POUR UNE IMPRESCRIPTIBILITÉ DES
CRIMES SEXUELS
Dans le cadre du Manifeste pour une imprescriptibilité des crimes sexuels
et de sa pétition
Témoignage de Corine
Moi, Corine, 50 ans, j'ai été le jouet d'un pervers, pédophile, de l'âge de 12 ans et demi à 15 ans et de demi. Lui, marié et père de famille de deux adorables fillettes, connu du monde sportif où il évoluait à haut niveau, Fonctionnaire de l'Education Nationale, respecté dans le monde social, associatif, idolâtré par mes parents, bref l'homme parfait ! ...
La première fois, en fait le premier viol, c'était sur la table à langer des fillettes, un mercredi après-midi. En effet, j'étais baby-sitter, c'était mon exutoire, ma vie en un mot, mon refuge. Lui, a profité de ma naïveté, de ma jeunesse, de ma crédulité. Je l'idolâtrais, lui et sa femme, étaient un peu comme ma seconde famille. A la maison c'était l'enfer, un père alcoolique au chômage, une mère déprimée depuis toujours sous anxiolytique ... J'adorais les filles, âgées à cette époque d'environ 12-18 mois pour l'aînée, et nourrisson pour la seconde.
Ce n'était que le début d'une grande souffrance, je me sentais si seule, et personne pour me tendre la main. Comme tous les mercredis et tous les week-end, j'allais chez eux m'occuper des filles. Le samedi, c'était différent, il agissait de la sorte, à son retour dans la nuit avec sa femme. Ils revenaient tard dans la nuit, elle s'écroulait dans le salon, lui venait me voir, j'étais couchée dans leur chambre, les filles au pied du lit. Autant vous dire, qu'il lui était facile de faire de moi, ce qu'il voulait. Je ne pouvais jamais crier, juste m'abandonner, oublier le temps d'un instant que j'existais. J'appris, bien plus tard, par ma thérapeute, que cela s'appelait la sidération !
Les semaines défilaient et se ressemblaient ... Mais son apprentissage évoluait, il fallait que j'assouvisse tous ses fantasmes. Il appelait cela "leçons d'amour". Cela allait de la masturbation, à la fellation, et le "must" la sodomisation. Jusqu'au jour, où je m'aperçu, que j'étais enceinte, à l'aube de mes 14 ans, décembre 1979, sonne le glas ! ... Bien évidemment, j'ai subi, seule, un avortement en janvier 1980. Seule, abandonnée, je ne compris pas un instant ce qui m'arrivait ...
Lundi 9 décembre 2013, fin de la sidération, bonjour la réalité, dirai-je l'horreur, les souvenirs remontent, que m'arrive-t-il ? Je ne comprends pas. Tout ce temps, ces dernières 35 longues années, je n'avais rien oublié, mais je n'avais ressenti aucune émotion, à l'encontre de ce type, ou de mes parents, cette ignoble tragédie me semblait normale, juste un accident de parcours. Mais tout de même ce jour là, j'ai tenté de mettre fin à mes jours, car ces souvenirs qui remontaient, m'étaient insupportables, c'est ce que l'on appelle la mémoire traumatique.
J'ai commencé à mettre des mots, sur mon histoire, par l'intermédiaire dans un premier temps du CIDFF, et dans un second temps, de formidables personnes qui m'ont tendues la main. J'ai pu alors rencontrer ma thérapeute. Je travaille sur mes souvenirs terribles depuis septembre 2014.
Mais, ce qui me manquera toujours, c'est de n'avoir pu déposer plainte contre mon agresseur, qui aujourd'hui, libre, âgé de 71 ans, vit aisément en Afrique, dans son pays, depuis 1987. Il a pu y mener une carrière politique, sportive de haut niveau, sans y être inquiété. Il est même reconnu comme une personnalité ayant des qualités humaines exceptionnelles... Certains l'ont même comparé, à Nelson Mandela !
Pourquoi, lui s'en est-il si bien sorti ? Alors, que moi, âgée de 50 ans, je suis toujours dans le combat de cette reconstruction qui n'en finit pas !
Qui se préoccupe, de savoir ce que deviennent les victimes, les enfants, violés, torturés, non reconnus, et pour qui leur seule survie, est le combat quotidien, d'essayer de ne pas sombrer.
Depuis deux années, je dois faire face, à ces terribles flashbacks, qui me hantent, et qui perturbent tous mes repères. Ma thérapeute me répète souvent, et notamment en ce moment, que je suis colonisée par les violences subies, celles de mon passé douloureux, de la "Petite Corine" abandonnée. Et ces violences, j'estime être en droit, de vous les reprocher, Mesdames et Messieurs, vous qui avez à décider sur l'imprescriptibilité, des violences sexuelles et délits sexuels, que nous avons subis enfants.
En effet, je m'explique, si j'avais pu engager un recours contre mon agresseur, depuis septembre 2014, je pense que je ne serai pas tombée dans les travers d'un autre pervers cet été. Presque 12 heures de violences sexuelles, sans pouvoir dire non, car de suite sidérée. Fin septembre dernier, la sidération cède, je tente de mettre fin à mes jours, je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas partie, pourquoi je n'ai pas dit "STOP", j'ai terriblement honte, car je connais cet individu, j'avais confiance en lui. Il a abusé, de ma fragilité, il m'a choisie, et non par hasard ! ...
Depuis, je n'arrive plus à sortir de ma "bulle", je suis colonisée par toutes ces violences, celles de mon enfance, et celles que je viens de subir en Août dernier. Je suis à la fois, une enfant et une adulte qui gît dans le même corps. Souvent, repliée sur moi-même, je souffre et je suis désespérée. Qui, va pouvoir un jour entendre, et comprendre combien je suis anéantie.
La prescription, est pour moi et bien d'autres victimes, une double peine, à laquelle il nous est difficile d'être reconnus comme faisant partie intégrante de la société française, puisque nous en sommes exclus, car nous ne pouvons plus porter plainte.
Aujourd'hui, la Justice Française, m'a condamnée depuis mes 38 ans, au silence absolu. Par le simple fait, d'énoncer le nom publiquement de mon agresseur, je deviendrai non plus victime, mais coupable. C'est ce que l'on appelle la "diffamation".
Je réclame donc, l'imprescriptibilité pour les crimes sexuels et tous les délits sexuels avec circonstances aggravantes.
Corine
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