mardi 15 avril 2014

Nouvel tribune de la Dre Muriel Sallmona sélectionnée dans le plus du Nouvel Obs le 15 avril 2014 : Docu sur "L'École en bateau": cette atroce affaire de pédophilie doit nous faire réfléchir














LE PLUS. Le 22 mars, le fondateur de l'école en bateau, un projet pédagogique pour enfants, a été condamné à 12 ans de prison. Pendant des années, lui et ses équipiers avaient violé des mineurs qui étaient sous sa responsabilité. Ce mardi soir, un documentaire réalisé par une des victimes revient sur cette histoire. Muriel Salmona, psychiatre, participera au débat qui suivra sur France 5.






Muriel Salmonapsychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie ,

édité par Hélène Decommer
Auteur parrainé par Elsa Vigoureux le  15 avril  2014


Dans son émission "Le monde en face" du 15 avril 2014, France 5 présente un remarquable documentaire : "L’école en bateau : l'enfance sabordée" de Laurent Esnaut et de Rejane Varrod, suivi d’un débat animé par Carole Gaessler auquel je participe.

Ce documentaire donne la parole à six des victimes du procès en cour d’assise de Léonide Kameneff. Cet ancien instituteur et psychologue, fondateur de "l’école en bateau" a été jugé avec trois autres adultes pour viols, tentatives de viols et agressions sexuelles sur neuf enfants, et reconnu coupable et condamné à 12 ans de réclusion criminelle.

Pendant plus de 30 ans, l’école en bateau fut une expérience de pédagogie alternative prônant l’émancipation des enfants pour les faire vivre "comme des adultes" en les embarquant sur un bateau pour au moins un an. Elle rencontra beaucoup de succès, mais le rêve proposé se révéla un enfer pour beaucoup d’enfants.

Une affaire emblématique

Laurent Esnault, réalisateur du documentaire et lui-même une des victimes, cherche de façon sensible et juste à comprendre pourquoi le silence et la culpabilité ont empêché si longtemps les enfants de dénoncer leurs agresseurs. Il dresse également le constat des ravages causés par les violences sexuelles dans les vies des victimes.

L’affaire de l’école en bateau est emblématique pour de multiples raisons :

- La loi du silence et le déni d’une société qui a laissé de 1969 à 2002 des enfants subir des crimes en toute impunité, sans que personne ne s’en rende compte, n’intervienne pour que cela cesse, ni ne fasse de liens entre leur souffrance, leurs idées suicidaires, leur estime de soi détruite, et des violences qu’ils auraient pu subir, et qui les a laissé survivre seul-e-s [1].

- La difficulté incroyable de la justice à prendre en compte la gravité des faits et à agir, malgré une première plainte en 1994 qui a fait l’objet d’un non-lieu. Il aura fallu 19 années dont huit de procédures judiciaires (avec la reconnaissance d’un déni de justice en 2002) et de nombreuses plaintes qui se sont accumulées pour qu’enfin un procès d’assise ait lieu en mars 2013.

- L’injustice de la prescription, qui est de 10 ans ou de 20 ans après la majorité de la victime [2]. L’enquête a révélé que plus d’une quarantaine d’enfants au minimum ont été victimes (en tout 400 enfants de plus de 9 ans ont participé à cette "aventure"), seules neuf des victimes ont pu avoir accès à la justice, les autres n’ont pu qu’être témoins lors du procès.

Les terribles chiffres des violences sexuelles sur enfants

Faut-il rappeler la réalité des violences sexuelles que subissent les enfants ?

Les chiffres sont effarants : de 15 à 20% des enfants ont subi des violences sexuelles, et la majorité des viols et des tentatives de viols sont commis sur des mineurs (59% pour les fille et 67% pour les garçons), ces pourcentages rapportés aux études de victimation donnent les chiffres vertigineux de 120.000 filles et 22.000 garçons victimes de viols et de tentatives de viol par an ! Soit un enfant toutes les trois minutes !

Tout aussi saisissants sont les chiffres donnés par le questionnaire d’évaluation sur le parcours des victimes des violences sexuelles que mon association a lancé début mars (la campagne Stop au déni). Sur les 450 réponses déjà obtenues, 67% des violences sexuelles ont été subies en tant que mineur-e-s principalement dans la famille, l’entourage proche et dans le cadre des activités scolaires et para-scolaires, et dans 45% avant 8 ans. Pour la plupart, ces violences sexuelles ont démarré très tôt et ont duré de nombreuses années.

Une arme pour réduire en esclavage

S’il fallait encore une fois le clamer, il ne s’agit pas de sexualité, mais de l’exercice d’un pouvoir de destruction dans le cadre d’un rapport de force et de domination, ce qui explique que les violences sexuelles soient avant tout commises sur les femmes et sur les personnes les plus vulnérables et les plus dépendantes comme les enfants et les personnes handicapées [3].

Les violences sexuelles sont utilisées comme une arme hyper efficace (utilisées également dans le cadre des tortures, des crimes de guerre et contre l’humanité) pour détruire, nier la dignité et les droits d’une personne, la posséder et la réduire à une situation d’esclave sur laquelle l’agresseur a tout pouvoir et qu’il peut consommer.

L’alibi de la sexualité, du désir sexuel, de l’amour, de la tendresse, de l’éducation – comme a pu l’utiliser pour sa défense Léonide Kameneff – est une mystification très efficace qui permet de s’assurer une impunité quasi parfaite pendant de longues années (avec la mise en place des stratégies de prédation très élaborées), et d’invoquer la prétendue responsabilité ou complicité de la victime.

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