité de leurs traumas (leur mémoire traumatique qui risque d’exploser, la dissociation qui les anesthésie émotionnellement, les rend amnésiques et dans l’incapacité de dénoncer ce qu’ils ont subi). Les adultes doivent poser des questions dans le cadre de dépistage systématique, croire les enfants quand ils parlent et les protéger aussitôt, la loi est claire, signaler à la police, au procureur ou au 119 les violences sexuelles dont on a connaissance est une obligation sous peine d’être poursuivi et condamné.


Les soins sont essentiels, la mémoire traumatique doit être traitée. Il s’agit de faire des liens, de comprendre, de sortir de la sidération en démontant le système agresseur et en remettant le monde à l’endroit, de petit à petit de désamorcer la mémoire traumatique, de l’intégrer en mémoire autobiographique, et décoloniser ainsi la victime des violences et du système agresseur. Le but de la prise en charge psychothérapique, c’est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens. Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement, toute pensée, réaction, sensation incongrue doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l’éclairer par des liens qui permettent de le mettre en perspective avec les violences subies. Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l’agresseur, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l’agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme un bruit de pluie s’il pleuvait, une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou peut entraîner une prise d’alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des auto-mutilations s’il s’agit de l’heure de l’agression, une sensation d’irritation, de chatouillement ou d’échauffement au niveau des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaines situations peut se rapporter aux attouchements subis, des “fantasmes sexuels” violents, très dérangeants dont on ne veut pas, mais qui s’imposent dans notre tête ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions sexuelles subies… Le travail psychothérapique consiste à faire des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique (perfusion de sens), ce qui va permettre de réparer et de rétablir les connexions neurologiques qui ont subi des atteintes et même d’obtenir une neurogénèse. Il s’agit de « réparer » l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences. Effraction responsable d’une panne psychique qui rend le cerveau incapable de contrôler la réponse émotionnelle ce qui est à l’origine du stress dépassé, du survoltage, de la disjonction, puis de l’installation d’une dissociation et d’une mémoire traumatique. Cela se fait en « revisitant » le vécu des violences, accompagné pas à pas par un « démineur professionnel » avec une sécurité psychique offerte par la psychothérapie et si nécessaire par un traitement médicamenteux, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l’agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l’hippocampe de re- fonctionner et de reprendre le contrôle des réactions de l’amygdale cérébrale, et d’encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. De plus il a été démontré qu’une prise en charge spécialisée permettait de récupérer des atteintes neuronales liées au stress extrême lors du traumatisme, avec une neurogenèse et une amélioration des liaisons dendritiques visibles sur des IRM (Imagerie par Résonance Magnétique). Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement et permet de sécuriser le terrain psychique, car lors de l’allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra désormais contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse, sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. Il s’agit pour le patent de devenir expert en « déminage » et de poursuivre le travail seul, les conduites dissociantes ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus, la sensation de danger permanent s’apaise et petit à petit il devient possible de se décoloniser de la mémoire traumatique et de retrouver sa cohérence, et d’arrêter de survivre pour vivre enfin.


C’est donc aux adultes qui entourent les enfants de tout mettre en œuvre pour les secourir afin qu'ils puissent être protégés de leurs agresseurs et ​bénéficier d’une prise en charge adaptée dans les plus brefs délais​. ​Une telle prise en charge des conséquences psychotraumatiques des violences ​permet de traiter le traumatisme et d’en limiter l’impact​, à la fois en termes d’intensité et de durée.


Pour secourir les enfants victimes, il est impératif de ​procéder à un dépistage universel et régulier des violences sexuelles potentiellement subies. Aucun enfant ne doit être exclu de ce dépistage​, quel que soit son âge, son état de santé, sa situation familiale, scolaire, économique, sociale, sa nationalité, etc. Ce dépistage doit être effectué ​régulièremen​t, sans aucun a priori sur l’enfant concerné ou les agresseurs qu’il pourra être amené à dénoncer. Il est essentiel de croire ce que disent les enfants​.


Il faut donc ​outiller tous les adultes​ et cet ouvrage y participe, à commencer par les professionnels de l’éducation et des loisirs, de la santé, du champ social, et de la justice, pour qu’ils puissent ​effectuer ce dépistage et les orienter vers des prises en charge adaptées​.


Comment dépister les violences sexuelles ?


Il est impératif de repérer des signes de souffrances et de traumas chez les enfants et de questionner régulièrement tous les enfants pour savoir s’ils subissent ou ont subi des violences sexuelles. On peut poser une question directe, comme : “​subis-tu ou as-tu subi des violences ?​”, en s’appuyant sur des exemples provenant de contes, de Bandes Dessinées comme l’Histoire du vilain petit rat, de films, de dessins animés, de brochures d’information comme nos brochures disponibles sur notre site (à destination des adultes, des jeunes et des collégiens) et plus particulièrement notre brochure illustrée par Claude Ponti  Quand on te fait du mal, ou de l’actualité pour illustrer ce que le mot violence signifie. On peut aussi utiliser des ​questions indirectes : « Que s’est-il passé ou que t’est-il arrivé pour que tu sois si mal ? » ; « As-tu des problèmes, des soucis ? » ; « Est-ce qu’on t’a fait peur ? »; « Est-ce qu’on t’a fait du mal ? » ; « Est-ce que quelqu’un a été méchant avec toi ? », etc.


Que faire si un enfant subit des violences sexuelles ?


Il est non seulement impératif mais aussi ​obligatoire de signaler les violences sexuelles que subit un enfant dès lors qu’il les révèle, mais aussi en cas de suspicion à ce sujet. Les contrevenants s’exposent à de fortes amendes, voire des emprisonnements. Pourtant, ​les violences sexuelles que subissent les enfants demeurent peu dénoncées​. Ainsi, ​moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes​. ​Et, parmi ces dernières, 70% sont classées sans suite. En définitive, ​seules 10% de ces plaintes seront jugées pour viol, soit 0,3% de l'ensemble des viols commis à l’encontre des enfants​. Cette impunité met en danger tous les enfants, un même agresseur faisant généralement plusieurs victimes au cours de sa vie.

Les enfants sont impérativement à protéger. Ce n’est pas à eux de se défendre. ​Il leur est impossible de se préserver d’agresseurs dont la seule intention est de leur nuire.

Il appartient à chacun ​non seulement de réagir, mais aussi d’agir de sa propre initiative​, pour qu’aucun enfant ne subisse plus de perte de chance du fait de violences sexuelles. Une ​prise en charge précoce et adaptée est fondamentale pour éviter la plupart des conséquences des violences sexuelles.



Pour identifier les victimes de violences sexuelles dans l’enfance et leur offrir une protection et des soins adaptés, il est nécessaire que tous le monde sorte du déni, s’informe, pose des questions aux enfants et les croient quand ils révèlent des violences. Parce qu’elles ne seront plus condamnées au silence, ni abandonnées sans protection et sans soins, ces victimes pourront sortir de cet enfer où les condamne la mémoire traumatique des viols subis et leur redonner espoir en un monde où la reconnaissance, la solidarité, la justice et le soin ne seraient pas de vains mots, en un monde qui pourrait enfin être remis à l’endroit ! Et ce beau livre participe à lutter contre le déni et à ouvrir les yeux sur ces violences et sur les besoins de protection des victimes.


Vous trouverez de nombreuses informations accessibles et gratuites sur le site memoiretraumatique.org, des articles, des vidéos, plusieurs modules d’auto-formation en ligne gratuits validés par le gouvernement, et des brochures de prévention et d’information sur les violences et les leurs conséquences sur la santé telle que celle illustrée par Claude Ponti « Quand on te fait du mal » téléchargeables et disponibles gratuitement en livret édité sur demande par mail : memoiretraumatique@gmaim.com accompagnés d’un guide qui donne toutes les informations et les conduites à tenir : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/Guide-d-accompagnement-livret-Quand-on-te-fait-du-mal.pdf

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Si vous avez subi des violences sexuelles pour en témoigner et être informé de vos droits et des démarches à faire, ou en cas de révélations de violences sexuelles  par un enfant ou une personne vulnérable appelez la police (17, 112 ou 114 pour les personnes ayant des difficultés de communication orale) ou contactez la plateforme gouvernementale de signalement des violences sexistes et sexuelles, des policiers et des gendarmes formés vous y répondront 24h//24 par tchat : https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-infos-pratiques/2022-Infos-pratiques/Signalement-des-violences-sexuelles-et-sexistes


En cas de doutes  et de besoin d’informations appelez le 119 


Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, auteure de nombreux articles et ouvrage dont Le livre noir des violences sexuelles édité chez Dunod



Présentation de l'album par les éditions Delirium :


L’histoire d’un vilain rat 



L’Histoire d’un vilain rat (The Tale of One Bad Rat) est l’histoire de Helen, qui a fugué de chez elle accompagnée de son petit rat de compagnie et de son imagination nourrie des contes de Beatrix Potter. 

Victime d’abus dans son enfance, elle va apprendre à confronter et dépasser ses blessures au fil du temps et des rencontres, dans un road-trip initiatique qui lui fera parcourir l’Angleterre, de Londres jusqu’à la magnifique région du Lake District. 

« Un récit ingénieux, intertextuel, qui entremêle la vision charmante, fantaisiste et surtout anglaise de Beatrix Potter avec une vision de l’Angleterre telle qu’elle est devenue; la douceur juxtaposée à la sauvagerie; Pierre Lapin dans les bas-fonds de l’humanité. Absolument excellent. » Alan MOORE (Watchmen, V pour Vendetta…)

Voici l’une des œuvres majeures de Bryan Talbot, créateur notamment de la série plébiscitée Grandvilleet auteur essentiel de la BD Britannique, intronisé au Eisner Awards Hall of Fame en 2024 pour récompenser son immense carrière.

L’HISTOIRE D’UN VILAIN RAT est une création atypique au sein de l’œuvre de son auteur, à laquelle il est particulièrement attaché.

Le sujet, pourtant complexe et toujours tristement d’actualité, est abordé avec bienveillance et délicatesse, véritable bouffée d’air optimiste pour tous ses lecteurs.

Initialement publiée en quatre fascicules, The Tale of One Bad Rat a remporté la même année au Royaume-Uni en 1995 le Comic Art Award pour la meilleure création et le Don Thompson Award pour la meilleure série limitée. Le livre complet a également remporté aux Etats-Unis le Prix Eisner de la meilleure édition d’un roman graphique en 1996.

Avec une postface du docteur Muriel Salmona.