lundi 7 mars 2011

Entretien avec la Dre Muriel Salmona dans Clara Magazine du mois de mars 2011


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Questions :

Quel est votre regard de professionnelle sur la question des aidants sexuels pour personnes en situation de handicap ?


J'y suis totalement opposée. La sexualité n'est ni un métier, ni une marchandise, ni un service para médical, ni un droit comme nous l'écrivions avec Maudy Piot de FDFA.

S'il est essentiel de progresser dans le respect des droits fondamentaux des personnes handicapées à accéder à une vie citoyenne, à l'autonomie, à la sécurité, à des soins de qualité, à l'intimité, à la rencontre, à une vie sans violences, la sexualité qui est basée sur des notions de réciprocité et d'échanges, ne peut pas être un droit à partir du moment où elle imposerait qu'une tierce personne soit rémunérée, et donc

que la sexualité de cette personne soit instrumentalisée au bénéfice d'une autre personne.


Sur les forums de discussion sur internet, de nombreuses personnes disent ceci : « les personnes handicapées ont aussi des besoins sexuels. Ces personnes doivent pouvoir assouvir leurs besoins! ».

Qu’est-ce qu’un besoin sexuel ? Peut-on objectivement le définir ?


Il n'y a pas de besoin sexuel au sens de besoin vital qui nécessiterait d'être assouvi. Soit on parle de désir et de sexualité qui impliquent un libre échange de deux personnes s'étant choisies en toute réciprocité pour se découvrir, s'aimer et se donner du plaisir et du bonheur, personnes non interchangeables car il s'agit d'une véritable rencontre faite de respect et de liens affectifs. Soit on parle d'une excitation sexuelle compulsive qui est une conduite addictive à une sexualité violente et prédatrice, instrumentalisant autrui comme un fusible ou un médicament pour éteindre à tout prix, en l'anesthésiant, une tension psychique et génitale pénible (liée à une mémoire traumatique de violences subies ou dont on a été témoin**).

Il y a une confusion grave entre désir authentique, non-violent et respectueux de l'autre par définition, et excitation douloureuse avec compulsion à vivre une situation stressante (transgressive, agressive, dominatrice, dégradante) qui sera dissociante et anesthésiante, une confusion également entre une réelle jouissance orgasmique partagée et épanouissante et un soulagement brutal lié à une disjonction (un shoot de drogues libérés par le cerveau en cas de stress extrême) produisant une anesthésie émotionnelle.

Et c'est ne pas respecter la personne handicapée que de ne pas considérer comme réalisable son aspiration légitime à une rencontre amoureuse et à une sexualité d'échange et de rencontre partagées, et de lui proposer à la place une sexualité prostitutionnelle.

Et comment s'assurer du consentement éclairé de la personne handicapée à ces actes sexuels qui lui seront proposés, le degré de son handicap et la méconnaissance de son anatomie et de la sexualité dans de nombreuses situations ne lui permettront pas de pouvoir librement refuser une décision prise par la famille ou une équipe, décision dictée plus pour leur propre confort que dans l'intérêt de la personne handicapée (pour calmer transitoirement des symptomes sexuels trop "bruyants" et génants en les anesthésiant, sans en rechercher la cause qui est le plus souvant d'origine traumatique, ce qui aura pour effet de les aggraver).


Faites-vous le lien entre aidants sexuels et prostitution ? si oui pouvez-vous l’expliquer ?

Un contact sexuel rémunéré est la définition même de la prostitution. La France est un pays abolitionniste qui refuse toute réglementation de la prostitution et qui reconnaît avec la convention des Nations Unies de 1949 que la prostitution et la traite sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine.

Le risque est grand aussi de recruter des aidants sexuels, particulièrement des hommes, en position perverse qui pourront exercer des violences sexuelles sur les personnes handicapées vulnérables en toute impunité. Les personnes handicapées, en grande majorité les femmes, subissent déjà très fréquemment des violences sexuelles (au moins trois fois plus que les femmes non handicapées), l'urgence est de les protéger, non de les exposer encore plus.

Instrumentaliser sexuellement une personne est une des violences les plus graves et les plus traumatisantes. Il est illusoire et criminel de penser que l'on pourra contrôler et empêcher de très graves violences sexuelles si l’on autorise une assistance sexuelle aux personnes handicapées.


** pour en savoir plus page sur les violences sexuelles sur le site memoiretraumatique.org



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