MANIFESTE CONTRE L’IMPUNITÉ
Dre Muriel Salmona, présidente
de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
Paris, le 20 octobre 2017
NOUS RÉCLAMONS UN PLAN NATIONAL AVEC UN ENSEMBLE
DE 8 MESURES URGENTES À METTRE EN ŒUVRE POUR LUTTER CONTRE L’IMPUNITÉ ET POUR MIEUX PROTÉGER ET RESPECTER LES DROITS DES VICTIMES DE CRIMES ET DE DÉLITS SEXUELS
Pour signer le Manifeste
de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie
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Le viol est reconnu par les Conventions Internationales et Européennes et par l’Organisation Mondiale de la Santé comme un problème de société et de santé publique majeur, portant gravement atteinte aux droits fondamentaux à la sécurité, à l’intégrité physique et mentale, au respect de la dignité et à de l’égalité des personnes qui en sont victimes. Et elles font de la prévention, de la protection et de la prise en charge des victimes, ainsi que de la lutte contre l’impunité du viol et de toutes les autres violences sexuelles une priorité politique et une urgence en santé publique.
Qu’en est-il en France ?
Si un travail énorme d’information, de campagne, et de lutte contre les viols a été fait depuis plus de 40 ans par les associations féministes et d’aide aux victimes et par les pouvoirs publics ; si des numéros nationaux gratuits ont été mis en place comme le 39-19, le 119 et Viols-Femmes Information 0 800 05 95 95 ; si plus récemment la question du viol et des agressions sexuelles a été enfin abordée depuis le 3ème plan gouvernemental triennal de lutte et de mobilisation contre les violences envers les femmes en 2011 et lors du premier plan de lutte et de mobilisation contre les violences envers les enfants en 2017 ; et si depuis 2012 la Mission Interministérielle de Protection des Femmes victimes de violences et de la traite des êtres humains (MIPROF) a œuvré pour proposer des outils pertinents de formation sur les violences sexuelles pour les professionnels prenant en charge les victimes…
Si la loi sur le viol au fil des années s’est améliorée tout au long de ces quarante dernières années ; si avec l’article 222-23 du code pénal elle reconnait le viol comme « Tout acte de pénétration de quelque nature que ce soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » et comme un crime jugé en cour d’assise, passible de 15 années de réclusion criminelle (30 années en cas d’homicide et d’actes de barbarie, 20 pour les viols sur mineurs de 15 ans, ou pour de nombreuses circonstances aggravantes) ; si les lois de 1989, 1995, 1998, 2004, 2010, 2016, 2017 ont élargi progressivement les délais de prescription des viols et les agressions sexuelles aggravés commis sur les mineurs jusqu’à 20 ans après leur majorité, et en 2017 les délais de prescription des viols pour les majeurs de 10 à 20 ans après les faits, et des délits sexuels de 3 à 6 ans après les faits, reconnu le viol conjugal, et supprimé la mention de la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel, avec une circonstance aggravante lorsque le viol est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; si la loi a mieux défini la contrainte morale, et en 2016 reconnu de nouvelles qualifications de viol incestueux (article 222-31-1 du code pénal), et de nouvelles circonstances aggravantes lorsqu'il est commis sur une personne qui se livre à la prostitution, et lorsqu’il s’agit d’un crime sexiste (article 132-77)…
Si les connaissances sur les viols et sur la gravité de leurs conséquences psychotraumatiques sur la vie et la santé mentale et physique des victimes à court, moyen et très long terme ont beaucoup progressé ces deux dernières décennies ; si des recherches, des enquêtes et des études françaises et internationales ont permis de mieux évaluer la fréquence, la réalité et la gravité des violences sexuelles, de mieux répertorier les troubles psychotraumatiques et de les décrire en tant que conséquences neuropsychologiques caractéristiques et normales que toute victime de violences peut présenter (avec des atteintes neurologiques visibles sur des IRM), de mieux connaître les mécanismes neurobiologiques à l'origine des psychotraumatismes, de mieux comprendre les symptômes que présentent les victimes de viol et de leur proposer des traitements adaptés et efficaces ; si en 2017 le 5ème plan plan gouvernemental de lutte et de mobilisation contre les violences faites aux femmes et le premier plan de lutte et de mobilisation contre les violences envers les enfants ont enfin pris en compte les psychotraumatismes et la nécessité de les prendre en charge et de les soigner…
Si la loi sur le viol au fil des années s’est améliorée tout au long de ces quarante dernières années ; si avec l’article 222-23 du code pénal elle reconnait le viol comme « Tout acte de pénétration de quelque nature que ce soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » et comme un crime jugé en cour d’assise, passible de 15 années de réclusion criminelle (30 années en cas d’homicide et d’actes de barbarie, 20 pour les viols sur mineurs de 15 ans, ou pour de nombreuses circonstances aggravantes) ; si les lois de 1989, 1995, 1998, 2004, 2010, 2016, 2017 ont élargi progressivement les délais de prescription des viols et les agressions sexuelles aggravés commis sur les mineurs jusqu’à 20 ans après leur majorité, et en 2017 les délais de prescription des viols pour les majeurs de 10 à 20 ans après les faits, et des délits sexuels de 3 à 6 ans après les faits, reconnu le viol conjugal, et supprimé la mention de la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel, avec une circonstance aggravante lorsque le viol est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; si la loi a mieux défini la contrainte morale, et en 2016 reconnu de nouvelles qualifications de viol incestueux (article 222-31-1 du code pénal), et de nouvelles circonstances aggravantes lorsqu'il est commis sur une personne qui se livre à la prostitution, et lorsqu’il s’agit d’un crime sexiste (article 132-77)…
Si les connaissances sur les viols et sur la gravité de leurs conséquences psychotraumatiques sur la vie et la santé mentale et physique des victimes à court, moyen et très long terme ont beaucoup progressé ces deux dernières décennies ; si des recherches, des enquêtes et des études françaises et internationales ont permis de mieux évaluer la fréquence, la réalité et la gravité des violences sexuelles, de mieux répertorier les troubles psychotraumatiques et de les décrire en tant que conséquences neuropsychologiques caractéristiques et normales que toute victime de violences peut présenter (avec des atteintes neurologiques visibles sur des IRM), de mieux connaître les mécanismes neurobiologiques à l'origine des psychotraumatismes, de mieux comprendre les symptômes que présentent les victimes de viol et de leur proposer des traitements adaptés et efficaces ; si en 2017 le 5ème plan plan gouvernemental de lutte et de mobilisation contre les violences faites aux femmes et le premier plan de lutte et de mobilisation contre les violences envers les enfants ont enfin pris en compte les psychotraumatismes et la nécessité de les prendre en charge et de les soigner…
Force est de constater qu’en 2017, le viol reste un crime de grande ampleur bénéficiant en France d’une inconcevable tolérance et d’une impunité quasi totale, et que les droits des victimes ne sont pas respectés puisqu’elles sont dans leur grande majorité ni protégées, ni soutenues, ni reconnues, et que leur troubles psychotraumatiques ne sont pas diagnostiqués, ni pris en charge spécifiquement :
- les chiffres provenant des études de victimation sont accablants et ne régressent pas avec plus de 250 000 viols et tentatives de viols par an : les grandes enquêtes de victimation montrent qu’une femme sur 6 et 1 homme sur 20 ont subi au moins un viol ou une tentative de viol dans leur vie, dans plus de 60% des cas en tant que mineur.e.s. 83 000 femmes et 124 000 filles subissent des viols et tentatives de viols chaque année, 14 000 hommes et 30 000 garçons (CSF, 208, ONDRP 2010-2015), les enfants et plus particulièrement les filles sont les principales victimes, notre enquête a montré que pour les 1214 victimes qui y ont participé 81% des violences sexuelles ont commencé avant 18 ans, 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans (enquête IVSEA, 2015), et les viols sont commis par des personnes connues de la victimes dans plus de 90% des cas, par un membre de la famille dans la moitié des cas pour les victimes mineures, par un conjoint ou partenaire dans la moitié des cas pour les victimes majeures, et ils sont répartis dans tous les secteurs socio-culturels de la société, n’épargnant aucune tranche d’âge, aucune origine ethnique. (ENVEFF, 2000 ; CSF, 2008 ; ONDRP 2010-2015 ; IVSEA, 2015 ; VIRAGE, 2016).
- les victimes de viol sont très nombreuses à ne pas avoir accès à des soins spécialisés avec des professionnels formés à la psychotraumatologie (pas de formation initiale lors des études médicales, ni en DES de psychiatrie, très peu de formation continue) ce qui représente pour elles une grave perte de chance : les viols sont extrêmement traumatisants (ils font partie avec la torture des pires traumatismes) les conséquences psychotraumatiques sur la vie et la santé mentale et physique des victimes sont considérables à court, moyen et long terme, et bien plus encore lorsque les violences sexuelles ont été subies enfant (avec près de 100% de troubles psychotraumatiques chroniques) ; avoir subi ces crimes dans l’enfance est la première cause de mort précoce, de suicide, de dépression, de conduites addictives, de grande précarité et de marginalité, de nombreuses pathologies somatiques (cardio-vasculaires, broncho-pulmonaires, diabètiques, gastro-entérologiques, gynéco-obstétricales, endocriniennes, auto-immunes, etc.) et de subir à nouveaux des violences tout au long de sa vie (Felitti et Anda, 2010, Hillis, 2016, Fullu, 2017, cf Manifeste stop aux violences envers les enfants). Dans notre enquête de 2015 Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (Enquête IVSEA), 97% des victimes de viols (98% pour les viols incestueux) ont des conséquences sur leur santé mentale et 43% ont des conséquences importantes ou très importantes sur leur santé physique ; les victimes mettent en moyenne 13 ans avant de trouver un professionnel formé. 82% des étudiants en médecine n’ont pas eu de formation sur les violences sexuelles, alors que 95% pensent que le médecin a un rôle majeur pour les victimes, et que plus de 95% veulent recevoir une formation pour dépister les violences sexuelles, les prendre en charge et en traiter les conséquences (enquête MIPROF, 2013).
- L’immense majorité des viols (90%) ne sont toujours pas dénoncés à la justice ; la loi du silence, déni, culture du viol, absence de reconnaissance et abandon des victimes de viols règnent encore en maîtres ; 83% des victimes de violences sexuelles rapportent n’avoir jamais été reconnues ni protégées, en raison des liens victimes et l’agresseurs (lien familial, conjugal, lien de d’autorité, de dépendance et d’emprise), des menaces et pressions de l’agresseur et de l’entourage, de la peur des victimes de ne pas être crues, d’être mises en cause et de ne pas être protégées, de la honte et de la culpabilité qu’on leur fait ressentir, et de l’importance de leurs troubles psychotraumatiques (avec une mémoire traumatique et une dissociation traumatique) très rarement identifiés et traités en raison de l’absence de formation de la plupart des professionnels de santé
- Et, sur les 10% de viols qui font l’objet d’une plainte, 1% seulement seront condamnés en cour d’assises (Enquête « Cadre de vie et sécurité » ONDRP – 2010-2015).
- Les victimes sont pour grande majorité d’entre elles abandonnées, sans protection, ni reconnaissance, ni soins, leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés, 83% des victimes de violences sexuelles rapportent dans notre enquête de 2015, Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015), n’avoir jamais été protégées, ni reconnues. Face à la famille, aux institutions, aux entreprises, c’est la victime et celles et ceux qui la protège qui se retrouvent presque toujours exclues : 50% des victimes traversent des période de grande précarité, et 50% ont dû interrompre leurs études ou leur carrière professionnelles (IVSEA, 2015), et 95% des victimes de violences sexuelles dans le cadre du travail qui les ont dénoncées ont perdu leur emploi (AVFT, 2012).
Le viol reste le crime le moins rapporté aux autorités publiques et le moins condamné en tant que tel.
Des pratiques judiciaires comme la prescription, le classement sans suite d’une grande majorité des plaintes, la déqualification des viols en agressions sexuelles, en atteintes sexuelles (les viols déqualifiés en atteintes sexuelles par le parquet de Pontoise d’une enfant de 11 ans commis par un homme de 28 ans en sont un exemple récent très choquant), voire en violences physiques (fréquent lors de viols conjugaux), la non prise en compte de nombreuses situations de contrainte morale, l’absence d’âge légal de consentement pour les mineur.e.s, la méconnaissance des troubles psychotraumatiques que présentent les victimes.
Sur les 10% de plaintes pour viol :
- 70% (60% pour les mineures) sont classées sans suite par le procureur qui a l’opportunité des poursuites avec ou sans enquête préliminaire (V. Le Goaziou, 2016). Un certain nombre le sont parce que prescrits. Pour les autres, les viols les plus fréquents sont ceux qui ont le plus de risque d’être classés sans suite : viols sans violence, viols par partenaire, viols sur de jeunes enfants, viols incestueux paternels dénoncés par les mères, viols sur des personnes handicapées, marginalisées ; de nombreux classements sans suite se font en raison de graves troubles psychodramatiques qui rendent les récits difficilement cohérents, qui sont pris pour des troubles psychotiques, autistiques ou des déficiences mentales qui décrédibilise la parole des victimes, ou qui font croire à l’absence de conséquences (troubles dissociatifs avec une anesthésie émotionnelle prise pour de l’indifférence.
- sur les 30 % restants (40% pour les mineurs), la moitié seront déqualifiés en agressions sexuelles, atteintes sexuelles ou violences et jugés au tribunal correctionnel. Une enquête sur le TGI de Bobigny sur 2013-2014, réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du 93 et le TGI de Bobigny a montré que 40% des agressions sexuelles jugées au tribunal correctionnel sont des viols qui ont été déqualifiés grâce à la loi Perben II de 2004 ;
- et finalement, après un certain nombre de non-lieux, seuls 15% des viols seront jugés en cour d’assises et 10% condamnés, et quasiment aucun viol par pénétration digitale, par pénétration buccale ou commis par conjoint.
La très grande majorité des victimes de viol qui portent plainte ne se sentent pas reconnues ni protégées par la police et la justice, elles vivent très mal les procédures judiciaires et sont significativement plus nombreuses à faire des tentatives de suicides.
Dans notre enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (IVSEA, 2015) les personnes victimes qui ont porté plainte sont interrogées sur leur parcours judiciaires : 67% des répondant-e-s qui ont porté plainte n’ont bénéficié d’aucune mesure de protection, 82% ont mal vécu le dépôt de plainte, 89% ont mal vécu le procès, 81% estiment que la justice n’a pas joué son rôle, 70% ne se sont pas senties reconnues comme victimes par la police et la justice. Celles qui estiment ne pas s’être senties reconnues comme victimes par la police et la justice ont plus tendance à tenter de se suicider que la moyenne des autres victimes interrogées.
Beaucoup de procédures et de décisions judiciaires sont incompréhensibles pour les victimes, elle les vivent comme une injustice et une nouvelle violence. Elles aggravent leur souffrance et leurs psychotraumatismes en les confrontant à leurs agresseurs, en les mettant en cause et en ne les reconnaissant pas comme victimes. Et pour les victimes déjà colonisées par la mémoire traumatique des propos et des mises en scène des agresseurs qui les ont réifiées et ont nié leurs droits et leur dignité, cela ne fait que renforcer leur perte d’estime de soi et leur sentiment de honte, elles se perçoivent alors comme n’ayant aucune valeur, aucune dignité, ni aucun droit, comme n’étant bonnes qu’à être pénétrées, humiliées, dégradées, salies.
La justice n’échappe pas au déni ni à la culture du viol qui met en cause les victimes qui règne dans la société : stéréotypes sur la sexualité féminine et masculine, sur les femmes en tant qu’objet sexuel, sur la notion de consentement, sur la confusion entre sexualité et violence, sur la mise en cause des victimes et de leurs comportements, sur leurs tenues, leur passé, leurs liens avec les agresseurs.
Et la méconnaissance des conséquences psychotraumatiques des viols font que les symptômes psychotraumatiques sont fréquemment retournées contre la victime pour mettre en cause sa parole, décrédibiliser son récit et la soupçonner d’avoir consenti, de mentir ou d’exagérer. Symptômes, pourtant pathognomoniques (qui sont une preuve médicale d’un trauma) et visibles sur les IRM fonctionnelles, tels que la sidération qui paralyse le cerveau de la victime et l’empêche de fuir, de crier et de se défendre, la mémoire traumatique qui lui fait revivre à l’identique les pires moments des violences et contraint les victimes à mettre en place des stratégies d’évitement, la dissociation traumatique qui les anesthésie émotionnellement, fait qu’elles semblent tolérer de graves atteintes à leur intégrité physique et psychique, et entraîne de fréquents amnésies traumatiques. les victimes dissociées sont privées de tout moyen de défense et de toute capacité à exprimer leur volonté, ce qui facilite grandement leur mise sous emprise, et les rendent très vulnérables à d’autres violences. Les victimes dissociées donnent l’impression qu’elles sont indifférentes, leurs interlocuteurs ne vont rien ressentir (leurs neurones miroirs ne vont pas s’activer), ils n’auront pas peur pour elles, considéreront qu’elles ne sont pas vraiment traumatisées (alors qu'elles ont de très importants troubles psychotraumatiques) et qu’il n’est pas nécessaire de les protéger, quand bien même ils sont au courant de graves violences. (Il est à noter que l’Ecole Nationale de la Magistrature organise depuis quelques années des formations initiales et continues sur les conséquences psychodramatiques des violences sexuelles et autres à destination des magistrats et de tous les acteurs des procédures judiciaires).
Il est urgent d’agir et de mettre en place des réformes et des mesures efficaces pour lutter contre ce déni et cette impunité catastrophique qui porte gravement atteinte aux droits fondamentaux et inaliénables des personnes. Droits à l’intégrité, à la santé, à l’accès à des soins adaptés, à l’égalité, à une justice équitable, à des réparations et au respect de leur dignité.
Ce déni et cette impunité mettent les victimes en danger de subir à nouveaux des violences et entraînent pour elles de lourdes pertes de chance, en rendant beaucoup plus difficile et aléatoire leur accès à des soins indispensables ainsi qu’à des soutiens, des protections et des aides absolument nécessaires. Ce déni et cette impunité nourrissent aussi une culture sociétale et juridique extrêmement inquiétante.
Cette impunité est très spécifique aux crimes sexuels et elle est gravement inégalitaire et discriminatoire car ce sont avant tout, en grande majorité, des crimes sexistes : les principales victimes étant des principalement des filles et des femmes (83% des viols) les criminels étant des hommes très majoritairement (95%), connus des victimes dans plus de 90%, et un membre de leur famille ou un partenaire dans la moitié des cas, et des crimes touchant particulièrement des personnes vulnérables : des enfants, des personnes handicapées (elles subissent 4 fois plus de violences) et plus particulièrement les filles ayant un handicap mental et neuro-developpemental (jusqu’à 90% des femmes ayant des troubles du spectre de l'autisme ont subi des violences sexuelles, 78% tout sexe confondu, Brown-Lavoie, 2014), des personnes malades, racisées, migrantes, précarisées, marginalisées, sans domicile fixe, des personnes en situation prostitutionnelle, etc.
Cette impunité alimente le système agresseur et la domination masculine, elle entérine un monde sexiste où les femmes et les filles sont considérées comme des objets sexuels ; un monde où la sexualité masculine se décline en termes de privilèges, de jeux cruels et de prédation, et celle des femmes en termes d’instrumentalisation, de soumission et d’assimilation à des proies ; un monde où sexualité et violences sont souvent confondues, où des mises en scène sexuelles de rapport de force, de haine, d’humiliation et d’atteintes à la dignité humaine et à l’intégrité physique et psychologique des femmes sont tolérées et même considérées comme excitantes ; un monde où les femmes sont supposées aimer être prises de force, être injuriées, malmenées, dégradées ; un monde enfin où la sexualité est présentée comme une zone de non-droit, où la transgression fait partie des règles, où exercer les pires violences peut se faire sous couvert de jeux sexuels sado-masochistes, où les femmes et les filles peuvent être considérées comme des objets à consommer à la chaîne.
Cette impunité menace toutes les filles et les femmes ainsi que les enfants et les personnes les plus vulnérables et les plus discriminées, ces mêmes personnes qu’une société démocratique égalitaire et solidaire comme se revendique la nôtre, se doit de protéger avant tout.
Enfin, cette impunité envoie un message très fort de tolérance vis à vis des criminels et d’abandon vis à vis de victimes dont tous les droits sont bafoués. Elle est incitative pour ceux qui voudraient commettre ces crimes, et représente un obstacle puissant pour les victimes qui veulent faire valoir leurs droits. Les agresseurs sexuels peuvent donc se considérer dans leur droit, ils ont bien le droit de se défouler, de s’amuser, de jouir sans entrave de leurs violences. Les femmes et les filles sont faites pour ça, peu leur importe ce qu’elles veulent, ce qu’elles ressentent, leur douleur, leur souffrance, leur détresse, leurs traumatismes qui auront de graves conséquences à long termes sur leur vie et leur santé mentale et physique, peu leur importe le risque élevé de suicides. Ils ne s’en sentent pas responsables. Les femmes, les filles, à leurs yeux n’ont pas les mêmes droits, ce sont des esclaves domestiques et sexuelles. Une étude de l’ONU conduite sur 10 000 hommes vivant en Asie et dans le Pacifique en 2013 le démontre parfaitement. Alors que 24% des hommes interrogés reconnaissent avoir violé au moins une fois une femme dans leur vie, la première raison que 75% d’entre eux invoquent pour l’avoir fait, est qu’ils avaient estimé que c’était leur dû, et qu’ils avaient droit à une relation sexuelle avec une femme, et que peu importait si elle était consentante ou non. La deuxième raison que 58% d’entre eux rapportent, est qu’ils avaient voulu s’amuser, le viol était pour eux un divertissement pour les sortir de leur désœuvrement. Ensuite viennent comme raisons : la volonté de se venger et de punir pour 37% d’entre eux, et l’alcool pour 27% d’entre eux (ONU, 2013 ; Jeweks R., 2013).
Cette impunité participe donc à une société profondément injuste, inégalitaire, sexiste et patriarcale, et d’un grave problème de santé publique, ces crimes ayant un impact psychotraumatique majeur, (il s’agit des traumatismes les plus graves avec les tortures) avec un très lourd retentissement sur la vie et la santé mentale et physique des victimes à court, moyen et long terme, et avec un risque majeur du subir à nouveau des violences tout au long de sa vie.
Il est impératif que les pouvoirs publics agissent et mettent en place des mesures fortes face à l’extrême gravité et de l’urgence du problème de société et de santé publique que représentent ces crimes sexuels impunis.
Les violences sexuelles sont inacceptables et doivent impérativement être combattues, et les victimes doivent être soutenues, accompagnées, soignées et doivent pouvoir avoir accès à la justice et à des réparations. Elles sont une affaire de droit et lutter contre ces violences passe par la protection des victimes et la lutte contre l’impunité de ceux qui ont commis ces violences. Les études internationales dont la dernière rapportée par l’OMS date de 2017 montrent que le facteur de risque principal pour subir des violences sexuelles est d’en avoir déjà subi (surtout pour les filles et les femmes), et que c’est aussi le facteur de risque principal pour en commettre (surtout pour les garçons et les hommes). Lutter contre les violences c’est avant tout protéger les victimes le plus tôt possible et leur rendre justice.
C’est pourquoi nous demandons que l’Etat français respecte les articles contraignants de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dite Convention d’Istanbul, les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2013, 2014, 2016), les Conventions internationales, et c’est pourquoi nous demandons que les 8 ensembles de mesures du manifeste soient déployés et appliqués en urgence pour lutter contre cette impunité.
I - Lutter contre le déni, la culture et la loi du silence en informant sans relâche :
Les violences sexuelles sont d’une très grande ampleur, elles se produisent dans un contexte d’inégalités, de discrimination, de domination, et d’abus de pouvoir où les droits des victimes sont bafoués, il faut que la gravité des violences sexuelles et de leurs conséquences soit reconnue,
- en éduquant les enfants dès le plus jeune âge et les adultes à la non-violence, à l’égalité et à la non-discrimination, au respect du non-consentement, à leurs droits, à pouvoir identifier les violences qu’ils subissent ou dont ils sont témoins, à être solidaire des victimes et à savoir comment les protéger et les soutenir ; on doit leur apprendre comment et auprès de qui être protégé.
- en protégeant les enfants de comportements sexistes et d’images ou vidéos pornographiques.
- en informant et en sensibilisant le grand public sur la gravité des violences sexuelles, leur ampleur, leurs conséquences psychotraumatiques sur la vie et la santé des victimes, et sur le fait que ce sont les personnes les plus vulnérables et discriminées qui en sont le plus les victimes ;
- en rappelant constamment les lois sur les crimes et délits sexuels, et les droits fondamentaux des personnes, sur l’obligation déporter assistance à une personne en danger, ainsi que l’obligation de signaler les enfants en danger, et de dénoncer les crimes dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés ;
- en lançant des enquêtes de victimation et des recherches spécifiques pour encore améliorer les connaissances sur les violences sexuelles et leurs conséquences, sur les victimes et leurs parcours, sur les agresseurs, leur parcours et leurs stratégies, sur les facteurs de risque et de protection.
II - Réformer la formation de tous les professionnels de l’éducation, du social, de la santé, des forces de l’ordre et de la justice
pour faire de la lutte contre les violences sexuelles, de la connaissance de leurs conséquences sur la vie et la santé des victimes, de la protection et de la prise en charge globale holistique des victimes (sociale, sanitaire et juridique) une priorité absolue.
III - Libérer la parole des victimes grâce à un dépistage universel :
Il ne faut pas attendre que les victimes aient la capacité de parler. Seules 20% des victimes violences sexuelles parlent à des professionnels, leur premier recours étant les médecins et plus particulièrement les psychiatres (ONDRP, 2010-2015) :
- en formant en initial et en continu les professionnels du social, de l’éducation et de la justice, et plus particulièrement les professionnels de la santé, au dépistage précoce des violences subies par les personnes, à la compréhension des mécanismes psychodramatiques, à l’écoute, l’accompagnement, l’information des victimes et leur orientation.
IV - Protéger les victimes :
83% des victimes rapportent n’avoir jamais été reconnues ni protégées, il est urgent d’avoir en France une véritable culture de la protection et de mettre en place des protocoles de protection efficaces actionnables en urgence. Avoir subi des violences est le facteur de risque principal pour en subir à nouveau (IVSEA, 2015 ; OMS 2010, 2016 ; Fullu, 2017).
- en formant les professionnel à prendre en compte et évaluer les situations de dangers avec des protocoles (ordonnance de protection, téléphone grand danger, mise à l’abri, attribution en urgence d’un logement social, protection des données personnelles et de l’adresse du domicile, changement de prénom et/ou de nom, contrôle judiciaire de l’agresseur, retrait du droit de garde et de l’autorité parentale) et à améliorer l’accès aux aides sociales, juridictionnelles, administratives nécessaires ;
- en luttant contre toutes les formes de violences (continuum de violences) : violences sexistes et sexuelles, mais également violences intra-familiales (y compris les châtiments corporels et toutes les violences sous couvert d’éducation), violences conjugales, violences au travail, violences institutionnelles, toutes les formes de harcèlement et de starking (dans la famille ou le couple, à l’école, au travail, dans les institutions, dans les espaces publics, cyberharcèlement…) ;
- en améliorant la protection de l’enfance et les protections sociales et plus particulièrement pour les populations les plus jeunes et les plus vulnérables, ainsi que le droit du travail pour mieux protéger les victimes et ceux qui dénoncent les violences sexuelles ;
- en créant un organisme inter-ministériel dédié à la protection des victimes.
V - Prendre en charge et soigner les victimes :
Les violences sexuelles ont un impact considérable sur la santé, elles sont un problème de santé publique majeur, or les victimes mettent en moyenne 13 ans avant de trouver un professionnel formé. 82% des étudiants en médecine n’ont pas eu de formation sur les violences sexuelles, alors que 95% pensent que le médecin a un rôle majeur pour les victimes et plus de 95% veulent recevoir une formation pour dépister les violences sexuelles, les prendre en charge et en traiter les conséquences. Soigner les victimes permet d’éviter la presque totalité des conséquences des violences sexuelles sur leur vie et leur santé, et permet d’éviter des morts précoces et de prévenir de nouvelles violences.
- en formant tous les professionnels de la santé dès leurs études et en formation continue ; la psychotraumatologie et la victimologie doivent être des matières obligatoires et devenir une spécialisation à part entière en médecine ;
- en améliorant et en sécurisant l’offre de soin : par des médecins et des psychologues spécialisés et formés, avec une prise en charge de la Sécurité Sociale à 100%, les médecins conseils de CNAM et de la MDPH doivent être formés pour sécuriser les demandes d’arrêt de travail, les congés longue maladie et longue durée, les demandes d’invalidité et d’allocation adulte handicapé ;
- en créant des centres de crises accessibles 24h/24 dans les services d’urgence des hôpitaux pour adultes et pour enfants et les Unités Médico-Judiciaires ;
- en créant création de centres pluridisciplinaires de soins en psychotraumatologie holistique (avec une prise en charge médicale, psychologique, sociale et juridique) pour les victimes accessibles dans tout le territoire français et d’outre-mer, sans frais avec des professionnels formés, qui travailleront en réseau et participeront à des actions de recherches ;
- respect impératif des droits, de la volonté et du consentement des personnes victimes de violences sexuelles tout au long de leurs parcours de soin, les patient.e.s doivent être protégées impérativement de comportements sexistes ou discriminatoires et de violences sexuelles de la part des professionnels du soin, les patient.e.s doivent être informé.e.s de leurs droits et des ressources à leurs disposition pour dénoncer des atteintes à leurs droits et des violences subies dans le cadre du soin ;
- en développant la prise en charge spécialisée des agresseurs le plus tôt possible ;
- en mettant en place une ligne téléphonique et internet d’expertise pour les professionnels de santé pour les aider et les soutenir dans les situations complexes.
VI - Sécuriser le dépôt de plainte :
Seules 10% des victimes de violences sexuelles portent plainte et elles sont 82% à avoir mal vécu le dépôt de plainte (ONDRP 2010-2015,.IVSEA, 2015), nous demandons donc
- une imprescriptibilité des crimes sexuels, les victimes menacées, contraintes au silence, culpabilisées, gravement traumatisées mettent souvent très longtemps à avoir la capacité de parler d’autant plus si elle sont obligées de rester en contact avec l’agresseur ou le contexte de l’agression, elles sont 40% à présenter des amnésies traumatiques qui peuvent durer jusqu’à plus de 40 ans (Williams, 1995, Widom, 1996, IVSEA, 2015), les amnésies traumatiques doivent être intégrées dans la loi comme obstacle insurmontable ;
- une information claire et précise des victimes de leurs droits de porter plainte dans n’importe quel poste de police et de gendarmerie et auprès du procureur de la République, mais également par écrit ou enregistrement via des plate-formes sécurisées internet mise en place par le ministère de l’Intérieur pour favoriser le dépôt de plainte et l’orientation des victimes ;
- les plaintes doivent pouvoir être recueillies de façon privilégiée en milieu médical par la police ou la gendarmerie dans le cadre des urgences, des unités médico-judiciaires, de services d’hospitalisation ou de centres de crises ou de soins holistique en psychotraumatologie en raison de la gravité de l’impact sur la santé des victimes des violences sexuelles :
- une formation des professionnels concernés au recueil de plainte, aux auditions, à la connaissance des conséquences psychotraumatiques, à l’information des victimes et à leur orientation pour trouver aide et soutien, au respect de leurs droits, ainsi qu’à une formation juridique continue et actualisée ;
- les victimes doivent impérativement pouvoir porter plainte en toute sécurité, dans le respect d’une confidentialité, de leur volonté, sans qu’elles soient re-victimisées ni que leurs traumatismes soient aggravés ; elles doivent pouvoir être accompagnées de la personne de leur choix et/ou d’un.e avocat.e, leur volonté doit être respectée, et leur état de santé doit pouvoir être évalué, rien ne peut justifier que leur état de santé soit mis en danger par les procédures judiciaires ;
VII - Améliorer les lois et les procédures judiciaires :
Sur les 10% de plaintes, 60% sont classées sans suite pour les victimes mineures, 70% pour les majeurs, 20% sont déqualifiées et seules 10% aboutissent à une condamnation aux assises. 81% des victimes de violences sexuelles ayant porté plainte déclarent avoir le sentiment de n’avoir pas été reconnues par la justice (ONDRP 2010-2015, V. Le Goaziou, 2016, IVSEA, 2015).
- création de juridictions spécialisées avec des magistrats spécifiquement formés aux psychotraumatismes, en prenant en compte la spécificité de ces crimes sexuels et la gravité du traumatisme présenté par les victimes, ainsi que l’impact majeur sur leur santé et sur leur vie ,pour les rendre les procédures plus rapides et plus sécurisées pour les victimes ; droits à des réparations plus justes par rapport à la totalité des préjudices subis par les victimes et leurs proches (prise en compte des enfants nés de viols), mise en place de lieux dédiés au sein des forces de police, avec formations concernant ces crimes, lieux holistiques réunissant possibilité de déposer plainte, psychologue et aide sociale. La police reste le point d’entrée de la justice pour tous les citoyens. A terme la possibilité d’explorer des systèmes, comme il en existe à l’étranger, permettant à des organismes dédiés de prendre les témoignages et de les analyser pour les transmettre au pouvoir de police et judiciaire, évitant ainsi aux victimes de devoir le faire elles-mêmes ;
- motivation des classements sans suite et de l’absence d‘instruction judiciaire ;
- abrogation de la possibilité de déqualifier les viols en délits ;
- présomption irréfragable d’absence de consentement pour les mineurs de 15 ans ;
- le consentement doit être donné volontairement comme le résultat de la volonté libre et éclairée de la personne considérée dans le contexte des circonstances pertinentes, la contrainte étant caractérisée à chaque fois qu'il n'y a pas eu consentement en l'absence de précautions élémentaires prises par l'accusé pour s'assurer précisément de ce consentement ;
- l’absence de consentement doit pouvoir se déduire de l’incapacité neurologique à exprimer sa volonté et son discernement (psychotraumatismes, handicaps, particulièrement mentaux et troubles autistiques, maladies, altération de la conscience) ;
- l’absence de consentement doit pouvoir se déduire de l’atteinte à l’intégrité physique et du non-respect de la dignité qui est inaliénable ;
- viol défini non seulement par la pénétration sexuelles de quelque nature qu’il soit, sur la personne d’autrui mais du corps de l’agresseur par la victime (pénétration passive : fellation sur la victime) ; et introduction de l’inceste dans la définition de l’infraction de viol ;
- extension des circonstances aggravantes « par partenaire ou ex-partenaire » et « par personne ayant des liens familiaux et/ou vivant communément dans le foyer de la victime » ;
- formation obligatoire des médecins des Unités médico-judiciaires, des experts psychiatres et des experts psychologues en psychotraumatologie.
VIII - Sécuriser les procédures judiciaires :
82% des victimes de violences sexuelles ayant porté plainte estiment ne pas avoir été protégées, 77% ont mal vécu les procédures judiciaires, 89% ont mal vécu le procès, et les procédures ont augmenté significativement les risques suicidaires (IVSEA, 2015)
- protection impérative des victimes par rapport à leurs agresseurs, la convention européenne dite d’Istanbul demande expressément que des dispositions soient mises en place pour « protéger les victimes, notamment en empêchant que les intéressés soient encore davantage traumatisés au contact de l’auteur allégué de l’infraction dans les locaux des services menant l’enquête. Ces dispositions s’appliquent à toutes les étapes de la procédure pénale avec une obligation de veiller à ce que les victimes soient en mesure de témoigner sans être physiquement présentes dans le prétoire, ou du moins sans que l’auteur présumé de l’infraction ne soit présent
- accompagnement des victimes - y compris et surtout des enfants - tout au long des procédures – y compris pendant les auditions - d’un avocat, d’un soignant, d’un proche, d’une association, et de toute autre personne de leur choix ;
- information des victimes sur les procédures et sur leurs droits, leur volonté devant être respectée ;
- protection impérative de la santé des victimes avec un accès à un soutien et à des soins, non-exposition des victimes à des procédures traumatisantes et à des confrontations avec leurs agresseurs réactivant leurs traumas, les magistrats doivent se réfèrer à des professionnels de la santé spécialisés et formés à évaluer les troubles psychotraumatiques de la victime, ceux-ci ne doit pas être interprétés comme une maladie psychiatrique ou comme une absence de traumatisme (état dissociatif) ;
- protection et prise en charge des proches et des témoins, particulièrement des mères protectrices qui ne doivent pas être considérées comme aliénantes (le syndrome d’aliénation parentale utilisé pour mettre en cause les mère n’ayant aucune validité scientifique) et des professionnels qui signalent des violences sexuelles, ainsi que des des lanceurs d’alerte ;
- dans le cadre de viols conjugaux et de viols incestueux les enfants doivent impérativement être protégés de l’agresseur ;
- interdiction effective des médiations pénales et moratoire par rapport à la justice restaurative qui doit faire la preuve de son absence d’impact traumatique sur la santé et la sécurité des victimes.
Aux termes du droit international, l’Etat peut être tenu responsables d’actes de violence sexuelle perpétrés par des particuliers s’ils ont manqué à leur obligation d’empêcher ces actes ou de protéger les victimes. S’il peut être démontré que les autorités de l’Etat ont une conduite passive ou discriminatoire de manière constante, alors l’Etat peut être pris à partie. Un acte illégal qui viole les droits humains et qui est perpétré par un individu peut conduire à engager la responsabilité de l’Etat, non pas à cause de l’acte en lui-même, mais à cause de l’absence de mesures pour empêcher cette violation ou du manque de réaction des autorités. Les Etats sont soumis à l’obligation de protéger toutes les personnes contre des violations des droits humains (notamment le viol et autres formes de violence sexuelle). Cette obligation s’applique, qu’il s’agisse d’actes perpétrés par des individus agissant en leur qualité de fonctionnaires, en dehors du cadre de cette fonction ou à titre privé. Un tel devoir est aussi connue assorti d’une obligation d’agir avec la diligence nécessaire.
Paris, le 20 octobre 2017
Dre Muriel Salmona, psychiatre,
présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
STOP À L’IMPUNITÉ DES CRIMINELS SEXUELS
Pétitions à signer :
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 22 000 signatures : Droit d'être soignées et protégées pour toutes les victimes de violences sexuelles ! http://www.mesopinions.com/petition/sante/droit-etre-soignees-protegees-toutes-victimes/14001
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 23 000 signatures : Pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
Pour lire le Manifeste pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
Pétition de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie qui a reçu plus de 34700 signatures : Stop aux violences faites aux enfants
Pour lire le Manifeste stop aux violences faites aux enfants :
Pour en savoir plus sur la culture du viol et les mythes sur le viol :
À lire et consulter sur la culture du viol et les violences sexuelles l’excellent blog féministe : Sexisme et Sciences humaines http://antisexisme.net et ses articles très documentés sur les : Mythes sur les viols.
À lire POUR EN FINIR AVEC LE DÉNI ET LA CULTURE DU VIOL en 12 points article de Muriel Salmona de 2016 réactualisé en 2017 sur le blog stopauxviolences.blogstop.fr : https://stopauxviolences.blogspot.fr/2017/03/pour-en-finir-avec-le-deni-et-la.html
À lire également Le livre noir des violences sexuelles de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.et Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
En quoi connaître l’impact psychotraumatique des viols et des violences sexuelles est-il nécessaire pour mieux lutter contre le déni, la loi du silence et la culture du viol, pour mieux protéger les victimes et pour que leurs droits soient mieux respectés ? de Muriel Salmona 2016 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/2016-Necessaire-connaissance-de-limpact-psychotraumatique-chez-les-victimes-de-viols.pdf
Ces viols que les Français ne sauraient voir : ce déni alimente la honte des victimes de Laure Salmona mars 2016 : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1490893-ces-viols-que-les-francais-ne-sauraient-voir-ce-deni-alimente-la-honte-des-victimes.html
JUSTICE, VOUS AVEZ DIT JUSTICE ? de Muriel Salmona, 2017 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20170321-lettre_ouverte_viol_en_re%CC%81union.pdf
La victime c’est la coupable de Muriel Salmona, 2011 téléchargeable sur le site : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/La_victime_c_est_la_coupable_4_septembre_2011_Muriel_Salmona.pdf
Pour en savoir plus sur les violences
• Les sites de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie avec de nombreuses informations disponibles et des fiches pratiques sur les violences, leurs conséquences sur la santé, leur prise en charge, et des information sur les campagnes et les actions de l’association :
• Les blogs de la Dre Muriel Salmona :
• http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com avec une bibliographie générale
• Le Livre noir des violences sexuelles, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2013.
• Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables, de Muriel SALMONA Paris, Dunod, 2015.
• Le rapport d’enquête IVSEA Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 2015 SALMONA Laure auteure, SALMONA Muriel coordinatrice Enquête de l’association Mémoire Traumatique et victimologie avec le soutien de l’UNICEF France dans le cadre de sa campagne #ENDViolence (téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org
• L’enquête Les français-e-s et les représentations du viol et des violences sexuelles, 2016 conduite par IPSOS pour l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, SALMONA Muriel, directrice et SALMONA Laure coordinatrice et auteure du rapport d’enquête et du dossier de presse téléchargeable sur les sites http://stopaudeni.com/ et http://www.memoiretraumatique.org (3)
• De nombreux articles de la Dre Muriel Salmona, ainsi que des vidéos de formation sont consultables et téléchargeables sur le site http://www.memoiretraumatique.org : http://www.memoiretraumatique.org/publications-et-outils/articles-de-la-dre-muriel-salmona.html
• Des brochures d’information éditées par l’association, sur les conséquences des violences sur la santé à destination des adultes et des jeunes à télécharger sur le site http://www.memoiretraumatique.org et stopaudeni.com
• Des films témoignages Stop au déni-les sans voix de Catherine Zavlav, 2015 sur http://stopaudeni.com
Les publications et rapport de Véronique Le Goaziou : rapport final de la recherche "Les viols dans la chaîne pénale" 2016 consultable sur le site de l’ORDCS
Les viols en justice : une (in)justice de classe ? in Nouvelles Questions Féministes 2013/1 (vol.32)
et écrit avec Laurent Mucchielli : Les viols jugés aux assises : in Questions pénales CESDIP septembre 2010
Enquête CSF Contexte de la sexualité en France de 2006, Bajos N., Bozon M. et l’équipe CSF., Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère, Population & Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques), 445, mai 2008. http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1359/publi_pdf1_pop_soc445.pdf
consultez la lettre de l’observatoire des violences faites aux femmes publiées sur le site gouvernemental stop-violences-femmes.gouv.fr pour les chiffres sur les violences sexuelles : http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/lettre_ONVF_-_no_6_-_mai_2015_-_violences_et_sante.pdf
Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ONDRP– Rapport annuel sur la criminalité en France – 2015 :
Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du 93 et le TGI de Bobigny
et sur la déqualification des viols un site à consulter : La correctionnalisation du viol : la négation d'un crime https://lacorrectionnalisationduviol.wordpress.com
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